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Un match ressemble toujours à un autre match
Ce qu’il y a quand même de fascinant dans tout cela, ce qu’il y a d’attirant presque, ce sont les milles facettes de la bêtise éternelle que le sport incarne : la stupidité du muscle intensif, le crétinisme de la force, la niaiserie de l’exercice méthodique, l’optimisme absurde du dépassement de soi et de la répétition de ce dépassement, la sottise de la performance comme argument. Et j’oubliais l’insanité suprême, le rêve sportif absolu de la grande fraternité des peuples ; laquelle d’ailleurs, sur le terrain, se traduit automatiquement par son contraire radical (c’est Dieu merci, le destin de toutes les bonnes intentions), c’est à dire le chauvinisme le plus sordide. Cela m’a toujours réjoui, moi d’apprendre la défaite de la France à telle ou telle répugnante compétition internationale, à cause de la tête catastrophée de la plupart de mes concitoyens. Comme atteinte au moral de la nation, comme détérioration de son image, comme déstabilisation de sa réputation, une défaite de l’équipe de France aux cauchemardesques Jeux Olympiques peut avoir son intérêt. Mais que cet intérêt est faible comparé à la tyrannie bienveillante dont le sport, dans la société disneylandisée d’aujourd’hui, est devenu l’un des moteurs essentiels.
Qu’est ce qu’une société disneylandisée ? Peut-être appelée ainsi toute société où les maîtres sont maîtres des attractions et les esclaves spectateurs ou acteurs de celles-ci. N’oublions pas que le mot sport est couplé avec loisir, cet autre vocable antipathique. Qui dit sport dit week-end, dimanches, vacances ; donc familles, communautés, donc renforcement à perpétuité de l’infâme contrat social. Peut-être nommée disneylandienne toute société qui contraint aux loisirs – et qui songerait à se révolter contre une oppression qui ne communique, au fond, que l’ordre de s’amuser ? Qui refuserait les planches à voiles, les skis, les camping-cars et les autoroutes pour aller dessus ? Et qu’on aille pas non plus me parler de « culture » sportive, encore moins d’ « art » bien entendu ! Aucun tableau de Picasso ne ressemble à un tableau de Rembrandt (même pas à un autre tableau de Picasso), alors qu’un match ressemble toujours à un autre match. C’est toujours le même Tour de France, toujours la même Coupe du monde, toujours les même voitures ridicules sur leurs circuits grondants…
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Philippe Muray, écrivain – Les Olympiades de la terreur, Label France n°4, 1992.
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