Retour de salon

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Un salon du livre est-il une terre de mission ?

    Les cartons de livres et les rouleaux d’affiches sont à nouveau remplis, moins lourds qu’il y a quelques jours. Chacun est rentré chez soi. Il y a eu une jolie affluence, familiale et populaire. Les enfants ont beaucoup sollicité les lectrices de Livres Passerelle. Ils ont aussi fabriqué un passeport personnalisé grâce aux typographes des Milles univers. La file d’attente devant la caisse de la librairie balgentienne Le Chat qui dort fut conséquente pendant les trois jours. Mathilde Chèvre et Mo Abba ont, pour Le Port a jauni, éditons bilingues en français et en arabe, beaucoup montré, beaucoup expliqué. Ils ont beaucoup convaincu. Julia Chausson, quasi scotchée derrière ses albums de contes et de comptines, a généreusement dédicacé.

    Sur le stand du CRILJ, en plus de nos propositions et documents habituels, nous avions apporté, tirés en nombre, le texte de Quand les hommes vivront d’amour de Raymond Lévesque (récemment mis en images par Pierre Pratt) et un montage de couvertures de livres évoquant Maroussia. Chanson connue, paroles et musique, de près de 95 % des personnes avec lesquelles nous avons  échangé, 65 % – les plus âgées, surtout des dames – ayant lu le roman de P. J. Stahl.

    Dans les cinq autres communes de la Communauté de communes des Terres de Loire où l’association Val de lire avait, pour la première fois, décentralisé le salon – nous n’y étions pas –, le public a répondu inégalement présent. Gros succès à Ouzouer-le-Marché et Marie Lequenne, responsable de la Médiathèque intercommunale Simone Veil de Beauce la Romaine, en est toute heureuse. En un autre endroit, il semblerait que ce fut (trop) clairsemé. Le soleil qui invitait à la promenade en forêt ou sur les bords de Loire est-il le principal responsable de cette désaffection ?

(lundi 28 mars 2022)

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 Quelques jours avant la fête – photographie  : Andy Kraft

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Laurence Nobécourt à Beaugency

 

 

 Le mercredi 13 mars 2019, lors de la journée professionnelle du trente-quatrième Salon du livre de Beaugncy et Saint-Laurent-Nouan, mise en place par Val de lire et par le CRILJ, Laurence Nobécourt, directrice des éditions A pas de loup, éditeur « pleins feux » de l’année, a répondu, diapositives à l’appui, aux questions d’Anouk Gouzerh, nous informant sur son parcours et sur ses projets. Elle avait également rendez-vous avec le grand public, sur le salon, le dimanche 31 mars après-midi. Compte-rendu emprunté à l’indispensable journal du salon.

      Session de rattrapage, ce dimanche après-midi, au pied de la scène de la salle dite « des ateliers », pour une rencontre avec l’éditrice Laurence Nobécourt. En petit comité cette fois, nous avons profité d’un échange entre André Delobel (CRILJ) et l’éditrice dans lequel elle retraça son aventure toute neuve dans l’édition.

    Aventure qui a pris sa source dans sa première vie professionnelle où, enseignante, elle a découvert et apprécié la littérature jeunesse. Elle relate avec plaisir ses rencontres avec les auteurs et les illustrateurs qui lui ont permis d’élaborer un catalogue d’œuvres riches et originales. Plus particulièrement, en recevant dans une de ses classes Cécile Gambini avec son ouvrage Bagbada (à cette époque épuisé), jour où elle se dit : « Si j’étais éditrice, je le republierais. » Ce fut l’élément déclencheur de son aventure dans l’édition.

    Pour démarrer dans ce nouveau métier, outre un fonds financier, une connaissance des auteurs est indispensable. Ceux-ci lui ont rapidement fait confiance puisqu’ils ont trouvé chez À pas de loup une certaine forme de liberté qui leur était refusée ailleurs. Ce fut, dit belge Laurence Nobécourt, l’occasion de belles collaborations.

    Sa première publication fut un album accordéon, en noir et blanc, proposé par Albertine, dont l’univers avait séduit l’éditrice.

   À pas de loups est une maison d’édition située en Belgique où Laurence Nobécourt s’est sentie bien accueillie – les maisons d’édition pour la jeunesse y sont peu nombreuses – par les écoles et les institutions. Elle choisit désormais, parmi le millier de demandes journalières qu’elle essaie de lire consciencieusement, une histoire originale ou un projet inattendu qu’elle qualifie de coup de cœur.

    Laurence Nobécourt cite notamment deux albums :

Un tour de cochons, riche en humour avec une très belle histoire, ce qui est rare.

Mon chien, papa et moi, un politiquement incorrect (jusqu’au bout) qui fait plaisir.

   Ont aussi été évoquées les œuvres collectives, une particularité de cette maison d’édition où, par exemple, à partir d’un fil rouge, une quarantaine d’illustrateurs proposent chacun une création qu’un écrivain relie tous pour créer une histoire. Deux albums ont déjà été réalisés, À pas de loups et S’aimer. Une troisième création collective sera publiée en juin 2019 sur le thème du voyage, impliquant Carl Norac dans l’écriture et quarante illustrateurs qui ne se connaissent pas forcément

( par Cyril Varquet, étudiant, bénévole de Val de lire et membre du CA de l’association –  mai 2019 )

     Professeur des écoles pendant vingt-cinq ans, Laurence Nobécourt invite dans ses classes auteurs et illustrateurs dont Mario Ramos avec qui elle travaille plusieurs fois. Elle participe à l’écriture de Un bateau dans le ciel qui, initiée par l’illustrateur Quentin Blake, met à contribution 1800 enfants de France, Grande-Bretagne, Norvège, Singapour (Rue du monde, 2000). C’est suite à une rencontre avec Cécile Gambini (et parce que son album Bagbada est épuisé) qu’elle pense qu’elle pourrait peut-être devenir éditrice. Ensuite les choses s’accélèrent : découverte des albums de Françoise Rogier, Sophie Daxhelet et Dominique Descamps, rencontre, à Moulins, avec Albertine et Germano Zullo, formation sur le tas sur le temps libre et pendant les vacances et sortie, en 2004, de cinq premiers premiers livres, dont Bagabada de Cécile Gambini et Circus, leporello de deux mètres signé Albertine. Depuis, dix à douze livres par an – à pas de loup – pour les accompagner vraiment. « De beaux projets sont en préparation avec des habitués de la maison et d’autres talents qui nous rejoignent. Toujours ravie d’être une chef d’orchestre, une chef de meute prête à défendre ses petits. »

Rire avec Gilles Bachelet

 

Lira bien qui rira le premier

     A l’occasion de la journée professionnelle du 28 mars 2018 du trente-troisième Salon du livre jeunesse de Beaugency (Loiret) titrée « Lira bien qui rira le premier » (qui a accueilli Marie Leroy-Collombel, Antonin Louchard et Yvanne Chenouf), le CRILJ avait demandé à seize auteurs, autrices, illustrateurs et illustratrices devant participer au Salon, du vendredi 13 au dimanche 15 avril, leurs opinions et leurs sentiments à propos de l’humour en général et des livres drôles en particulier.  Voici la page « spécial Gilles Bachelet ».

 

 Si une chose me fait rire, elle fait rire quelqu’un d’autre.

    Mes lectures d’enfance m’ont sûrement plus marqué par leur pouvoir d’évasion que par l’humour à proprement parler, en ce qui concerne les romans en tout cas. Enfant unique, vivant à la campagne sans télévision puis en pension, j’ai été lecteur précoce, boulimique et éclectique.

L’offre étant considérablement plus limitée qu’aujourd’hui et je suis rapidement passé des romans jeunesse (Comtesse de Ségur, « Club des cinq », « Bennet ») aux grands romans « tout public » (Jules Vernes, Jack London, Fennimore Cooper, Conan Doyle, Gaston Leroux, Melville, Defoe, Mark Twain, Stevenson)

    La découverte de l’humour est venue de la bande dessinée à travers « Tintin »,  « Lucky Luke », « Iznogoud », « Spirou », puis, à l’adolescence, Gotlib, Bretecher, Mandrika.

    Deux titres qui m’ont particulièrement marqué enfant : Treize à la douzaine de Frank Bunker Gilbreth (probablement pour l’exotisme que représentait une famille nombreuse pour le fils unique que j’étais) et Les jumeaux de Vallangoujard de Georges Duhamel, pour des raisons plus obscures. Je n’ai plus le moindre souvenir de l’histoire mais je me souviens que ce livre m’avait fasciné et j’en revois encore la couverture.

    Pour moi, le goût du livre drôle s’est développé au fil du temps. Illustrateur plutôt de commande au départ et essentiellement dans la presse magazine (jeunesse et adulte), j’ai toujours aimé cacher dans les coins, même dans des images qui n’avaient pas pour vocation d’être humoristiques, des détails incongrus et décalés.

    Quand je me suis plus tourné vers l’édition jeunesse et que j’ai commencé à écrire mes propres textes j’ai pu donner cours plus librement à ce penchant pour l’absurde.

    Après une période de lassitude et de doutes quant à ce métier, j’ai vraiment recommencé à prendre du plaisir grâce à cette main-mise conjointe sur le texte et sur l’image.

    Mon style de dessin n’étant ni novateur ni particulièrement virtuose, j’ai l’impression que l’humour donne à mes illustrations une sorte de légitimité. Cela me sécurise. Je n’imagine même plus faire une image qui ne fasse pas rire ou sourire, par elle-même ou par juxtaposition avec un texte.

    Ceci dit, j’évite de me poser trop de questions, je pars généralement du principe élémentaire que si une chose me fait rire, elle peut faire rire quelqu’un d’autre.

    Mes textes ne sont généralement pas drôles en eux-mêmes et servent surtout de lien et de contrepoint décalé à l’illustration. Lus tout seuls, ils sont d’une grande banalité et ne prennent sens que par la présence de l’image. Cela me met toujours mal à l’aise de les entendre lus par une tierce personne si l’image est placée trop loin des enfants ou si, comme ils sont par ailleurs très concis, le/la conteur/teuse ne leur laisse pas le temps d’opérer la relation entre les deux.

    Lorsqu’il m’arrive de les lire moi-même dans les classes, je passe plus de temps à commenter l’illustration qu’à lire le texte. Pour le reste, j’essaie de faire rire par le choix des personnages, l’absurde des situations. J’aime jouer avec les références à la littérature jeunesse, à l’histoire de l’art, à mes albums précédents, tant pour l’enfant que pour l’adulte qui partage la lecture avec lui. Car, je l’avoue, j’aime bien dans mes livres pour enfant faire rire les adultes aussi…

    À priori tous les sujets devraient pouvoir se prêter à l’humour. J’adore la drôlerie macabre d’Edward Gorey. Me viennent en tête Le Dé-mariage, un livre jubilatoire de Babette Cole sur le divorce, Pochée, un livre plein d’humour délicat sur le deuil, de Florence Seyvos et Claude Ponti.

    Malheureusement tout le monde n’a pas la même perception du second degré et certains sujets sont plus sensibles que d’autres.

    La littérature jeunesse évolue à l’image de la société. L’addiction au whisky et au tabac du capitaine Haddock n’a pas encore été occultée des albums mais on imagine mal créer aujourd’hui un personnage reposant sur ces ressorts comiques.

    Les polémiques s’enflamment vite sur les réseaux sociaux à propos de stéréotypes de genre, d’appartenance ethnique ou religieuse. Les associations pour l’éducation bienveillante veillent à ce que les papas lapins ne donnent plus la fessée à leurs petits, les baisers des princes charmant sont sous surveillance. D’une façon générale on marche sur des œufs et on anticipe les réactions. Dieu merci le pipi-caca reste une valeur sûre – et abondamment exploitée.

    Dernière chose : me font rire les gens qui font ou racontent des bêtises avec le plus grand sérieux, les citations philosophiques sur fond de soleil couchant sur facebook, les petits flyers des marabouts dans les boites aux lettres, les sketches des Monty Python, les dessins de Bosc, Sempé, Voutch, Glen Baxter, et le liste n’est pas exhaustive.

(Gilles Bachelet – mars 2018)

 Le savez-vous ?

Le dossier du numéro 301 de juin 2018 de La Revue des livres pour enfants est consacré à Gilles Bachelet.

Rire à Beaugency (3)

 

 

Lira bien qui rira le premier

    A l’occasion de la journée professionnelle du 28 mars 2018 du trente-troisième Salon du livre jeunesse de Beaugency (Loiret) titrée « Lira bien qui rira le premier » (qui a accueilli Marie Leroy-Collombel, Antonin Louchard et Yvanne Chenouf), le CRILJ avait demandé à seize auteurs, autrices, illustrateurs et illustratrices devant participer au Salon, du vendredi 13 au dimanche 15 avril, leurs opinions et leurs sentiments à propos de l’humour en général et des livres drôles en particulier. Voici, en trois parties consécutives (plus une page « spécial Gilles Bachelet »), l’essentiel de leurs réponses.

PARTIE 3

 Qu’est-ce qui vous fait rire dans la vie ? Dites-nous tout.

    Impossible à dire, trop de variables. En revanche, ce qui m’exaspère : l’esprit de sérieux. (Antonin Louchard)

    Les enfants, les amis, la joie qui se dégagent parfois de ces rencontres, de ces moments. Le cinéma aussi, quand il sait y faire – chaque fou rire pouvant engendrer une petite larme. (Cédric Ramadier)

    Dans la vie, ce qui me fait rire ? Un peu de tout, il me semble, mais ça dépend avec qui. Et puis, les décalages, les petit pas de coté qui permettent de ne pas se prendre trop au sérieux, ni trop au tragique. (Claire Cantais)

    Certains hommes politiques, mon chat avec une balle de ping-pong, moi quand je m’essaye au cor de chasse. (Pierre Bertrand)

    Les décalages, les situations incongrues, inattendues, les parties de cache-cache et les blagues malicieuses. (Samantha Bailly)

    J’adore les situations absurdes, et les traits d’humour qui amènent une conversation normale vers un imaginaire complètement impossible. (Vincent Bourgeau)

    Ce qui me fait rire dans la vie ? Beaucoup de choses je crois. Tant l’humour pipi-caca-badaboum que le second degré, la logique absurde, l’humour pince-sans-rire, la dérision et l’auto-dérision, les lapsus en actes ou en paroles, etc. Clothilde, presque 5 ans, me souffle : « L’humour, au fond, c’est très sérieux ». (Clothilde Delacroix)

    Les chatouilles, les mots d’enfants, les quiproquos, le décalage, la bonne humeur, les rires communicatifs, les farces, regarder un film de Charlie Chaplin avec mes filles, et bien d’autres choses que j’oublie. (Elsa Valentin)

    Les situations où l’accumulation d’ennuis finit par devenir comique. Les gens qui, se prennent très au sérieux, se prennent les pieds dans le tapis. (Isabelle Simon)

    L’honnêteté. (Camille Garoche dite Princesse Camcam)

    Ce petit pas de côté qui nous montre soudain les choses sous un autre angle, c’est ça qui me fait rire, souvent aux éclats, même toute seule, même pour ce qui ressemble souvent furieusement à une broutille : un verre qui m’échappe des mains, le chat cherchant sa gamelle qu’on a déplacée par mégarde, un enfant barbouillé de sauce bolognaise. Et puis, à dire vrai, plus ça va, plus la vie me fait rire. Elle est tellement absurde, injuste, insensée et, en même temps, folle à lier, démesurément ingénieuse, subtile, éblouissante. Bon, il y a aussi des bords au cadre, hein ? Comme me l’écrivait un jour Olivier Douzou dans un petit mail échangé « J’adore la vie, mais pas tout. » (Jeanne Ashbé)

(février-mars 2018)

 

 

 

Rire à Beaugency (2)

Lira bien qui rira le premier

    A l’occasion de la journée professionnelle du 28 mars 2018 du trente-troisième Salon du livre jeunesse de Beaugency (Loiret) titrée « Lira bien qui rira le premier » (qui a accueilli Marie Leroy-Collombel, Antonin Louchard et Yvanne Chenouf), le CRILJ avait demandé à seize auteurs, autrices, illustrateurs et illustratrices devant participer au Salon, du vendredi 13 au dimanche 15 avril, leurs opinions et leurs sentiments à propos de l’humour en général et des livres drôles en particulier. Voici, en trois parties consécutives (plus une page « spécial Gilles Bachelet »), l’essentiel de leurs réponses.

PARTIE 2

 Pourquoi donc ce goût du livre drôle ? Une nécessité d’écriture ? Une chance supplémentaire d’atteindre son lecteur ? Une envie toute personnelle ? Y a-t-il des sujets privilégiés du livre d’humour ? Ou, à l’inverse, y a-t-il des sujets impossibles à aborder ?

    Je suis venu progressivement au récit humoristique, comme moyen malicieux de capter l’attention du lecteur – petit ou grand -, de le surprendre ou de le piéger. Je pense que, par l’humour, on peut tout aborder. Mon sujet privilégié c’est l’enfance. Mes livres sont des livres pour enfants mais aussi, par les thèmes abordés, des livres sur l’enfance. Un exemple : l’effronterie du livre Tout un Louvre, comme un pétard lâché au sein d’un des lieux les plus austères et grave de la planète. (Antonin Louchard)

    Je n’ai pas le goût du livre drôle. En revanche j’aime jouer avec les mots, avec la langue. J’écris aussi par besoin de partager ma vision du monde, voire de dénoncer ce qui me parait intolérable, et l’humour est un bon angle pour le faire. Je ne crois pas que mes livres soient dans la catégorie des livres  drôles, même si  certains peuvent faire rire. Quand ils font rire, c’est par la langue, les mots inventés, les associations improbables, les jeux de mots, et aussi par l’absurde et le décalé. (Elsa Valentin)

    Je ne vois pas à priori de sujets impossibles à traiter avec humour. Même si parfois le prix de la parodie peut être une férocité proportionnelle. La nature humaine couvre tous les champs des possibles, du bonheur à l’horreur… et l’humour ne manque pas de subtiles variantes. Et tant mieux quand elles sont inattendues. (Valérie Dumas)

    L’humour est une prise de distance avec les angoisses parfois traitées dans mes histoires. Une peur filtrée par le rire, c’est comme un serpent débarrassé de son venin, une balle à blanc, une abeille sans dard. (Pierre Bertrand )

    Je trouve que l’humour et l’auto-dérision sont essentielles pour rester en bonne forme morale et aussi pour améliorer les relations. Alors j’ai écrit beaucoup d’histoires (non publiées) où ces deux aspects sont présents. C’est aussi un moyen d’aborder des sujets difficiles. (Isabelle Simon)

    J’aime écrire des livres drôles pour les enfants. Ils ont envie de rire et moi aussi – avec eux. Ça me fait une soupape entre deux romans plus graves pour les adolescents. Mais de plus en plus, cela me titille, j’ai envie de faire rire aussi les adolescents. Il n’y a pas de raison. L’idée d’apporter de la joie à mes lecteurs et à mes lectrices me plait énormément. C’est une forme d’utilité. Voire de salubrité publique. Je pense qu’on retrouve dans mes romans humoristiques ce qui me faisait rire enfant, cette idée de décalage jouissif. Ma série du « Chat Pitre » en est un exemple : le chat pense, juge, et il est persuadé que ce sont les humains qui habitent chez lui, et pas l’inverse. Ça, je trouve que c’est drôle. Ensuite il y a les jeux de mots, qui sont aussi une forme de subversion. Pour moi, l’humour, c’est le décalage, regarder le réel par  une autre porte que celle qui est habituelle. Je ne suis pas une grande spécialiste de l’humour. Mais en général je ne ris pas quand je sens que ça rabaisse quelqu’un. Je ris quand celui ou celle qui fait rire fait le pari de l’intelligence de son public. Je pense à Mon Chat le plus bête du monde de Gilles Bachelet : ce qui est très fort, c’est que que l’auteur valorise son lecteur, qui plus est son lecteur enfant qui en sait plus que le narrateur. Le jeunes lecteur sait que ce n’est pas un chat, et la méprise le fait hurler de rire. (Florence Hinckel)

    J’ai écrit un seul ouvrage clairement affiché humoristique, Stagiaires : le guide de survie, mais qui est aussi teinté d’un propos social. Pour le coup, l’humour se distille un peu partout, cela peut être les situations, les personnages, la bonne phrase au bon moment. (Samantha Bailly) 

    Avec Vincent Bourgeau, nous avons publié deux bandes dessinées pour les 7-9 ans, et tout de suite, sous couvert de d’aventure, c’est le rire qui a prédominé. C’est un bon ressort le rire. Cela fait avancer un récit. Cela vient peut-être du burlesque. Et, à ce titre, j’ai une anecdote à propos d’un de nos livres (malheureusement épuisé), Debout, couché. Ce livre est une succession de petites saynètes qui se dévoilent grâce à l’ouverture d’un rabat comme un petit cinéma. Toutes ces mini-histoires ont en commun le rire à travers ce qui arrivent aux personnages : l’un chute, l’autre glisse, le suivant se cogne contre un arbre… C’est simple, c’est basique, mais on rit – en tout cas, j’espère. Eh bien ce livre est venu d’une envie de Vincent qui me racontait qu’il adorait regarder des films burlesques avec ses enfants (Chaplin, Loyd) et rire, ainsi, en groupe. C’était si simple, si libérateur, une vraie énergie positive. C’est ce que l’on a essayé de faire dans le livre : du burlesque, pour le simple plaisir du rire ou pour le plaisir simple du rire. C’est si bon. (Cédric Ramadier)

    Pour mes petits albums « Rosalie/Raoul/Bernard », mon ambition était de faire un petit gag à la Tex Avery. C’est très graphique, simple, juste une blague. Après, on peut y voir qurlque chose de plus large sur les rapports humains ; et le rire sert de véhicule. Ce qui me parait être drôle est parfois un subtil décalage entre texte et image. Pour exemple, cette merveilleuse page de Madame le lapin blanc : « Gilbert et Georges (….) sont des garçons sages et réfléchis, qui s’intéressent à tout et savent s’amuser avec trois fois rien » où l’on voit ces charmants lapins sur le pot, puis observer son contenu, puis jouer à la pétanque avec. (Claire Cantais)

    Je ne fais pas des livres drôles. Je fais des livres qui disent que la vie est drôle. Je raconte beaucoup la vie des bébés. Un bébé, ça prend les mains, et les nuits et les jours – faut pas se mentir. Mais c’est un réservoir de gaieté inépuisable. D’ailleurs, c’est pour ça que je me suis arrangée pour en faire cinq. J’ai arrêté à regret.  Dans mes livres, je jette des petits coups de projecteur sur cette adorable drôlerie (parfois déguisée en cauchemar quand on n’en peut plus d’être parent). Mais, quand même, quand un tout petit habite avec nous, qu’est ce qu’on rigole ! (Jeanne Ashbé)

(mars 2018)

Rire à Beaugency (1)

 

 

Lira bien qui rira le premier

A l’occasion de la journée professionnelle du 28 mars 2018 du trente-troisième Salon du livre jeunesse de Beaugency (Loiret) titrée « Lira bien qui rira le premier » (qui a accueilli Marie Leroy-Collombel, Antonin Louchard et Yvanne Chenouf), le CRILJ avait demandé à seize auteurs, autrices, illustrateurs et illustratrices devant participer au Salon, du vendredi 13 au dimanche 15 avril, leurs opinions et leurs sentiments à propos de l’humour en général et des livres drôles en particulier. Voici, en trois parties consécutives (plus une « spécial Gilles Bachelet »), l’essentiel de leurs réponses.

PARTIE 1

 Avez-vous le souvenir d’un livre vous ayant vraiment fait rire quand vous étiez jeune lecteur (ou jeunes lectrice) ? Etiez-vous, dans vos lectures, plutôt aventure, policier, vie quotidienne ou autre chose ? Etiez-vous, petit ou petite, boute-en-train ou amateur ou amatrice de farces et d’histoires drôles ?

    Je n’ai aucun souvenir de livres drôles et j’étais trop effacée pour être boute-en-train. (Valerie Dumas)

    Je n’ai pas de souvenir d’un livre qui m’a fait vraiment rire. J’aimais bien tout genre d’histoire, mais ce qui m’intéressait le plus ce sont des images. (Camille Garoche dite Princesse Camcam)

    J’écris des livres pour les tout-petits. Or je n’ai quasiment aucun souvenir de cette période. J’écris certainement pour l’enfant que j’étais, ou plus bateau : j’écris pour l’enfant que je suis encore. Cela doit réveiller de vieilles émotions. Cela me fait rire, m’émeut aujourd’hui comme cela aurait pu quand j’étais tout petit. Sinon, je me souviens de « Oui-Oui », puis de « Fantômette », puis du « Club des cinq ». de la « Bibliothèque rose » puis « verte ». Du très classique. J’étais timide mais j’aimais rire, faire des blagues, plutôt à plusieurs. (Cédric Ramadier)

    Je ne recherchais pas particulièrement les livres drôles mais tintinophile impénitent, les joutes entre le capitaine Hadock et le professeur Tournesol ou avec la Castafiore m’ont toujours fait rire. Et puis, plus tard, « Astérix » et « Gaston Lagaffe ». (Pierre Bertrand)

    J’étais très friand d’Asterix, et je me souviens de fous rire sur certaines séquences, celle du cuisinier goûtant le plat d’Astérix esclave dans Les lauriers de Cesar par exemple. Et me fait toujours aussi rire aujourd’hui. (Vincent Bourgeau)

    Peut-être La belle histoire du Prince de Motordu, je l’aimais beaucoup, cet album, mais je ne sais pas s’il me faisait vraiment rire. Je me souviens d’un passage de Peter Pan qui, lui, m’a fait rire, vraiment rire : le passage où Peter fait dire à Crochet qu’il (Crochet) est un cabillaud. Petite, j’étais boute-en-train. (Elsa Valentin)

    Quand j’étais petite, je me souviens avoir ri avec Fifi Brindacier, d’Astrid Lindgren, mais aussi avec L’ours Paddington, de Michaël Bond. Je ne trouvais que des « vieux » romans comme ceux-là dans la bibliothèque que je fréquentais. L’offre était plus pauvre en humour qu’aujourd’hui. Ah, il y a eu aussi Le passe-miroir de Marcel Aymé. Ce n’était certes pas du rire aux éclats, mais c’était un contentement jouissif dû au décalage par rapport au réel. Ce qui me faisait rire, c’était la subversion : une petite fille méga-forte, un ours qui parle, un homme qui peut traverser les murs. (Florence Henckel)

    J’ai un souvenir très net de la  lecture d’un roman au collège qui m’a fait rire, Mon nez, mon chat, l’amour et… moi, de Louise Rennison. Mais, je crois que je préférais plutôt les tranches de vie, et j’étais, comme on dit, une enfant « sage ». (Samantha Bailly)

    Je n’ai curieusement aucun souvenir de livre qui m’aurait fait rire petite… Je me souviens juste d’un Pinocchio assez flippant. Sinon, j’ai grandi avec « Tintin ». Et avec « Fantômette », « Le Club des cinq », « Le Clan les sept ». On peut dire que j’étais résolument « aventures ». Mon vrai souvenir de rire, je le dois à Pierre Richard dans Le grand blond avec une chaussure noire. C’était mon idole, et j’imagine que c’était assez répandu, puisque j’ai réussi, à mon école, à échanger un prétendu autographe de Pierre Richard, confectionné par ma petite main, contre une loupe. J’ai arrêté l’arnaque à l’autographe, mais j’ai contracté un réflexe pavlovien, dès le générique du grand blond, maintenant encore, je ris. J’étais plutôt boute-en-train. C’était mon rôle dans une famille où personne ne se battait pour la place. (Claire Cantais)

    Je lisais plutôt des romans d’aventure, mais Winnie the Pooh, que j’ai lu petit et relis encore régulièrement aujourd’hui, me fait rire immanquablement à chaque fois. Les Pickwick Papers de Dickens, lus pour la première fois à l’adolescence, aussi. J’étais plus provocateur que boute-en-train. Et je me retrouve un peu dans le petit lapin effronté que je mets en scène dans mes livres. Je me souviens, en revanche, de ma fascination pour les dispositions à l’humour de certains de mes camarades. Un talent que j’enviais. (Antonin Louchard)

    A vrai dire, j’aimais à la folie les livres qui font … pleurer et c’est la vérité vraie. Pour moi, pleurer en lisant est un des plus grands plaisirs de l’existence. Je suis aussi une lectrice qui éclate de rire en lisant, très fort (je vous dis pas dans les trains, pire dans les avions). Mais, rire et pleurer c’est presque pareil, c’est quand ça déborde. (Jeanne Ashbé)

(mars 2018)