Franck Prévot (1968-2020)

 

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    Franck Prévot, écrivain, est décédé le mercredi 27 mai 2020. Il avait 52 ans. Il aimait à dire qu’il avait commencé ses études d’écriture dès le cours préparatoire  grâce à des enseignants férus de littérature pour la jeunesse qui lui apprirent à lire avec Petit-Bleu et Petit-Jaune. Il sentira toutefois le besoin de passer un baccalauréat scientifique. Ce sera ensuite une école supérieure de commerce et un IUFM, avec, entre les deux, des voyages (dont un, de 18 mois, en Indonésie, dans un village où il créera, avec les habitants, une association de défense de l’environnement). Ne pas omettre une peu probante expérience comme employé dans une banque. Franck Prévot sera professeur d’école, à Valence, pendant une dizaine d’années avant de faire du travail d’écrivain son activité principale.

    Premiers livres : Tout allait bien (Le buveur d’encre, 2003) et Un amour de verre, illustré par Stéphane Girel (Le Rouergue, 2003). Il a publié depuis une trentaine d’ouvrages aux éditions Le Baron Perché, Grandir, Thierry Magnier, Nathan, Rue du monde, L’édune, HongFei Cultures, La maison est en carton. A signaler : Lumières : l’Encyclopédie revisitée (1713-2013) avec des illustrations de Julia Wauters, Charles Dutertre, Albertine, Rascal, Vincent Pianina, Jean-François Martin, Clotilde Perrin, Régis Lejonc, Tom Schamp, Janik Coat et Martin Jarrie (L’édune, 2013), publié pour le tricentenaire de la naissance de Denis Diderot et qui fera l’objet d’une exposition.

    Franck Prévot aimait rencontrer ses jeunes lecteurs pour des ateliers d’écriture et des lectures dessinées. Dernier ouvrage : La vraie vérité sur le secret de la maitresse illustré par Amandine Laprun (Nathan, 2019). Quand on l’interrogeait sur lui-même – ce que le CRILJ avait eu l’occasion de faire à Beaugency, lors d’un salon du livre – il expliquait volontiers qu’il aime les enfants, les gens et son jardin, son chat gris et son poisson rouge qui est bleu, courir le monde en bateau, à pied ou en poésie, s’inventer dix d’histoires par jour, parler des livres avec ceux qui les font et avec ceux qui les lisent, jouer avec les mots même quand c’est difficile. « Franck écrivait des histoires et de la poésie. Ses textes lus par mille gens, ceux-là voulurent le rencontrer. Il aima ces gens et ces rencontres. Elles lui donnèrent mille occasions d’inviter qui le voulait à écrire sa poésie. Et chacun devenait poète en sa présence. Mais aujourd’hui est vide. Jusque-là, Franck faisait vivre ses textes auprès des lecteurs petits, grands ou vieux et autres émerveillés. Désormais, c’est à ses textes de faire vivre sa voix. Franck a choisi sa manière de donner. Avec la même liberté, nous recevons, reconnaissants. » (Loïc Jacob et Chun-Liang Yeh, HongFei Cultures)

(avril 2020)

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TÉMOIGNAGE

    C’est avec une immense tristesse que nous avons appris le décès brutal de Franck Prévot, grand auteur de la littérature jeunesse que nous avons eu l’immense plaisir d’accueillir, à plusieurs reprises, au Festival Rêves d’Océans.

    Nous nous souvenons tous de sa générosité et des incroyables moments partagés avec les enfants dans les classes, des sourires et paroles échangés avec les festivaliers, comme avec l’ensemble des bénévoles. Il a particulièrement touché chacun d’entre nous lorsque le dimanche soir, après avoie été en signature tout un week-end, comme une évidence, il soulevait tables et étagères, débarrassait bancs et barrières … pour aider les bénévoles au démontage, avant de partager avec nous le repas d' »au-revoir »!

    Une année, alors qu’un éditeur invité à participer à la journée professionnelle avait dû se décommander pour raison de santé quelques heures seulement avant le début de la formation, Franck, au pied levé, a répondu immédiatement à la demande d’Anne Colinot pour venir le remplacer.

    C’était Franck Prévot, un homme d’une gentillesse reconnus par tous ceux qui ont eu le bonheur de le rencontrer. Il nous laisse ses nombreux textes et pensées, dont toutes celles écrites pendant le confinement et partagées généreusement, au quotidien sur les réseaux sociaux. Nous prendrons plaisir à lire et à relire ses écrits pendant encore longtemps !

    Sa disparition est d’une violence inouïe. Un homme d’une rare humanité nous quitte. Un grand vide.

    Nos pensées accompagnent son épouse, ses enfants et tous ceux qui l’ont aimé.

    Bien sûr, nous pensions avec beaucoup de plaisir le réinviter à une prochaine édition, c’était une évidence et une certitude. Cela ne sera plus possible et notre peine est grande.

(Les Rêveurs d’Océans – avril 2020)

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Du côté des éditions de l’Edune

par André Delobel

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Un entretien avec Philippe Lesgourgues, directeur des éditions de l’Edune, et Franck Prévost, auteur.

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. Les débuts de l’Edune ?

    Avant d’être éditeur, j’était maquettitste et j’ai, un jour, souhaité élargir mon activité en créant cette maison d’édition. C’était en mars 2006, à l’occasion d’un salon du livre régional où j’ai présenté les trois premiers livres. Ce fut tout de suite une aventure formidable, ponctuée de nombreuses rencontres.

. Peut-on parler de priorité à l’image ?

    Au début de son existence, l’Édune donnait davantage d’importance au texte puis, peu à peu, la maison d’édition a accordé de plus en plus d’importance à l’image.

. Avec notamment la collection « l’Abécédaire » ?

    Cette collection est née d’une idée de Régis Lejonc. C’est lui qui nous a proposé le concept, “un album par lettre”, et qui a, ensuite, sollicité des illustrateurs qu’il connaissait. Aujourd’hui, la collection est complète avec vingt albums. C’était pour nous, à l’époque, un enjeu énorme, au plan éditorial, bien sûr, mais aussi au plan économique car l’Édune n’avait qu’une seule année d’existence. C’est, je crois, une collection de qualité et les vingt albums, qui connaisent un succés constant, sont notre vitrine.

.Quid de la collection « Tabous » ?

Pour cette collection, l’Édune a fait le choix d’aborder des thèmes forts, très peu ou pas du tout abordés telle la maladie chez l’enfant, la grève, le déni de grossesse..

. Franck Prévost, vous êtes un fidèle de l’Edune ?

    J’y ai publié un premier livre, Papa contre Trucman, à propos de la consommation de masse, puis j’ai proposé un recueil de pensées, Les pensées sont des fleurs comme les autres. J’ai ensuite créé la collection « Papillottes » qui rassemble des recueils de pensées. C’est une collection “pour le plaisir”. Les auteurs jouent avec les mots dans des genres très différents. Chaque recueil étant conçu par un auteur différent et un illustrateur différent, la collection propose une grande variété et une grande richesse.

. On est bien à l’Edune ?

    J’y apprécie la liberté qu’on y trouve, le côté “carte blanche”. On peut, dans cet espace de liberté, développer ses idées et ses envies.

La situation des petites maisons d’éditions n’est pas toujours facile et la librairie est en péril. Que peut–on, Philippe Lesgourgues, souhaiter à l’Edune ?

    De pouvoir continuer à faire des livres, donc parvenir à conserver la confiance des auteurs et des illustrateurs puis celle des libraires et des bibliothécaires qui nous connaissent. Je souhaite pouvoir continuer dans le même esprit, l’image et les thèmes forts, et ne pas décevoir les lecteurs. Continuer à surprendre est un vrai challenge. Et puis, il faut communiquer le plus possible, être présent sur les salons, garder le contact avec les enfants, être à leur écoute, pour proposer des albums qui leur correspondent.

. Vous avez, je crois, un projet numérique. Est-ce bien raisonnable ?

    L’idée d’un développement numérique est présente depuis longtemps dans les projets de l’Édune. Mais c’est difficile. Le développement prend beaucoup de temps et il est, pour une petite maison, particulièrement onéreux. L’idéal serait de développer un projet « mixte » qui inclurait produit papier et produit numérique.

(Beaugency, le 1ier avril 2012)

 

Maître-formateur retraité, André Delobel est, depuis trente ans, secrétaire de la section de l’orléanais du CRILJ et responsable de son centre de ressources. Auteur avec Emmanuel Virton de Travailler avec des écrivains publié en 1995 chez Hachette Education, il a assuré pendant quatorze ans le suivi de la rubrique hebdomadaire « Lire à belles dents » de La République du Centre. Il est, depuis 2009, secrétaire général du CRILJ au plan national.