Retour sur les ‘images libres’

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À Lyon, c’est Sans fin la fête

    En 2015, alors que le CRILJ fêtait son 50e anniversaire avec un colloque dont les intervenants avaient pour consigne de se retourner sur diverses évolutions de la littérature pour la jeunesse depuis 1965, ma contribution fut de raconter l’histoire de l’irruption des livres d’Harlin Quist dans le paysage éditorial d’alors et la durable influence des illustrateurs que ce projet portait. (1)

    Car ses instigateurs, les éditeurs Harlin Quist et François Ruy-Vidal, refusant de s’adresser à des professionnels de l’enfance, permirent à une toute nouvelle génération d’artistes de proposer leurs images. À travers la SARL Les livres d’Harlin Quist tout d’abord puis ensuite (1973) le label Encore un livre d’Harlin Quist ou la création d’un département jeunesse aux éditions Grasset, on découvre ces signatures alors inédites dans l’édition mais que nous connaissons tous très bien aujourd’hui: Nicole Claveloux, Henri Galeron, Guy Billout, Etienne Delessert, Tina Mercié, France de Ranchin, Patrick Couratin ou Danièle Bour pour n’en citer qu’une infime partie. Bien entendu ce n’était là que la première étape de carrières d’illustrateurs qui allaient toucher aborder bien des rivages, éditoriaux ou non, hexagonaux ou transatlantiques.

    Et cette histoire fait probablement suffisamment écho avec notre époque – ou du moins ses aspirations – pour que l’on me demande de la raconter à nouveau, de Bron à Bruxelles, en passant par Montreuil et Albarracín. Il y a un peu plus de trois ans, suite à d’instructifs échanges épistolaires avec François Ruy-Vidal, je décidai de développer le sujet et de proposer simultanément un livre aux éditions MeMo et une exposition à la bibliothèque municipale de Lyon, deux structures suffisamment aventureuses pour que l’idée soit accueillie avec enthousiasme. Avec l’appui de leurs équipes, celles d’acteurs de cette épopée picturale et néanmoins littéraire, du fonds patrimonial de l’Heure joyeuse et du musée de l’Illustration jeunesse de Moulins, j’ai pu mener ces deux chantiers qui arrivent ces jours-ci à leur terme.

    C’est en effet le jeudi 3 février que paraît en librairie Les images libres : dessiner pour l’enfant entre 1966 et 1986 dans la collection « Monographies » des éditions MeMo et, samedi 22 janvier, nous inaugurerons l’exposition Sans fin la fête : les années pop de l’illustration à la bibliothèque de la Part-Dieu à Lyon (merci à Étienne Delessert pour son titre). On y observe le parcours de ces illustrateurs et illustratrices dans ces projets richement illustrés d’albums, bien sûr, mais aussi de dessins originaux, certains inédits, de documents d’archives, de maquettes, etc. Des premières images sous influence pop à l’illustration des grands classiques en passant par le renouvellement esthétique de la presse pour enfants, c’est un panorama large mais j’ai souhaité cohérent. J’y croise par ailleurs les approches historiques et thématiques: on découvre les précurseurs du mouvement, on observe les allers et retours entre New York et Paris, on apprécie l’influence de ces artistes en dehors du champ de l’enfance ou l’importance nouvelle accordée à ce champ au sein de la société d’alors.

    L’exposition reste ouverte jusqu’au 25 juin et, pour celles et ceux que cela intéresserait, j’y mènerai des visites les samedis 12 février, 2 avril et 11 juin.

( Loïc Boyer – janvier 2022 )

(1) « La Galaxie Harlin Quist brille encore ou l’histoire d’une génération de graphistes et d’illustrateurs » dans le numéro 7 des Cahiers du CRILJ (novembre 2017)

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Loïc Boyer est diplômé de l’UFR d’arts plastiques de l’université Paris 1/Sorbonne ; designer graphique à Orléans, chercheur associé au laboratoire InTRu (Interactions, transferts, ruptures artistiques et culturelles) de l’université de Tours, il fut illustrateur à Paris, éditeur de fanzines à Rouen et coincé dans la neige à Vesoul ; il dirige une collection d’albums pour enfants aux éditions Didier Jeunesse dédiée à la publication de titres anciens méconnus en France ; il a fondé Cligne Cligne magazine, publication en ligne consacrée au dessin pour la jeunesse dans toutes ses formes ; article récent : « Rétrographismes : les albums retraduits sont-ils formellement réactionnaires ? » paru dans La retraduction en littérature de jeunesse (Peter Lang, 2013) ; à paraitre le 3 février 2022 : Les Images libres, dessiner pour l’enfant entre 1966 et 1986 (MeMo 2022).

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. Sans fin la fête, les années pop de l’illustration, exposition à la bibliothèque de la Part-Dieu, 30 boulevard Vivier-Merle à Lyon (Rhône), du mardi 18 janvier au samedi 25 juin 2022 ; ouverte du mardi au vendredi de 10 heures à 19 heures  et le samedi de 10 heures à 18 heures . L’entrée y est libre.

. Les Images libres, dessiner pour l’enfant entre 1966 et 1986, Loïc Boyer, éditions MeMo 2022, collection « Les monographies », 228 pages, 35,00 pages.

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photos : Loïc Boyer – hormis la couverture du livre.

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Voir aussi ici.

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Ilié Prépéleac

 

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Jeune maison d’édition, Le Cosmographe (1) organise des rencontres entre des cultures, des langages et des artistes. Dans les parutions de ce début d’année figure Ilié Prépéleac  de Nora Letca et Aglaé Rochette.

     Un récit en deux parties disposées tête-bêche dans un grand album richement illustré. Sur chaque côté de la couverture, l’un à dominante bleue, l’autre jaune, flottent deux poissons baudruches. Nora Letca (au texte) et Aglaé Rochette (à l’image) propulsent un récit organique dans un monde de désordres et de cristallisations strié de moiteurs étouffantes et de bourrasques glaciales. Là, toute parcelle vivante (humaine, chimérique, animale, végétale) s’autogénère et régénère le tout dans une sorte de soupe cosmique défiant les sensations les plus extravagantes. Pour profiter de cette lecture, il est recommandé d’accepter le chaos même s’il n’est pas superflu de savoir se cramponner.  Entre l’un et le multiple, le simple et le complexe la première partie traite d’un étrange phénomène advenu quelque part entre Ciel et Terre : La disparition de Sofia Onéga.

Sur aucune carte, hors des calendriers…

    Dans un décor transhistorique (ruines antiques, village rural, usine aux toits en dents de scie, tours futuristes, viaducs ferroviaires, tarmacs pour frégates fabuleuses) surgit la ville fermée de Panoï. Cette cité, qui ne figure sur aucune carte, est régie par une société matriarcale occulte (direction, administration et patronne anonymes, Institut International de Voyance Céleste, frontières interdites, caméras de surveillance, sentinelles endormies). Le nom du héros (2), les origines roumaines de l’auteure, la toponymie (Moïseï, lac Ïezer, Siméria…), les vêtements des grand-mères nommées babas (longues jupes, foulards aux motifs fleuris) le mobilier (poêle en faïence, tapis brodés) tout respire la Transylvanie et ses légendes métissées. La narratrice (dont le nom coïncide avec celui de l’auteure) décrit, dans la première partie, une ville repliée tirant ses ressources du fer et des fleurs et, dans la seconde partie, l’odyssée de son ami, Ilié Prépéleac (3), seul homme de la ville, parti à la recherche de sa bien-aimée, Sofia Onéga, fleuriste d’un genre peu banal : élevée par des flamants roses dont elle possède la grâce, elle exerce son métier à bord du tramway aérien portant le numéro 1113. La narratrice, qui possède un passé fabuleux (descendante d’une grand-mère ouze, disparue lors de la première course à la voile en solitaire, restituée à sa communauté par des oiseaux migrateurs), parle du monde comme d’un chaudron galactique observé à travers la lucarne illégalement percée sur la façade orientale de sa maison.

… portrait d’une ville effervescente

    La féminité dominante est représentée par l’activité artisanale (poterie, filage, tissage), l’oralité (prédictions, contes) et la reproduction. La vie surgit à la moindre opportunité (un décès, une chaleur étouffante, des matières lumineuses en suspension) : les jeunes filles sortent de la chevelure des vieilles disparues, les planètes pondent des œufs et la floraison des tourne-lunes, fleurs emblématiques de la ville, accélère la germination des salicaires et du Caille-lait blanc, plantes frauduleusement importées de autre côté de la frontière interdite et semées à tous vents, sur le toit des immeubles. Mais les femmes de Panoï sont aussi des scientifiques qui étudient, au sein de l’Institut de Voyance Céleste, la météorologie, l’astronomie, l’astrophysique. Alors que la gravitation baisse, que la pesanteur faiblit, que les êtres sont en lévitation, Ilié Prépéleac découvre une nouvelle planète, enceinte (Hamler 1113). Le langage se met sous pilotage automatique (on baye aux corneilles, on avale des couleuvres), une prophétie s’empare de la ville de Panoï (« L’ombre tombera sur la ville et le ciel germera. Alors le haut sera le bas, le début sera la fin et viendront les jours heureux. ») et Sofia Onéga se dissout dans l’espace.

    Sous un ciel sans point de fuite, le sol pivote et le regard du lecteur est emporté par une force centrifuge dans un tourbillon de lucioles. Des rayons fluorescents repoussent le décor au-delà du bord supérieur de la page, entraînant Ilié Prépéleac vers un ailleurs inexploré, vers sa bien-aimée. Le récit est désormais « dit » par le voyageur (pensées, journal de bord) et par une fileuse (Baba Sorica de l’Institut) dont les prédictions tiennent lieu de péripétie. Absorbé par des rayons cosmiques, Prépéleac, chute cul par-dessus tête de l’autre côté des champs de Tourne-lunes (seconde partie).

A travers les légendes…

    Echoué sur un lit d’ouate, il rencontre baba Sorica, la fileuse d’écumes de Moïseï, un village météore creusé à flanc de baleine et suspendu dans le ciel comme un de ces monastères grecs auxquels on accède par des escaliers. Au ronronnement du rouet et du poêle, la vieille au visage de banquise déroule un de ces périples légendaires attribué aux hommes en mal de destin.  Les préparatifs, classiques, prévoient une monture mythique (hippocampe nourri de charbons ardents), des victuailles magiques (vinaigre d’ortie, graines de cameline) et une assistance surnaturelle (méduse en guise de torche). Insensiblement l’univers se dédouble (est-on encore dans le récit ou déjà dans l’action) et, par réverbérations, le passé revient dans le présent, le présent recycle le passé pour se régénérer. Avancer consiste à se débarrasser de la nostalgie (« ne pas rester captif entre deux mondes »), à traverser un univers échevelé guidé par les voix des conteuses du basmé. (4) Dans un décor en fusion, des lieux fabuleux balisent la quête (village de jeunes filles endormies, caravansérail des Princes du Levant, phare éteint depuis que la lune a été volée…) :  on y croise un bestiaire enchanté (rossignol à flancs roux, cerf aux cornes serties de gemme, truie bleue, éléphant ensorcelé, poisson ailé ou oiseau amphibie), un robot humanoïde, une fée aux cheveux bleus… tout un microcosme issu  des romans de chevalerie et des contes des Mille et une nuits. C’est au lac Ïezer que la chevauchée s’achève, tous les éléments du conte s’effaçant pour laisser place à un jeune centaure ailé fixant fièrement son avenir. Comme métaux en fusion, les corps d’Ilié et de Sofia s’amalgament soudainement : chacun a réalisé un trajet parallèle à travers les reflets interstellaires pour retrouver l’autre. Leur course se termine sur la place d’un marché estival en train de plier bagages.

… l’humanisation du monde

    Intégralement voué au cosmos (hydrogène ionisé, gaz, constellations), le texte vibre d’anciennes légendes : du dieu Vishnou métamorphosé en tortue géante, à Gaïa la déesse mère, de l’œuf cosmique (atome primitif) à la soupe primordiale tout n’est qu’incandescence, combustion, alliage, autant de phénomènes rendus par un assaut de lumières (venues des fenêtres, des lampadaires, des graminées luisantes) et de métamorphoses (de la lune à l’œuf, de l’œuf à la « créature » informe, des 1113 babas pionnières réincarnées dans les 1113 œufs de la planète Hamler). Tandis que le récit avance d’éblouissements en nébulosité, les images, radieuses, installent des ondes jaunes et bleues comme une basse continue : oscillations, sinuosités, irisations. Le texte opère de fréquents décrochements (humour, trivialité) quand l’illustration multiplie les élans, les éclats, les énigmes, l’ensemble charriant le lecteur dans un univers chaotique.  Telles deux forgeronnes, l’auteure et l’illustratrice arrachent leur conte à un terreau opaque, réel et mythique, telles des pépiniéristes elles composent des bouquets avec les savoirs et les croyances œuvrés depuis la nuit des temps pour résoudre l’énigme du vivant. Chaque mot, chaque couleur est une cellule vivante approchant la genèse ignorée du monde.

    Que peuvent toutes nos légendes et tous nos connaissances quand nous errons comme des nomades assoiffés entre l’origine perdue et la fin qui se dérobe ? Tendu par une force magnétique, cet album plonge ses racines dans le socle immémorial des premières fables (5) tandis qu’une force cosmique l’aspire vers l’encore « indévoilé ». Comme des satellites, nos illusions et nos vérités tournent sur l’écran infini d’un univers en expansion. Quelles peuvent être nos certitudes lorsque les planètes, comme nous, naissent et meurent ? Guidé par une écharpe jaune et un parfum d’oignon sauvage, Ilié et Sofia font de la quête amoureuse l’unité du livre et, peut-être, la seule évidence de la vie. Nora Letca a fréquenté, avec sa grand-mère, les esprits des contes roumains après quoi, elle a fait des études d’astrophysique : l’alchimie entre les deux est magistrale et souvent drôle.  Mais comment l’illustratrice a-t-elle fait pour extraire de cet univers en constants retournements un objet si homogène, si imprévisible et si sublime ? Ce n’est pas le héros qui nous le dira : à la fin de l’album, il dort comme un loir. Est-il jamais parti ? A-t-il jamais existé ? Comment sortons-nous de ce songe aussi métallique que fleuri ? Éblouis mais pas aveuglés.

par Yvanne Chenouf – février 2020

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(1) contact@lecosmographe.fr

(2) Prépéleac, dérivé du Slave, désigne au sens propre, un poteau, chargé de clous ou de branches transversales, placé devant les maisons pour y suspendre des pots ou y tasser le foin pour faire des meules Au sens figuré, c’est une hutte de branchages servant d’abri aux gardiens qui surveillent les propriétés dans les champs.

(3) ce nombre désigne aussi les sorcières

(4) récits qui rapportent des faits irréels : Conte et tradition orale en Roumanie, Franck Alvarez-Pereyre, SELAF, 1976

(5) « Littérature orale roumaine » : voir ici.

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Yvanne Chenouf, enseignante et chercheuse, a travaillé vingt ans à l’Institut national de la recherche pédagogique dans l’équipe de Jean Foucambert et a enseigné en tant que professeur de français à l’IUFM de Créteil ; elle fut présidente de l’Association française pour la lecture (AFL) ; conférencière infatigable, adepte des « lectures expertes », elle a publié de nombreux articles et ouvrages personnels et collectifs à propos de lecture et de livres pour la jeunesse dont Lire Claude Ponti encore et encore (Être, 2006), et Aux petits enfants les grands livres (AFL, 2007) ; elle est à l’origine d’une collection de films réalisés par Jean-Christophe Ribot qui donnent à voir des élèves de tout niveau aux prises avec des ouvrages signés Rascal et Stéphane Girel, François Place, Claude Ponti, Philippe Corentin, Jacques Roubaud ; article récent : « L’intelligence heureuse ou le parti d’en rire » (site du CRILJ, 2018).

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Le pique-fleur I (Picaflor ou Colibri)

Le feu s’échappa emporté

par un mouvement d’or

qui le maintint suspendu

fugace, immobile, fibrillant :

vibration érectile, éclat de métal

pétale de météores.a

Il allait, volant sans voler

concentrant le soleil infime

en hélicoptère de miel,

en syllabe d’émeraude

qui de fleur en fleur dissémine

l’identité de l’arc-en-ciel.a

De ses deux ailes invisibles

il secoue un tournesol

sanctuaire de soie somptueuse

et le plus minuscule éclair

brûle dans son incandescence,

statique et vertigineux.

Pablo Neruda

Françoise Mateu (1947-2018)

 

Hommage à Françoise Mateu

par André Delobel

    Françoise Mateu est décédée le lundi 21 mai 2018. Elle avait 71 ans. D’abord enseignante puis assistante marketing, elle aura œuvré dans le secteur du livre pendant près de quarante ans. Libraire en librairie générale et en librairie jeunesse, elle rejoint Lise Bourquin Mercadé, en 1984, aux éditions Vif Argent, puis devient l’assistante de Suzanne Bukiet, en 1985, à la librairie internationale pour la jeunesse L’arbre à livres. Elle sera, en 1997, directrice éditoriale des éditions Syros Jeunesse et des éditions Seuil Jeunesse (où elle succéde à Jacques Binstok) de 2005 à 2011. Elle travailla également au Sorbier et chez Albin Michel.

    Lors du choix d’un texte, Françoise Mateu revendiquait à la fois exigence et subjectivité : « On doit, quand on lit un manuscrit, être touché en tant que lecteur adulte. Ensuite, beaucoup de choses entrent en compte. Est-ce la proposition d’un auteur-maison ? Et, dans ce cas, nous sommes plus indulgents. Le texte commence-t-il assez vite ? Y a-t-il une tension ? Une problématique ? Mais il n’y a pas que des questions de style et d’écriture. On doit en effet se demander, simplement, si le texte rentre dans notre catalogue. » Les auteurs qui ont travaillé avec elle (Cécile Roumiguière, Yaël Hassan, Nicole Maymat…) sont unanimes : Françoise Mateu savait prendre des risques, n’hésitant pas à publier un texte difficile parce qu’il lui plaisait et en dépit de l’incertitude commerciale. Sylvie Baussier raconte que c’est pour accueillir, chez Syros, le documentaire Petite histoire des langues que l’éditrice ajouta une nouvelle collection au catalogue.

    Peu à peu, les albums devinrent le domaine privilégié de l’éditrice. Parmi les témoignages que nous avons reçus, nous retenons (partiellement) celui de Thierry Dedieu qui eut le temps d’écrire à son amie quelques jours avant son décès : « Plus que la liste de nos publications, deux souvenirs extra-professionnels restent à jamais dans ma mémoire, le premier ce sont nos engueulades dans ton étroit bureau du Seuil, quand je « montais » à Paris. Après quelques minutes le ton « montait » lui aussi. Et les personnes dans les bureaux voisins ne se doutaient pas que ce n’était qu’un simulacre révélateur d’une grande complicité. […] Je te remercie pour ta bienveillance à mon égard et parce que personne ne m’a cerné autant que toi. » Gilles Bachelet qui croisa Françoise Mateu au Seuil parle de son enthousiasme, de sa générosité et de son étourderie légendaire. Benjamin Lacombe témoigne lui aussi : « Françoise Mateu était un de mes phares et ce phare s’est éteint. Elle était celle qui, au détour d’un salon du livre, était rentrée dans ma vie et m’avait donné ma chance pour mon premier livre jeunesse, Cerise Griotte. Nous nous étions rencontrés autour de livres et c’est de nombreux livres que nous ferions ensemble. […] Françoise était une vraie éditrice, de celles qui suivent un auteur, même pour des livres difficiles. De celles qui ne font pas de cadeau lorsque l’exigence baisse. De celles surtout qui savent réconforter, motiver et parfois aussi protéger son auteur. » Françoise venait de signer, avec Sébastien Perez, la préface de Curiosities, art-book de Benjamin Lacombe paru début mai chez Daniel Maghen.

   Impliquée, depuis la fin des années 1970, dans les activités du CRILJ, Françoise Mateu s’intéressa particulièrement aux questions de formation et il n’était pas rare de la rencontrer lors d’une journée professionnelle pour parler métier ou sur un salon du livre, assurant la médiation d’une rencontre ou d’un débat. Elle nous raconta plusieurs fois ses aventures de voyage dans le Transsibérien.

(paru dans le n° 301 (juin 2018) de La Revue des livres pour enfants consacré à Gilles Bachelet)

 

 

FLORILEGE

     « Avec la disparition de Françoise Mateu, la littérature de jeunesse perd une grande éditrice et une militante du livre. Très attentive à l’enfance, elle refusait le livre à la mode, celui qui se démode si vite. Résolument engagée, elle voulait des livres accessibles et sans sophistication, des livres authentiques, des livres compagnons, de ceux qu’on lit et relit. Ce fut son combat. Avec un vrai talent de communication, elle a découvert nombre d’auteurs et d’illustrateurs, très différents, avec lesquels elle a su établir des relations fortes. Je l’avais rencontré lors d’une de mes premières animations scolaires, il y a trente-quatre ans, dans « sa » librairie de Muret. Nous avons régulièrement travaillé ensemble et depuis sa retraite nous nous organisions des séances de travail joyeuses et libres sur mes projets d’albums. Sa fidélité, sa sincérité, ses qualités humaines rares, sa compétence, son immense courage et son histoire personnelle font d’elle une personne réellement irremplaçable. » (Claire Nadaud, auteure-illustratrice)

    « C’était une très grande dame de l’édition. J’ai adoré travailler avec Françoise Mateu chez Syros. C’est la seule et unique qui m’ait pris un manuscrit en me disant qu’il n’était absolument pas « commercial », mais qu’elle le publierait juste parce qu’elle aimait ce texte. » (Yaël Hassan, auteure)

    « Choc. Grande tristesse. Son sourire, sa bienveillante attention, son humour – parfois grinçant. Oui, j’ai aimé travailler avec elle au Seuil. Nous nous faisions mutuellement confiance. C’était un plaisir et puis on riait. Je n’arrive pas à y croire. » (Nicole Maymat, auteure, éditrice)

    « Oh mon dieu, quelle triste nouvelle ! Quel chagrin que le mien ! J’ai tant aimé travailler avec elle, tant aimé partager du temps avec elle. Quelle belle personne, quelle éditrice ! Comme je suis triste. » (Martine Delerm, auteure)

    « Chez différents éditeurs j’ai pu faire des livres très personnels, sur lesquels j’ai pu m’exprimer pleinement. Heureusement, j’ai cette chance-là. Ce qui est agréable, c’est le rapport humain. C’est quelque chose qui compte beaucoup. C’est quelque chose que j’ai eu au Seuil avec Françoise Mateu. Une fois qu’elle est partie, je n’arrivais plus à travailler au Seuil. Elle est venue avec moi et nous avons bossé ensemble chez Albin Michel. » (Benjamin Lacombe, auteur-illustrateur)

    « De vous, Françoise, je garde l’image d’un sourire amusé. La première fois que je vous ai vue, c’était à Montreuil, pendant une table ronde sur la littérature, la jeunesse et les livres. Littérature, jeunesse, livres : rois mots qui vous vont si bien. Vous représentiez l’édition dans ce qu’elle a de plus noble, vous me faisiez un peu peur, je ne me sentais pas à la hauteur. Des lunettes graphiques, colorées – rouges il me semble -, votre sourire amusé, votre assurance. Oui, une grande dame de l’édition. Sans me connaître, dans ce métier qui est aussi un commerce, vous avez accepté de publier une histoire complexe, difficile à vendre. Cela ne vous faisait pas peur. L’idée d’un beau livre à venir était essentielle à vos yeux, vous y mettiez tout votre savoir-faire. Vous voyez, Françoise, je vous vouvoie encore. Nous n’avons pas pris assez le temps de nous connaître. Tous les livres que vous avez mis au monde me parleront de vous. De chaleureuses pensées à vos proches, je sais à quel point ils comptaient pour vous. » (Cécile Roumiguière, auteure)

    « Mes rapports avec Françoise ont toujours été très chaleureux. Je sais qu’elle appréciait mon travail. Mais, mon éditeur étant Patrick Couratin, nos relations furent limités aux réunions de représentants ou de libraires. Je l’ai revue plusieurs fois après son départ du Seuil au Salon du livre pour la jeunesse de Rueil Malmaison où elle allait presque chaque année car elle habitait tout près. » (Gilles Bachelet, auteur-illustrateur)

    « Au Japon, nous nous retrouvons pour le petit déjeuner le premier matin de notre arrivée. Tu as le nez tout rouge d’un rhume attrapé à cause de la clim de l’avion, tu renifles. J’ai le front ouvert d’une plaie parce que je me suis emplafonné la porte vitrée de l’hôtel. Je coagule. Nous nous regardons. Constatons les dégâts. Éclatons de rire. La France était bien représentée. » (Thierry Dedieu, auteur-illustrateur)

    « C’était une grande éditrice, très créative et généreuse, qui faisait confiance. Elle savait faire naître un projet ou en faire évoluer un autre et elle a découvert nombre de talents. » (Caroline Drouault, éditrice)

    « Personnage haut en couleur comme en convictions, d’un milieu qui gomme parfois les aspérités, Françoise Mateu s’est retirée en 2011 sans jamais perdre de vue les créateurs qu’elle a accompagnés. Puisque l’aventure ne peut cesser quand le combat pour la lecture et la tolérance est d’actualité. » (Philippe-Jean Catinchi)

Montreuil en son Salon en 2018

 

par Loïc Boyer

    À dire vrai, je m’étais chargé d’un appareil photo pour aller à la 34e édition du Salon du livre et de la presse jeunesse dans le but de revenir avec suffisamment de matière pour faire une petite vidéo des expos. Il y a longtemps que je n’étais pas descendu au sous-sol du Palais des congrès de Montreuil pendant ma visite annuelle. Quelques années. Pourquoi ? Je ne saurais le dire, la faute peut-être aux trains qui se raréfient l’après-midi et qui me forcent à ne pas traîner si je ne veux pas rentrer trop tard, ou bien la faute à un programme peu alléchant. Quoi qu’il en soit, comme j’arrive à neuf heures et que personne n’est encore là… Ah si, André Delobel est sur son stand, qui m’interpelle et me remet quelques exemplaires de la brochure que j’ai conçue pour le CRILJ ; j’aime cette série de brochures, il faudra que je les mette sur mon site un jour.

    Je prends les escaliers pour faire un tour en bas.

    Je comprends rapidement que si je veux faire un diaporama intéressant avec ce qui est exposé là, ça va être pénible. J’écarte rapidement l’idée mais photographie tout de même ce qui mérite d’être sauvé. Les originaux d’Émile Bravo pour le dernier volume de Spirou sont intéressants. Le public présent lit ça avec attention, malgré l’absence de couleurs et malgré la verticalité. Moi, je m’attache aux traces qui disparaîtront à la reproduction : le blanc qui cache un trait, des signes au crayon bleu, les coulisses, c’est amusant.   

    Dans un autre coin il y a des originaux d’albums publiés dans la collection du Père castor: Baba Yaga par Nathalie Parain ou des projets de couvertures de Feodor Rojankovsky, également porteurs de traces discrètes mais passionnantes à mon goût.

    Mais c’est à peu près tout. Le reste est constitué d’images tirées d’illustrations contemporaines de contes de fées mais, hélas, dans une facture pompière peu engageante. Il y a beaucoup de vide à ce niveau -1 que j’ai connu plus ambitieux en termes de scénographie et de commande aux artistes. De commande il ne reste ici qu’un abécédaire collectif qui est une reprise d’un projet réalisé à l’origine pour la Foire de Francfort en 2017 et une série d’ « affiches réalisées par des illustrateurs » sur le thème de l’humanitaire et collées au fond, à droite.

    Tout ça sentait le manque d’idées et l’économie de moyens. À l’inverse les « mises en voix » (des entretiens et conférences) seront légion tout au long de la journée (et du Salon) ; peut-être tout simplement que le goût du public va aujourd’hui davantage vers ce genre de manifestation.

    J’y pense et puis croise Élise Canape, on cause de l’exposition qu’elle prépare pour le printemps à Strasbourg, au Centre de l’illustration. Un peu plus loin c’est Luc Battieuw qui traîne sur le stand Albin Michel ; nous parlons de Bruxelles, forcément.

    Je me rends alors sur le stand de Didier Jeunesse éclairé d’un Be Happy en Banco surligné d’un vrai néon où m’accueillent Amélie Naton, Michèle Moreau et Camille Goffin. La discussion porte rapidement sur Susie Morgenstern qui n’est pas tout à fait étrangère à un projet que nous mûrissons pour le printemps. Je t’en reparle plus tard…

    Après déjeuner – Little Kitchen, toujours au top  – je re-croise Élise, cette fois flanquée de Raphaël Urwiller (du duo Icinori), et la conversation porte sur le pas de côté que sont capables de faire certains éditeurs et de ce que ça leur apporte.

    Puis ce sont les retrouvailles avec mes Espagnoles préférées, Raquel Martinez, éditrice, et Josune Urrutia, illustratrice, avec lesquelles je file faire des emplettes chez Jacques Desse et Thibaut Brunessaux, à la boutique des « livres rares ». Je les mène ensuite chez Les Trois Ourses où les cartes bancaires sont encore mises à contribution. Elles achèvent de vider leur compte en banque sur le stand MeMo, lequel est constitué de panneaux blancs sur lesquels Paul Cox a peint un paysage rouge dans son atelier, avant de venir le monter ici. Le résultat est un stand qui ne ressemble à aucun autre – un pas de côté ? Bref, Christine Morault s’occupe avec attention de ces deux clientes enthousiastes que je lui ai amenées, malgré les sollicitations constantes dont elle fait l’objet.

    Enfin ce sont les adieux déchirants avec mes camarades d’outre-Pyrénées et je profite du temps qui me reste à observer attentivement les sept références du catalogue des Éditions du livre. J’ai le temps d’apercevoir Agnès Rosensthiel qui dédicace les heureuses rééditions de La Naissance, Les Filles et La Coiffure. À la distance où je me tiens j’entends plusieurs visiteuses se dire que je croyais qu’elle faisait, euh… comment, « Mimi Cracra » ? Alors, tu me connais, j’explique et je raconte à ce public improvisé.

    Il va être l’heure de partir, juste le temps de croiser Catherine Thouvenin et Jacques Vidal-Naquet, du Centre national de la littérature pour la jeunesse, et de parler donateurs et expositions et, zou, à la gare.

    C’était bien, je reviendrai.

(Orléans, décembre 2018)

 

Loïc Boyer est diplomé de l’UFR d’Arts plastiques de Paris 1/Sorbonne ; designer graphique à Orléans, il fut illustrateur à Paris, éditeur de fanzines à Rouen et coincé dans la neige à Vesoul ; il dirige une collection d’albums pour enfants aux éditions Didier Jeunesse dédiée à la publication de titres anciens méconnus en France ; il a fondé Cligne Cligne magazine, publication en ligne consacrée au dessin pour la jeunesse dans toutes ses formes ; articles récents : « Rétrographismes : les albums retraduits sont-ils formellement réactionnaires ? » paru dans La retraduction en littérature de jeunesse (Peter Lang, 2013) et « La New Typographie, cadeau de New-York aux enfants » paru dans le numéro 21 de la revue HorsCadre[s] (L’Atelier du Poisson soluble, 2017).

 

Cet article a pour origine le riche blog de Loïc Boyer que nous remercions vivement. Loïc, pas le blog.

(https://www.limprimante.com/Boyer)

 

 

Sur le chemin de l’école des loisirs

par Françoise Lagarde

     Une journée d’étude Sur le chemin de l’école des loisirs : 50 ans de création pour la jeunesse a été organisée, le mercredi 9 décembre 2015, sur le site François-Mitterrand de la Bibliothèque nationale de France (BnF) à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’école des loisirs, par le Département Littérature et art-Centre national de la littérature pour la Jeunesse de la BnF, en partenariat avec l’éditeur. Elle a permis d’interroger la politique éditoriale de cette maison qui s’est fait une place importante et particulière dans le paysage de l’édition pour la jeunesse avec ceux qui en sont les acteurs. En paroles et en images, au passé, au présent, au futur, avec ses fondateurs, grands témoins, auteurs et créateurs.

 Belle après-midi qui se déroule dans la salle du Belvédère, au dix-huitième étage de la Tour des Lois, l’un des quatre « livres ouverts » qui encadrent l’espace de la BnF.

– Ouverture par Louis Delas, Directeur général de l’école des loisirs et par Sylviane Tarsot-Gillery, Directrice générale de la Bibliothèque nationale de France :

    Louis Delas insiste sur la mission que s’est donnée sa maison, au-delà d’une profession, pour faciliter l’accès à la lecture. Le travail éditorial place les auteurs au centre du projet, pour fournir aux enfants, êtres en devenir, les clés de leurs joies et de leurs craintes, aux travers des métaphores véhiculées par les livres et leur offrir des ouvertures sur le monde.

    L’émotion soulevée par les attentats du 13 novembre 2015 sera sous-jacente à de nombreux échanges et la place de la formation de la personne et de la construction d’une conscience citoyenne se retrouveront perceptibles en arrière-plan des discours tenus par la majorité des intervenants.

– Témoignage d’Anne-Marie Chartier, agrégée de philosophie et docteur en sciences de l’éducation, longtemps enseignant-chercheur et maître de conférences au Service d’histoire de l’éducation de l’INRP :

    Anne-Marie Chartier explique ne pas être envahie par l’émotion de la mémoire face aux 50 ans de cette maison, car si elle connaissait bien les livres de L’école des loisirs, largement présents autour d’elle dans les écoles, elle n’avait pas eu besoin d’en connaitre l’éditeur ! Elle dresse ensuite un rapide panorama en échos, entre développement des conditions de la lecture scolaire et développement de l’offre éditoriale pour la jeunesse. Elle évoque Ferdinand Buisson, le style franciscain des créations de Paul Faucher déclarant que « l’image parle directement à l’intelligence et à la sensibilité », la volonté de l’école des loisirs de s’inscrire dans cet héritage et de faire « aussi bien que le Père-Castor » mais l’on sait bien que « pour que tout soit pareil, il faut que tout change » ; elle liste ensuite les avancées d’après mai 1968, ces années ouvrent une période faste pour la richesse éditoriale, notamment avec la loi Lang sur le prix unique du livre, une commission jeunesse au CNL, la création de l’association ACCES (Actions culturelles contre les exclusions et les ségrégations) et de Livres jeunes aujourd’hui, l’ouverture, à Paris, de la librairie jeunesse, Chantelivre, les instructions officielles de 2002 qui introduisent la littérature dans les programmes de l’école primaires… Elle note enfin que les attentats récents et le score du Front national aux récentes élections régionales rendent plus inquiets sur la période à venir.

    Anne-Marie Chartier introduit parmi les louanges adressées à l’éditeur un peu de « poil à gratter » en constatant la mise en place d’une « culture de l’entre-soi » installant une connivence entre auteurs, éditeurs, lecteurs. Ceci la conduit à s’interroger, à partir de recherches universitaires comme celles de Stéphane Bonnery, sur les implicites, les références, les modes de narration présents dans de nombreux ouvrages et qui constituent, pour certains enfants de milieux populaires, des obstacles de nature à freiner leur accès à la compréhension de ces albums. Pour lutter contre cette complicité discrète de « l’entre-soi », elle préconise de développer des interactions avec des adultes compétents, des médiateurs et des enseignants formés, attentifs à l’importance des pratiques de lecture mises ne œuvre.

Dialogue subtilement mené par Anne-Laure Cognet, spécialiste en littérature de jeunesse, avec Arthur Hubschmid, Directeur éditorial de l’école des loisirs :

    Anne-Laure Cognet qui réussit à dépasser à la fois un repli bougon du directeur général éditorial peu disposé à parler de lui et une description de son travail à l’école des loisirs que les nombreuses interviews données au fil de cette année pourraient rendre un peu formatées. Elle amène habilement son interlocuteur à parler de son cheminement personnel avec des retours sur des étapes connues et des questions révélant des événements inédits ou des facettes nouvelles. Un peu réticent au départ, Arthur Hubschmid se détend rapidement pour évoquer son travail, en exposer les axes privilégiés et les étapes principales…

    Il ressort de ces échanges la primauté à donner à la constitution d’un catalogue soit en achetant les  droits de livres déjà édités « ce qui est plus facile », soit en éditant de nouveaux ouvrages « ce qui est plus amusant » ; une grande attention portée aux auteurs, en leur accordant la possibilité de faire des gammes sans rencontrer immédiatement le succès ; le fait de ne jamais oublier que ce sont les enfants qui sont les destinataires des œuvres ce qui conditionne la place prépondérante tenue par le personnage qui « même loser doit s’avérer leader » et l’histoire racontée ; l’importance accordée par un ancien « ouvrier du livre » à la typographie, à la forme externe de l’ouvrage qui concourent à la séduction exercée par le livre mais ne doivent se remarquer. Anne-Laure Cognet conclut le dialogue : « Vous n’attirez pas l’attention pour que les livres soient plus visibles. »

– Echanges en deux temps « Autour des romans » avec Shaïne Cassim qui questionne Geneviève Brisac sur son parcours d’éditrice puis avec une table-ronde orchestrée par Geneviève Brisac avec Shaïne Cassim, Xavier-Laurent Petit  et Florence Seyvos :

     Shaïne Cassim met en évidence le rôle d’ « éditrice-passeur » qui est celui de Geneviève Brisac, le travail d’équipe, au sein d’un « cabinet de créations », qui lui permet de découvrir, faire circuler des textes, échanger à leur propos. Elle affirme qu’il ne faut pas rester seule devant le texte.

    Elle aborde ensuite la question de l’auteur, la manière dont Geneviève Brisac, éditeur, se comporte face à lui. Geneviève Brisac développe une attention minutieuse à la voix littéraire de l’auteur et porte un regard analytique sur les motifs et les figures du roman, sa composition, ses possibles développements. Elle évoque un travail à la fois concret et insaisissable qui comporte une grande subjectivité pour  » se glisser vers l’imaginaire d’un auteur » ; elle cite Odilon Redon « rien ne se fait en art sans une relation directe à l’inconscient. »

    Elle évoque aussi une possible injonction paradoxale à laquelle pourrait être confrontée Geneviève Brisac en tant qu’écrivain-éditeur : « Avoir envie d’éditer un livre, explique cette dernière, ça se construit pour moi contre certains savoirs, ça relève du jeu, de la révolte, cela garde un lien avec « la matière de notre enfance », comme dit César Pavese. »

   Geneviève Brisac présente brièvement les trois auteurs participant à la table-ronde, Shaïne Cassim, Xavier-Laurent Petit et Florence Seyvos, en insistant sur la diversité de leur parcours et la nécessité de se construire une représentation de ce qu’est un « livre pour enfant ». Elle leur donnera largement la parole pour qu’il exprime chacun ce qu’ils mettent sous l’expression engageant conjointement les trois termes « littérature contemporaine pour la jeunesse ».

Table-ronde « Autour des albums » animée par Sophie Van der Linden, spécialiste de l’album, avec les ilustrateurs Adrien Albert, Chen Jiang Hong et Yvan Pommaux :

     Sophie Van der Linden débute cette table ronde par une présentation érudite de la biographie, du travail et des ouvrages des auteurs présents à la table mais sans installer d’échanges avec eux, son intervention aboutissant, de fait, à une confiscation de la parole qu’ils se sont réappropriée avec verve et brio pour rendre compte eux même de leurs œuvres, de leur travail, de leur relation à la création et à leurs jeunes lecteurs, individuellement ou dans le cadre de projets de lecture en classe, en bibliothèque… Tous les trois se racontent en échos, mêlant simplicité et humour, avec un posant un regard réflexif sur leur œuvre et manifestant une grande attention aux enfants, Adrien Albert constate qu’ « On s’échine à expliquer ce qu’on s’est appliqué à rendre simple dans le livre « , Yvan Pommaux dit de son travail » : On essaye de le faire sérieusement sans se prendre au sérieux ».

    Chen Jiang Hong conclut en rendant un hommage appuyé à l’accueil que lui a réservé la France à son arrivée de Chine, après une enfance pendant la Révolution culturelle qu’il a racontée dans Mao et moi et il adresse de vifs remerciements à son éditeur, l’école des loisirs, pour la confiance qu’il lui a témoignée et les conditions de travail extrêmement favorables à la création qui lui sont faites. Il donne libre cours à son émotion qui gagne l’assistance, certaines situations évoquées renvoyant implicitement à d’autres, très contemporaines.

   L’intermède filmé annoncé est consacré à la projection de l’enregistrement réalisé lors de la peinture en direct d’une fresque sur une paroi de verre, par Chen Jiang Hong, à l’occasion du vernissage de l’exposition Une histoire, encore ! 50 ans de création à l’école des loisirs, le 30 septembre 2015, au musée des Arts décoratifs.

    La conclusion est assurée par Michel Defourny qui affirme « Les livres c’est comme le lait, on en a tous besoin pour grandir ». Il dresse avec beaucoup de délicatesse et d’érudition un panthéon des auteurs de l’école des loisirs à partir des témoignages figurant dans Lire est le propre de l’homme, édité en 2011, par cette maison. Il rend hommage à cet éditeur qui « privilégie la lecture buissonnière à la lecture ferroviaire », l’éducation ainsi reçue conduisant ainsi les enfants vers la liberté et la démocratie, « de l’enfant lecteur au libre électeur ».

   On s’en retourne en emportant l’image d’une vue plongeante sur les lumières de la ville offerte du Belvédère. A cette date, Paris scintille déjà à cette heure.

(Paris, 10 décembre 2015)

    papillon

Françoise Lagarde, formatrice dans le premier degré, est devenue ingénieur d’études au ministère de l’Éducation nationale où elle fut chargée, jusqu’en 2013, des dossiers relatifs au livre et à la lecture en tant qu’adjointe au chef de bureau des écoles à la direction générale de l’enseignement scolaire ; elle a assuré la mise en œuvre de l’opération Des livres pour les écoles et des plans de développement des BCD, coordonné l’élaboration et la production du répertoire 1001 livres pour l’école (1997), contribué à la mise en place des sélections d’ouvrages de littérature pour les trois cycles de l’école primaire, collaboré au Guide de la coopération bibliothèque-école (CRDP de Créteil, 1986) et à la mise en ligne sur le site ministériel Éduscol de ressources pour faire la classe ; elle est administratrice du CRILJ.

Passage d’Allier

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par Josette Maldonado

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    Le temps du troisième Festival des illustrateurs, en septembre 2015, le Passage d’Allier de Moulins est devenu le passage des éditeurs. Quelques jeunes maisons d’édition s’y étaient donné rendez-vous et proposaient leurs dernières créations. Nous présentons trois d’entre elles. Trois d’entre elles méritent d’être retenues :

La poule qui pond

    Cette petite et toute jeune maison d’édition indépendante a été créée à Clermont-Ferrand en avril 2014 par Valentin Mathé. Elle propose aux enfants de 3 à 10 ans des albums et des livres jeunesse qui font la part belle à l’imaginaire et amènent les petits à jouer avec leurs peurs. C’est ainsi que dans sa collection « Plein de bestioles » Valentin Mathé met en scène des créatures étranges dans des albums aux titres évocateurs, comme Le petit monstre du noir, Si je t’attrape, Vert de peur, Sous mon lit il y a… un voleur de chaussettes.

    Eric Battut a fait paraître à La poule qui pond un coffret de trois albums sous le titre Petit bonhomme, trois histoires d’amitié entre un petit personnage et de drôles de monstres. Mais l’originalité de cette maison d’édition c’est de proposer également des ouvrages conçus pour faciliter l’apprentissage de la lecture et particulièrement destinés aux dyslexiques. Ils se caractérisent pas un  graphisme et une mise en page adaptés car ils ont été pensés et travaillés en collaboration avec des orthophonistes. Par exemple, les espacements entre les mots et les interlignes sont augmentés, les liaisons entre les mots sont indiquées, les lettres muettes signalées, les syllabes prononcées traduites en couleur. Le rêveur qui ramassait des papiers bonbon de David Dumortier et Nathalie Novi ou Petit ogre veut un chien d’Agnès de Lestrade et Fabienne Cinquin appartiennent à cette catégorie.

    On trouve enfin à La poule qui pond des livres-albums comme Histoire de monstre destinés aux mal ou non voyants. Ce dernier livre est écrit en braille avec des illustrations en relief.  Mais, ce qui est remarquable c’est que le texte en braille s’accompagne aussi d’un texte classique, ce qui permet une lecture partagée entre un lecteur non voyant et un lecteur voyant. En fin d’ouvrage, un dossier pédagogique présentant l’écriture braille et son alphabet  renforce encore cette possibilité de partage de lecture.

A pas de loups

    C’est une petite maison d’édition belge. Elle a été créée en 2013 par Laurence Nobécourt qui a choisi le loup comme emblème parce que, comme lui, « elle avance à pas de velours, sans bruit, discrète mais bien présente pour stimuler l’imagination des petits loups »…

    Laurence Nobécourt s’est fixé comme ligne éditoriale de privilégier la création littéraire et artistique avec des auteurs / illustrateurs confirmés ou de jeunes talents. De cette maison d’édition le CRILJ des Bouches du Rhône a acheté, signé par Cécile Gambini, Bagbada dont on pourra  lire l’analyse de Ricochet sur son site. Cet album décrit la rencontre de deux êtres solitaires et neurasthéniques, l’un tout déplumé, tout délavé, maigrichon et raplapla, l’autre ratatiné et tristounet avec… un bon gros crapaud plein d’imagination et de dynamisme.

La Maison est en carton

   Créée en 2007 par Manon Jaillet, diffusée par Le Poisson Soluble, cette maison se veut, avant tout, éditeur d’images et toute son activité principale est en effet tournée vers l’image et vers les illustrateurs du livre jeunesse. La Maison est en carton propose donc des livres, des images inédites, des séries limitées, des boîtes, des coffrets.

    A Moulins nous avons été séduites par Toi émoi de Franck Prévot. C’est à la fois un livre/objet et un livre/jeu. Il se présente sous la forme d’un étui contenant six cartons pliés en trois. Quand on les déplie, de courts poèmes d’amour apparaissent que des mots, inscrits dans des découpes comme autant de fenêtres, enrichissent ou modifient. Ils  créent chaque fois un effet de surprise, leur apportant fantaisie, humour ou poésie.

(octobre 2015)  

passaged'allier

De formation littéraire et classique, Josette Maldonado découvre la littérature de jeunesse en 1982 en préparant un Certificat d’aptitude aux fonctions de bibliothécaire (CAFB). Documentaliste dans l’Education nationale, passionnée par son métier, elle a initié de nombreux projets de lecture/écriture dans les établissements où elle a exercé, notamment en partenariat avec les écrivains Jacques Cassabois, René Escudié, Christian Poslaniec, Jean Joubert ; elle a mis en place des comités de lecture et  elle a, trois fois, permis à de jeunes élèves de participer au jury du Prix Roman Jeunesse. A la retraite depuis fin 2004, Josette Maldonado peut enfin se rendre disponible pour le CRILJ des Bouches du Rhône dont elle est adhèrente depuis près de 30 ans. Elle en est actuellement la secrétaire.

Une nouvelle syntaxe pour l’édition jeunesse

 

Une nouvelle syntaxe pour l’édition jeunesse

 par Danica Urbani

     Automne 2013 : arrivée sur les marchés de la montre intelligente. Elle nous permettra de consulter nos mails, Facebook, le web… Tous les media en parlent et nous plongeons dans l’univers des « fashion victims » avec le sourire.

     Le monde de l’édition jeunesse va-t-il s’engouffrer une nouvelle fois dans la course à la modernité suite à l’arrivée de ce nouveau gadget ?

     Dans les temps reculés, le livre, destiné à l’élite, véhiculait le savoir et, de ce fait, représentait le pouvoir. Aujourd’hui, il n’est plus le seul vecteur des connaissances. Il n’est qu’un parmi de nombreux supports d’informations.

     Diversifié et démocratisé, il a entamé sa mue électronique. Il devient interactif et enrichi grâce à la présence du son, de la vidéo, de la 3D…  Il subit une mutation majeure dans son évolution en se dématérialisant mais aussi en adoptant de nouvelles attitudes face à la lecture et à l’écriture. Plus que d’un pari technologique, il s’agit d’un pari comportemental.

 Information vs. raisonnement

     Ces comportements nouveaux demandent des réponses adéquates. Nous devons désormais en tenir compte avant d’entrer dans un processus éditorial. Observer les nouvelles tendances, les analyser et confronter ces analyses aux besoins des jeunes lecteurs.

     Globalement, le « livre » se trouve aujourd’hui face à un engouement pour des formats courts, voire très courts avec la twittérature, des formats interactifs, contributifs et ouverts aux réseaux. Il ne repose plus sur le langage naturel seul mais s’enrichit de tous les media. La montre intelligente n’est qu’un prétexte amusant qui nous fait réfléchir avant toute chose sur l’art et la manière de concevoir désormais l’édition jeunesse.

     Comment concilier le besoin d’aller à l’essentiel dans un monde surchargé d’informations et dans le même temps développer la pensée complexe dont les enfants ont besoin pour se construire ?

     C’est l’un de nos nombreux défis.

     Les supports numériques sont séduisants grâce aux technologies qui nous ravissent, nous rendent « surhommes » et mettent à notre disposition des milliards d’informations dont nous sommes de plus en plus friands. Nous pouvons en quelques clics avoir des renseignements plus ou moins fiables sur tout ou presque. Ce confort forge doucement notre exigence de rapidité en toute circonstance.

     Nous ne nous attardons plus à savourer l’intelligence et la beauté d’une phrase ou d’une pensée. Cet esprit d’analyse tend à se perdre avec la disgrâce des textes longs, du temps d’approche qu’ils demandent. Ce sont aussi des textes qui nous isolent, qui ralentissent notre rythme et nous forcent à réfléchir. Nous ne sommes plus en interaction avec un réseau, comme dans les échanges numériques, mais dans un huis clos duquel nous sortons différents.

     Force est de constater que les textes longs trouvent aujourd’hui de moins en moins de lecteurs chez les jeunes. Aux dires de nombreux enseignants, le roman du XIXè, avec ses longues descriptions, procure un ennui infini aux jeunes lecteurs. Ils se détournent des livres classiques au profit de livres courts à forte dominante « zapping », interactive et graphique, tels que ceux proposés via les différentes tablettes et des téléphones, voire des livres papier avec une prépondérance de l’image.

     La littérature jeunesse reposait pendant des siècles sur des textes du génie populaire, qui abordaient les phases importantes du développement des jeunes, comme l’a montré Bruno Bettelheim au XXe siècle. L’apparition des auteurs spécialisés est relativement récente. Et ce n’est pas parce que l’on s’adresse aux enfants que la tâche est plus aisée. C’est tout le contraire. La littérature jeunesse a un cahier des charges riche : elle doit divertir, émerveiller, rassurer, câliner mais aussi éduquer, faire grandir, rendre autonome, ouvrir au monde, développer l’esprit critique, développer la capacité d’imagination…

     Face aux nouvelles possibilités d’expression, la frontière entre le livre et le jeu électronique a tendance à s’estomper. L’écran, le principal vecteur de contenus de nos jours, s’anime, s’illumine, vibre, interagit avec le lecteur… C’est un nouveau défi pour les auteurs et les éditeurs. Saurons-nous le relever avec talent ?

 Passivité vs. pro-activité

     Est-ce à dire que les e-books applicatifs répondent mieux à ces exigences ? Il ne s’agit pas de prendre parti mais d’analyser la situation.

     Une première observation s’impose : les livres papier favorisent une lecture en apparence passive  et les livres électroniques favorisent une lecture en apparence active.

     Notre façon de dialoguer avec une oeuvre détermine la dimension temporelle dans laquelle nous nous trouvons pendant l’acte de lire. En lisant une oeuvre sur support papier, le lecteur entame un dialogue intérieur avec le texte et entre dans une dimension introspective. Mais ce dialogue incite un travail intellectuel intense qui est tout le contraire de la passivité. C’est un travail d’analyse, d’esprit critique et parfois de remise en question qui débute ainsi.

     En revanche, les livres électroniques destinés aux jeunes sont soumis plutôt à l’action, à un temps court, régi par l’interactivité et les choix de navigation du lecteur. Celui-ci n’est plus dans une dimension introspective mais pro-active. Cependant, les choix de la navigation répondent à des impératifs technologiques et ergonomiques qui restent perfectibles et qui suscitent des temps de réponse rapides.

     Au langage naturel s’ajoutent la vidéo, le son, et même le mouvement à travers la pression ou le glissement de nos doigts sur l’écran… et bientôt les capteurs placés sur notre tête nous permettront de naviguer grâce à notre pensée. Tous ces media coexistent simultanément la plupart du temps sur les « pages » des « livres » électroniques.

     Aujourd’hui, le codex, qu’il soit au format papier ou numérique, et le livre électronique applicatif   présentent deux attitudes cérébrales différentes. L’une développe plutôt l’analyse à travers la réflexion et un message linéaire qui se dévoile au fil des pages, l’autre plutôt la synthèse à travers une lecture tabulaire car, pour saisir la quintessence du livre, il est nécessaire de capter l’essentiel des éléments en présence et d’en reconstituer le message global.

     Mais, pour comprendre l’attrait des jeunes pour les « livres » électroniques, il faut aller plus loin encore dans l’observation.

 La création participative

     Force est de constater que l’interactivité nous ouvre des champs encore plus vastes que le simple choix de navigation. Aujourd’hui, le lecteur peut devenir créateur de son parcours de lecture et de ce fait endosser partiellement le rôle de l’auteur. Les jeunes lecteurs sont particulièrement séduits par l’aspect contributif de l’interactivité. Ils passent d’un statut passif du lecteur au statut actif d’un créateur en donnant du sens à leur démarche.

     Cette nouvelle donne  nous oblige à faire évoluer nos pratiques éditoriales. Il ne s’agit plus seulement d’agglomérer les média et de laisser les lecteurs les consulter dans l’ordre ou le désordre. Les nouveaux lecteurs nous incitent à proposer des ouvrages qu’ils vont pouvoir modifier, compléter ou commenter pour les diffuser, à leur tour, au plus grand nombre. C’est un point que nous, éditeurs jeunesse, devons prendre en considération de manière réfléchie car c’est l’aspect le plus innovant qui s’offre à notre métier aujourd’hui. Il nous mène au-delà de la technologie. Ce sont bien les comportements qui changent.

     Cependant, l’auteur existe et en tant que tel propose un contenu, une pensée, une critique… Comment concilier alors, à la fois une forme de liberté d’expression et d’exploration des oeuvres de la part des jeunes lecteurs et leur suggérer dans le même temps des parcours de lecture définis par les auteurs ? Aujourd’hui nous sommes en présence du lecteur démiurge et c’est ce qui rend l’écriture et la composition de l’oeuvre particulièrement difficiles.

     Comment trouver une posture entre deux extrêmes que sont la liberté totale et le déterminisme ? Ce sont des questions essentielles car elles vont régir désormais la qualité de l’offre éditoriale numérique. Cette qualité ne reposera pas sur le seul panel multimédia ni sur le transmédia mais sur un méta langage qui saura transcender les différents éléments dont nous disposons aujourd’hui pour nous adresser aux jeunes.

 Nouvelle syntaxe et scénarisation

     Si nous souhaitons proposer des oeuvres adaptées aux évolutions que nous vivons, qui répondent dans le même temps aux aspirations des jeunes ET au lourd cahier des charges cité plus haut, nous devons inventer une nouvelle syntaxe, comme le cinéma et la BD l’avaient fait en leur temps.

     L’interactivité doit être pensée en profondeur, comme un nouveau langage intégrant tous les autres langages, une  nouvelle syntaxe, afin de permettre à l’aspect contributif de trouver une place intelligente dans les ouvrages numériques. Comment intégrer les réseaux sociaux aux nouveaux « livres », développer la créativité des jeunes et leur esprit critique… ?

 Nous devons inventer de nouveaux codes.

     Si nous n’arrivons pas à créer ce méta langage, nous serons toujours à la merci des constructeurs  et des nouveaux supports qu’ils inventent, en tentant de nous y adapter tant bien que mal. Sans un code propre à cette nouvelle façon de « lire » et « d’écrire », nous ne pourrons pas créer de grandes oeuvres en accord avec note époque. Dans ce cas, les éditeurs mais aussi les auteurs, serviront uniquement de faire-valoir des constructeurs, en proposant des ouvrages adaptés aux besoins des écrans et non pas des lecteurs.

     Certains parlent déjà de scénarisation plutôt que d’écriture, ce qui sous entend que nous nous éloignons doucement du codex. Aujourd’hui, nous avons à notre disposition toute la palette des media qui font tantôt appel à nos émotions, tantôt à notre raison. Les technologies nous permettent d’impliquer également nos sens dans l’expérimentation du scénario. Sans oublier les contributions des lecteurs/auteurs et la capillarité de leurs réseaux transmédia qui viennent enrichir la lecture et l’oeuvre. Les ingrédients sont là mais la recette n’est pas encore dévoilée.

     La vie intellectuelle s’est structuré d’une nouvelle façon à chaque fois qu’une technologie s’est manifestée dans l’histoire de l’humanité. Dans l’antiquité des copistes multipliaient sur des parchemins des textes de grands penseurs et permettaient ainsi la naissance des premières bibliothèques. Jusque là de nombreux peuples maintenaient encore une tradition orale avec des méthodes mnémotechniques qui permettaient de transmettre des récits et des chants traditionnels. Au moment de la naissance de l’imprimerie, la diffusion de la pensée et l’instruction se sont démocratisées encore davantage. Ainsi, la pensée complexe a survécu et nous a permis à chaque fois d’étendre nos connaissances et de faire évoluer nos cultures.

    Qu’allons-nous transmettre ? Une infinité de possibilités s’ouvrent à nous mais avec un seul préalable : une syntaxe et une esthétique capables de transcrire nos pensées avec des outils modernes.

     Le chemin vers une nouvelle rhétorique est encore long mais nécessaire. La littérature jeunesse doit réfléchir aux nouveaux chemins de la création si elle ne veut pas devenir un sous genre des jeux électroniques. Mais, ce sont les nouvelles générations sans doute qui nous mettront sur la voie et qui sauront créer une nouvelle esthétique. Car leur alphabétisation va au-delà des  26 lettres : elle intègre aussi la programmation informatique et l’éducation à l’image. Mais c’est toujours la pensée qui sera la matière première des oeuvres.

     Nous l’aurons compris. Le codex et le livre électronique ne sont pas des concurrents. Chacun d’eux nous nourrit de ses richesses, mais le premier est arrivé à sa maturité alors que le second entame tout juste son développement.

 (novembre 2013)

  

Née à Belgrade (ex-Yougoslavie), arrivée en France à 13 ans, poursuivant sa scolarité à l’Ecole active bilingue de Paris, Danica Urbani devient, quelques années plus tard, docteur en littérature comparée (théorie de la réception). Elle évolue dans diverses institutions culturelles puis intègre la chaire de serbo-croate à Paris III comme Maître de conférences. Le temps du numérique venu, elle s’initie à l’écriture multimédia et pilote la communication on-line de groupes bancaires et institutionnels. Depuis quelques années, Danica Urbani s’est donnée pour objectif d’initier les enfants à une réflexion multiple et critique à travers les livres et les médias modernes en créant Dadoclen éditions. Elle a récemment rejoint le conseil d’administration du CRILJ.

 

 

HongFei Cultures des rives de la Marne à celles de la Loire

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par Loïc Jacob et Chan-Liang Yeh

     En janvier 2013, les éditions HongFei Cultures (HongFei signifie « Grand oiseau en vol » en chinois) se sont installées en Région Centre, à Amboise.

     Avant de créer notre maison d’édition, nous travaillions et vivions en région parisienne. Nous y avons bâti cette maison à partir de rien, en imaginant une ligne éditoriale singulière autour de projets faits de textes d’auteurs chinois illustrés par des artistes français. Nous y avons mis en place un programme de publications en phase avec les besoins spécifiques de la diffusion et la distribution, et sommes allés inlassablement à la rencontre du public à l’occasion de nombreux salons et à travers des ateliers partout en France. Cinq ans plus tard, avec plus de trente albums jeunesse à son catalogue, le grand oiseau HongFei a quitté les rives de la Marne pour se poser sur celles de la Loire.

     La Région Centre a la particularité d’être tout à la fois ancrée dans un passé prestigieux, avec ses richesses historiques et culturelles établies au fil de son fleuve, et tournée vers le monde lorsqu’elle reçoit chaque année tant et tant de visiteurs venus des quatre coins du globe, avec chacun un regard, une vision et des rêves. C’est sur cette terre d’hospitalité où flotte un parfum de cosmopolitisme, que la maison HongFei poursuivra désormais, modestement mais avec détermination, l’élaboration de sa proposition éditoriale. En 2013, nous y aurons vu naître neuf titres dont le remarquable Turandot de Thierry Dedieu paru au printemps, mais aussi l’unique Un bon fermier illustré par Sara et l’incroyable Éclats de Lune, savoureuse et magnifique histoire en fresque (de près de 10m de long) de Pierre Cornuel, tous deux publiés à l’automne.

     Qu’il nous soit permis de remercier les uns qui nous ont encouragés, là-bas, au commencement de notre projet, et les autres qui nous accueillent, ici, chaleureusement, convaincus d’un enrichissement mutuel possible entre un éditeur jeunesse et son territoire. Alors que nous continuons à agir à l’échelle de l’Hexagone, et plus largement de la francophonie, nous nous réjouissons de constater d’ores et déjà l’intérêt et le soutien des acteurs locaux – institutionnels, bibliothèques, librairies, écoles, etc – pour ce que nous faisons pour nos enfants, et à travers eux pour un futur que nous imaginons ouvert, tolérant et riche en diversité.

     La ville d’Amboise, où nous avons choisi d’établir le siège des éditions HongFei Cultures et notre lieu de travail quotidien, est connue pour son château royal qui domine majestueusement le fleuve. Mais elle recèle un autre trésor : la Pagode de Chanteloup édifiée par le duc de Choiseul en 1778. Si les livres de HongFei Cultures ne sont pas porteurs de chinoiseries comparables à cette folie dédiée à l’amitié, l’intention de porter haut l’humanisme grâce aux rencontres entre les cultures est toutefois la même.

  

Né en Champagne en 1968, Loïc Jacob est diplômé de troisième cycle des universités Paris X-Nanterre et Paris IV-Sorbonne. Chargé d’enseignement dans des établissements universitaires, notamment en histoire du droit, il fut directeur d’études au Bercy Institute de 2005 à 2007. Il est l’un des auteurs du Larousse de Paris paru en 2001. Chun-Liang Yeh est né à Taïwan où il a vécu jusqu’à l’âge de 23 ans. Il quitte son pays pour voir le monde : la Grande-Bretagne, la France. À Paris, Il exerce le métier d’architecte et collabore avec une société de consultants, réalisant des projets de publications sino-anglaises à propos d’architecture et de design. Traducteur chinois des Paradis artificiels de Charles Baudelaire (Faces Publishing, 2007), il a collaboré avec le peintre Olivier Debré pour des essais publiés en Chine. Grands amis, Loïc Jacob et Chun-Liang Yeh fondent les éditions HongFei Cultures en 2007, avec pour objectif de favoriser la rencontre des cultures européennes et extrême-orientales grâce à des publications en littérature jeunesse portant sur les thèmes du voyage, de l’intérêt pour l’inconnu, de la relation à l’autre. Merci a eux pour nous avoir confié ce texte. Le site est ici.

Du côté des éditions de l’Edune

par André Delobel

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Un entretien avec Philippe Lesgourgues, directeur des éditions de l’Edune, et Franck Prévost, auteur.

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. Les débuts de l’Edune ?

    Avant d’être éditeur, j’était maquettitste et j’ai, un jour, souhaité élargir mon activité en créant cette maison d’édition. C’était en mars 2006, à l’occasion d’un salon du livre régional où j’ai présenté les trois premiers livres. Ce fut tout de suite une aventure formidable, ponctuée de nombreuses rencontres.

. Peut-on parler de priorité à l’image ?

    Au début de son existence, l’Édune donnait davantage d’importance au texte puis, peu à peu, la maison d’édition a accordé de plus en plus d’importance à l’image.

. Avec notamment la collection « l’Abécédaire » ?

    Cette collection est née d’une idée de Régis Lejonc. C’est lui qui nous a proposé le concept, “un album par lettre”, et qui a, ensuite, sollicité des illustrateurs qu’il connaissait. Aujourd’hui, la collection est complète avec vingt albums. C’était pour nous, à l’époque, un enjeu énorme, au plan éditorial, bien sûr, mais aussi au plan économique car l’Édune n’avait qu’une seule année d’existence. C’est, je crois, une collection de qualité et les vingt albums, qui connaisent un succés constant, sont notre vitrine.

.Quid de la collection « Tabous » ?

Pour cette collection, l’Édune a fait le choix d’aborder des thèmes forts, très peu ou pas du tout abordés telle la maladie chez l’enfant, la grève, le déni de grossesse..

. Franck Prévost, vous êtes un fidèle de l’Edune ?

    J’y ai publié un premier livre, Papa contre Trucman, à propos de la consommation de masse, puis j’ai proposé un recueil de pensées, Les pensées sont des fleurs comme les autres. J’ai ensuite créé la collection « Papillottes » qui rassemble des recueils de pensées. C’est une collection “pour le plaisir”. Les auteurs jouent avec les mots dans des genres très différents. Chaque recueil étant conçu par un auteur différent et un illustrateur différent, la collection propose une grande variété et une grande richesse.

. On est bien à l’Edune ?

    J’y apprécie la liberté qu’on y trouve, le côté “carte blanche”. On peut, dans cet espace de liberté, développer ses idées et ses envies.

La situation des petites maisons d’éditions n’est pas toujours facile et la librairie est en péril. Que peut–on, Philippe Lesgourgues, souhaiter à l’Edune ?

    De pouvoir continuer à faire des livres, donc parvenir à conserver la confiance des auteurs et des illustrateurs puis celle des libraires et des bibliothécaires qui nous connaissent. Je souhaite pouvoir continuer dans le même esprit, l’image et les thèmes forts, et ne pas décevoir les lecteurs. Continuer à surprendre est un vrai challenge. Et puis, il faut communiquer le plus possible, être présent sur les salons, garder le contact avec les enfants, être à leur écoute, pour proposer des albums qui leur correspondent.

. Vous avez, je crois, un projet numérique. Est-ce bien raisonnable ?

    L’idée d’un développement numérique est présente depuis longtemps dans les projets de l’Édune. Mais c’est difficile. Le développement prend beaucoup de temps et il est, pour une petite maison, particulièrement onéreux. L’idéal serait de développer un projet « mixte » qui inclurait produit papier et produit numérique.

(Beaugency, le 1ier avril 2012)

 

Maître-formateur retraité, André Delobel est, depuis trente ans, secrétaire de la section de l’orléanais du CRILJ et responsable de son centre de ressources. Auteur avec Emmanuel Virton de Travailler avec des écrivains publié en 1995 chez Hachette Education, il a assuré pendant quatorze ans le suivi de la rubrique hebdomadaire « Lire à belles dents » de La République du Centre. Il est, depuis 2009, secrétaire général du CRILJ au plan national.

Hetzel découvreur de Jules Verne (et bien plus encore)

 

    L’année Jules Verne nous offre l’occasion d’une redécouverte, celle de son éditeur Hetzel. C’est Pierre-Jules Hetzel qui a lancé et, pour certains, « inventé » Jules Verne. Aujourd’hui, c’est grâce à Jules Verne qu’on prend la mesure de ce qu’a représnté Hetzel dans l’histoire de l’édition

Hetzel dans son siècle

     Hetzel (1814-1886) est le premier éditeur « moderne ». Il a inventé la marketing littéraire, combattu la contre-façon, mis en place une politique de droits pour ses auteurs avec lesquels il a négocié âprement sur la forme et sur le contenu de leur ouvrage pour obtenir la qualité éditoriale qu’il exigeait.

    C’est aussi un extraordinaire découvreur de talents : outre Jules Verne, il a publié Balzac, Musset, Sand, Hugo, Daudet, Stendhal, Proudhon, Michelet, Erckmann-Chatrian et le premier ouvrage de Zola, les Contes à Ninon. Il a accueilli dans sa maison des textes artistiques ou scientifiques de Flammarion, Guinet, Mendelsohn, Viollet-le-Duc. Il a également fait connaitre aux lecteurs français Andersen, Goethe, Poë, Tourghéniev, Tolstoï.

    C’est un vrai directeur artistique. Les illustrateurs auxuels il fait appel comptent parmi les gloires reconnues du XIXe siècle : Granville, Gavarni, Bertal, Gustave Doré. Mais il mobilise aussi une nouvelle génération de « reporters d’images » – Riou, Férat, De Neuville, Benett, Georges, Roux – pour donner de la vraisemblance aux images des Voyages Extraordinaires de Juless Verne.

    C’est un républicain laïc, avant que le mot laïcité n’entre dans Le Littré, qui a apporté un concours décisif à la fondation de la Seconde Répubique, s’est exilé à Bruxelles après le coup d’état du 2 décembre 1951 jusqu’à l’amnistie de 1859, a milité pour rétablir la concorde entre les Français après les épreuves de la Commune de Paris.

    C’est encore un auteur qui signe P.J. Stahl et qui, dès ses premiers écrits, se signale par des coups de maître : les Scènes de Vie Privée et Publiques des animaux (1840-42) avec la complcité de l’illustrateur Grandville et des plus grands écrivains de l’époque ; le Diable à Paris (1844), ouvrage à tiroirs sur le même modèle ; le Voyage où il vous plaira (1943), fantaisie quasi surréaliste. Mais, après des chroniques romanesques, des essais et des récits moralistes ou autobiographiques, il sa se consacer principalement – et les lecteurs de le revue du CRILJ s’en souviennent – à la littérature de jeunesse.

Hetzel et la littérarure de jeunesse

L’idée maîtresse d’Hetzel qand il fonde en 1843 son Nouveau Magasin des Enfants, c’est de proposer à la clientèle enfantine les œuvres des meilleurs écrivains de son temps : Balzac, Sand, Nodier, Dumas… L’éditeur part en guerre contre la « tisane littéraire », convaincu qu’il faut, quand on s’adresse aux enfants « ne semer que du bon grain… et monter aussi haut que puisse atteindre l’esprit humain ». Persuadé que l’image joue un rôle majeur dans le goût des enfants pour la lecture, il met en place avec Tony Johannot, un procédé qui intègre l’image dans le texte et permet une mise en scène de la page. Son grand projet, quand il rentre d’exil, c’est de créer un journal éducatif pour la jeunesse, son Magasin d’Educatin et de Récréation qu’il lance en 1984 av’ec le concours de Jean Macé, le futur fondateur de la Ligue de l’Eseignement, et… de Jules Verne recruté pour donner une caution scientifique au journal mais qui y donnera surtout, en prépublication, ses romans d’aventures. Ce Magasin sera prolongé par une Bibliothèque d’Education et de Récréation et, pour les plus jeunes, par la collection des Albums Stahl de Mademoiselle Lili, une héroïne due au talent du dessinateur Froelich. Il écrit également lui-même des adaptations-traductions comme les Patins d’argent ou Maroussia.

Hetzel et Jules Verne

     Mais c’est avec Jules Verne qu’Hetzel réalise pleinement son ambition : être, enfin, à l’abri des soucis d’argent, disposer d’un auteur célèbre qui lui fournit deux ouvrages par an, mettre sa griffe personnelle sur les ouvrages que sa maison publie.

    Plusieurs « verniens » ont glosé sur les rapports entre la maison Hetzel et Jules Verne. Charles-Noël Martin a, par exemple, soutenu, que Jules Verne aurait gagné un million et les Hetzel trois fois plus. Il y a ici confusion entre bénéfice et chiffre d’affaires. Au-delà des frais d’impression, de promotion, d’illustration et de distribution que supporte l’éditeur, il faut tenir compte des invendus qui reste à sa charge et du temps qu’il passe à relire et corriger les textes de l’auteur. Du vivant de Pierre-Jules Hetzel, Jules Verne se vend bien mais ce ne sera pas toujours le cas quand son fils Louis-Jules prendra sa succession, et encore moins quand Michel Verne tentera, après la mort de son père, de mettre en forme ses brouillons pour en faire des œuvres. Et Hetzel n’a cessé d’intervnir dans la rédaction de chacun des Voayages Extraordinaires, supprimant lourdeurs et répétitions, demandant ici qu’on rajoute une péripétie, là qu’on transforme un personnage, proposant des aménagement,, modifiant les dénouements et parfois même refusant l’ouvrage comme ce fut le cas pour Paris au XXe siècle, rédigé en 1863, un « livre de débutant » qui devra attendre 1994 pour être publié par Hachette et par le Cherche-Midi.

    En fait Hetzel et Jules Verne qui ont connu au départ de leur carrière des problèmes d’argent ont trouvé leur avantage dans cette collaboration. Le premier a pu faire agrandir et embellir sa maison de campagne à Bellevue et le second a acheté successivement ses trois bateaux, le Saint-Michel 1, le Saint-Michel 2 et surtout le Saint-Michel 3, un bateau à vapeur de 28 mètres de long qui lui permet d’accomplir des croisières en Méditerranée et dans les Mers du Nord.

    Au-delà des arrangments financiers que Jules Verne à plusieurs fois renégocié avec Hetzel, Jules Verne et Hetzel ont contracté un vrai « mariage » – c’est le mot qu’emploie Jules Verne. Mariage qui va élargir l’audience des œuvres pour la jeunesse à l’ensemble du public populaire et qui, conforté par les illustrations et les cartonnages de luxe que la maison Hetzel multiplie, touche aussi la clientèle des amoureux des livres.

    Ce mariage crée une double postérité. Hetzel à joué auprès de Jules Verne le rôle d’un père spirituel qui l’a mis au monde de la littérature. Jules Verne, au fil des années, représente pour Hetzel l’écrivain à succès que Stahl, pris par son destin d’éditeur, n’a pas su devenir.

( texte paru dans le n° 84 – juin 2005 – du bulletin du CRILJ )

 

Né en 1941, Jean-Paul Gourévitch est écrivain, essayiste, formateur, consultant international, spécialiste de l’Afrique et des migrations. Docteur en sciences de l’information et de la communication, il a enseigné l’image politique à l’Université de Paris XII et contribué à l’élaboration de l’histoire de la littérature de la jeunesse et de ses illustrateurs par ses ouvrages et ses expositions. Citons Les enfants et la poésie (l’Ecole 1969), Images d’enfance: 4 siècles d’illustration du livre pour enfants (Alternatives 1994), La littérature de jeunesse dans tous ses écrits 1520-1970 (CRDP Créteil 1998). Une douzaine d’ouvrages pour les enfants dont Le gang du métro (Hachette Jeunesse 2000) interdit à la vente dans l’enceinte du métropolitain par la RATP. Il travaille actuellement à un Abécédaire de la littéarature jeunesse à paraitre en 2013 à l’Atelier du Poisson Soluble.