Des livres et nous

Nombreux sont les lieux – revues papier ou sites Internet – où s’exerce la parole critique. Le CRILJ n’a nulle intention d’en créer un nouveau. Pourtant,  parfois, la plume démange. Ce sera ici …

.

.

LE BIBLIOBUS

par Inga Moore, Pastel 2021, 56 pages, 14,50 euros.

Il est pimpant, le bibliobus de la forêt qu’Inga Moore nous donne à voir dès l’image de couverture, pimpant et à impériale puisque, manifestement, la forêt est anglaise. C’est là qu’habitent Élan et sa famille, dans une maison tout aussi manifestement anglaise. Ceci pour dire que les lecteurs qui ont le goût de l’image cosy, à l’ancienne, seront comblés. Chaque soir, Élan raconte, au coin de la cheminée de son salon, une histoire à sa femme et à ses deux enfants. Ceux-ci adorent, mais, un soir, catastrophe : Élan a raconté toutes les histoires qu’il connait. C’est sa femme qui a l’idée d’un livre et on pourra se demander d’où lui vient cette pensée puisque, dans la forêt, personne, ni Lièvre, ni Taupe, ni les Sangliers, ni les Castors n’a jamais possédé de livre. Une bonne trentaine de pages plus tard, le problème est réglé, grâce à Élan qui file à la ville voisine et à une gentille bibliothécaire (une oie) qui lui prête un petit paquet d’albums. Désormais, Élan n’est plus conteur, mais lecteur. Le succès est général. Le salon est bourré et, quand Élan lit Le Petit Chaperon rouge ou Le Chat botté, sa femme est débordée par les commandes de chocolat chaud. L’album suggère, le temps d’une phrase très brève, que c’est la bibliothécaire qui a l’idée du bibliobus, mais ce n’est pas affirmé. Succès moins immédiat auprès des habitants de la forêt, mais opportunité magistrale puisqu’Élan devra apprendre à lire à Oursonne, Oursonne à Blairelle, Blairelle à Renard. Lièvre apprendra à Taupe, Taupe aux Sangliers et les Sangliers aux Castors. Dans un premier temps, chaque famille lit chez elle puis revient le temps des soirées. Élan est à nouveau conteur dans son salon à nouveau bourré. Plus de chocolat chaud, mais des pancakes préparés à l’avance par l’attentive épouse. Autre changement : désormais, Élan s’accorde le droit de raconter livre en main. Dessins fins et précis, couleurs automnales, le vivre-ensemble est ici paré de beaux atours. L’intention est sympathique et il fait bon habiter dans les forêts anglaises. Inga Moore dédie son livre à tous les bibliothécaires. Pas aux élans ?  (André Delobel)

LOUVE

par  Pascal Brissy, Auzou 2022, 258 pages, 14,95€

Ambre, une adolescente, a un souci héréditaire : elle est une louve garou. À chaque pleine lune, elle va voir son grand-père qui l’enferme le temps de la transformation ; pour sa sécurité et celle des autres. Un secret bien gardé. Personne au collège ni en ville n’est au courant. Problème : un loup garou entre en scène. Puis un autre. Autre problème : un nouvel élève dans sa classe. Un magnifique jeune homme. Entre l’ami historique et ce nouveau que va devenir le coeur d’Ambre ? Une histoire comme on les aime : qui prend le lecteur par la main et le suit des yeux, page après page. Un univers incroyable et pourtant si proche de la réalité. Des sentiments. Des adultes pas toujours très clairs, ni très responsables. La vie. Comme quoi l’imaginaire vient vite confronter le réel et incite à la réflexion. Un livre dès le collège.   (Patrick Joquel)

LE BOIS DONT PINOCCHIO ÉTAIT FAIT

par Bruno Heitz, Le Genouvrier 2021, 48 pages, 14,00 euros.

De loin en loin, Bruno Heitz aime à s’emparer d’un texte à priori connu de tous (une fable célèbre, un conte traditionnel, un roman patrimonial) et, pour le plaisir des jeunes lecteurs, le malmener à sa manière, le modifiant, le prolongeant ou imaginant de  malicieux pas de côté. Ce n’est d’ailleurs pas à Pinocchio lui-même que l’auteur-illustrateur s’intéresse ici en premier lieu, mais au morceau de bois qui reste après la fabrication du pantin. Gepetto n’ayant pas fermé sa porte, un voisin vole le morceau laissé de côté et c’est le début d’un trépidant récit en randonnée. La bûche, s’avérant tête de mule, se fait insaisissable. Elle n’accepte pas de devenir pied de lit, rayon pour une roue de charrette ou pour un lustre, bâton de marche pour un vagabond, et elle provoque folle terreur, accident grave et dramatique incendie. Mais, puisqu’il faut bien qu’une randonnée cesse, s’approchent deux gendarmes. Deux gendarmes ? Tout à fait et pas n’importe lesquels puisque ce sont ceux-là même qui, dans la vraie histoire, ont injustement arrêté Pinocchio. La bûche, peut-être par hasard ou peut-être pas, car le doute est permis, assomment les deux gendarmes, délivrant ainsi Pinocchio qui s’empresse de retourner chez son père. Il faudra lire l’album jusqu’au bout pour savoir ce qu’il advint du morceau de bois restant de la fabrication du pantin. Disons seulement : « Mais, c’est bien sûr, il suffisait d’y penser. » Les lecteurs familiers de Bruno Heitz savent qu’il aime varier ses façons d’illustrer. Pour ce livre-ci – comme pour plusieurs autres de la même collection – il a choisi la technique du papier découpé (puis photographié) et il a privilégié une palette noire, blanche et grise, sans exclure totalement la couleur. Pas d’inquiétude donc : l’habit de Pinocchio est bien rouge, celui de Gepetto bleu et la bûche couleur de bûche.   (André Delobel)

TERRIENNE

de Jean-Claude Mourlevat, Gallimard jeunesse 2021, 416 pages, 6,70 euros (en poche).

Les mondes parallèles : un incontournable de la Science-Fiction. Un livre de plus, direz-vous ! Et alors ? L’essentiel est que cela fonctionne et là, pour le coup, ça fonctionne bien. Anne passe de l’autre côté. Plusieurs fois. Seule puis avec quelqu’un. Dans ce monde parallèle, elle mènera la mission qu’elle s’est fixé. Elle trouvera de l’aide. En dire plus ce serait enlever les éléments de surprise qui donnent toute leur saveur au récit. Je l’ai lu d’une traite. Complètement captivé. Un livre à lire dès la fin du primaire et au-delà bien sûr. Il n’y a pas de péremption d’âge pour un livre comme celui-ci. Comme dans tous les autres ouvrages de Jean-Claude Mourlevat.   (Patrick Joquel)

LE BAZAR DU ZÊBRE À POIS

de Raphaëlle Giordano, Plon 2021, 288 pages, 19,90 euros

Voilà un roman que j’ai lu d’une traite un après-midi d’été. Le début déroute un peu : je me demandais où Raphaëlle Giordano allait m’emmener. Et puis j’y suis allé. Un bien joli bazar ! Dans ce roman vous allez trouver outre ce zèbre à pois, improbable magasin qui va déranger la ville où il s’est installé, des termes inventés comme l’audacité, un audaciel (ils seront plusieurs dans le livre, mais chacun est unique), des amateurs de rencontres silex. Des empêcheurs de rêver en liberté aussi. Je ne dirai rien de l’histoire : ce serait gâcher la surprise. Un livre à lire dès seize ans, et pendant les vacances, celles d’été ou les prochaines- histoire de se mettre en pause et comme on dit de prendre de bonnes résolutions pour vivre plus haut que possible.  (Patrick Joquel)

LES DÉSASTREUSES CONSÉQUENCES DE LA CHUTE D’UNE GOUTTE D’EAU 

d’Adrien Parlange, Albin Michel 2020, 12,90 euros.

La scène, annonce Adrien Parlange, a lieu à la fin d’une journée paisible. Un vraiment bel arbre, une jeune fille emplissant son panier de cerises, un peintre absorbé par son travail, une fillette perchée sur les épaules de son père et un vieux monsieur, tous trois observant l’artiste. Dans le même temps, l’oiseau regagne son nid, un écureuil fait des bonds, le chien trouve un endroit qui lui convient. Un quatrième animal, très petit, se pose, peu avant la fin du livre, au bout de la queue du chien. Alerté par le titre, il est impossible que le jeune lecteur ne suive pas, avec son doigt peut-être, la chute de la goutte qui, immanquablement, dans quelques pages, devra toucher le sol. L’auteur-illustrateur retarde le moment, détournant notre regard dix fois, en plan fixes, vers les événements minuscules dont il nourrit son intrigue. Il l’annulera même tout à fait puisque ce n’est pas sur le sol que la goutte se pose. Coup de théâtre. Petite cause, gros effets. Le désastre annoncé est réel puisqu’il ne s’agit rien de moins que de la rupture brutale et non souhaitée d’un moment calme, de la fin d’un équilibre. L’album est élégant, tout en hauteur. La palette est celle d’un soir d’été. On appréciera le très malin paradoxe temporel qui fait que, s’il ne faut que deux secondes à une goutte d’eau pour tomber d’un arbre, le lecteur devra s’accorder, lui, une grosse poignée de minutes pour découvrir l’album en son entier.   (André Delobel)

MIGRANTS

d’Issa Watanabe, La Joie de lire 2020, 15,90 euros.

L’illustration de couverture accroche immédiatement le regard. Lion, toucan, cochon, éléphant, rhinocéros, lapin, souris, tous animaux anthropomorphisés, marchent d’un pas fatigué, serrés les uns contre les autres, vêtements chamarrés, chacun portant un petit bagage. Sur les pages de garde, les arbres de la forêt sont décharnés et le noir s’impose. La page de titre donne à voir, grimpée sur un majestueux ibis, une créature étrange. Les lecteurs les plus jeunes comprendront-ils qu’il s’agit de la Mort ? Le récit ne la montre, en effet, dans les premières pages, que comme une simple accompagnatrice, discrète, quasi bienveillante. La troupe composée d’une petite quarantaine d’animaux, espèces rares ou non, suit sa route, s’arrêtant parfois pour manger, pour faire une lessive ou pour se reposer. Le renard aide le coq. Soudain, la mer, une embarcation, et, après une dangereuse traversée, des arbres chargés de fleurs et de fruits signifiant – on aimera le croire – la possibilité d’une vie nouvelle pour les rescapés. Auparavant, la barque, trop chargée, avait sombré et la Mort, faisant son office, n’avait pas épargné le petit lapin. Un album sans texte dont la pertinence humaine et politique nait de la force picturale des images.  (André Delobel)

NUIT ÉTOILÉE

de Jimmy Liao, traduit par Chun-Liang Yeh, HongFei Culture 2020, 19,90 euros.

Cette toute jeune fille enfermée, bien malgré elle, dans sa bulle de solitude, laisse ses émotions prendre le gouvernail de sa vie. Harcelée à l’école, incomprise par des parents peu présents, en deuil de son grand-père, elle se réfugie dans un univers de substitution, magique sans excès mais fortement coloré, qui la console un peu. « Je m’enferme souvent dans ma chambre, m’y réfugie dans mon monde à moi. » Le texte que Jimmy Liam confie à son héroïne – c’est elle qui raconte – restera, du moins dans les premières pages, très en retrait. A peine apprendrons-nous que, parfois, le petit chat se transforme en chat géant. Les images, par contre, attestent d’emblée de ce monde secret : des détails incongrus (un ballon de baudruche en suspension, un requin nain dans un baquet, un nuage en forme de poisson), et des allusions fréquentes, explicites ou plus cachées, à Magritte et à Van Gogh. Un jour, un jeune garçon (qui prend des bains de neige comme d’autres prennent des bains de soleil) vient habiter la maison d’en face. « Avec son air insouciant, il semblait tombé d’une autre planète. » La jeune fille constate aussi que, contrairement à elle, il ne rêve pas de s’envoler dans le vaste ciel et il faudra quelques évènements douloureux (une altercation, un passage à l’hôpital, un acte de vandalisme) pour qu’ils quittent promptement la ville, sac au dos. L’illustrateur nous offre, à ce moment du récit, deux suites d’images lumineuses exprimant le bonheur de cette fugue en duo, à pied, en train, en camion, en barque, de jour, sous un soleil éclatant, et de nuit, sous le ciel étoilé. Délicieuses journées quand tout semble possible. L’album se terminera en deux temps. Le garçon déménage et la jeune fille découvre, couvrant un des murs de la chambre qu’il occupait, une fresque qui la bouleverse. « En fin de compte, [c’était] lui le vrai magicien. » Un peu après, en trois images et peu de mots, Jimmy Liao nous laisse entendre que, même si elle ne revoit jamais ce garçon qui « pareil à une plante qui pousserait dans un labyrinthe, [se moquait] bien de savoir où se trouve la sortie », elle pourrait bien, désormais, s’arranger mieux avec son quotidien. 144 pages étincelantes dédiées par l’auteur-illustrateur taïwanais aux enfants qui n’arrivent pas à communiquer avec le monde.    (André Delobel)

ADI DE BOUTANGA

de Alain Serge Dzotap etMarc Daniau, Albin Michel jeunesse 2019, 32 pages, 18,00 euros

Un album grand format dans lequel texte et illustrations sont mis à l’honneur. On y entre avec chaleur. La chaleur de la palette de Marc Daniau bien accordée au pays où se déroule la vie d’Adi : le Cameroun. C’est l’histoire d’une petite fille qui grandit. Une petite fille heureuse. École. Amies et amis. Jeux et rires. Comme tant d’autres petites filles dans le monde. Seulement, ici, à treize ans, les filles quittent l’enfance. L’enfance et l’école. Selon la tradition, l’oncle cherche un mari à sa nièce. Des questions de prestige, de dot plus que d’amour. D’ailleurs Adi ne veut pas de l’homme auquel son oncle l’a promis. Elle veut son amoureux. Elle veut continuer à apprendre. Pour échapper à son destin son père la conduit à Boutanga. À Boutanga, un couple franco-camerounais a ouvert un foyer école pour les filles qui s’opposent au mariage forcé et veulent continuer l’école et garder la liberté de choisir leur vie. Ce livre brûle d’actualité. Combien de jeunes filles arrêtent l’école contre leur gré ? Combien sont concernées par le mariage forcé ? Et pas qu’au Cameroun. Il suffit de regarder l’actualité pour comprendre que toute liberté est fragile. Un livre pour réfléchir en famille, en classe ou ailleurs. Un livre libérateur de paroles. Un livre pour grandir.   (Patrick Joquel)

LES AVENTURES DE BALTAZAR FOX

de Pascal Brissy, Auzou,  2019, 457 pages, 14,95 euros,

Les trois tomes des aventures de Balthazar Fox sont réunis dans cette belle édition. Balthazar est un garçon ordinaire ou presque : il cache une queue de renard sous ses habits. Joli mais encombrant et surtout secret. Tout bascule lorsqu’il effectue par hasard son premier passage vers l’autre monde. Un monde parallèle peuplé d’animaux guerriers et dotés de la parole. Balthazar est un des rares à pouvoir passer d’un monde à l’autre et influer sur cet autre monde. Ces aventures, il va les partager avec une renarde mystérieuse, un drôle de chacal et un ours sans peur. Des épreuves, un destin hors du commun. J’ai passé un moment bien agréable en sa compagnie et je recommande la lecture de ces aventures dès 10 ans, voire un peu avant.   (Patrick Joquel)

EAU

de Albane Gellé  et Marion Le Pennec, Cheyne 2020, 48 pages, 15,00 euros.

Dans la collection « Poèmes pour grandir », Albane Gellé offre ici une série de courts poèmes en prose sur le thème de l’eau. L’eau, élément indispensable à la vie. L’eau, de la source au torrent. L’eau douce ou l’eau salée. Avec toutes les vies qu’elle abrite dans ses profondeurs. Avec toutes ses couleurs. La pluie, « Eau verticale, trombes de pluie, eau accélère pouis ralentit, cadeau du ciel pour la terre, eau trait d’union, eau recommence à l’infini, sait que tout passe, et passera. » L’eau cachée du puits. L’eau souterraine et sa patience. L’eau de notre corps, les larmes, l’eau de la naissance. Les eaux fossiles de Mars. L’eau source de vie, cause de mort. Son cycle que l’on étudie en classe. L’eau, et sa lumière, sa transparence ou au contraire son opacité, ses mystères. La rosée du matin. Les musiques de l’eau. L’eau des jeux d’enfants, barrages, marées, flaques. L’eau dans tous ses états : vapeur, liquide, cristal de neige, glace. Tout un panorama de mots pour tenter de dire l’eau, d’exprimer notre relation à l’eau. Comme un hommage, comme une louange et comme un respect. À l’heure où se profilent des combats pour l’eau, où les humains s’inquiètent de réchauffement, de sécheresses ou d’inondations, ce livre vient simplement rappeler que l’humanité demeure fragile et dépendante de la planète de sa naissance. Un livre qu’accompagnent les encres de Marion Le Pennec. Encres de chine qui jouent des contrastes entre noir et blanc et dont la fluidité résonne avec les mots. Un livre à donner à lire dès sept ans et bien au delà, à entendre bien avant. Il accompagnera ainsi les réflexions des enfants, des adolescents et même des adultes. Un livre qui permet, comme souvent en poésie, de penser autant que de se sentir plus accordé au monde. « Eau potable en réponse à nos soifs, eau minérale, eau naturelle, dans des bouteilles de toutes les tailles ou jaillissant du robinet, eau cadeau de tous les jours qu’on oublie de remercier, eau à boire, eau bue, eau en glaçons, eau en carafe ou dans de grands verres transparents, eau dans la bouche, dans la gorge, eau vitale. »   (Patrick Joquel)

QUELQU’UN M’ATTEND DERRIÈRE LA NEIGE

par Timothée de Fombelle et Thomas Campi, Gallimard jeunesse 2020, 56 pages, 12,90 euros.

 Un tout petit livre. Un texte que je ne peux lire à haute voix sans avoir la gorge serrée. Une émotion brute. Pour moi. Ça ressemble à un conte. Ça commence avec une hirondelle. Comment ne pas revoir Vango et sa complicité avec les hirondelles ?… Un animal totem pour Timothée de Fombelle. Au moment où je saisis ses lignes je les vois glisser le ciel. Mes compagnes estivales à Mouans-Sartoux. Ça continue avec un livreur de glaces italiennes. Un chauffeur livreur comme on en double des centaines sur l’autoroute Vintimille Paris Calais. Un homme déjà expérimenté, post cinquantaine. Seul. Au volant. Avec des passagers imaginaires. Avec cette solitude qui permet de douter de savoir encore parler, au bout d’un long moment de solitude chaque mot prononcé, même un simple bonjour, est si lourd à prononcer… Ça se termine chez le chauffeur, dans sa maison. Un soir de Noël, forcément… Je n’en dirai pas plus ici sinon ce serait perdre la force de cette histoire. Je peux juste ajouter que cette petite histoire est terriblement actuelle, et c’est cette actualité là qui me donne les larmes dans la voix quand je la lis. Une actualité qui résonne en moi, depuis longtemps et chaque jour. Quand un livre, l’air de rien et presque sans y toucher, s’empare ainsi de la réalité pour osciller comme un funambule entre réel et imaginaire, je dis merci.   (Patrick Joquel)

DES HAÏKUS PLEIN LES POCHES

de Thierry Cazals et Julie Van Wezemael, Cotcotcot éditions 2019, 260 pages, 12,90 euros

Le poète invite son lecteur à le suivre chez lui. Dans l’intimité de ses processus de création, dans sa manière d’être au monde. Il explique, il montre, il suggère ; il révèle un peu de ses façons de faire. Comment il se met à l’affût, comment il se laisse surprendre, comment le poème vient à lui. Il y a le poète, il y a les jumeaux qui viennent le voir et l’écouter. Qui se jettent à l’eau du haïku. On l’aura compris, ces deux-là, frère et sœur, sont là pour nous. Ils posent nos questions, tentent leurs essais. Avancent dans la voie du haïku. Thierry Cazals intervient souvent dans les écoles ou autres centres de jeunesse pour inciter à la création de haïkus. Dans ce livre il donne aussi en partage sa pédagogie du haïku ou comment amener tranquillement et sans forcer les enfants ou les plus grands d’ailleurs, à oser se lancer dans cette écriture. Une pédagogie particulière tant chaque auteur a ses façons d’opérer bien à lui. Les pistes qu’il propose sont ouvertes à tous, qu’on ait envie d’écrire ou bien qu’on soit pédagogue. Un livre à mettre dans les mains des collégiens et lycéens, mais aussi des adultes désireux d’écrire ou passeurs de savoir être. Car écrire un haïku c’est aussi cela, affiner son savoir être ; etre au monde autant qu’aux autres. Dans le livre, on trouvera des haïkus des maitres Japonais Bashô et Santoka, de Jean-Hugues Malineau et des textes d’enfants créés à l’occasion d’une rencontre avec Thierry Cazals. On y trouvera aussi des pages blanches à remplir.   (Patrik Joquel)

ZETTE ET ZOTTE À L’UZINE

par Elsa Valentin et Fabienne Cinquin, L’atelier du poisson soluble 2018, 46  pages, 16,00 euros.

Non, pas du tout, ce n’est pas la réécriture du pitoyable Nounouche à l’usine qu’André Durst écrivit et dessina en 1953. Ici, c’est l’histoire de « deux sœurettes zouvrilleuses qui zouvrillaient dans une uzine qui fabricolait des zabits de louxe », qui « gagnaient des miettes et quelques légumes avant de gagner des épluchures », et qui, après manifles et assemblées généreules, l’usine devant être prochainement délocalisée, déclarent un beau matin, bravant le tarpon, que les machines étaient à elles. « On va continuer à fabricoler des zabits, mais pas des zabits de louxe, des zabits pour nous et des zabits qu’on pourra échanger contre de bons légumes. » Pour dire vrai, c’est Zette seule qui prend la parole, entourée tout de même de (presque) toutes les autres travailleuses. Zotte qui, de son côté, avait misé sur l’ascenseur-saucisse, regarde les évènements de loin, sans bien comprendre. Le tarpon, qui en a sa claque, renonce finalement à ses machines, Zotte félicite Zette : « Bravo, t’as gagné. En plus, tu vas être le chef, maintenant, puis tout ça c’est grâce à toi. » Fraternelle, Zette rectifie : « Mais t’as rien compris du tout, ma Zotte ! Y a pas de chef. On décide toutes ensemble et on partage tout. Sinon ça recommence. » Elsa Valentin, auteur du texte, s’en est donné à cœur joie, s’inspirant peut-être de Queneau, de Ponti voire de Rabelais. Elle nous avait déjà, dans Bou et les trois ours, régalé de ses inventions langagières. Les images de Fabienne Cinquin, très colorées, sont intemporelles, un peu d’années 30, un peu d’aujourd’hui, un peu de demain (le défilé de mode final) et la couleur rouge s’impose quand les ouvrières sont en grève. Et c’est ainsi qu’en littérature pour la jeunesse, dans un album énergisant, nait une coopérative ouvrière. Dans la vraie vie, les trente « filles de chez Lejaby » (à qui l’album est dédié) s’étaient battues jusqu’à obtenir de substantielles indemnités. Les Atelières, ex-salariées Lejaby, qui avaient, en 2013, à Lyon, relancé une unité de production de lingerie et de corsetterie, durent la fermer, au bout d’un an, faute de soutiens financiers. Album à déguster à partir de 10/12 ans et au-delà.    (André Delobel)

DE NOS PROPRES AILES

par Kinga Wyrzykowska, Bayard 2017, 350 pages, 14,90 euros

Elles sont six. D’origines différentes. Avec des vies différentes. Une passion commune. Le volley. Elles forment une équipe.. Elles ont gagné leur place dans le tournoi final d’une coupe internationale qui se déroulera à la Désirade. L’une d’entre elle va se blesser. Tout est compromis. Une septième fille entre dans le jeu. De cette déstabilisation va naitre une belle aventure sans concession. Solidarité, amitié, mystère et jalousie roulent tout au long du récit. Un principe de réalité concret, crédible et décapant. On se laisse prendre par ces filles, leurs désirs, leurs pensées. J’aime qu’on me raconte des histoires. Celle-ci est poignante. Réussie. Un bon moment de lecture.   (Patrick Joquel)

LE FILEUR DE VOYELLES

par Jacqueline Persini et Marc Bergère, Soc et Foc 2017, 16 pages, 12,00 euros

Un magnifique et lumineux livre accordéon. Les encres de Marc Bergère, légères ouvrent un chemin qu’on suit à la trace. Les courts poèmes dédiés aux langages des hommes et plus particulièrement aux voyelles de la langue française ouvrent également de petits sentiers de voyage méditatifs et plein de surprises pour ceux qui lisent les yeux grands ouverts. On se laisse bercer dans cette ambiance joyeuse. Comme tout accordéon, il gagnera à être déplié sur une étagère. Muette invitation à la contemplation sereine du temps et des mots qui passent. Les éditions Soc et Foc continuent leur exploration de la création contemporaine avec la qualité qu’on leur connait depuis longtemps.   (Patrick Joquel)

LE TABAC TRESNIEK

par Robert Seethaler, Gallimard 2016, 272 pages, 7,20 euros

Vienne. Juste avant la Guerre. L’arrivée en ville d’un grand adolescent venu de la campagne. Apprenti chez le buraliste Tresniek. Apprentissage du métier, de la ville, de l’amour, de la vie… Une rencontre capitale va l’aider à grandir et à s’affirmer. Frank va devenir un homme et tenter de le demeurer malgré la montée du nazisme. Un livre à la douce mélodie, aigre-douce. Beaucoup d’humanité : j’ai pris plaisir à suivre les pages de ce voyage Viennois autant qu’intérieur. Du même auteur on lira avec le même bonheur, en tout cas pour moi, Une vie entière. L’histoire d’un homme, tout simplement. Un de ces hommes qui, dit-on, n’ont pas d’histoire. (Patrick Joquel)

LE REVEUR QUI RAMASSAIT DES PAPIERS DE BONBON

par David Dumortier et Nathalie Novi, La poule qui pond 2015, 48 pages, 15,00 euros.

Un livre comme je les aime. Chaque page est un poème et l’ensemble constitue un long poème. On suit le fil des mots, on tourne les pages, les couleurs nous accompagnent et le silence installe ses vibrations. On respire au large et en tension car ce rêveur qui embarque le lecteur dans son secret est si dense qu’on a besoin de tout l’espace des images pour respirer. C’est une des facettes de la poésie que de nous embarquer ainsi dans le secret. Un texte qui se lit aussi bien en silence qu’à haute voix, voire à plusieurs voix. Comme une mise en scène. Un texte imprimé pour aider à la lecture les enfants pour qui lire demeure une épreuve. Un livre à mettre dans toutes les classes ou à défaut et au minimum, dans toutes les bcd des écoles maternelles et primaires. Et ailleurs bien sûr : salle d’attentes de pédiatrie, d’orthophonie, etc.   (Patrick Joquel)

VATER UND SOHN – PÈRE ET FILS : TOUTES LEURS FARCES ET LEURS AVENTURES

par Erich Ohser, Warum, 2015, 304 pages, 25,00 euros.

Le livre reprend la totalité des planches de la bande dessinée muette de Erich Ohser parues entre 1934 et 1937, série qui raconte les aventures d’un fils et de son père. Mais, notons que, vu le physique de l’adulte, le jeune lecteur identifie plutôt ce dernier à un grand-père. L’ensemble est constitué de courtes histoires, deux, trois ou quatre bandes, avec généralement deux vignettes, parfois trois, par bande. Une atmosphère affective très forte unit les deux héros et ceux-ci connaissent des aventures variées liées au monde de l’école, des loisirs, des objets techniques, des moyens de transport, du cambriolage, du zoo, des fêtes chrétiennes. On voit assez souvent la conséquence inattendue d’une action poussée dans ses aspects ultimes. Le titre de chaque récit n’a pas seulement été traduit mais généralement très bien adapté. Ainsi « die Nagelprobe » n’est pas traduit par « clou d’essai » mais par « clou du spectacle » (puisqu’il est question d’un fakir de cirque) et « L’avis des bêtes » joue sur l’homonymie avec « La vie des bêtes ».  Bien que le décor soit celui de l’Entre-deux-guerres, les situations parlent aisément à un jeune de cinq-six ans d’aujourd’hui. Certains enseignants français germanophiles utilisent cette « BD sans bulle », pour des moments d’expression écrite et de vocabulaire, en élémentaire, et de remise en ordre d’images, en maternelle.   (Alain Chiron)

ohser

DES MOTS DE SOLEIL

par Jacqueline Held, Couleur livres 2015, 48,00 pages, 9,00 euros

Poète de la légèreté, Jacqueline Held donne ici une vingtaine de poèmes ensoleillés. Un livre joyeux. Des comme des comptines, comme des berceuses, de la douceur et de la contemplation. Économie de moyens aussi : pas de grands mots, pas de longueurs : on demeure dans le bref, dans la flèche qui fait mouche. L’air de rien. Et comme tout poème, rien n’est aussi simple qu’on le croirait en première lecture : questionnement existentiel, actualité. Le poème vole ainsi d’une libellule à une recette de potion pour se faire aimer et passant par un jardin public abri de migrants… Le poème demeure ce passeport pour plus d’humanité.   (Patrick Joquel)

ANGEL L’INDIEN BLANC

par François Place, Casterman 2014, 230 pages, 15,00 euros

J’ai toujours pensé que le songe devance et invente le réel, François Place joue ici sur ce thème avec son humour, sa grâce et son imagination légendaires. De l’humain aussi. Et de cette humanité capable de dépasser les frontières, les castes, les règles sociales. L’Indien fabrique sa propre liberté comme sa mère, esclave, le lui avait appris en lui donnant sa langue maternelle en héritage. Il la fabrique en sachant écouter, observer, donner ; en osant être lui-même. Chaque jour il se dépasse, il va plus loin. C’est un de ses sauteurs d’horizon comme j’aime. Récit de voyage, récit initiatique, récit rêveur : laissez-vous embarquer et envolez-vous. Magnifique roman.   (Patrick Joquel)

L’ODEUR DU CAFÉ  

par Dany Laferrière et Francesc Rovira, De la bagnole, 2014, 160 pages, 12, 90 euros

Le livre reprend, choisies par Dany Laferrière, une partie des nouvelles de l’édition pour adultes  de 1991 : La galerie, Mon nom, La maison, La rose, Le chien, La pluie, Les gens, Le corps, L’amour fou, Le destin, La fièvre, La vie, La nuit, Les rêves, Les filles, La grand-mère, Le voleur de poules, Le match, La mer, La bicyclette, Le café de Zoune, La tristesse, Le matin fatal, La mort, Les choses de la vie, La fenêtre, Le monde, Le livre. Les récits se déroulent durant la jeunesse de l’auteur, en Haïti, et le titre rappelle que la grand-mère de l’auteur était très attentive à la qualité du café qu’elle servait. Dany Laferrière parle merveilleusement bien de l’enfant qu’il était alors et qui, baignant dans une atmosphère affective très forte, pouvait se concentrer sur les petits évènements qui égayaient sa vie. L’illustration est un vrai plus par rapport au livre d’origine, portant d’autant mieux l’atmosphère qu’elles se concentrent sur un moment significatif de l’action et que leurs couleurs sont bien dans les tons des livres pour enfants qui paraissaient dans les années 1960. Extrait : « Cet été encore, je n’aurai pas la bicyclette tant rêvée. La bicyclette rouge promise. Bien sûr, je n’aurai pas pu la monter à cause de mes vertiges, mais il n’y a rien de plus vivant qu’une bicyclette contre un mur. Une bicyclette rouge. »   (Alain Chiron)

ÉTONNANTES HISTOIRES DE FRANCE ET DE NAVARRE : LA GRANDE HISTOIRE A TRAVERS SES PETITES HISTOIRES.

par Daniel Appriou, Larousse 2013, 256 pages, 12,90 euros

Les 200 faits historiques exposés par Daniel Appriou dans Étonnantes histoires de France et de Navarre s’étendent de l’Antiquité à la présidence de Jacques Chirac. Certains sont connus : les obsèques quasi-secrètes de Louis XV qui n’était plus le « bien-aimé » du peuple parisien, l’introduction par la Révolution des départements et d’autres mesures nouvelles. On y lit aussi – c’était près de Montargis, dans le Loiret – le récit de la chute du train du président Paul Deschanel. La plupart, moins célèbres, suscitent l’étonnement et l’amusement. On apprend, par exemple, que le prévoyant roi Charles Quint organisa une répétition générale de ses obsèques et qu’il alla jusqu’à essayer son cercueil. L’ouvrage s’adresse à des lecteurs qui connaissent déjà les grandes périodes historiques car les événements sont cités sans contextualisation. L’exactitude historique n’est pas toujours confirmée et l’auteur ne s’en cache pas, distillant des « On raconte que », « Origine contestée » et autre « Anecdote que l’on aimerait authentique ». L’histoire politique et sociale s’efface au profit de l’anecdotique avec une forte prédominance accordée aux personnages de pouvoir et à la mort dans toutes ses dimensions (exécution, funérailles, deuil, etc.). Un livre idéal pour briller aux repas de famille : « Vous saviez que… » (Juliette Delobel)

L’INCROYABLE AVENTURE D’UN PAPILLON NOMME AZURE

de Patricia Vergne Rochès et Thierry Ballay. La vache qui rit, 28 pages, 2013, 12,00 euros.

Cet ouvrage permet de suivre dans un album très illustré toutes les caractéristiques de l’existence d’un papillon qui vit plus particulièrement dans les tourbières d’Auvergne. Toutefois, en suivant notre narrateur, le papillon en question, c’est une grande partie de la faune et de la flore de ce milieu aquatique qui nous est révélé, les informations scientifiques étant portées par une dimension fictionnelle. Les illustrations sont conçues dans le but de mieux faire passer le contenu du texte (ainsi la gentiane des marais où l’azuré pond est vue sous divers angles) et elles ont une dimension esthétique qui rappelle les planches naturelles en couleurs. Les deux dernières pages s’adressent plus particulièrement  aux parents et elles sont destinés à faire connaître les lieux de visites de certains espaces d’Auvergne comme la tourbière de Jouvion au sud-ouest du Puy-de-Dôme. On peut feuilleter ce livre ici.   (Alain Chiron)

 LES SOCQUETTES BLANCHES

 de Vincent Cuvellier et Alexandra Pichard, Gallimard jeunesse, 40 pages, 2013, 14,50 euros

D’un côté il y a Thérèse et la bande des Socquettes blanches. Que des filles, que des Thérèse, sauf Ronald qui vient d’Écosse mais qu’on appelle Thérèse pour ne pas se tromper. De l’autre côté, c’est Tatave et la bande des Chats crevés. Que des garçons, Titi, Bébert, Loulou, Jojo et même Dominique qui est chouette comme un gars. Dans les deux camps, le rassemblement a lieu le jeudi, jour sans école – nous sommes au début des années 1960 – dans la cabane prêtée et bénie par monsieur le curé pour les premières et dans une cabane prêtée par personne au fond d’un terrain vague pour les seconds. On s’amuse bien chez les Socquettes blanches, qui jouent à la poupée, à cuisiner et à repasser. On s’amuse aussi chez les Chats crevés, surtout à la guerre et à attaquer les Socquettes blanches. Jusqu’au jour où les besoins en logements sont tels que des bulldozers hostiles apparaissent dans le quartier pour nettoyer sans ménagement terrain vague et jardin de presbytère et permettre ainsi la construction d’un immeuble de huit étages. Il faudra une alliance (et une connaissance haut placée) pour empêcher une telle catastrophe. Le texte de Vincent Cuvellier joue avec malice sur l’opposition joyeusement caricaturale entre les deux bandes en alternant, en courts chapitres, le journal de Thérèse et celui de Tatave. Dans les pages attribuées à Thérèse, le « nous » est de rigueur, le vocabulaire soutenu (chenapan, éberlué, malappris) et la conjugaison impeccable. Dans les pages attribuées à Tatave, le « on » est de mise, les expressions sont souvent familières et la grammaire hésitante. Cette construction et ces manières de dire dynamisent un récit drôle et optimiste qui, un brin nostalgique, ramène à nous le passé proche dans lequel il s’inscrit. Le lecteur féru d’histoire ne s’étonnera pas de l’irruption dans l’album d’un général de Gaulle, homme providentiel, arrivant pile poil pour souder, à l’occasion d’une opération immobilière malvenue, une France partagée entre catholiques et communistes. Il ne s’étonnera pas plus que le président se déplace en DS et que même Tatave en a déjà vu une à la télévision. Les illustrations d’Alexandra Picard, rétro mais pas trop, contribuent à recréer décor et ambiance d’époque.  (Juliette Delobel)

LA MAISON DE ZOU

Larousse 2013, 12 pages, 8,90 euros

Il est inscrit dans le destin des personnages récurrents des dessins animés que diffusent les chaines de télévision de se retrouver en albums. On peut d’ailleurs se demander si c’est le succès acquis sur le petit écran qui leur vaut cette présence ou si c’est l’inverse ou si tout cela n’était pas déjà prévu à l’avance. Quoiqu’il en soit, Zou, le petit zèbre curieux et malin qui vit sa vie dans « Les Zouzous » de France 5, a droit à sa gamme de livres. Trois collections, pas moins (« Mes petits carnets », « Mes petits albums », « Mes histoires surprises ») et, hors collection, cet imagier puzzle. La maison de Zou se compose donc d’un salon (dans lequel Zou joue avec un téléphone portable), d’une cuisine (c’est maman qui fait les gâteaux au chocolat), d’une chambre (dans laquelle Zou fait on ne sait trop quoi), d’une salle de bain (c’est maman qui donne le bain) et d’un garage (dans lequel Zou  fait semblant de peindre). Le papa ? Pas de papa. Une exploration en cinquante imagettes  – dont une table basse, un cadre à photo et une caisse à outils – assortis  de cinq basiques images puzzle. Si, à leur manière, les imagiers peuvent aider à découvrir le monde, on s’interrogera toutefois, feuilletant celui-ci, mais la remarque vaut pour d’autres, s’il n’y aurait pas, plus que souvent, comme un décalage entre l’univers quotidien des petits lecteurs et celui proposé dans le livre. Pas de nom d’auteur ni d’illustrateur. (André Delobel)

À QUI EST CE VÉLO ?

par Jun Takabatake, Picquier jeunesse, 2013, 40 pages, 12,00 euros.

 Voici un joli album dont la dimension créative particulièrement ludique donne à voir une fort originale collection de vélos. Le jeune lecteur doit émettre des hypothèses sur le propriétaire de chaque bicyclette en fonction de son aspect. Outre l’esprit de devinette qui accroche toujours les enfants, l’album incite à repérer dans la forme globale du moyen de locomotion présenté des indices significatifs. Ainsi un vélo avec une éclairage survalorisé est destiné à une taupe tandis qu’une bicyclette à deux guidons va appartenir à un kangourou et au petit qu’elle porte dans sa poche. Dans l’ouvrage sont successivement convoqués : un garçon (vélo avec barre) un crocodile, un éléphant, une taupe, un ver, un caméléon, une autruche, un kangourou et une fille (vélo sans barre). La première double-page montre un personnage sur un vélo découvrant une bicyclette particulière sans son propriétaire, la seconde double-page fait découvrir le personnage à qui appartenait ce moyen de locomotion excentrique et le cycle reprend avec la troisième double-page qui est aussi la première double-page pour le second propriétaire. Un ouvrage en voie de devenir un classique de la littérature de jeunesse puisqu’il est sorti une première fois au Japon en 1982, qu’il a été primé à la Foire du livre de jeunesse de Bologne, qu’en 2002 les éditions Alice l’avait édité et qui le voilà à nouveau disponible grâce à Picquier. Pour les enfants de 3 à 9 ans. (Alain Chiron)

LE TOUR DU MONDE DE LA PETITE TAUPE

par Zdeněk Miler et Hana Doskočilová, Autrement jeunesse et Arte éditions, 2013, 86 pages, 14,50 euros.

Voici un album (plus long que les 36 pages habituelles) qui conte les aventures d’une petite taupe, personnage connue depuis un demi-siècle dans les pays de l’ancienne Europe de l’est et en Allemagne. Son apparition remonte à 1956 en Tchécoslovaquie. Son créateur est ZdeněK Miler, décédé en 2011. Alors qu’il vient de recevoir une commande pour un film éducatif, il tombe sur un nid de taupe et aussitôt décide de prendre comme héros cet animal assez familier aux enfants mais très rare dans les films d’animation. Les éditions Autrement proposent ici le cinquième album de la série. Avant cette parution seule La Petite taupe qui rêvait d’une barboteuse avait été proposée aux lecteurs francophones, en 1959, par un éditeur suisse. Le tour du monde de la petite taupe prend prétexte de la recherche par l’héroïne d’une fleur susceptible de guérir son ami la souris (dans cette série, les actes de dévouement servent souvent de racine au récit). Pour raconter ce tour du monde, ZdeněK Miler n’encombre pas l’esprit des enfants en nommant pays ou continents – cinq sont cités seulement – , mais il donne, par contre, une bonne approche de la diversité climatique dans une illustration classique par le trait mais porteuse d’un grand dynamisme. Les enfants peuvent retrouver la petite taupe en DVD chez Arte éditions. (Alain Chiron)

AVANT QUAND IL Y AVAIT PAS L’ECOLE

par Vincent Malone, Seuil jeunesse, 2013, 48 pages, 18,00 euros

Voilà un album dont le titre donne sacrément envie d’ouvrir. On imagine bien quelque petit lecteur pas trop copain avec son cours moyen penser que « Ça devait être drôlement bien quand y avait pas école. » Il a tout faux – l’illustration de couverture aurait du l’alerter – mais, s’il lit l’album en entier, il aura passé un sacré bon moment. Jouant de l’anachronisme, de l’absurde et du second degré, maniant avec jubilation paradoxes, calembours et jeux de mots, Vincent Malone, vraiment malin, s’en donne à cœur joie pour tresser un bel hommage à l’instruction publique grâce à qui nous sommes, quoiqu’on en dise parfois, moins stupides et moins dépourvus qu’un homme des cavernes. L’auteur en donne la preuve trente fois et André Bouchard, qui illustre, en remet une couche, confirmant ou expliquant, selon les cas. Un seul exemple, un des rares qui tolèrent l’absence d’image : « Avant, quand il y avait pas école, on pouvait pas savoir si on avait chassé un mamoute, un rinocérosse, un dinosaur, une coxinelle ou un copin. »   (André Delobel)

CAMOMILLE ET LES CHEVAUX ; TOME 1 : UN AMOUR D’OCEAN

 par Lili Mésange et Turconi. Hugo BD 2012, 48 pages, 10,45 euros.

Un très bel album avec un graphisme très personnel de Turconi, l’un des dessinateurs de Topolino (Le Journal de Mickey pour l’Italie) et de deux albums en France. Le dessinateur sait rendre les enjeux dramatiques ou comiques d’une situation ainsi que les sentiments de ces personnages  humains ou chevalins. Passé les dix premières pages, on peut papillonner car le principe de l’album est d’assurer une unité de sens autonome pour chaque planche. Le jeune lecteur s’attend vite à trouver la chute du gag  dans la dernière vignette de chaque page, ce qui le stimule pour comprendre le comique langagier ou visuel, de bon aloi, qui porte ce gag. Cet album a, d’autre part, un contenu sous-jacent didactique autour de l’univers des chevaux habilement amené au cours de l’action, l’astuce consistant à faire jouer devant l’héroïne des films dont l’action se déroule dans le passé pour permettre d’aborder les diverses formes que l’équitation a prise au cours des siècles. Cet album ravira les filles car elles s’identifieront facilement aux peurs et plaisirs ressentis par l’héroïne, les garçons accrocheront grâce à sa dimension humoristique. Si cet album vise un public d’école élémentaire, il gardera un certain attrait pour les collégien(nes) qui s’intéressent au domaine équin. Le carnet de croquis de la fin de l’album facilite et invite à la reproduction des personnages principaux. A partir de 8 ans.   (Alain Chiron)

LES FABLES DE LA FONTAINE

illustrées par Jean Tirilly, Éditions du Petit Véhicule 2012, 128 pages, 35,00 euros.

Les illustrations du breton Jean Tirilly gagnent à être comparées avec celles de Benjamin Rabier (Langlaude 2011, 72 pages, 12,00 euros) tant leur approche du sens de chaque fable est complémentaire ; ceci est possible pour une demi-douzaine d’entre elles en prenant l’ouvrage illustrées par Benjamin Rabier qui ne présente que les illustrations en couleurs proposées par le dessinateur vendéen. Jean Tirilly fait le choix d’anthropomorphiser presque tous les personnages animaliers dont le physique rappelle quelque peu l’iconographie médiévale (il avait une très bonne connaissance de l’univers culturel du Moyen âge) contrairement à Benjamin Rabier qui valorisait les sentiments des personnages principaux  de ces fables issus du monde des bêtes dans l’atmosphère de la Belle Époque. Sont présentes chez Jean Tirilly les fables les plus à la portée des enfants comme Le Corbeau et le renard. Ce dernier propose également une iconographie pour des fables moins connues mais aussi abordables par les jeunes comme La Grenouille et le rat dont la morale indique la perfidie se retourne souvent contre son auteur ou Testament expliqué par Ésope où il est montré qu’un homme seul peut avoir plus de sens qu’une multitude de gens réunis. Vingt-neuf planches en couleur illustrent une bonne vingtaine de fables car quelques-unes bénéficient de deux représentations iconographiques. Ces illustrations des fables de La Fontaine avaient été réalisées sur du papier fort (servant aux tapissiers) par l’artiste lorsque, connaissant des ennuis de santé, il se replongeait dans les fables de La Fontaine.. À partir de 9 ans. (Alain  Chiron)

DANS LA BOITE

par Dorothy Kunhardt, MeMo 2012, 32 pages, 13,20 euros.

Paru en 1934 aux USA, cet ouvrage avait connu une traduction en français sous le titre Le Petit Piou chien de cirque en 1949 et une réédition en 1951 de cette traduction. L’illustration avait été confiée malheureusement alors à J.P. Miller. Les éditions MeMo ont repris les dessins de Dorothy Kunhardt. Celle-ci a bien su rendre la dimension magique des personnages vivant dans un univers fait de trois couleurs à forte connotation dans le domaine de l’enfance à savoir le rouge, le noir et le jaune. Voici un ouvrage qui évoque des personnages extraordinaires vivant dans un cirque. Ils adorent tous un tout petit chien qui tient dans une boîte de taille très réduite. Le chien minuscule grandit aussi il perd de son intérêt pour le spectacle et le cirque décide de s’en séparer. Une grande tristesse l’envahit et ses compagnons de cirque se désespèrent de cette séparation. Toutefois au bout d’un certain temps il retrouve sa place dans le cirque, non plus comme le plus petit chien au monde mais au titre du plus énorme chien de l’univers. Cette histoire répond parfaitement aux inquiétudes qui agitent l’enfant et ses parents à certains moments de sa croissance. De 5 à 7 ans à l’écoute et de 7 à 9 ans à la lecture.  (Alain Chiron)    

LE CADEAU DES QUATRE SAISONS

par Shih-Jen Lin et Joanna Boillat, traduction du chinois par Chun-Liang Yeh, Hongfei 2012, 38 pages, 14,20 euros.

Le voyage fantastique d’un petit bohémien est prétexte pour une évocation poétique des saisons, toutes liées ici à un animal et lieu précis en rapport avec le type de climat que l’Europe a alors. L’été se passe avec le kangourou, l’hiver avec l’ours polaire, l’automne avec les oies qui s’envolent, le printemps avec un petit lapin blanc qui découvre les divers parfums des champs. Ce récit paru en 1995 à Taïwan bénéficie toutefois ici d’une illustration récente.  Si le texte est assez copieux il évite tout problème de vocabulaire, les images ne reprennent souvent que l’atmosphère du texte qui lui fait face. Très attrayant par ses couleurs et son graphisme à connotation sensiblement slave – l’illustratrice est d’origine polonaise – cet ouvrage aide à rentrer dans un univers plus onirique par sa beauté que par les actions fort banales des personnages. Du fait de la qualité de son illustration il plaira à des élèves de fin de cycle 3 qui auraient été rétifs spontanément à la réception d’un album qu’ils jugent ne plus être de leur âge. De 7 à 10 ans.  (Alain Chiron)

REMONTANTS ET RICOCHETS

de Jean-Claude Touzeil, Illustrations de Valentine Manceau, Soc et Foc 2012, 12,00 euros

Un feu d’artifices. Tant au niveau des poèmes que des images. Thèmes variés mais toujours juste et humain. Écrire pour tous n’est pas offert à tout poète, Jean-Claude Touzeil en a reçu le don (et le travail qui accompagne). Du coup c’est une merveille qui comme toute merveille n’est pas aussi simple, pas aussi évidente qu’il n’y parait. C’est le génie du poème que d’ouvrir le cerveau et le cœur aux dimensions de l’univers. On retrouve la même diversité réussie dans les images de Valentine Manceau, une artiste qu’on retrouvera dans d’autres livres sûrement. A mettre dans toutes les bibliothèques et dès la maternelle jusqu’aux résidences de retraites. (Patrick Joquel)

PROUT DE JUDOKA

par Noé Carlain et AnnaLaura Cantone, Sarbacane, 2012, 56 pages, 14,90 euros.

 Une tonalité fiévreusement humoristique dont le graphisme se conjugue avec un humour très potache. Prout de judoka est le dernier d’une série qui compte aussi Prouts de mammouth autour des animaux, Prouts de pompiers en rapport avec les métiers, Prouts célèbres qui nous amènent à découvrir des figures historiques en mauvaise posture. La rime est, sauf heureux hasard, pauvre (seul le ou les deux derniers sons riment) ; voilà un argument pour faire mieux que l’auteur en visant la syllabe entière. Par contre au niveau de l’esprit de répartie, il sera difficile de faire plus ou même d’égaler celui-ci. Qu’on en juge par : Prout au starter, départ sans revolver ou par Prout à la gymnastique, éteint la flamme olympique. Ces textes sont dus au Belge Carl Norac et au Français Alain Grousset qui signent ici sous le pseudonyme de Noé Carlain. La taille et la forme des nez toujours renouvelés par AnnaLaura Cantone séduit. Pour cet album sorti en lien avec les jeux olympiques de l’été 2012, les physiques sont ceux d’animaux. Ils étaient ceux d’hommes et femmes dans les albums précédents. Pour jeunes lecteurs de 5 à 10 ans.  (Alain Chiron)

L’ENTRE-TEMPS DES ALBUMS

par May Angeli, L’Art à la page, 2012, 48 pages, 18,00 euros.

Un très joli ouvrage illustré de dessins, gravures et photos noir et blanc de cette artiste-graveuse. Un voyage poétique entre la fin d’un travail, dans lequel elle a mis toute son énergie et l’irruption d’une nouvelle idée de livre et sa remise au travail. Entre les deux, des incursions dans son enfance, une évocation des lieux et des gens qu’elle aime et de tout ce qui nourrit cette grande artiste. Cet essai autobiographique écrit avec simplicité et sobriété a sa place aussi bien dans un fonds professionnel sur le livre pour la jeunesse, que dans un fonds sur l’art ou en récit autobiographique. On peut aussi l’acheter pour soi iu pour faire un cadeau   (Viviane Ezratty

MOI, J’AIME QUAND MAMAN…

par Arnaud Alméras et Robin. Gallimard 2012, 44 pages, 14 euros. 

L’ouvrage propose une énumération de moments où se manifeste particulièrement le bonheur dans la relation mère-enfant. Les notes d’humour ne sont pas absentes que ce soit dans le texte (« Moi j’aime quand maman arrose les fleurs sur le balcon ; j’ai le droit de l’aider avec le gros arrosoir et maman dit : Bravo, monsieur, vous avez beaucoup arrosé vos pieds, ils vont très bien pousser ! ») que dans le dessin (abondance de jouets bizarres étonnamment jamais rangés). Chaque situation baigne dans une ambiance colorée propre et le fond de la page de texte change à chaque fois. Les personnages ont tous des physiques d’animaux évoquant généralement des animaux à poils ou à plumes avec un corps modifié pour se loger dans des vêtements humains. Il reste au lecteur à imaginer d’autres scènes même si l’album, avec près de vingt moments différents évoqués, a déjà bien épuisé le nombre des situations où est particulièrement présente la tendresse maternelle. Moi, j’aime quand maman… a suivi d’une année la publication de Moi, j’aime quand papa… Ces deux titres qui proposent des situations  pouvant être comprises dès l’âge de quatre ans grâce à l’illustration, peuvent être lus de façon plus  autonome par des enfants de six à huit ans.   (Alain Chiron)

ANUKI ; TOME 2 : LA RÉVOLTE DES CASTORS

par Stéphane Sénégas et Frédéric Maupomé, Éditions de la Gouttière 2012. 40 pages, 9,70 euros.

Anuki est un petit Indien d’Amérique du nord, il a des copains qui entendent bien profiter de sa récolte des baies maintenant bien mures qu’il a découvertes et qu’il a eu la capacité de camoufler. Après avoir vu les fruits terminer dans le ventre de ses deux amis une cascade de situations va lui faire affronter des castors. Basée sur un comique de situation, cette BD sans aucun texte permet aux plus jeunes de s’initier à une partie du code BD en particulier l’ordre de lecture des vignettes, les symboles dessinés et les utilisations d’insert. Le dessin et apporte une touche de légèreté et de poésie au récit. Des fiches d’exploitation pédagogique permettant une approche de l’écrit sont disponibles sur le site de l’éditeur pour les deux tomes et ce second ouvrage peut être lu sans connaître le premier volume. Idéal pour un lectorat de quatre à six ans, il plaira aussi à des enfants un peu plus âgés. Une bonne idée est d’enchaîner Anuki au CP et La Balade de Yaya au CE1 afin de consolider la maîtrise de la lecture d’une BD.   (Alain Chiron)

CHAQUE PAGE A SON SECRET

de Marcel Migozzi et Johan Troïanowski, Pluie d’étoiles, 2012, 7,00€

Un livre carré. Lumineux. Les images et couleurs de Johan dynamisent les poèmes et devinettes de Marcel Migozzi. Un festival de décalage, de tendresse et d’humour poétique ; les deux complices vibrent bien en connivence. Un joyeux régal. A mettre dans toutes les BCD de maternelle et primaire, à laisser trainer en classe pour dynamiter les cerveaux et la lecture croisée entre le texte et les images. Et à mettre en lien avec les autres titres de l’éditeur que Johan a illustré aussi. Un nouveau format et une collection qui commence avec une barre très haute côté illustration. (Patrick Joquel)

1,2, 3 L’EFFROI 

par Albert Lemant. L’atelier du poisson soluble, 2012, 48 pages, 30,00 euros.

Après L’ABC de la trouille publié l’an passé, Albert Lemant conte (et compte) un univers propre à inspirer aux enfants de 3 à 8 ans une saine peur, bien distanciée, en les engageant de plain-pied dans le monde fantasmatique et à tonalité médiévale des monstres. Un nombre apparaît sur la page de gauche. Il est doté d’une silhouette dessinée d’un trait précis, intérieur à dominante noire où fleurissent quelques touches de blanc. C’est à faire frémir. Le 2 est un dragon fort plausible. Vraisemblable est aussi le couple de rats sarcastiques qui forme le 11. Le 12 se compose d’un 1 de deux tibias juxtaposés et d’un 2 où un crâne surplombe des débris d’os. Le texte à gauche apparaîtra un peu barbare mais les enfants relieront l’ensemble des termes qu’ils ignorent au monde des maléfices, la page de droite le mettant en images. On dispose d’une illustration pour les nombres de 1 à 22, puis pour 40, 101, 666 et 1001. Reste, en classe par exemple, à faire découvrir aux jeunes de 7 à 10 ans les expressions autour de 31, 36 ou 107 et à leur faire visiter les nombres – comme le 11, avec le bouillon de 11 heures qu’ils pourront eux-mêmes dessiner.   (Alain Chiron)

 

AU PIED DE LA SAINTE-VICTOIRE AVEC PAUL CÉZANNE

par Rafaële Ide. À dos d’âne, 2012, 46 pages, 12,50 euros.

Voici, dans la collection « L’Atelier à 4 mains », un ouvrage bâti sur l’idée originale de faire revisiter un tableau par un artiste contemporain, ici Rafaële Ide. Le livre s’ouvre par une photographie de la montagne Sainte-Victoire qui surplombe Aix-en-Provence. Au milieu est dit l’importance du tableau de Cézanne qui la représente et l’ouvrage se termine par une mise en perspective des œuvres de Rafaële Ide avec le tableau de Cézanne, Rafaële Ide s’accordant un large espace textuel pour nous conter de manière sensuelle la façon dont elle a procédé. Certains points de la biographie de Cézanne sont développés, en particulier les liens qui l’uniront toujours à Émile Zola qu’il a connu lorsqu’il a fait ses études secondaires dans la capitale de la Provence. Les caractéristiques de l’impressionnisme sont approchées de façon très pédagogique, les techniques utilisées par Paul Cézanne ont droit à une vulgarisation de bonne facture et un lexique conclut l’ouvrage. Un deuxième titre est centré autour du peintre postimpressionniste Pierre Bonnard (1867-1947), du groupe des Nabis, son œuvre étant cette fois revisité par Dominique Maurizi. Pour collégiens et lycéens.   (Alain Chiron)

EDGAR, LE CHAT-SOURIS

par Fabienne Jonca et Nancy Ricard, Epsilon jeunesse 2012, 40 pages, 14,00 euros.

Pour  l’approche du phénomène du chômage, les albums ne sont pas légion. Rien que pour cette raison ce titre mérite d’être mis en exergue. Les jeunes lecteurs, selon qu’ils ont  à peine sept ans ou environ dix ans, n’en auront pas la même perception. En effet, le héros, un chat nommé Edgar, après le décès de sa maîtresse et le refus des  héritiers de l’accueillir, se voit contraint de prendre un travail.  Errant dans les rues, il va trouver son salut dans la rencontre de deux souris  qui font un travail légendaire : récolter les dents de lait. Elles vont convaincre le chat de sa qualification pour cette activité… qui manquent de bras. Les dialogues, à part quelques rares allusions comme celle du « persan tapi dans l’ombre » pour parler d’un chat de race Bombay, sonnent très justes. Les  mots sont à la portée des enfants de sept-neuf ans. Pas toujours toutefois puisqu’on trouve « mal embouché », « la faim étreint ses entrailles » ou  « guillerettes ».  Les étapes de ce récit dépeignent des réalités d’un monde adulte dans lesquels les jeunes lecteurs retrouveront des difficultés sociales qu’ils connaissent peu ou prou : « Edgar embarrassé balbutie, un chat dans la gorge :  – Et bien c’est-à-dire que… en ce moment… comment expliquer ?  – Ce n’est pas honteux de ne pas avoir de travail. Mais as-tu un endroit où dormir et manges-tu à ta faim au moins ?  Edgar n’a pas le temps de répondre. Son estomac le fait à sa place et son gargouillement déchire le silence. »   (Alain Chiron)

POME ou LES PETITES CHOSES

de Johan Troïanowski,  Le Poisson Soluble, 2012, 64 pages, 14,00 euros.

Suivre le fil fragile d’un songe. Entre sommeil et veille. Imaginaire et réalité. Dans le silence. Un doigt sur la bouche. Histoire de ne rien effaroucher. On suit Pome case à case, les yeux ouverts sur la merveille et l’improbable. Comme on suit un enfant qui nous aurait pris par la main pour nous donner à voir la forêt dans sa réalité : avec ses lutins, ses fées, ses sorcières et ses loups. Magique. Un moment de grâce. A partager avec les grands autant que les petits lecteurs ! Le meilleur album que j’ai eu entre les mains cette année. De loin !  (Patrick Joquel)

KALOU ET LE FANTÔME D’EN FACE

par Angéline Chusseau et Thierry Manes, Les Minots, 2012. 32 pages. 12, 50 euros.

Une quinzaine de pages pour un texte d’une cinquantaine de mots très bien servi par une page entière d’illustrations à la gouache. Le style graphique est proche de celui utilisé généralement dans les albums pour enfants du XXIe siècle : décor relativement fouillé, utilisation des angles de vue, des plans et des cadrages très sophistiquée. Les illustrations, pleines de surprises, accompagnent parfaitement le texte au contenu volontairement énigmatique. Il s’agit pour un narrateur externe de nous présenter les actions de Kalou, un jeune garçon, intrigué par un phénomène nocturne très répétitif qui se déroule dans l’habitation d’en face. Il a l’impression que, dans la maison de sa petite amie Élise, un fantôme se déplace. Kalou va finalement découvrir que sa jeune voisine est somnambule. Le choix de situer l’action dans la nuit du 23 au 24 décembre et l’idée de l’illustrateur de mettre sur la tête de cette petite somnambule la couette de son lit constituent une bonne amorce pour un débat avec des jeunes de sept à neuf ans autour des personnages qui appartiennent à leur imaginaire, comme un fantôme, généralement malveillant, ou le Père Noël, au rôle plus positif, et des êtres vivants ayant des caractéristiques étonnantes. Le message de tolérance à l’égard des enfants différents, pour ne pas être explicite, n’en est pas moins présent. L’album, abordable dès 5 ans, pourra intéresser jusqu’à 9 ans et suscitera des réactions diverses selon l’âge du lecteur.   (Alain Chiron)

DESOBEIS

de Christophe Léon, Thierry Magnier 2011, 182 pages, 10,10 euros

Un juste régal. Franchir la ligne rouge. Sauter la frontière. Tout en délicatesse et sans faire de mal à personne. Juste oser. Dire la justice. Le bon. Sortir du convenu, quitter la bêtise ou l’administratif pour tenter de vivre. En homme. Celui des droits. Oui, délicieusement subversif. Important à garder à l’esprit. Vivre est possible. (Patrick Joquel)

CROQUES SUR LE VIF

de Chantal Couliou et Laurent Laurier, Les Carnets du Dessert de Lune 2012, 96 pages, 8,00 euros.

Un bestiaire léger. Humour et rimes. Les illustrations s’accordent à cette naïveté du jeu des mots. Un petit livre qui accompagnera avec bonheur les 5/7 ans en particulier, mais il n’est pas interdit de goûter ces petits sourires au-delà de l’âge de raison. Extrait : Dégustation / Tout est bon / Pour monsieur le glouton / Une tranche de saucisson / Un ragoût de mouton / Un doigt de bourbon / Une poignée de bonbons / Et pour finir Une belle indigestion.  (Patrick Joquel)

A CHEVAL SUR LA LUNE

par Guy Chaty et Raphaël Lerays, Soc et Foc 2012, 12,00 euros

 De courts poèmes. Joyeux. Les mots jouent aux sonorités, aux multiples sens. Rien n’est aussi simple et facile qu’on pourrait le croire. Ça virevolte et caracole, carapate et carambole. A lire dès cinq ans si on a le désir de vivre en souriant, enfants sérieux s’abstenir à moins de vouloir tenter de sortir des lignes. Les images accompagnent l’ambiance avec vivacité. Une réussite d’équilibre et de fantaisie.   (Patrick Joquel)

 L’ÉCHANGE

par Isabelle Gaul, Éditions Tisseyre, 2012, 160 pages, 9,00 euros.

 Ce livre aborde en peu de pages nombre de préoccupations que connaissent les adolescents : les tentatives de suicide, l’anorexie, les amours et le prénom qui déplaît. Le récit montre que les proches peuvent très bien passer à côté du problème d’un jeune : « J’arrive devant la porte de la salle de bains. J’entends des bruits qui ressemblent à des vomissements. Sans m’annoncer, je franchis le seuil. Ma sœur, le doigt bien enfoncé dans la gorge, est en train de se faire vomir, à genoux, devant les toilettes. Elle se relève rapidement comme si de rien n’était, mais j’ai bien vu. Tout s’additionne clairement dans mon esprit ». Avec sa famille, la narratrice, adolescente de Montréal, part en vacances en Suisse alémanique dans le cadre d’un échange de logement. Elle s’inquiète de tentations suicidaires de la jeune Suissesse à travers ce qu’elle découvre dans la chambre qu’elle occupe. En fréquentant les connaissances de l’adolescente suisse, son inquiétude grandit. De façon secondaire, ce livre traite du malaise que peut procurer un prénom trop chargé d’imaginaire et c’est ainsi l’occasion d’apprendre un épisode de la Bible, celui de Salomé avec Saint Jean-Baptiste. De plus, Suisses et Canadiens communiquant en anglais, nous avons des dialogues d’une langue anglaise très contemporaine proposés avec leur traduction. L’éditeur conseille cet ouvrage pour des jeunes de douze à dix-sept ans. Pour acheter, s’adresser à la Librairie du Québec, 30 rue Gay-Lussac à Paris, ou commander sur le site internet de l’éditeur.   (Alain Chiron)

GAMBA ET LES RATS AVENTURIERS

par Saitö Atsuo, illustré par Yabuuchi Masayuki, traduit par Karine Chesneau, Picquier Jeunesse 2012, 328 pages, 19,50 euros.

Rares sont les traductions en français des classiques de la littérature de jeunesse des pays asiatiques et il convient de saluer la publication de Gamba et les rats aventuriers écrit par Atsuo Saitô au début des années 1980. Karine Chesneau, habituée de la traduction de livres pour enfants, a bien su rendre une langue littéraire avec juste ce qu’il faut de mots familiers comme « mec » par exemple. Gamba, rat des villes, venu dans un port à la demande de  Manpuku le Glouton, est le seul à répondre à la demande du rat Chûta (atrocement blessé)  de l’île des Rêves. Les rongeurs insulaires sont cruellement chassés par un groupe de redoutables belettes conduit par Noroi la Maléfique. Gamba se pose vite en chef pour le combat contre cette dernière, tentant de déjouant ses ruses ; Noroi la Maléfique appelle les rats à un banquet de réconciliation. Toutefois Gamba pressent le piège et part demander de l’aide aux mouettes qui souffrent également des dégâts commis par les belettes (qui s’attaquent aux femelles et à leurs œufs). Des combats épiques portés par le courage, le dévouement, la ruse et l’amitié se succèdent. Ce poème à la fraternité propose plusieurs scènes illustrées en noir et blanc par Masayuki Yabuuchi, il convient particulièrement à des jeunes de 9-11 ans qu’un livre de plus de 300 pages n’effraie pas. L’ouvrage a reçu en 1983 le prestigieux prix littéraire japonais Norma.   (Alain Chiron)

DRAGONS & DRAGON

par Marie Sellier, illustré par Catherine Louis, Picquier Jeunesse 2012, 80 pages, 19,50 €.

Marie Sellier a su ici adapter de façon concise et dynamique quatre contes de pays différents de l’Extrême-Orient. Ceci nous rappelle que quels que soient leur nom (Long en Chine, Yong en Corée, Rông au Vietnam ou Ryû au Japon), les dragons sont très présents dans les mythes de l’origine et dans l’univers des contes en général de beaucoup des populations jaunes. Dans Tout-Rouge et le dragon, qui présente des similitudes avec le Joueur de flûte d’Hamelin, le dragon est maléfique, cas minoritaire dans l’univers culturel en question  et le héros doit lutter pour sauver sa sœur et découvrir sa promise. Le Dragon jaune et le dragon bleu est un plaidoyer avant l’heure pour la force de la peinture non figurative tandis que Le Dragon et la fée présente un dragon comme le géniteur de tous les Vietnamiens. Le Dragon ivre donne, pour fondateur du peuple nippon, le vainqueur  d’un dragon à plusieurs têtes ne contrôlant pas son goût pour le saké. À partir de ces divers rôles du dragon l’enfant aura facilement envie de voir quels sont les rôles du personnage du dragon dans les légendes occidentales traditionnelles et dans les albums contemporains européens, ces derniers le présentant plus souvent sous des couleurs satiriques que terrifiantes.  Catherine Louis illustre, quant à elle,  par des gravures colorées très expressives. Chaque conte fait l’objet d’un livret qui, une fois déplié, révèle, au recto, le conte en douze pages où alternent un texte avec une image et, au verso, un dragon d’un mètres soixante de long. On découvre un dragon rouge pour le conte de la minorité chinoise des Yao des provinces méridionales du Yunnan et du Guangxi, un dragon vert pour l’histoire vietnamienne, un dragon jaune pour le récit coréen et un dragon noir pour le texte traduit du japonais.  Cet ouvrage, bien adapté à un lectorat de six à neuf ans, pourra servir d’appui solide à un travail documentaire sur l’imaginaire lié aux dragons pour des jeunes de huit à dix ans.   (Alain Chiron)

LE GRAND MEAULNES

par Alain-Fournier, illustré par Bernard Capo, Casterman 2011, 64 pages, 16,00 euros.

Bernard Capo, natif de Bourges, est un auteur de BD connu en pour sa série Loïc Francoeur paru à l’origine dans le journal Tintin et dont le premier tome situait son action à Bourges. Il a réalisé d’autres BD qui évoquent des paysages berrichons orientaux comme Le Rendez-vous de Noirlac, A la découverte du Cher en Berry et Les Grandes heures de Bourges. Il a mis en bandes dessinées en 2010 Les Misérables chez Glénat et s’est frotté à la BD historique en particulier pour Avec Charette aux éditions du Triomphe. Il était donc la personne idoine pour réaliser l’adaptation du seul et inachevé roman d’Alain-Fournier dont l’action se déroule dans le Cher. Préface et pages documentaires sont réalisées par Agathe Rivière Corre, petite-nièce du romancier. Les influences littéraires de l’auteur y sont mis en exergue. Le choix d’une illustration très classique, style dans lequel Bernard Capo excelle, rend très bien les conditions de vie de la Belle Époque, les paysages locaux et l’atmosphère de mystère qui baigne le récit. Nul doute que tous les collégiens et lycéens, qui liront cette BD, ressentiront en eux la double attraction de l’amitié virile et de l’amour tourmenté que porte le roman. Il s’agit là d’une très belle approche d’une œuvre littéraire et d’une période historique qui se clôt par la déclaration de guerre d’août 1914. Le livre se termine volontairement par la visite onirique réalisée par le Grand Meaulnes en uniforme d’époque sur la tombe de l’auteur au cimetière de Saint-Remy-la-Calonne, non loin de Verdun : le corps d’Alain-Fournier y repose depuis son identification après sa découverte en 1991 dans les bois de Vaux-les-Palameix.   (Alain Chiron)

COTON BLUES

de Régine Joséphine et Oreli Gouel, Bilboquet, 2011, 14,00 euros

Comment reconnaître un album réussi ? Peut-être à ce frisson qui saisit le lecteur au cours de la première lecture. Celle qui découvre. C’est le cas pour moi ici. Coton est une petite fille. C’est le Maître qui la nomme ainsi. Pas celui de l’école, elle n’y va pas : celui de la plantation de coton. Encore un livre sur l’esclavage et toutes ces sortes de choses, direz-vous… Et bien oui pour le début de la phrase précédente, non pour la suite. Car ici, l’hymne à la liberté qui va triompher n’économise rien de la réalité, ni du désir d’en sortir. Un équilibre délicat, l’humanité vivante.  Un équilibre aussi subtil entre texte et image. Le conte absorbe le lecteur autant avec les mots qu’avec les non-dits, les images, les couleurs. Une réussite. (Patrick Joquel)

CORBEAUX D’AUTOROUTES ET DE GARENNES

par Jean Foucault, illustré par Yves Barré, Donner à voir 2011, 48 pages, 6.50 €

Jean Foucault l’observateur. Le voyageur. Il a déjà croqué les haies, les nuages et le voilà qui se met à l’affût des corbeaux. Pour notre plaisir. Ces étranges oiseaux noirs qui vivent si près de nous, avec nous. Souvent nous les voyons à peine. La force des mots ici est de leur donner un peu plus de chair. De nous donner à voir ce que nous voyons sans le voir, l’ordinaire des jours. Les traces de vie. Le miracle permanent de la beauté. Un livre de poèmes c’est aussi cela : un manuel de savoir vivre, de vivre plus ! Quant aux corbeaux d’Yves Barré, leurs dégaines entre humour et sérieux remet toutes les pendules à l’heure : vivre est aussi une farce qui parfois finit sur le goudron, et que le corbeau vient nettoyer.   (Patrick Joquel)

LA BALADE DE YAYA

par Jean-Marie Omont (scénario) et Golo Zhao (dessin), Editions Fei 2011, 96 pages, 8,50 euros.

L’ouvrage est le fruit d’une collaboration franco-chinoise. Une fillette, accompagnée de son oiseau doué de la parole, quitte le domicile familial car elle veut à tout prix participer à un concours de jeunes pianistes alors que ses parents, de riches commerçants chinois, s’apprêtent à fuir Shanghai pour Hong Kong afin de fuir l’attaque japonaise prévue sur la ville. Elle retrouve un jeune garçon qu’elle avait déjà eu l’occasion de voir comme petit acrobate des rues, et ils sont poursuivis par Zhu qui exploite un groupe d’enfants. Il faut voir dans cet ouvrage un clin d’œil à San Mao (Trois cheveux), le héros de la bande dessinée chinoise le plus populaire, jeune vagabond dans le Shanghai des années trente, vivant de petits métiers, de mendicité et d’astuces  comme d’ailleurs deux fils de Mao après la répression nationaliste. Une BD d’environ cent pages au charme rendu léger par un graphisme, des couleurs, un texte et un découpage choisis (une à cinq vignettes par page pour un format à l’italienne 13x 18 cm, un emploi judicieux d’insert qui restreint volontairement les cartouches à une demi-douzaine). La gravité du thème est abordé avec pudeur et l’album convient très bien à des enfants de 7 à 10 ans.  (Alain Chiron)

yaya

LOIN DE LA VILLE EN FLAMMES

par Michael Morpurgo, illustration de Michael Foreman, Gallimard jeunesse 2011, 339 pages, 13,50 €

Un texte prenant. La guerre. Vu côté Allemagne, une famille à Dresde. La montée vers la guerre, la vie durant la guerre, le bombardement, la fuite. Une histoire humaine. Profonde. Avec une éléphante dans le jardin. Subtil, juste. Grave et léger. Comme la vie. Un récit que j’aurai plaisir à lire en classe ou en bibliothèque à des enfants ou des ados tant j’ai pris plaisir à le lire en cet après-midi d’été parmi la paix des cigales.  (Patrick Joquel)

MOI SI J’ETAIS GRAND

par Éva Janikovsky et László Réber, Éditions La Joie de lire 2011, 30 pages, 12,00 euros.

Un classique de la littérature de jeunesse internationale, enfin réédité en français, qui commence par « Tous les enfants savent, même les plus petits, qu’être un garnement est bien plus marrant qu’être obéissant ». Publié en Hongrie et en France au milieu des années soixante, son ton était très nettement décalé par sa dose d’ironie mordante. L’auteur Éva Janikovsky met particulièrement bien en scène les frustrations et le scepticisme des enfants confrontés aux désirs des adultes dans cet ouvrage qui tient une place significative dans une œuvre d’une trentaine de titres consacrés pour l’essentiel aux relations entre enfants et adultes. Éva Janikovsky, qui a vu certains de ses livres traduits en trente-cinq langues, a présidé des années soixante-dix aux années quatre-vingt-dix l’International Board on Bookd for Young People. Elle retrouve ici son illustrateur habituel László Réber (d’origine hongroise comme elle) dont la renommée n’est pas moindre. Le léger décalage historique dans l’habillement vient renforcer le contraste entre le statut d’adulte et les actions inattendues accomplies par l’enfant s’imaginant adulte. Un livre bien adapté aux 7-10 ans. (Alain Chiron)

LE BON MOMENT

par Géraldine Alibeu, Éditions de la Joie de lire 2011. 40 pages, 15,00 euros.

Un bel album à l’illustration faite de photographies de tissus découpés et cousus. L’auteur Géraldine Alibeu a déjà une abondante production et la très grande qualité de ses textes s’en reflète. Elle a su traduire l’inquiétude de l’enfant de savoir quand poser une question afin qu’un adulte soit disponible pour lui répondre, sa volonté de contrer les attitudes d’évitement des grandes personnes pour ne pas répondre et l’importance de la dimension affective dans les relations humaines. Un livre bien adapté aux 5-9 ans. (Alain Chiron)

UN ELEPHANT AU PARADIS

par Thierry Cazals et Ana Yael, Motus, 2011, 38 pages, 10,00 eiros

Le paradis… Les anges… Rêves d’enfances… Ou bien le vert paradis des amours enfantines si Agathe s’en souvient. Un peu de tout cela oui mais aussi beaucoup de douceur, de tendresse. On y croise un éléphant, passeur pour une vie au paradis.  discute avec les anges.  apprend qu’on les croise dans la rue, suffit d’ouvrir les yeux, le bon. On se dit que vivre au paradis c’est déjà tous les jours avant l’autre… Celui de l’éternité dont on apprend qu’elle a des durées différentes. Un livre vrai, léger, contemporain. Une belle réussite. Couronnée par le prix Sadeler 2012.   (Patrick Joquel)

L’ARBRE ESSOUFFLE DE VENT

par Paul Bergèse et Clotilde Bernos, Editions du Jasmin 2011, 48 pages, 9,90 euros

Voici un livre consacré aux arbres. A l’arbre. En effet seuls neuf arbres sont nommés : pin, cyprès, olivier, cerisier, érable, chêne, saule, marronnier et pommier. Dans la plupart des poèmes l’auteur reste dans le générique « arbre » comme pour lui donner plus d’ampleur. De force. Ce n’est pas la première fois que Paul Bergèse écrit ainsi avec et sur les arbres. C’est un de ses thèmes favoris. Le poète est présent au monde. Il observe. Scrute. Écoute. Il contemple ce monde et tente en quelques mots de le dire. De le partager. Ce livre apparaît alors comme une sorte de guide pour rendre le lecteur à son tour plus terrien, plus présent à son monde. Paul Bergèse invite le lecteur à se mettre en contemplation à son tour. A observer les arbres de son quotidien. Ceux du jardin, de la rue comme ceux de ses promenades. A les observer. A les écouter. Lire de la poésie c’est aussi apprendre à être davantage. Comme un apprentissage d’un savoir être.   (Patrick Joquel)

CHARLIE CHAPLIN : L’ENCHANTEUR DU CINEMA COMIQUE

par Luc Baba et Pauline Scott, Éditions A dos d’âne 2011, 48 pages, 7,00 euros

Un livre dont le format in-48 plaira aux petites mains des enfants. Après le récit de l’enfance misérable et les débuts de l’acteur, l’ouvrage évoque les caractéristiques du cinéma muet puis présente, généralement en quatre à six pages, parfois deux de texte et deux de dessin à l’encre de chine, plusieurs films de Charlot abordables par les plus jeunes : La Ruée vers l’or, Les Temps modernes, Le Kid. Une page d’évocation du décès de Charlie Chaplin en Suisse précède une double page d’un jeu où il s’agit d’identifier les vêtements habituels de Charlot. Au milieu du livre un chapitre intitulé « Rire ou pleurer » questionne autour des Lumières de la ville du type d’humour et d’émotion délivrés par l’œuvre de Charlie Chaplin. Cet ouvrage est un outil fort utile pour parents et enfants  ou enseignants et élèves qui verront ensemble un des films de Charlie Chaplin. Dans la même collection : Georges Méliès : le magicien du cinéma par Zéno Bianu et Julia Perrin. À partir de 8 ans.   (Alain Chiron)

ABECEDAIRE EN 26 CHANSONNETTES

par Boris Vian et Tomi Ungerer, Formulette Production 2011, livre-CD, 40 pages, 19,90 euros

Boris Vian écrit en 1959 vingt-six comptines, une pour chaque lettre de l’alphabet, comptines que  Lucienne Vernay met en musique et interprète avec le groupe suisse des « Quatre barbus » en 1972. Les lignes mélodiques sont simples et faciles à chanter pour les jeunes. Toujours dans les seventies, Tomi Ungerer publie un abécédaire en anglais puis en allemand. C’est la première fois que, dans un ouvrage en langue française, on le découvre dans son intégralité. Les personnages sont représentés jouant avec les lettres avec une tonalité humoristique renvoyant à l’imaginaire des contes ou légendes historiques – comme Guillaume Tell – qui n’est pas sans rappeler l’album Les Trois Brigands. Le groupe « Debout sur le zinc » donne une nouvelle interprétation de cet abécédaire et les pages finales du livre présentent une documentation sur Boris Vian, sur Tomi Ungerer, sur Lucienne Vernay et sur les musiciens de « Debout sur le zinc ».   (Alain Chiron)  

TERRIENNE

par Jean-Claude Mourlevat, Gallimard 2011, 386 pages, 16,00 euros.

Dans la région de Montbrison, attention au chemin de Campagne. Si vous l’empruntez vous prenez un chemin de traverse. Suivre la quête d’Anne, c’est aussi se retrouver dans un monde proche de Barbe-Bleue. Et quand on croit arriver à une impasse, l’imprévu surgit… Un livre pour ceux qui ne se contentent pas du monde tel qu’ils l’aperçoivent, à ceux qui cherchent dans l’entre-deux : les Traverseurs. Passionnant.   (Patrick Joquel)

DU FABULEUX VOYAGE SUR LA LUNE QUE FIT CYRANO DE BERGERAC

par Adélaïde Lebrun. Albazane éditions 2011. 19,00 euros.

Dans la collection « Histoires d’antan » chez Albazane éditions, la normande Adélaïde Lebrun illustre à la gouache Du Fabuleux Voyage sur la lune que fit Cyrano de Bergerac  sachant rendre burlesque, fantastique mythologique, esprit de science-fiction et dimension culturelle autour de la vie à l’époque de Louis XIII, tant sur le vieux continent qu’au Canada. Alors que le quatrième centenaire de la naissance de Cyrano de Bergerac approche, voici mis entre les mains de jeunes à partir de dix ans et d’adultes une possibilité de découvrir le premier tiers de son ouvrage phare. Au début et fin du récit elle fait intervenir Henry le Bret préfacier et intime de l’auteur. Du Fabuleux Voyage sur la lune que fit Cyrano de Bergerac  est l’adaptation de L’Histoire comique des états et empires de la lune écrit en 1649 ; ce dernier appartient à l’ensemble des ouvrages précurseurs de la science-fiction et annonce le grand classique des Voyages de Gulliver, publié en 1729, que le jeune lectorat s’est annexé. Adélaïde Lebrun, par le biais de sa vulgarisation, donne envie de découvrir ultérieurement les aventures sur le soleil du héros (empreintes d’une dimension philosophique propre) qu’évoque l’ami de l’auteur ; nul doute que lycéens et adultes tâcheront d’aller vers le texte original après avoir été séduit par cette version illustrée et adaptée au vocabulaire contemporain.   (Alain Chiron)

LE LION QUI NE SAVAIT PAS CHASSER

par Jean-Sébastien Blanck et Jonathan Bousmar. Albazane éditions 2011, 24,00 euros.

Cette édition du Lion qui ne savait pas chasser est un ouvrage trilingue (français, anglais et espagnol) accompagné d’un CD permettant d’entendre les trois versions ; il s’agit d’une satire drolatique du monde des dirigeants politiques dont le contenu est adapté à un auditoire de plus de cinq ans, y compris les collégiens apprenant une des langues étrangères présentes, et un lectorat de sept à dix ans. Les enfants seront ravis de voir l’esprit de malignité de certains personnages et les rebondissements fréquents de l’action. Sa tonalité populiste sera diversement appréciée par les parents et éducateurs, nul doute que certains se réjouiront de la critique sous-jacente de l’organisation de la société humaine alors que d’autres s’inquiéteront du parasitisme et de l’incompétence attribués aux gouvernants ainsi que de la mise en exergue du rôle servile des lionnes vis-à-vis des mâles. Les enseignants de l’école élémentaire, qui pratiquent le débat philosophique, trouveront facilement matière dans Le Lion qui ne savait pas chasser. On notera que l’illustrateur belge Jonathan Bousmar, déjà connu dans le monde de la BD, sert magnifiquement un texte en prose, à la forme proche de la fable, écrit par Jean-Sébastien Blanck. L’illustrateur sait donner des qualités expressives exceptionnelles aux animaux ; quoique d’une tonalité propre son art rappelle en la matière les qualités des dessins animaliers, d’un siècle plus vieux, de Benjamin Rabier.   (Alain Chiron)

LA DOUANE VOLANTE

par François Place, Gallimard 2010, 13,50 euros

Où sommes-nous ? On connaît l’époque : première guerre mondiale. Un territoire côté réel : Bretagne. Bon. Mais ensuite ? Plongée dans un songe, une brume, un on ne sait quoi d’envoûtant qui ressemblerait peut-être à … Et puis peu importe : on avance en ce pays bizarre au rythme de ce Gwen, jeune rebouteux un peu décalé de tous les mondes. On avance et on suit les aventures. L’aventure d’une vie qui semble funambuler le long d’un chemin des douaniers entre terre et mer, réel et imaginaire, sans qu’on sache comme souvent au bord de l’océan où commence l’un et où finit l’autre. On le savait, François Place est un raconteur d’histoires. Et bien en voici encore une et une bien belle. Une à lire et à relire, à voix basse autant qu’à voix haute. A partager aussi et à méditer. (Patrick Joquel)

douane volante

LA PIERRE DES DEUX MONDES

par Michel Piquemal, Tertium éditions 2009, 11,50 euros

Un roman d’ailleurs. Deux mondes : celui d’en bas et celui d’en haut. Celui de la lumière et celui de l’obscur. Comme en chacun de nous. Comme en chacun des héros du livre. Yoël, le jeune héros, a tout pour être heureux et paisible et pourtant il est dévoré par la curiosité de ce que cache l’interdit. Il franchira donc les portes du tabou. Pour entrer dans la nuit. Celle de son mystère d’homme. Il en ressortira bien sûr lumineux. Pour notre plaisir de lecteur, car tout cela nous emporte comme un torrent et nous suivons l’histoire. « J’aime quand on me raconte des histoires ! » me disait un ado à Montreuil un jour de signatures. Et bien celle-ci est fort agréable. Positive. Un livre à lire sans autre crainte que de le fermer un peu grandi !   (Patrick Joquel)

piquemal

L’OURS ET LE CHAT SAUVAGE

de Komako Sakaï et Kazumi Yumoto, école des loisirs, 25 pages, 2009, 14,80 euros.

La couverture de l’album présente un portrait de l’ours et de son ami l’oiseau, comme un précieux médaillon, un souvenir encadré. Sur la page de titre, le même cadre mais l’oiseau est allongé. On tourne la page et on commence l’histoire avec un zoom arrière : l’oiseau est allongé près de l’ours courbé. Chaque illustration est ainsi entourée d’un cadre large et l’attention du lecteur y est d’emblée particulière. Approchons-nous, écoutons l’histoire de l’ours et du petit oiseau, observons les gestes délicats qu’opère l’ours dans ce moment de douleur intense : la confection d’une petite boîte pour son ami, l’attente au-dessus du petit oiseau, la patte de l’ours qui s’essuie les larmes. Nulle mièvrerie, nulle indélicatesse. Kazumi Yumoto met en scène les deux animaux comme s’ils étaient deux enfants voire deux adultes. Elle leur donne la parole, les fait dialoguer, mais l’anthropomorphisme, ici très subtil, permet à l’enfant lecteur de construire des réponses autour de la notion du temps et de cette grande question qu’est la mort. A la fin de l’album, l’ours sera capable d’enterrer son petit oiseau, de le garder en lui, de ressentir à nouveau le désir de vivre.   (Audrey Gaillard)

ICI

par Jean-Pierre Siméon, illustrations de Martine Mellinette, Cheyne 2009, 14,00 euros

Des poèmes à hauteur d’homme. Justes. Simples. Altruistes et aimants. On est bien dans ce livre par ce qu’il appelle en nous de plus haut, de plus beau. Il nous pousse, mais dans la douceur, à être un peu plus humain. Simplement humain. Sans autre fioriture que la tendresse. Les images en papier journal ouvrent discrètement d’autres pistes de lectures. Des croisements entre les textes suscitent la réflexion, un sourire ou les deux. Un livre sincère. A donner à lire dès le plus jeune âge !   (Patrick Joquel)

simeon1

LE VOYAGE DE LA REINE

par Nicole Maymat et Laura Rosano, Seuil et Institut du Monde Arabe 2009, 18,00 euros.

Un livre signé Laura Rosano est toujours une promesse. Et une promesse tenue. Le livre enchante. Autant que cette voix mystérieuse qui pousse la Reine au désert. Dans ce lieu où le vide emplit tellement qu’il devient source et jaillissement d’être. L’écriture de Nicole Maymat participe amplement à ce mystère et à cet envoûtement que cet objet,  cet «album» procure à son lecteur. Lire ce livre c’est entrer en caravane. Partir à l’amble, entre images et mots, couleurs et sons. Tout se répond. Jusqu’à ces mots du Cantique des Cantiques de la Bible. Pour ancrer, enraciner le lecteur dans un des éblouissements mythiques de l’amour entre Salomon et la Reine de Saba. Avec une liberté totale, un respect inouï de nos jours où Roméo et Juliette (et quelques autres) ont dramatisé l’amour. Là on se tient dans un bel espace. A hauteur d’homme et de femme. A hauteur d’artistes. Car, oui, ceci relève de l’art et l’Institut du Monde Arabe, co-éditeur, l’a bien senti !   (Patrick Joquel)

meymat

JEU DE MAINS

par Adeline Yzac, Le Rouergue 2009, 112 pages, 6,50 euros

Timide, Valantin, c’est lui qui le dit, timide mais obsédé. Obsédé que c’en est un plaisir de tous les instants. Tiens, la marchande de ciseaux dans sa boutique, épaules nues, sourire nacré, bretelles de soutien-gorge qui dépassent, c’est pas beau la vie ? Extraits : « Je zieute sans distinction les canons, les moches, les énormes, les maigres, les entre-deux, les pouffes, les boudins, les intellos, les quelconques, les invisibles, les blondes, les baby dolls, les brunes, les rigolotes. J’en trouve toujours une à me mettre sous l’œil. » Rentré chez lui, quand il ne regarde pas ses ciseaux, Valentin se remémore sa journée, le lycée, Paolo et Félix les meilleurs copains, les parents un peu lourds, et puis les filles, les filles et les filles. Dans sa chambre, Valantin se masturbe, aujourd’hui comme hier, Pepsi gonflé jusqu’au zénith, comme une éponge, et la tension monte jusqu’au sommet de la tête. Tiens, les ciseaux, ne pas oublier les ciseaux. Adeline Yzac déroule son récit avec détermination, sans langue de bois. Elle a doté son personnage d’un humour qui lui permet d’être cru sans être vulgaire. Dira-t-on, si l’on a des souvenirs, que c’est un roman qui sonne juste ? Pour la couverture du livre, Marion Bataille, jeune et talentueuse graphiste, donne à voir les fameux ciseaux, prêts à servir. C’est bien la paire qui est décrite dans le texte, des ciseaux rouges et qui coupent bien. Il faudra attendre le dernier chapitre, même si l’on s’en doute un peu avant, pour vérifier qu’avec des ciseaux comme ça, on ne coupe pas que le papier. Papa, maman, Valantin a quinze ans et il faudra vous y faire.   (André Delobel)

LA PETITE MARIONNETTE

par Gabrielle Vincent, Casterman 2009, 72 pages, 15,00 euros.

La première édition de cet album, en 1992, comportait un texte que Gabrielle Vincent avait ajouté au dernier moment. Pour cette édition, retour à l’intention première de l’auteur : nul besoin de mots pour dire la rencontre magique entre la marionnette et le petit garçon. L’histoire commence autour d’un castelet par une franche partie de rigolade, puis un loup apparait, autre marionnette, qui précipite le récit. Heureusement pour le petit garçon, le vieux marionnettiste qui a tout vu est vraiment très gentil. Les crayonnés de Gabrielle Vincent, si rapides qu’on pourrait croire qu’ils sont simples brouillons, suffisent à dire événements et sentiments. Il y a, assez tôt dans l’album, deux illustrations où, page de gauche pour l’une, page de droite pour l’autre, l’enfant et la marionnette regarde le lecteur. En fait, ce que l’on comprend d’emblée, c’est que ce sont ces deux-là qui se regardent, intensément. Et, mieux que leurs yeux, ce sont leurs sourires qui nous le font comprendre. Gabrielle Vincent, pour ces deux images, grand merci.   (André Delobel)marionnette

BONNE PECHE

par Thierry Dedieu, Seuil Jeunesse 2009, 56 pages, 13,50 euros

C’est l’histoire d’une reconversion, celle de Joseph le pêcheur, une histoire bien ancrée dans son temps : de moins en moins de poisson dans la mer et de plus en plus d’objets abandonnés. Thierry Dedieu la destine à des enfants petits, usant du systématisme et de la répétitivité dans le texte comme dans l’image. Qui d’ailleurs reconnaitra sans hésiter, dans cette manière de dire et de montrer, l’auteur-illustrateur de Yacouba ou du Mangeur de mots ? Il y a dans cet album une jolie trouvaille narrative, en forme de paradoxe temporel, que même les lecteurs petits devraient percevoir. Alors que le texte, comme en d’autres ouvrages, propose un déroulement jour après jour, une « onzaine » durant, l’image témoigne d’une urbanisation sur la colline qui, fatalement, a pris plus longtemps. Tiens, un chiffre au hasard, n’aurait-elle pas pris onze ans ? Bonne chance à Joseph dans sa nouvelle vie.   (André Delobel)

bonne-peche