Histoires voyageuses

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À l’occasion de la Journée internationale du livre pour enfants du 2 avril 2024 (Children’s international book day), l’autrice japonaise Eiko Kadono adresse aux enfants du monde, sous l’égide de l’IBBY (Union internationale pour les livres de jeunesse), en quatre langues, un message dont vous trouverez ici la version française. L’affiche est signée par l’auteir et illustrateur japonais Nani Furiya.

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Surfant sur une paire d’ailes, les histoires voyagent.  Elles sont tout ouïe, à l’écoute de tes émotions.

Je suis une histoire qui voyage. Jusqu’au bout du monde.

Je vogue parfois sur les ailes du vent, d’autres fois sur la crête des vagues. Ou sur les minuscules ailes d’un grain de sable. Il m’arrive aussi de voler sur les ailes d’un oiseau migrateur, bien entendu. Et même sur celles d’un avion !

Ensuite, lovée contre toi, j’ouvre mes pages sans bruit pour te raconter l’histoire que tu as envie d’entendre.

Une histoire étonnante, peut-être ?

Ou plutôt une histoire triste ? Un récit qui fait frissonner ? Qui fait rire aux éclats ?

Si tu n’as pas envie de m’écouter maintenant, ce n’est pas grave. Mais ça finira par arriver.

Ce jour-là, il te suffira de m’appeler :

Histoire voyageuse, toi qui fais le tour du monde, viens me voir !

Je te rejoindrai sans tarder.

Des histoires, il y en a des tas.

Par exemple, celle de l’îlot qui, un jour, en eut assez d’être seul et apprit à nager pour se faire des amis… Ou alors, l’histoire de la drôle de nuit qui vit se lever deux lunes dans le même ciel… Sans oublier la fois où le Père Noël s’est perdu…

Tiens donc, j’entends ton cœur battre plus fort.

Boum, boum, boum, et pif et paf et pouf.

C’est l’histoire voyageuse qui s’est faufilée en toi, qui te fait vibrer.

A ton tour, bientôt, de devenir une histoire qui voyage, d’avoir envie de prendre ton envol.

Voilà comment, de par le vaste monde, naît une nouvelle histoire voyageuse.

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Née à Tokyo en 1935, Eiko Kadono perd sa mère alors qu’elle a cinq ans. Peu de temps après, la guerre du Pacifique a éclaté et elle a dû être évacuée vers le nord du Japon à l’âge de 10 ans. L’expérience de la guerre dans son enfance est à la base du profond engagement de Kadono en faveur de la paix et du bonheur. Elle a étudié la littérature américaine à l’Université Waseda et, après avoir obtenu son diplôme, elle a travaillé chez un éditeur. Après son mariage, elle a accompagné son mari au Brésil et a vécu à San Paulo pendant deux ans. Au cours du long voyage vers et depuis le Brésil, elle a pu élargir ses connaissances sur les différents pays. Ces expériences ont fait naître son attitude curieuse et multiculturelle envers l’activité créatrice. Son premier livre a été publié en 1970, et depuis lors, elle a publié environ 250 livres, traduits en 10 langues. Kadono dit que « commencer à lire un livre, c’est comme ouvrir la porte à un monde différent. Elle ne se ferme pas à la fin de l’histoire, une autre porte y attend toujours d’être ouverte. Les gens commenceront à regarder le monde d’une manière différente après avoir lu une histoire, et c’est en un sens le début. Et je pense que c’est là le vrai plaisir de lire. J’espère que chacun commencera à construire sa propre nouvelle histoire à partir d’ici et maintenant. » Kadono a reçu le prix Hans Christian Andersen en 2018.

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Nana Furiya est née à Tokyo, au Japon. Elle est illustratrice et auteur de plus de soixante-dix livres d’images pour enfants. Après avoir illustré Mekkira Mokkira Dondon, un livre d’images populaire pour enfants écrit par Setsuko Hasegawa et publié pour la première fois par Fukuinkan en 1985, Furiya Nana a déménagé en Slovaquie pour étudier la lithographie à l’Académie des beaux-arts et du design de Bratislava, sous la direction du professeur Dusan Kallay. Elle crée des livres d’images dont elle est également l’auteur du texte. En 2012, elle a été l’organisatrice de l’exposition itinérante De main à main, inaugurée au Lapidarium du Musée médiéval de Bologne. Il a invité les illustrateurs du monde entier à réfléchir sur le rôle de l’art en période de catastrophe comme celle provoquée par le tremblement de terre de Tohoku et l’accident de la centrale nucléaire en 2011. Un projet récent a également impliqué son mari Peter Uchnar, peintre et graveur, dans lequel leurs illustrations de  Pierre et le loup de Prokofiev ont été projetées lors de concerts organisés lors du festival Seiji Ozawa Matsumoto en 2019. En 2020, les illustrations ont été publiées sous forme de livre d’images. de Kaisei-sha, avec un texte écrit par Jun Moriyasu. Nana a remporté la Plume d’Or à la Biennale Internationale d’Illustration de Belgrade en 1999 et a été sélectionnée pour les White Ravens 2021.

Robert Badinter aussi pour les enfants

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Robert Badinter, auteur de livres pour enfants ?

    Cet homme de convictions a su, grâce à sa présence, son verbe, sa ténacité et un travail acharné, imposer et transmettre ses valeurs.

    Il n’a pas négligé les enfants, en préfaçant à leur intention Le livre des droits de l’Homme (Gallimard jeunesse, 2015) et en incitant Jacqueline Duhême à illustrer, avec ses images explicites et séduisantes, ce texte qu’il qualifiait de « message de foi dans l’humanité et d’amour des êtres vivants ». (1)

    Il nous a quittés le 9 février 2024, jour anniversaire d’une triste rafle qui lui a enlevée son père mais il a su faire revivre sa grand-mère maternelle dans un récit de la vie de celle-ci, Idiss, chez Fayard, en 2018. Il adaptera ce texte en bande dessinée, en gardant le même titre, avec Richard Malka pour le scénario et Fred Bernard pour les illustrations, (Rue de Sèvres, 2021). Robert Badinter dit de ce texte :  » J’ai écrit ce livre en hommage à ma grand-mère maternelle, Idiss. Il ne prétend être ni une biographie, ni une étude de la condition des immigrés juifs de l’Empire russe venus à Paris avant 1914. Il est simplement le récit d’une destinée singulière à laquelle j’ai souvent rêvé. Puisse-t-il être aussi, au-delà du temps écoulé, un témoignage d’amour de son petit-fils. »

    C’est donc aussi comme homme de culture très attentif à l’enfance que Robert Badinter devrait entrer prochainement au Panthéon, comme l’a annoncé le Président de la République lors de l’hommage national qui lui a été rendu le 14 février 2024.

par Françoise Lagarde – février 2024

(1) lire aussi, ici, sur ce site, un ensemble de textes à propos de l’adaptation théâtrale du livre, en 2016, par la compagnie Petit Théâtre Pilat.

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Adhérer en 2024

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– L’année 2024 est déjà sacrément entamée.

– Tu l’as dit.

– Trop tard pour présenter ses vœux, je crois.

– Ma grand-mère disait qu’on avait jusqu’à fin janvier, pas plus.

– Alors, c’est trop tard.

– Pour la cotisation, par contre, ce n’est pas encore trop tard.

– La cotisation ? Quelle cotisation ?

– La cotisation annuelle au CRILJ.

– Tu as raison. Et je pense qu’il ne faut pas trop tarder.

– Le document est en ligne sur ce site et c’est très pratique.

– J’y vais tout de suite sinon je vais oublier.

– Très bonne idée.

– Dis, l’image qui est juste en-dessous, c’est de l’ironie ?

– Un peu quand même, je pense.

– Quoique, finalement, par les temps qui courent …

– En tout cas, cette cotisation 2024, moi, je la règle.

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Le bulletin d’adhésion 2024 est téléchargeable ici .

Pour Jean Perrot.

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Jean Perrot, professeur émérite en littérature comparée à l’Université Paris Nord 13, fondateur en 1994, à Eaubonne (Val d’Oise), de l’Institut international Charles Perrault, est décédé le mardi 19 décembre 2023. Il avait 86 ans. C’était un ami du CRILJ dont il fut, plusieurs années durant, un administrateur attentif. L’une de nos dernières rencontres se fit à Arras où, invité par Francis Marcoin, au Centre Robinson, il vint témoigner, le vendredi 6 avril 2018, de son parcours d’enseignant, de chercheur et d’auteur. Nous reprenons ci-après l’hommage rédigé et diffusé par Anne-Marie Petitjean, au nom de l’équipe de l’Institut.  (A.D.)

    Jean Perrot vient de nous quitter et l’Institut International Charles Perrault est en deuil. Il nous avait encore très récemment fait le plaisir d’une de ses visites à l’Hôtel de Mézières, en se mêlant joyeusement à un public de jeunes étudiantes en littérature de jeunesse. La vitalité d’un Institut qu’il avait fondé en 1994, sur son lieu d’habitation et en le baptisant avec humour du nom de son illustre homonyme (pas tout à fait homographe) le touchait manifestement. Ses interventions érudites et son regard pétillant nous manquent déjà.

     C’est en passeur assidu que Jean Perrot aura sillonné les décennies d’une carrière qui n’est pas uniquement celle d’un brillant universitaire, mais également celle d’un lettré militant et passionné par la littérature de jeunesse. Il entre dans le champ des livres pour enfants à un moment où leur légitimité comme objets d’études n’est pas encore parfaitement reconnue, nonobstant plusieurs pionniers et surtout Marc Soriano dont il suit la voie à partir de 1976 (1). Sa formation est celle d’un comparatiste, spécialiste d’Henry James dont il cherche à renouveler l’étude par un regard plus finement posé sur le texte que certaines des interprétations du « motif dans le tapis » qu’il trouve gauchement ésotériques. Sa thèse est publiée en 1982 chez Aubier, sous le titre Henry James, une écriture énigmatique. Cet attachement au détail du texte et à la clarté des significations se reconnaît aisément dans la suite de son travail sur les textes pour enfants. Et il ne faut pas s’étonner de ce choix d’objets d’études pour un lecteur de Ce que savait Maisie, premier roman à adopter de manière acérée le regard d’une enfant, spectatrice des égoïsmes parentaux.

    C’est en 1987, par Du jeu, des enfants et des livres que Jean Perrot entame une copieuse série de publications, en son nom et en tant que coordinateur et directeur de collection. Cet ouvrage joue habilement de la référence à Paul Hazard, qui avait dépeint en 1932 la lecture enfantine comme exigeante et habile à choisir elle-même les titres qui lui conviennent, dans Les livres, les enfants et les hommes. Parce que Jean Perrot écrit dans une époque baignée par les analyses de Michel Picard (La lecture comme jeu date de 1986), c’est bien le jeu qui va lui servir de boussole pour donner aux études de plus en plus nombreuses sur la littérature de jeunesse une orientation clairement définie et un balisage qui aide substantiellement à son déploiement. Il reprend et poursuit ces analyses dans Jeux et enjeux du livre d’enfance et de jeunesse en 1999. Mais il faudrait également parler de bien d’autres titres qui ont marqué l’histoire de la recherche sur le livre de jeunesse, et que l’on trouvera bien sûr sur les rayonnages de l’Institut Charles Perrault.

    Fervent défenseur du livre, comme organe majeur de la culture, il en analyse les ressorts et la manière dont le jeune lecteur y exerce un jeu que les meilleurs ouvrages savent rendre subtil et adroitement mouvant. Il n’hésite pas à faire appel à différentes méthodes d’analyse, de la sémiotique à la médiologie, en sollicitant des incursions vers la psychanalyse et le structuralisme. Il reste particulièrement vigilant à la dynamique de création des artistes et ne s’en tient pas aux mots, mais analyse précisément les images et leur rapport au texte. Dans Art baroque, art d’enfance, publié en 1991, Jean Perrot reconnaît dans une nouvelle culture de l’enfance, qu’il qualifie parfois de post-moderne, une filiation directe du baroque. Il y traque patiemment dans l’image comme dans le texte les figures de démesure et d’antithèse et use sans frilosité académique de l’épithète et de la métaphore. Ses formulations saisissantes invitent à le reconnaître comme un habile stylisticien qui ne se contente pas de commenter le style des autres, mais en éprouve les exigences dans le mouvement de son écriture.

   Avec Mondialisation et littérature de jeunesse, en 2008, c’est le spécialiste de comparaison internationale qui balise le champ critique. On ne s’étonnera pas de le voir animer la table ronde La littérature de jeunesse : recherches et formations, un éclairage international lors d’un colloque qui s’est tenu à la BnF en 2011. (2) Dans les actes, il entame son intervention personnelle par la référence à Walter Benjamin et la manière dont il s’est intéressé à l’enfance. « Il y a dans cette rencontre une légitimation tacite des recherches concernant [ce] domaine littéraire ». Parce que Jean Perrot est benjaminien dans son attachement à la culture de l’enfance, il ne peut ignorer ce qu’il appelle la « vidéosphère », les CD-roms et la circulation sur internet qu’il a regardée avec à la fois curiosité et frayeur.

    Mentionnons enfin le Dictionnaire du livre de jeunesse, qu’il dirige avec Isabelle Nières-Chevrel, en 2013, au Cercle de la Librairie. C’est une somme qui réunit les contributions de 133 chercheur.es et fait un point décisif, au fil de dix années de travail, sur la recherche en littérature de jeunesse.

    Ses études, les travaux collectifs qu’il a coordonnés, ses cours d’université et les nombreuses formations qu’il a impulsées, ont toujours tenu à analyser de manière équilibrée le texte et l’image, à ne pas négliger la dynamique internationale qui fait circuler les textes en traduction et à faire reconnaître les filiations entre créations contemporaines et racines dans les siècles passés. C’est cette alchimie rayonnante qui caractérisera pour longtemps sa manière propre de nous parler de livres et d’enfance, et d’en faire le terreau d’une médiation culturelle pour tous, animée par des actions militantes au plus près du terrain que l’Institut se réjouit de faire perdurer.

    Les putti baroques dont il reconnaissait les visages joufflus dans maintes illustrations d’ouvrages contemporains viennent de nous enlever Jean Perrot. Pour notre humble part, nous continuerons fidèlement à faire briller son étoile au ciel de l’Institut.

(samedi 23 décembre 2023)

(1) voir l’entretien donné à Mathilde Lévêque en 2018 : https://magasindesenfants.hypotheses.org/6431  et sa contribution à Recherches et formations en littérature de jeunesse, BnF, 2012, p. 153)

(2) Une vidéo en ligne permet de réécouter Jean Perrot parler des ambitions internationales de l’Institut et de l’esprit qui animé sa fondation. C’est ici.

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Hommage à Ian Falconer

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Le texte qui suit a été écrit, en avril 2023, suite à une commande. Il a bien été transmis, en temps et en heure. Mais – on n’est jamais à l’abri d’un pataquès – il semble qu’il ait été perdu. Invérifiable. En tout cas, c’est un autre texte du même signataire, plus court et nettement moins analytique, qui, emprunté d’office au site ActuaLitté, tiendra lieu d’hommage à Ian Falconer. Après enquête, il s’avèrera que l’imprévisible Olivia ne soit pour rien dans cet curieux micmac . (A.D.)

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Ian Falconer qui créa le personnage d’Olivia, entreprenante cochonnette, est décédé d’une insuffisance rénale, le 7 mars 2023, à Norwalk (Connecticut). Il avait 63 ans..

    Né à Ridgefield, dans le Connecticut, ainé de trois enfants, Ian Falconer fréquenta la Long Ridge School de Stamford puis la Cambridge School de Weston (Massachusetts) dont les principes pédagogiques progressistes lui convenaient parfaitement. Il suivit, pendant deux années, des études d’art à l’université de New York, puis s’inscrivit, comme peintre, à la Parsons School of Design avant de rejoindre l’Otis Art Institute de Los Angeles.

  En 1987, Ian Falconer rencontre David Hockney, qui devient son compagnon, et il l’assiste, à l’Opéra de Los Angeles, pour la conception des costumes de Tristan und Isolde de Richard Wagner. Suivront de nombreuses autres productions, opéra ou ballet, à New York, à Chicago, à Boston et à Londres, pour lesquelles il réalise décors et/ou costumes. À Paris, en 2008, il conçoit, au Châtelet, un dispositif scénique astucieux pour l’opérette Véronique d’André Messager, la mise en scène ayant été confiée à l’actrice Fanny Ardant.

    En 1996, Françoise Mouly, depuis peu directrice artistique du New-Yorker, souhaitant rafraichir le magazine, fait appel à Ian Falconer. « Nous avons passé de longues heures dans les archives, émerveillés par les vieilles couvertures et riant de la façon dont des artistes comme Helen Hokinson, Mary Petty, Charles Addams ou William Cotton ont dépeint les bouffonneries de la bourgeoisie des années trente et quarante. » (1). Trente couvertures, parfois tendres, souvent acides, entre 1996 et 2012. Les lecteurs apprécieront particulièrement celle du 23 novembre 1998 qui montre une vieille dame dont la veste et la jupe s’empourprent à la vue d’une statue grecque toute en muscles.

    Dans les années 1990, Ian Falconer craque devant sa nièce, enfant énergique à qui, alors qu’elle vient d’avoir trois ans, il souhaite offrir un livre. « J’étais juste fasciné par elle et je voulais lui faire un cadeau personnalisé pour Noël. Alors j’ai commencé à travailler. » Les choses, se souvient Ian Falconer, ne sont pas évidentes. Si le style épuré de son dessin est d’emblée apprécié par son entourage, on lui suggère toutefois de retravailler (ou de faire retravailler) son texte. « Quelques années plus tard, Anne Schwartz, de chez Simon and Schuster, m’appelle. Elle aime mon travail pour le New Yorker et elle me demande si je suis intéressé à faire un livre pour enfants. Je lui ai apporté Olivia. » L’album parait en 2000, chez Atheneum Books for Young Reader, et Ian Falconer reçoit la médaille Caldecott qui récompense, aux États-Unis, l’illustrateur du meilleur livre pour enfants de l’année. L’ouvrage restera sur la liste des albums best-sellers établie par le New York Times pendant 107 semaines.

    En France, le livre est accueilli par le Seuil jeunesse et Ian Falconer remporte, en 2001, le premier Baobab de l’album attribué par Le Monde et le Salon du livre de jeunesse en Seine-Saint-Denis. Florence Noiville raconte : « L’histoire, en noir et blanc (avec quelques touches de rouge) de cette petite cochonne qui aime Pollock, Degas et le saut à la corde rappelle un peu celle d’Héloïse, de Kay Thompson, un grand classique de la littérature de jeunesse en Amérique. Peut-être à cause de la spontanéité et de l’humour du trait ? Ou des bêtises d’Olivia ? La vitalité de cette enfant est à la mesure de l’épuisement des parents, si bien que les uns et les autres s’identifieront sans peine aux situations du livre. » (2)

    Ian Falconer assure qu’il ne connaissait pas Héloïse lorsqu’il travailla à son premier livre. Notre plaisir de lecteur n’a, en tout cas, nul besoin de convoquer ce cousinage et le succès mondial de la série (quinze traductions et plus de dix millions d’albums vendus) s’explique par la capacité de l’auteur-illustrateur à se renouveler et à surprendre sans jamais s’éloigner trop de son projet initial. Qu’elle prépare Noël ou qu’elle joue à l’espionne, qu’elle décide de former (seule) une fanfare pour accompagner un feu d’artifice ou de remplacer (seule) les artistes d’un cirque tous malades, Olivia s’active. Ce ne sont pas les idées qui lui manquent, idées qu’elle met en pratique sur l’heure, sans rien demander à personne et aux risques et périls de ses proches, sauf si l’on glisse dans la rêverie. Ainsi, dans Olivia, reine des princesses, si le refus péremptoire de revêtir le classique déguisement de tulle rose est bien réel, c’est dans son lit qu’Olivia s’autorisera à imaginer, juste pour elle, une ultime alternative. (3)

    Ian Falconer cerne ses personnages qu’il ombre en gris léger d’un trait noir très fin et il use de la couleur avec parcimonie, en réservant le rouge à la robe préférée de son héroïne, aux rayures de sa grenouillère, aux rubans qu’elle accroche parfois à ses oreilles. Les mimiques, face et profil, évoquent le cartoon. Jackson Pollock et Edgard Degas ne sont pas les seuls peintres ni les seules personnalités (Eleanor Roosevelt, Martha Graham, Maria Callas) que Ian Falconer invite. Dans Olivia à Venise, toutefois, aucun tableau de maître ni aucune évocation de célébrité, plus de fond blanc systématique non plus, l’illustrateur ayant choisi de saturer ses images en intégrant, sur chacune des pages qui montrent Venise, une authentique photographie des lieux que la famille visite. Ce tourisme, somme toute plutôt traditionnel, est stoppé net quand Olivia met fortement à mal le campanile de la place Saint-Marc. « Je crois que Venise se souviendra de moi », conclut-elle. (4)

    En 2022, Ian Falconer a publié chez HarperCollins Children’s Books, Two dogs, un album qui, l’auteur s’inspirant cette fois de ses neveux, met en scène Perry et Augie, teckels aussi curieux que facétieux. Meilleur livre d’images pour enfants de l’année, selon Jennifer Krauss, critique littéraire au New York Times, ce devait être le premier titre d’une nouvelle série.

     Dès 2001, surpris par le succès de sa création, Ian Falconer avait déclaré au quotidien Newsday : « Toutes ces années, j’ai travaillé si dur pour peindre et pour dessiner et on ne se souviendra de moi que pour ce cochon. » Réaliste, il avait ajouté : « Il y a des choses pires qui peuvent arriver à quelqu’un. »

par André Delobel – avril 2023

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(1) Françoise Mouly, The New Yorker, 7 mars 2023.

(2) Florence Noiville, Le Monde, 23 novembre 2001.

(3) Olivia and the fairy princesses, Atheneum Books for Young Readers, 2012 ; Le Seuil 2012.

(4) Olivia goes to Venice, Atheneum Books for Young Readers, 2010 ; Le Seuil 2011.

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Retour sur colloque

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   Vraiment un colloque d’une rare excellence qui s’est tenu à la médiathèque Marguerite Yourcenar, ces vendredi et samedi, et je me sens très privilégiée d’avoir pu y assister presque en entier :

   La mémoire dans la littérature jeunesse, avec tout ce que le concept de mémoire implique :

– mémoire personnelle avec le discours d’ouverture, extrêmement poignant, de Mickaël Brun-Arnaud à propos de son livre Mémoires de la forêt,

– mémoire des histoires avec une heure de conférence contée absolument happante, en compagnie de Muriel Bloch,

– mémoire collective avec une intervention qui a serré toutes les gorges : La Shoah dans les albums jeunesse avec Eléonore Hamaide et Christophe Meunier,

– une table ronde d’une gravité et d’une lumière inoubliables avec Yaël Hassan, Rachel Hausfater et Rolande Causse sur l’écriture de la Shoah pour les enfants,

– mémoires numériques avec le travail fascinant de Vincianne D’Anna sur les parallèles entre bibliothèque familiale et Booktok,

– trous de mémoire de la traduction, avec Anne Schneider,

– table ronde pleine de questions piquantes sur la recontextualisation (ou non) des œuvres anciennes qui ont mal vieilli, en compagnie de Marie Lallouet, Carine Picaud et Monique Malfait-Dohet,

– personnages littéraires qui se souviennent, ou non, qu’ils sont des personnages littéraires, avec Graziella Deleuze,

– les nombreuses et rocambolesques amnésies des héros de romans ado, avec Soizic Jouin,

– et j’en passe – pardon – mais les absents ne sont pas… oubliés.

    De mon côté j’ai présenté un petit projet de recherche en cours sur les livres d’activités pour enfants de type capsule temporelle, avec une photo de mon pote Marcel et sa fameuse capsule temporelle à tremper dans le thé.

    Énormes remerciements au CRILJ pour l’organisation de ce colloque dont les actes seront bientôt disponibles.

Clémentine Beauvais – 15 octobre 2023

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Clémentine Beauvais est enseignante-chercheuse dans le département d’éducation de l’université de York (Grande Bretagne). Elle est également autrice et traductrice de livres jeunesse et elle mène de nombreux ateliers d’écriture et de traduction. Son dernier livre, Écrire comme une abeille : de la lecture à l’écriture (Gallimard, 2023), s’intéresse à l’écriture du livre pour enfants à partir d’une approche analytique de la lecture des textes. Son dernier roman jeunesse, Les Facétieuses, a été publié, en 2022, par les éditions Sarbacane. Clémentine Beauvais est l’actuelle marraine des Petits champions de la lecture.

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Zaü à Moulins

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Zaü, les autres, l’ailleurs…

Une lumineuse exposition pour un généreux « faiseur d’images »

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    Le jeudi 6 juillet 2023, une chaleur presque tropicale s’était installée à Moulins sur Allier dans le Musée de l’illustration jeunesse (mij) pour le vernissage de l’exposition consacrée aux illustrations du dessinateur Zaü, nom artistique d’André Langevin. Cette température s’accordait parfaitement avec les horizons tropicaux d’une grande partie des albums présentés mais également avec la décoration africaine des salles. L’artiste, Alain Serres qui est son éditeur et co-auteur, et Emmanuelle Martinat-Dupré, responsable scientifique du musée et commissaire de l’exposition, ont guidé une assemblée d’heureux visiteurs dans la découverte des salles que le musée consacre cette année à l’univers graphique de ce « faiseur d’images ».

    L’exposition qui pourra être vue jusqu’au dimanche 19 novembre 2023 prend place à l’étage de l’Hôtel de Mora et rassemble de nombreux originaux ainsi que des travaux préparatoires et des vidéos qui permettent à tous d’apprécier les choix graphiques et thématiques d’un artiste particulièrement ouvert aux cultures du monde, inspiré par ses voyages et la diversité humaine.

    Réunissant les originaux de son fonds à des prêts externes, comme ceux du fonds patrimonial de l’Heure Joyeuse qui possède une belle collection d’archives de Zaü, le mij célèbre cette année la carrière d’un dessinateur de 80 ans qui a publié ces premiers albums à la fin des années soixante. Après avoir consacré des années de création à la publicité et à la presse, il a déployé une imposante bibliographie chez divers éditeurs jeunesse. L’exposition célèbre cette prolifique bibliographie à partir d’une sélection choisie parmi ses 120 albums. Cette consécration était logiquement attendue depuis le Grand Prix de l’illustration jeunesse qui lui a été décerné en 2011 pour Mandela, l’africain multicolore (Rue du Monde, 2010), album de l’auteur-éditeur Alain Serres avec lequel il a créé,  depuis 1997. presque 50 livres en collaboration

    Comme à son habitude, le mij a créé un écrin cohérent avec l’univers graphique de l’artiste : pour immerger le visiteur dans la création de Zaü, l’aménagement des salles prolonge les images des albums, notamment en agrandissant les traits de son pinceau qui soulignent et relient ainsi les originaux exposés.

    Cette scénographie met en évidence la prédilection de Zaü pour le dessin du mouvement, montrant la vitalité élégante des tracés à l’encre que le dessinateur travaille sur les fonds blancs des pages et certaines salles témoignent également des couleurs avec lesquels le dessinateur joue, souvent avec audace, reprenant des motifs textiles chatoyants ou jouant avec des aplats monochromes.

« Zaü ne veut jamais être trop rangé, trop propre, il faut que son image palpite de quelques décalages ou débordements parce que c’est toujours dans le mouvement que ses couleurs s’immiscent. » (Alain Serres, dans le catalogue de l’exposition)

    Ses illustrations, encres, acryliques ou pastels, mobilisent un imaginaire diurne, lumineux, où les paysages et horizons ouverts sont souvent montrés comme surexposés ou vibrants de chaleur. Les silhouettes des arbres ou des personnages se détachent ainsi sur les pages avec l’élégance d’une calligraphie qui évoque plus qu’elle ne décrit. Les choix muséographiques amplifient ainsi l’atmosphère visuelle vibrante, gaie et solaire, que Zaü privilégie et le visiteur comprend sa préférence pour les horizons lointains, antillais ou malgache, et très souvent africains. Janine Kotwika, complice de l’artiste depuis des années et spécialiste de l’album, se souvient dans le catalogue de l’exposition de son émotion face à ses illustrations exaltantes de l’Afrique et, pour reprendre l’expression de Janine Kotwica, « la sensualité des coloris » de ses pages de carnets.

    Mais les albums manifestent aussi l’importance centrale de ceux qui peuplent ses pays, humains et animaux : les originaux exposés mettent en évidence le regard, respectueux et tendre, que Zaü pose sur les habitants de ces « ailleurs ». Du côté du bestiaire, plusieurs espaces témoignent de son art magistral pour donner vie aux animaux saisis en mouvement dans leur milieu naturel.

« Pour lui aucun dessin n’a le droit de pétrifier un oiseau. Rien ni personne n’est une statue définitive, pas plus que nous ne sommes une couleur immuable » (Alain Serres, dans le catalogue de l’exposition)

    Et du côté de la galerie de personnages, les portraits d’une humanité diverse et souriante peuplent les salles du musée : une grande douceur est communiquée par ces visages qui occupent les pages des albums et disent l’importance de la rencontre de l’artiste avec les « autres ». Chaque portrait impose une présence forte et installe une empathie avec celui, visiteur ou lecteur, qu’il prend à témoin. Parmi les nombreux sourires, de pure joie ou de malice pour les enfants, on est frappé par la dignité et l’intensité de nombreux regards souvent frontaux qui invitent à la rencontre.

Extrait du catalogue  : planches préparatoires pour Mille dessins dans un encrier (Alain Serres, Rue du Monde, 2017)

    Cette représentation des personnages se place au service d’un propos engagé, ce qui s’avère une caractéristique dominante chez l’artiste : les livres s’adressent à un jeune lecteur citoyen du monde et ses dessins offrent une iconographie élégante pour un regard positif et bienveillant sur l’humanité. Plusieurs salles de l’exposition insistent ainsi sur les valeurs que sait défendre l’illustration de Zaü au côté des auteurs des textes des albums : défense des droits, antiracisme, mémoire historique, liberté et solidarité…

    L’exposition témoigne ainsi de la singularité d’un regard sur le monde, contemplatif et empathique, qui frappe par son humanité et la puissance de son interprétation graphique. Il faut souligner l’important dispositif de médiation que le mij déploie dans les salles pour faire découvrir l’iconographie de Zaü avec des activités différentes, de nombreux coins lectures, du matériel à manipuler et plusieurs vidéos.

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Quelques moments du vernissage

  • Alain Serres, au côté de Zaü, analyse pour l’auditoire l’album Mandela, l’africain multicolore commentant les choix graphiques de l’artiste en rapport avec le récit de la longue détention de Mandela : il fait remarquer la mise en page créant une atmosphère sombre et enclose de la cellule d’emprisonnement qui est reprise dans les 27 pages consacrées aux 27 années de prison du célèbre militant anti-apartheid.

  • Zaü présente l’album Te souviens-tu de Wei ? paru avec un texte de Gwenaelle Abolivier (HongFei, 2016) : ce récit rend hommage aux ouvriers chinois venus en France comme main-d’œuvre au moment de la Première guerre mondiale et très vite oubliés par l’Histoire, mais aujourd’hui leurs tombes sont au cimetière chinois de Nolette à Noyelle-sur-mer en Picardie. Les originaux sont exposés dans une salle dont les mots-clés sont mémoire, respect et liberté..

  • Au côté de Alain Serres, Emmanuelle Martinat-Dupré revient sur le best-seller de la maison d’édition, Une cuisine grande comme le monde (Rue du monde, 2000) qui a donné lieu par la suite à une version pour les plus petits. Ce carnet de voyage qui se double d’un carnet de recettes est une magistrale démonstration de l’art de la couleur de l’illustrateur.

  • Plusieurs originaux montrent le superbe bestiaire africain de Zaü pour lequel Alain Serres a écrit le texte de l’album L’enfant qui savait lire les animaux (Rue du monde, 2013).

  • Ces originaux font découvrir un album publié à L’Elan Vert en 2015 dans lequel Bernard Villiot adapte un conte scandinave sur l’entraide. Un nid pour l’hiver rompt un peu avec le style graphique habituel de Zaü qui opte ici pour des papiers découpés.

  • Un coin aménagé pour une invitation au dessin et pour la projection du film  Animaux à l’encre de Chine avec Zaü réalisée dans le cadre de la web série « 2 yeux, 10 doigts » (Bibliothèques de la ville de Paris, Bibliocité). D’autres films mis à disposition dans le musée permettent de voir le pinceau donner forme aux images, accompagné par le commentaire de Zaü. L’artiste explique que la vivacité de son trait, la rapidité de son exécution au pinceau viennent de la pratique du rough pour la publicité, mais si cette maitrise graphique pourrait laisser croire à une réalisation rapide des illustrations, les planches des livres font l’objet d’un travail préparatoire conséquent à partir d’une importante documentation et de nombreux essais.

  • Photogramme du film Zaü, réalisé par Joel Bonnard et Simon Barral-Baron, pour la société Titania, dont la vidéo est projetée au rez-de-chaussée du musée. Le film insiste sur l’importance des voyages et des croquis collectés à la source des dessins des albums.

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En guise de conclusion

    Au vu de la très imposante bibliographie de Zaü (plus de cent-vingt albums), on comprend les choix thématiques de cette exposition qui permet de comprendre plusieurs dimensions essentielles de la création de l’artiste. Espérons que les visiteurs de l’exposition, curieux de prolonger la découverte, liront ensuite d’autres titres.

    Je me permets, pour finir,  de suggérer deux petits albums absents de l’exposition dans lesquels la vibrante efficacité des images de Zaü se marie merveilleusement bien avec les haïkus : Le petit cul tout blanc du lièvre de Thierry Casals (Motus 2003) et Sous la lune poussent les haikus de Ryôkan (Rue du monde, 2010).

par Christine Plu – août  2023

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Christine Plu, docteur en littérature générale et comparée de l’université de Rennes 2, a enseigné à l’université de Cergy-Pontoise, Masters Education et formation et masters spécialisés en littérature de jeunesse. Son blog, La littérature de jeunesse avec ses images, est ici.

Merci à Christine Plu pour son texte et pour ses photographies.

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RESSOURCES COMPLÉMENTAIRES

. Zaü, les autres, l’ailleurs… Catalogue de l’exposition (Musée de l’illustration jeunesse, Les éditions Sekoya, 2023).

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Hommage à Sara

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C’était il y a plus de trente ans. À l’occasion de la première édition américaine de A travers la ville (Épigone, 1990), sur le rabat de la jaquette de l’ouvrage qui parait chez Orchard Books (Across the town, 1991), une dédicace adressée par Sara à quatre élèves de ma classe de cours préparatoire qui lui avaient écrit pour lui faire part de leurs réflexions.  (A.D.)

Éternelle Sara

En hommage à Sara, autrice-illustratrice de littérature jeunesse, partie le 5 août 2023.

    Il y a longtemps que nous n’avions pas vu Sara. Notre dernière rencontre avec la créatrice remonte à l’été 2019, alors que Charlène Lai, une journaliste taiwanaise de passage en France, souhaitait l’interviewer. Chaleureusement et pleine d’élégance, Sara nous a ouvert la porte de son petit appartement-atelier aux Sables-d’Olonne et, pour l’occasion, nous a offert une démonstration de sa technique de prédilection : le papier déchiré. Au travers d’un geste mille fois répété et perfectionné – une règle à l’appui sur une feuille de papier qu’elle faisait tourner – une pomme a émergé prête à être croquée. C’était de la pure magie, doublée de la fraîcheur de l’enfance éternelle.

    Ce jour-là, il faisait grand soleil et très chaud, plus de 30°C. À peine étions-nous sortis de la voiture au lieu du rendez-vous que nous vîmes Sara paraître au coin de la rue, venue nous accueillir là, les pieds dans de petits souliers couleur argentée. Son allure légère faisait penser à une dame marchant avec plaisir sous le ciel d’une journée d’un printemps perpétuel, à 22°C.

Tout comme cette douceur constante de la température qui paraissait entourer Sara, son âge ne semblait pas connaître de mouvement depuis notre première rencontre en 2013, lorsque nous l’avions sollicitée pour illustrer Un bon fermier, un poème de Su Dongpo du 11e siècle. Ce texte très simplement descriptif d’une agriculture respectueuse de la nature – nos contemporains diraient « bio » – est étonnamment intemporel. Qui, alors, mieux que Sara pour l’illustrer, elle dont l’art visuel et narratif vibre, splendide et serein, sans jamais passer de mode ? Cet album fut également publié en langue chinoise à Taiwan.

    Cette première collaboration en appela une deuxième sur L’Invité arrive, un poème de Du Fu du 8e siècle publié aux éditions HongFei en 2014. Sa scénarisation par Sara est aussi saisissante que le texte est court, dense et universel. Entre l’hôte et l’invité, entre le quotidien et l’exceptionnel, entre la simplicité des moyens et la cordialité des intentions, tout cela étant présent au texte, Sara a créé un espace de fluidité où les sentiments circulent sans entrave et sans cesse, à l’instar de ces vers vieux de douze siècles et qui vivent encore.

    Aujourd’hui, Sara nous laisse seuls, de cette solitude lucide et lumineuse aux yeux grands ouverts qu’elle donnait à voir dans l’image créée pour notre album collectif « Dix ans tout juste » paru en 2017.

    Aujourd’hui, « l’invitée » est partie. Elle laisse un vide aussi incommensurable que son humanité. Mais un vide d’où jaillit déjà une vie nouvelle.

par Chun-Liang Yeh et Loïc Jacob –  mardi 8 août 2023

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Loïc Jacob et Chun-Liang Yeh ont créé les éditions HongFei Cultures en octobre 2007. La maison est,  depuis janvier 2013, installée à Amboise, en région Centre-Val de Loire.  Le catalogue des éditions HongFei compte 130 titres et la maison limite volontairement le nombre annuel de nouveaux titres à une dizaine, principalement des albums illustrés destinés aux lecteurs de 0 à 12 ans, mais aussi des carnets de voyages pour tout public à partir de 13 ans.

Pour la route

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Disons à nos enfants qu’ils arrivent sur terre quasiment au début d’une histoire et non pas à sa fin désenchantée. Ils en sont encore aux tout premiers chapitres d’une longue et fabuleuse épopée dont ils seront, non pas les rouages muets, mais au contraire, les inévitables auteurs.

Il faut qu’ils sachent que, ô merveille, ils ont une œuvre, faite de mille œuvres, à accomplir, ensemble, avec leurs enfants et avec les enfants de leurs enfants.

Disons-le, haut et fort, car, beaucoup d’entre eux ont entendu le contraire, et je crois, moi, que cela les désespère.

Quel plus riche héritage pouvons-nous léguer à nos enfants que la joie de savoir que la genèse n’est pas encore terminée et qu’elle leur appartient.

Extrait des vœux offerts, en décembre 2013, aux lecteurs de Médiapart par Ariane Mnouchkine, metteuse en scène, fondatrice du Théâtre du Soleil.   (version complète en ligne)

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Le Théâtre du Soleil et sa marionnette, une allégorie de la Justice, manifestent, à Paris, le mercredi 12 octobre 2022, contre la réforme des retraites. (photo non créditée)