Qui sommes nous ?

Michel-Aimé Baudouy

 Un humaniste de la littérature enfantine

     La disparition de Michel-Aimé Baudouy nous permet l’indispensable retour pour apprécier cinquante années de littérature pour la jeunesse, marquées par un parcours singulier et original. L’homme a fui toute sa vie le tumulte, la bousculade médiatique, volontiers revenu à son Vernet d’Ariège. Il n’a cependant jamais perdu le contact avec le monde des jeunes et les problèmes de notre temps. La nature et la montagne, la forêt et la mer l’inspîrent, de L’enfant aux aigles, qui voit son entrée en écriture pour la jeunesse, à l’admirable Seigneur des Hautes Buttes. Mais il abordera le sport avec Allez les petits ou Mick et la P. 105, sans oublier la technique de pointe, suivant la construction du « France » ou celle d’un barrage et se penchant sur l’agriculture en mutation dans Sylvie de Plaisance.

     Au travers de son œuvre, c’est un véritable panorama de la France de l’après deuxième guerre mondiale qui se déroule dans un climat de compréhension pour les êtres et les choses. Nous nous souvenons de sa joie quand il reçut avec Le rouquin de Lartigue le Prix de la Ville de Vénissieux en 1981.

     Difficile de ne pas le revoir, s’échauffant un peu quand certains le trouvaient trop indulgent, ou d’oublier la complicité qui l’unissait à Tatiana Rageot dans une volonté de faire œuvre de qualité et de bonté dans un humanisme solide et tranquille et dans les moments passés en longs échanges.

     Peut-être sa disparition va-t-elle permettre à certains de le redécouvrir. J’ai bien envie d’aller parler de lui avec le Seigneur de la Butte, que je ne sais où trouver, en lisière de la forêt de Mervetn peut-être.

( texte paru dans le n° 64 – mars 1999 – du bulletin du CRILJ )

baudouy

Né en 1909, au Vernet, dans l’Ariège, Michel-Aimé Baudouy fréquente l’école normale d’instituteurs de Foix et de Toulouse, la faculté des lettres de Toulouse, la Sorbonne, l’Institut d’études hispanique, l’Ecole normale supérieure de l’enseignement technique. Professeur de lettres à Tourcoing, Nantes, Paris. Son premier roman Une morte de rien du tout parait en 1946 chez Calmann-Levy. Prisonnier de guerre, il écrit avec des moyens de fortune L’enfant aux aigles, son premier ouvrage pour la jeunesse (Amitié-G.T. Rageot, 1949). Choisissant volontiers ses sujets parmi les grandes préoccupations de la vie contemporaine, cet admirateur de Montaigne, « pour la pensée », et de Colette, « pour le style », écrivit plus de quarante ouvrages en direction des enfants, y compris, caché parfois sous le pseudonyme de François Vernières, plusieurs romans policiers.    

« Dans la littérature enfantine comme dans les autres genres, il existe une production en série qui peut se satisfaire des procédés de dosage : tant pour-cent d’aventures, tant pour-cent d’émotion, tant pour-cent d’exotisme. A la fin, triomphe du mal, apothéose du héros ou de l’héroine. C’est ici que la ligne de démarcation se situe véritablement, non pas entre la littérature enfantine et la littérature tout court, mais entre la bonne et la mauvaise littérature, entre le talent véritable et la fabrication. Un roman pour enfant ne se bâcle pas, ne se fabrique pas avec des trucs. Un roman pour enfants se médite et s’écrit longuement avec la même conscience et la même ferveur qu’un véritable artiste met à la réalisation, toujours recommencée, de ce qui sera peut-être son chef d’oeuvre. »

L'IBBY sous le soleil levant

 

 

 

 

 

     Pour sa majorité, le Congrès bisannuel de l’IBBY (International Board on Books for Young People) s’est offert le luxe de quitter l’Europe pour la première fois. Organisé de main de maître et avec une vraie ampleur nouvelle par la section japonaise, il a tenu ses assises du 18 au 23 août dernier, dans le Palais des Enfants, en plein cœur de Tokyo.

     Les objectifs d’une telle manifestation comme les attentes des participants sont divers et multiples : approfondissement d’un thème-clé par conférences et débats interposés, assemblée pleinière statutaire, mais aussi plate-forme de rencontres, de contacts, d’échanges intellectuels ou commerciaux.

 Pourquoi écrivez-vous pour les enfants ? Enfants, pourquoi lisez-vous ?

     Tel était le vaste thème mis en scène par les organisateurs. Pour répondre à la deuxième question, quelques jeunes Japonais et, entre autres conférenciers invités à apporter leur contribution à la première, la Brésilienne Ana Maria Machado, le Chinois Yan Xenjing, la Britannique Philippa Pearce, le Soviétique Sergei Mikhalkov, l’Autralienne Patricia Wrightson, le Japonais Mutsumasa Anno et l’Allemand Michael Ende. Pour raisons de santé, Maurice Sendak avait hélas dû renoncer au voyage.

     Simple et compliqué à la fois d’apporter sa pierre à l’édifice. Les réponses des orateurs se sont trouvées très culturellement marquées, les Asiatiques rappelant au fil de leur vie les étapes déterminantes qui les conduisirent à l’écriture pour enfants, alors que es Occidentaux en tiraient un exposé souvent plus philosophique que littéraire.

     Particulièrment brillante à nos yeux fut l’intervention de Michael Ende, le génial et secret auteur de Momo et du bestseller universel qu’est L’histoire sans fin. Au fond, je n’écris pas pour les enfants. En écrivant, je ne pense jamais aux enfants, mais j’écris des livres que j’aurai aimé lire étant enfant. En ce sens, je ne suis encore jamais devenu adulte. L’enfant signifie le futur qui est en nous. Je raconte donc mes histoires pour l’enfant qui vit en moi et en nous tous. » Et l’écrivain de dénoncer la tristesse et la banalité de la présentation du monde faite aux enfants. « Quelle motivation en tirer, sinon le non-sens et l’absurdité de cette image du monde. Les artisans, les poètes et les écrivains ont comme travail de redonner mystère et légende à cette réalité. » La réponse artistique de Michael Ende prend quatre noms succsissifs : fantaisie, beauté, merveilleux et humour. Une véritable profession de foi.

     On pourrait également aller plus droit au but et répondre, comme le grand Mitsumasa Anno concluant son exposé par une longue citation du musicien Pablo Casals : « Pourquoi écrivez-vous et pourquoi lisez-vous ? Mais, bon dieu, pour vivre ! »

 Les héros de la fête

     Surprise en avril à Bologne : face au Sautereau et Lapointe, Burningham, Van Allsburgh, Delessert et autres, le Jury Andersen portait son choix sur deux artistes issus pour la première fois du même pays. Outre qu’elle a sans doute voulu honorer la zone pacifique, cette désignation de deux Australiens pour l’attribution du « Nobel » de la littérature de jeunesse – prime et médias en moins – n’est en rien gratuite. L’écrivain Patricia Wrightson et le peintre Robert Ingpen ont, tous les deux, largement contribué au dévelloppement littéraire et artistique de leur pays et du livre pour enfants dans son ensemble. Souhaitons que cette récompense nous apporte aussi promptement quelques traductions françaises de leurs livres promus chefs-d’œuvre.

     L’Assemblée Générale des délégués de l’IBBY a également apporté quelques noms nouveaux parmi les « héros » puisque l’élection d’un nouveau comité international a conduit au remplacement du très compétent président sortant, l’éditeur madrilène Miguel Azoala, par l’estimé directeur de la BIB, le tchécoslovaque Dusan Roll. Par ailleurs, Ana Maria Machado a été désignée pour succéder à la merveilleuse Patricia Crampton à la tête du Jury Andersen.

 Bilan et rendez-vous

     L’hospitalité – et la climatisation – nipponne ayant fait des merveilles, l’IBBY a pu dignement fêter cette vingtième rencontre. Talonné d’expositions et d’échanges culturels, doublé de débats sur le futur du livre pour enfants ou les intentions et méthodes de la création – avec notamment une intervention de Mijo Beccaria – ce congrès a rempli son ambitieux programme : rapprocher les peuples au travers d’une connaissance accrue de ce qui constitue la meilleure littérature pour les actuels héritiers du monde. Autant le terme peut-il paraitre pompeux et le bilan optimiste, autant l’écho doit-il en être multiplié de par le monde.

     C’est également pour ce faire que l’IBBY s’est fixé de nouveaux rendez-vous pour ses 21ème et 22ème congrès : en septembre 1988 à Oslo sur le thème prometteur de La littérature de jeunesse face aux mouveaux médias, puis outre-atlantique en septembre 1990 à Williamsburg (Virginia) pour prouver au monde que « Les livres pour enfants font la différence. »

( texte paru dans le n° 29 – octobre 1986 – du bulletin du CRILJ )

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Né en 1958, Olivier Maradan a travaillé dans le domaine de la promotion de la lecture et de la littérature de jeunesse durant les années quatre-vingt et jusqu’au milieu de la décennie suivante. Il a été en Suisse l’un des fondateurs d’AROLE, l’association romande de littérature pour l’enfance et la jeunesse, construite sur le modèle du CRILJ, et durant une décennie l’un des organisateurs des fameuses Journées d’AROLE, séminaire bisannuel de formation et d’échanges. Ses travaux ont surtout porté sur la transmission du goût de lire, dans le cadre de la formation des enseignants, des bibliothécaires et des parents. Il a tenu durant douze ans une chronique hebdomadaire de présentation de nouveautés éditoriales et de manifestations internationales en littérature de jeunesse pour un quotidien de Fribourg et a siégé dans plusieurs jurys en Suisse, en France et en Italie. Depuis 1996, ses responsabilités professionnelles dans l’éducation l’ont éloigné du domaine éditorial. Il est actuellement secrétaire général adjoint de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique et responsable de l’harmonisation de la scolarité obligatoire en Suisse.

 

 

   

 

 

Du CRILJ au CRILJ

    L’aventure du CRILJ commence à la fin de 1962.

    Dans les diverses actions pour le livre, un certain nombre de personnes  étaient devenues très proches les unes des autres dans leur préoccupation. Une sensation de distorsion entre l’état de la recherche et de l’information en France et dans le monde, une réalité d’abandon de la part des pouvoirs publics pour lesquels l’idée  d’une action culturelle pour l’enfance et la jeunesse apparaissait comme une utopie peu sérieuse, les divers cloisonnements renforcés par une période de pénurie où chaque catégorie : enseignants,  bibliothécaires, éducateurs, libraires ou éditeurs lorgnait  plus du côté du voisin que vers un plan d’ensemble. Tout cela faisait le fond de nos conversations.

    De rencontre en débat, de « il faudrait que » à « il faut faire quelque chose »,  naissait un projet qui se concrétisait peu à peu grâce à l’accueil souriant et efficace de Natha Caputo.

    C’est donc dans l’appartement de Natha Caputo, rue Victor Schœlcher, à Paris, dans le 14ème arrondissement, qu’est né le CRILJ, sous le double signe d’un militant de la lutte contre l’esclavage et contre le Second Empire et d’une critique attentive aux « livres qui apprennent à aimer », suivant sa belle expression.

    Se retrouvaient là autour de Natha Caputo, Isabelle Jan, Mathilde Leriche, Marc Soriano et nous (Jacqueline et Raoul Dubois) dans un premier temps du moins, car d’autres allaient bientôt nous rejoindre.

    La décision définitive de créer le CRILJ fut prise à la réunion du 26 juin 1963, dans l’après-midi.

    Assistaient à cette réunion toutes les personnes nommées ci-dessus, à l’exception de Jacqueline Dubois, retenue par ses obligations professionnelles.

    Le relevé des conclusions se présentait en 11 points :

– La situation des études et recherches en littérature de la jeunesse en France fait de la France un pays retardataire en ce domaine,

– L’Université ignore pratiquement la littérature de jeunesse à tous les échelons,

– La formation des éducateurs de tous les degrés ignore en fait la littérature de jeunesse,

– Les liaisons sur le plan international sont le fait d’initiatives personnelles, elles ne sont pas coordonnées et ne permettent pas d’échanges fructueux,

– Il est donc nécessaire de créer un organisme indépendant, regroupant des critiques, des universitaires, des chercheurs, et pouvant préparer une reconnaissance de la littérature de jeunesse comme branche de la littérature,

– L’accord se fait sur la création du Centre de Recherche et d’informations sur la Littérature de jeunesse,

– Ce Centre pourra se constituer de façon légale à la rentrée, il essaiera de se faire attribuer un siège social à l’Institut Pédagogique National,

– Ce groupe de travail primitif pourrait s’adjoindre diverses personnalités ; dans l’immédiat : Mesdames Raymonde Dalimier et Colette Vivier,

– Seront par ailleurs sollicités :  Mesdames Luce Langevin, Odette Levy Bruhl, Janine Despinette, Marie-José Chombart de Lauwe, Mme Darier, Madeleine Raillon, Christiane Cohen, Marguerite Vérot ; Messieurs Claude Aveline, Paul Faucher, Claude Santelli.

– Il serait intéressant d’y adjoindre des folkloristes, des psychologues et chaque participant est invité à donner des listes supplémentaires.

– Raoul Dubois assurera  la mise au net des décisions et un projet de statuts sera établi,

    Le bureau provisoire serait ainsi proposé :

Présidente : Mathilde Leriche

Vice présidents : Natha Caputo, Marc Soriano,

Secrétariat : Isabelle Jan, Raoul Dubois

Membres : Colette Vivier, Raymonde Dalimier

Le poste de trésorier sera proposé à Jacqueline Dubois (qui l’accepta).

    La demande faite à l’Institut Pédagogique National dès octobre fut étudiée et acceptée, les statuts discutés et acceptés par une réunion tenue à la rentrée et les diverses personnalités contactées par courrier.

    Si les premières réunions continuent à se tenir malgré les difficultés de l’époque, ce n’est que le 6 juillet 1965 que les statuts seront déposés à la Préfecture de Police, indiquant bien l’Institut Pédagogique National comme Siège Social. Ce n’est qu’en 1972 que dans le cadre de la réorganisation de l’IPN fut retirée aux associations non directement pédagogiques d’y domicilier leur siège social.

    C’était assez bien remarquer la place faite à l’époque à la littérature de jeunesse.

    Dans le contexte de la vie associative d’alors il était sans doute prématuré de créer ou espérer faire vivre une association libre de toute contrainte vis-à-vis des pouvoirs publics ou des grandes forces parcourant les associations culturelles, par ailleurs très préoccupées de leur survie. Les créateurs du CRILJ auxquels s’étaient joints Germaine Finifter, Bernard Epin, André Kédros, Monique Bermond et Roger Boquié et un certain nombre de correspondants à Paris et en province, ne trouvèrent évidemment pas les moyens de faire fonctionner une association de coordination alors que toute leur activité était sans  cesse remise en question.

    C’est aussi à ce moment que l’action de la Section Française de l’Union Internationale de Littérature de Jeunesse (IBBY) se développe prenant en quelque sorte le relais de cette tentative.

    Elle devait refaire surface à  la suite des stages de Sèvres, organisées au Centre International d’Études pédagogiques, sous l’autorité de son directeur d’alors, Jean Auba.

    Au fur et à mesure que les stages se succédaient, se manifestait l’exigence d’une structure souple de concertation et de rencontre associant les divers partenaires de l’action en faveur de la littérature de jeunesse.

    Le repli sur soi de chacune des professions était ressenti comme néfaste par beaucoup de bibliothécaires, d’enseignants, d’éducateurs, de libraires et même d’éditeurs parmi les plus novateurs. Si chacun sentait bien le bouillonnement des idées et des initiatives autour de la lecture des enfants et des jeunes, le manque de point de rencontre se faisait cruellement sentir.

    Ainsi naquit peu à peu cette idée : utiliser une structure demeurée un peu vide mais ayant le mérite d’exister, et gagner du temps, le CRILJ dont quelques animateurs avaient constitué les chevilles ouvrières des stages de Sèvres.

    La présidente du CRILJ, Mathilde Leriche, fut donc sollicitée le 7 juin 1973 pour relancer l’association sur de nouvelles bases :

Un groupe de travail restreint a mis au point les aspirations confuses à une sorte d’institution sur la littérature enfantine.

Chemin faisant nous avons reparlé du centre de recherche et d’Information sur la Littérature de Jeunesse que nous avons créé en 1964 sous l’impulsion de notre amie Natha Caputo.

Au cours des discussions du groupe de travail réuni le 6 juin il a paru économique du point de vue du temps et des formalités administratives de reprendre le CRILJ pour, en modifiant les statuts, en faire la première pierre d’un édifice qui serait ensuite construit progressivement.

C’est donc cette solution qui sera préconisée par le groupe de travail à la réunion plénière le 20 juin prochain. Vous avez déjà été conviée (ou vous le serez bientôt) à cette réunion et nous nous permettons d’insister pour que vous participiez aux travaux.

Nous pensons qu’il est utile que tous les anciens membres du bureau du CRILJ participent à nouveau au bureau provisoire qui comprendra également les groupes de travail. Ce groupe comprend : Geneviève Patte, Marc Soriano, René Fillet, Lise Lebel, Jean Hassenforder, Jacques Charpentreau, Raoul Dubois. S’y adjoindront donc, si vous êtes d’accord : Isabelle Jan, Raymonde Dalimier, Mathilde Leriche, Colette Vivier et Jacqueline Dubois.

Qu’en pensez-vous ?

Il nous semble que, au moins à titre provisoire, vous ne pouvez pas refuser de participer à ce travail. Un bureau définitif sera désigné en octobre ou novembre. 

( Lettre à Mathilde Leriche du 7 juin 1973 d’un auteur non identifié )

    La réunion eut lieu et la décision de reprendre le CRILJ confirmée.

    Les Statuts modifiés étaient déposés à la préfecture de Police de Paris le 30 janvier 1975  (publication au JO du 15 février 1975). C’est dire que tout cela fut fait sans hâte avec le maximum de précautions pour éviter de faire apparaître cette association comme une possible concurrence à d’autres initiatives. Le Siège Social était transféré au Centre d ‘Études pédagogiques (Sèvres) qui avait vu la renaissance du CRILJ.

    Il faudra attendre le 24 novembre 1978 pour que la nouvelle association obtienne son agréement du Ministère de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs.

    On peut dire sans crainte d’être démenti que les premières années du CRILJ ont été un miracle de tous les instants. Dans toute la mesure de nos moyens nous y avons mené une action très chaleureuse, René Fillet ou Jean Auba ont sans doute beaucoup fait pour aider le CRILJ à affronter une navigation en eau calme. Que de procès d’intention ont été faits au CRILJ ou à certains de ses animateurs ! Encore une fois nous avons pu mesurer les difficultés de survie des structures de coordination. Souvent on déplore le manque de liaison pour aussitôt craindre dans ces liaisons on ne sait quel empiètement sur un territoire souvent vécu comme une sorte de monopole de fait. Nous pensons quant à nous avoir toujours joué pleinement le jeu, quelquefois au détriment de notre propre activité.

    En tout état de cause et en grande partie grâce à l’obstination de Monique Hennequin, le CRILJ peut mettre à son actif une série de réalisations dans des domaines fort divers et qui tous participent bien de l’information et de la formation. Si le bilan « recherche » n’est pas aussi riche, c’est qu’il n’y a pas de recherche sans moyen.

    Parmi les réalisations les plus intéressantes il faut faire place aux divers colloques dont certains ont le mérite de poser les problèmes à un moment où ils n’étaient pas forcément passés dans le domaine public.

    Il en a été de même et nous aurons l’occasion d’y revenir sur la place du « Livre scientifique et technique » dans l’édition pour la jeunesse et pour l’ensemble de l’activité lecture-jeunesse.

    Enfin le pilotage des Prix de la Jeunesse et des Sports a sans doute permis leur maintien dans un contexte difficile.

    Les sections régionales du CRILJ s’organisent peu à peu. Elles ont chacune son visage et cette diversité aurait sans doute beaucoup réjoui Natha Caputo qui n’aimait pas trop  les structures rigides et nous avait dès le départ mis en garde.

    Notre seul regret vient du peu de soutien matériel des pouvoirs publics. Certes, la reconnaissance d’utilité publique en 1983 est une sorte de légitimation des efforts de tous, mais elle ne s’accompagne d’aucune reconnaissance du Ministère des Finances…

    Enfin, nous ne sommes pas clandestins, c’est déjà quelque chose ! Le répertoire des auteurs français pour la jeunesse, édité par le CRILJ, en est une preuve évidente.

    Sans doute pouvons-nous constater que les forces centrifuges traversant la société française depuis 1968 et leur renforcement par la régionalisation ont des conséquences négatives sur la place faite aux associations nationales. Par contre les structures régionales et départementales peuvent, dans certains cas, bénéficier d’aides sérieuses susceptibles de déboucher sur des travaux et des réalisations.

    Dans le domaine qui nous intéresse on peut cependant constater un grand nombre de « doublons » dans les réalisations d’outils coïncidant avec des manques regrettables.

( La Lecture buissonnière  –  tapuscrit consultable au CRILJ à Orléans, à l’Université d’Artois  à Arras, à la bibliothèque l’Heure Joyeuse à Paris )

raoul

Né en 1922, Raoul Dubois est à seize ans plus jeune instituteur de France. Résistant pendant la seconde guerre mondiale, il cache des enfants juifs, les faisant passer pour musulmans. Il s’engage au Parti Communiste. Après guerre, il consacre son énergie à l’école publique, d’abord dans le primaire puis en collège. Fondateur à la Libération des « Francs et Franches Camarades », il y fut à l’origine des revues Jeunes Années et Gullivore. Raoul Dubois est l’auteur d’ouvrages historiques pour la jeunesse tels que Au soleil de 36 (1986), À l’assaut du ciel (1990), Les Aventuriers de l’an 2000 (1990), Julien de Belleville (1996). Co-fondateur du CRILJ, il lui restera, organisateur et débatteur de talent, avec Jacqueline son épouse, fidèle sa vie durant. « Raoul Dubois a été un éminent lecteur de littérature de jeunesse, un critique exemplaire, toujours exigeant et ne confondant jamais littérature et pédagogie. Il savait lire, il aimait lire et il faisait vite la différence entre la cohorte des textes toujours à la mode, toujours au goût du jour, et les textes écrits. » (Yves Pinguilly). Raoul Dubois est mort en décembre 2004.

Yvonne Meynier

 

 

 

 

      Le 29 janvier, à Rennes, le Prix Korrigan 1996 a été décerné à Margot Bruyère pour son ouvrage Les aventures de Marion du Faouêt par chez Liv’Editions.

     Il s’agit là d’un des plus anciens prix de littérature de jeunesse, attribué chaque année par l’Association des Ecrivains de l’Ouest, fondé peu après la guerre par Yvonne Meynier et Robert Merle.

     Yvonne Meynier, un nom sans doute oublié aujourd’hui par les jeunes lecteurs mais toujours à l’esprit (et au cœur) d’un grand nombre de leurs ainés. Limousine  de naissance, elle se fixa à Rennes en 1938 pour suivre son mari André Meynier, professeur de géographie et nommé à l’université de la ville, une rue de Rennes portant aujourd’hui son nom. A partir d’août 1944, Yvonne Meynier créera et animera sur Radio Bretagne Comme une plume au vent, une chronique régulière. En 1946, parait son premier roman Marion de l’assistance, chez Calman-Lévy.

     A dater de 1958, elle se consacrera presque exclusivement à la littérature de jeunesse. Vingt neuf livres en guère plus de vingt années, dont Un lycée pas comme les autres que beaucoup aujourd’hui aimerait voir rééditer. Elle a reçu le Prix Enfance du Monde en 1961 pour Une petite fille attendait et le Prix Jeune France en 1972 pour Delphine reine de la lumière.

     Décédée un lundi de Pâques à l’âge de 97 ans, son souvenir est ravivé chaque année lors de la remise du Prix Korrigan.

     Dans le courant de 1997, l’Institut culturel de Bretagne prévoit d’organiser avec la Bibliothèque Principale de Rennes, une exposition consacrée à Yvonne Meynier avec les témoignages de tous ses amis et les documents et manuscrits cédés à la ville par ses filles.

 ( texte  paru dans le n° 58 – mars 1997 – du bulletin du CRILJ )   

meynier

Née le 15 mars 1908 à Bourganeuf (Creuse), enseignante, directrice de jardin d’enfants adepte de Maria Montessori, conférencière, productrice à la radio et à la télévision à partir de 1944 où elle assure des chroniques régulières de critique littéraire, Yvonne Meynier publie en 1958 son premier livre pour enfants, L’expédition du Puy Caprice, chez GP, en Rouge et Or Dauphine. Nombreux autres titres, romans ou albums, chez GP, Hatier, Magnard dont en 1962 Un lycée pas comme les autres qui reçoit le Grand prix de la littérature pour les jeunes, Erika des collines en 1964, Un cambriolage pour rire en 1980. Gros tirage, nombreuses traductions, adaptation de nombreux titres pour la radio et le théâtre.

 

Trente ans au service des enfants

    

 

 

 

 

     Ma collaboration avec Flammarion a duré trente ans.

     En 1967, au décès de mon père, l’Atelier du Père Castor n’existait plus. Encouragé par Henri Flammarion, je reprends seul la direction des collections du Père Castor et, travaillant d’abord à mon domicile, je deviens responsable d’un service à créer.

     Avoir des notions sur l’édition pour entreprendre et mener à bien un programme de production pour l’enfance et la jeunesse est certes nécessaire et peut satisfaire des objectifs purement commerciaux. En ce qui me concerne, j’ai considéré l’édition comme un moyen et non comme un but, le but étant d’établir une relation privilégiée avec les enfants. Je suis en effet convaincu que dans le domaine du livre pour enfants, la première donnée, c’est l’enfant.

     Mais de quel enfant s’agit-il ?

     Tout ce qui touche à l’enfance est souvent abordé et vécu sur le mode de la sensibilité, voire de la sensiblerie, de l’émotion voire de la passion. C’est que, pour beaucoup d’entre nous, les seules références dont nous disposons sont nos souvenirs de l’enfant que nous croyons avoir été.

     Les réactions devant l’enfant inconnu, mystérieux, varient de l’extrême solicitude à la condescendance, de la méfiance au rejet, la circonspection n’étant pas la pire des atitudes ni la plus rare. Les meilleures intentions de ceux qui s’adressent aux enfants ne sont pas suffisantes, ni les improvisations, ni les approximations. Un minimun de connaissance sur l’évolution et les besoins fondamentaux des enfants à chaque étape de leur évolution est primordiale. Espérances à sauvegarder, public à respecter, dès lors qu’on s’adresse aux enfants, ils ont droit à plus d’attention, à plus de respect, et si possible, à plus d’art que tout autre public. La responsabilité de l’éditeur est engagée et cette responsabilité n’est ni infantile, ni mineure, elle participe à l’éducation des hommes et des femmes de demain.

     Education ! Le maître mot est laché ! C’est la seconde donnée du livres pour enfants. Au sens large, conduire chaque enfant sur le bon chemin. Quand on aborde cette notion après avoir évoqué l’enfance et ses lois génétiques, surgissent généralement de nouvelles interrogations, dictées elles aussi par le souvenir, le souvenir de l’éducation qu’on a cru recevoir.

    La tâche, la mission que remplissent les éducateurs relève plus d’un art que d’une technique, un art aux exigences sévères, où tout est toujours à recommencer, génération après génération.

     Nées de l’Education Nouvelle, les productions du Père Castor sont restées fidèles à ces principes.

     Cette Education Nouvelle à l’écoute des besoins des enfants, et non de leurs caprices, suppose la faculté de s’adapter dans l’instant aux situations les plus imprévisibles. Elle reste aujourd’hui la meilleure voie, pour répondre à ce qu’exprimait Jean Piaget, « si l’on désire, comme le besoin s’en fait sentir, former des individus capables d’invention et faire progresser la société de demain, il est clair qu’une éducation de la découverte active du vrai est supérieure à une éducation ne consistant qu’à dresser les sujets à vouloir par volontés toutes faites et à savoir par vérités simplement acceptées ». Les enfants d’aujourd’hui, comme ceux d’hier, pour développer harmonieusment leurs facultés ont besoin, autant que d’air pour respirer, d’un climat de sécurité affective, de valorisation, d’encouragement dans leurs entreprises constructives, surtout pour celles qui sont audacieuses, pourvu que les mesures de sécurité soient prises. Leurs rencontres avec le livre doit se faire sous le signe du plaisir, voire de la jubilation, c’est la troisième donnée du livres pour enfants.

     En étant fidèle à des principes éprouvés, les albums du Père Castor ont été récompensés par la fidélité du public. Ainsi les créations d’hier sont devenues aujourd’hui des classiques. N’est-il pas émouvant d’observer les enfants découvrant avec le même plaisir l’album Très fort illustré par Helen Oxenbury paru cette année et Michka illustré par Rojan qui avait déjà régalé leurs parents et leurs grands-parents ? Ce paradoxe n’est-il pas la cinquième donnée du livre pour enfants ?

     Le public des enfants représente un « marché » de plus en plus âprement disputé. La notion de rentabilité si, à elle seule, n’est pas suffisante, est cependant indispensable pour la création de nouveautés. C’est la cinquième donnée du livre pour enfants, valable pour toute autre production.

     C’est pour toutes ses qualités de défricheur, de bâtisseur, de pionnier, que le castor a été choisi comme symbole d’un programme constructif qui accompagne les enfants dès leurs premiers balbutiements, avant même un an, jusqu’à la lecture maîtrisée, dix ou douze ans et même au-delà.

     Parmi les fleurons de nos éventails figure L’imagier du Père Castor. Il s’adresse aux enfants qui ne savent pas encore parler. Toujours réimprimé, sans cesse remis au goût du jour par de nouvelles images, souvent copié, il a été traduit dans de nombreux pays grands ou petits et il existe une version en Croate, en Serbe, en Zoulou, en Islandais.

     A la pointe du progrès, le Père Castor a immortalisé des albums comme La Vache orange illustré par Lucile Butel, Marlaguette illustré par Gerda, La plus mignonne des petites souris illustré par Etienne Morel, Roule Galette illustré par Pierre Belvès, et plus de cent autres albums qui défient le temps et dont les illustrateurs et les auteurs de renon ont souvent fait leur début à l’Atelier.

     Et puis, « Le Roman des bêtes » dont chaque album présente un animal dans son milieu naturel à travers un roman palpitant pour découvrir la poésie de réel et le merveilleux de la nature, « Les enfants de la terre », collection d’amitié internationale qui souhaite faire comprendre et respecter les différences. la collection « Castor-Poche » riche de plus de cinq cent titres que les enfants achètent eux-mêmes et qui s’est imosée parmi les deux ou trois premières ollections de poche.

     « L’enfant n’est pas un vase qu’on emplit mais un feu qu’on allume. » disait Rabelais. Le Père Castor ajoute : « Je n’ai pas voulu des livres-entonnoirs, j’ai rêvé d’albums-éticelles. »

    Nous espérons donner aux enfants qui aiment nos livres, l’envie de grandir et d’entreprendre dans l’enthousiasme. Toutes ces convictions, je me suis employé à les faire partager avec tout ceux qui ont travaillé à l’Atelier du Père Castor.

     Aujours’hui, le Père Castor présente un catalogue de plus de mille titres, solide par son fond, diversifié par ses nouveautés. Avec une équipe de dix professionnels de l’édition et, pour certains, de l’éducation, un local bien adapté, un équipement informatique complet. Sous la direction d’Hélène Wadowski qui, a ma demande, a bien voulu nous rejoindre, ce département va franchir de nouvelles étapes.

     Si le Père Castor est devenu une institution, il a ses exigences dans le choix de ses critères, le plus important étant le respect de sa marque, pour lui-même et pour son public. Il a fallu du temps pour l’affirmer, il faudra de la vigilance pour la maintenir.

 Et pour l’avenir ?

     Le 30 juin 1996, je quitte mes fonctions de Directeur du département tout en poursuivant mes fonctions de Directeur de collections, je suis « le garant de la continuité de l’esprit et de l’image qui caractérise ‘le Père Castor » dans ses aspects créatifs, artistiques et pédagogiques notamment, tels qu’ils ont été conçus et développés à l’usage de la jeunesse. » Tout en participant aux comités de lecture et aux comités graphiques, je me consacrerai plus spécialement au développement des K7 audio et des CD-rom.

     Enfin, en tant que Président de l’Association des Amis du Père Castor, crée en 1995, j’aurai à réaliser le projet de la ‘Maison du Père Castor », qui sera élaboré dans le cadre du Pôle d’Economie du Patrimoine, ce projet ayant été retenu par la Délégation à l’Aménagement du Territoire Régionale.

 ( texte paru dans le n° 57 –  novembre 1996 – du bulletin du CRILJ )

 

        père castor

 Né à Prague en 1932, fils de Paul Faucher, le Père Castor, et de Lida Durdikova, François Faucher a pour parrain Frantisek Bakulé, éducateur adepte de l’Education Nouvelle, auquel il consacrera un livre, Franticek Bakule, l’enfant terrible de la pédagogie tchèque, en 1998. Après une enfance limousine, il choisit de devenir typographe. Mort de sa mère, deux ans de guerre d’Algérie. Son père, malade, l’appelle auprès de lui, chez Flammarion. Conditions de travail difficiles et licenciement en 1962. Rappelé par Henri Flammarion, François Faucher renouvellera et prolongera l’œuvre de son père à la mort de celui-ci en 1967. On lui doit notamment le premier Album du Père Castor en occitan et la création de la collection « Castor-Poche ». Parti à la retraite en 1996, il préside  l’Association des Amis du Père Castor qui, en 2006, inaugure à Meuzac (Haute-Vienne) une « Maison du Père Castor », lieu de mémoire destiné aux éducateurs, bibliothécaires, spécialistes de la littérature pour l’enfance et la jeunesse et simples curieux.

 

Du côté de La Farandole

 

 

 

 

 

      La création en 1955 de la maison d’édition La Farandole émane vraisemblablement d’une décision des instances du Parti communiste français et fut réalisée grâce à l’apport de capitaux de particuliers. Il s’agissait vraisemblablement d’adhérents qui apportaient ainsi leur soutien à l’initiative du Secrétariat général. La direction de la maison d’édition fut alors confiée à deux adhérentes du Parti qui présentaient les « garanties technico-politiques » souhaitées. Le Parti compléta sans doute par ce biais son appareil éditorial mais ne semble pas avoir imposé une quelconque ligne éditoriale au tandem formé par Madeleine Gilard, « directrice de collection », et Paulette Michel, au rôle plus administratif.

     Néanmoins, s’il ne semble pas avoir interféré sur le projet éditorial de la Farandole autrement que par une commune idéologie, il permit à La Farandole d’établir des partenariats avec ses organismes de diffusion : le Centre de Diffusion du Livre et de la Presse et Odéon diffusion et, peut-être, l’Agence Littéraire Artistique Parisienne …

     L’originalité de La Farandole réside dans son choix de proposer, bien avant les autres éditeurs, des ouvrages ouverts sur la vie sociale, l’histoire et les cultures étrangères. C’est une particularité qui procura son identité à la Farandole et qu’elle développa tout au long la période que nous avons étudiée. Elle sut, en partie grâce à l’impulsion de Régine Lilensten, faire de mai 1968 un tremplin pour en renforcer l’importance et aborder des sujets jusque là tabous.

     Pour faire aboutir cette volonté d’ouverture, elle s’entoura, dès ses débuts, d’auteurs et illustrateurs aptes à offrir ces perspectives aux lecteurs tout en faisant preuve de grandes qualités littéraires et picturales, voire artistiques. Au fil des ans leur nombre s’accrut et leurs horizons se diversifièrent, notamment grâce aux nombreuses traductions et aux coéditions que La Farandole mit en place avec des confrères (surtout du bloc de l’Est) à partir des années soixante.

     La constance de cette recherche de qualité prévalant sur une augmentation de sa rentabilité, La Farandole prit souvent le risque de publier de jeunes auteurs ou illustrateurs qui furent par la suite reconnus et acquirent une renommée importance dans le domaine de la littérature pour la jeunesse.

     Ce sont ces caractéristiques qui, à notre sens, permirent à La Farandole de s’implanter avec succès dans le paysage éditorial.

     Sa création prit pourtant place dans un contexte peu favorable aux nouvelles entreprises. De plus La Farandole choisit de dédier son activité uniquement à la littérature pour la jeunesse alors que la majorité des publications était réalisée par des départements ou secteurs de maisons d’édition généralistes ou scolaires qui pouvaient ainsi compenser d’éventuels échecs par le reste de leur production. Cependant la Farandole parvint à suffisamment se développer pour prendre l’ampleur et les statuts d’une société anonyme.

    Dès lors sa place au sein du milieu éditorial ne cessa de se renforcer et la maison d’édition conquit de plus en plus de spécialistes, critiques, bibliothécaires et enseignants. Sans jamais être véritablement connue du grand public, La Farandole se vit gratifiée d’un certain nombre de reconnaissances littéraires : critiques, sélection de livres, prix Jean Macé, prix international Hans-Christian Andersen. À la fin de la période étudiée, elle était parvenue à asseoir sa place de « petite maison d’édition novatrice », notamment grâce à Régine Lilensten, directrice dès 1972, qui semble avoir intensifié la communication de La Farandole. Elle avait également réussi à développer les relations avec d’autres éditeurs français et à ouvrir un marché au Québec.

     La Farandole était, à l’orée des années quatre-vingt, une petite maison d’édition bien implantée, certainement partisane mais pas propagandiste. Sans conteste, elle avait bénéficié du soutien du Parti communiste, de ses organes et de ses militants mais avait su s’implanter grâce au projet éditorial défini et mené par Paulette Michel et Madeleine Gilard. Elle avait d’autre part assis cette place grâce à une certaine professionnalisation de son activité et une redynamisation opérées par Régine Lilensten.

     Non déficitaire, elle fut cependant incorporée au groupe Messidor, pendant communiste des groupes capitalistes qui se constituèrent à la même époque et transformèrent l’édition française.

     Toutefois, le Parti communiste vécut une crise qui s’aggrava au cours des années quatre-vingt et dont le groupe Messidor pâtit, en plus d’essuyer des revers économiques. Faillitaire en 1992, Messidor fut racheté par le groupe Scandéditions qui fut lui-même mis en liquidation judiciaire en 1994. Une étude de l’histoire de la Farandole au cours de cette période permettrait de déterminer comment un tel contexte influa sur la gestion, la production et les lignes éditoriales de la maison d’édition ; si celles-ci furent transformées et, le cas échéant, dans quelle mesure. Par ailleurs, un tel travail permettrait peut-être de mieux saisir les raisons qui ont rendues cette liquidation particulièrement conflictuelle, et font aujourd’hui de l’histoire de la maison d’édition un sujet d’amertume.

 ( conclusion du mémoire de Master 2 d’Histoire Contemporaine Histoire de la maison d’édition La Farandole, 1955-1982 – juin 2009 )

   farandole

Née en 1985, Hélène Bonnefond effectue son cursus d’étudiante à l’université François Rabelais de Tours, avec le projet final de passer le concours de bibliothécaire territorial. Licence puis master d’histoire et, comme sujet de mémoire, sur une suggestion de Cécile Boulaire, maître de conférence en Littérature pour la jeunesse à l’université François Rabelais, Histoire de la maison d’édition La Farandole, 1955-1982. Travaillant actuellement comme assistante documentaliste dans un lycée professionnel, Hélène Bonnefond participe, à titre bénévole, aux activités de l’association tourangelle « Livre passerelle ». Elle hésite, pour les prochaines années, entre un travail de bibliothécaire, d’animateur en milieu scolaire et d’organisateur d’événements. Merci à elle pour nous avoir confié son mémoire.

 

 

 

 

Germaine Finifter

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    Germaine Finifter a disparu de façon tragique ce 22 août 1996 alors qu’en compagnie d’Aline Roméas, autre pionnière de la littérature de jeunesse, elle se rendait chez un écrivain. Germaine fut, lorsque j’entrai en littérature de jeunesse, l’une des personnes dont j’entendis parler et je la rencontrai bien vite en 1973 lors des réunions préalables à la création du CRILJ. Souvent ensuite, lors de rencontres, surtout parisiennes, nous partagions nos soucis de directrice de revue, nous évoquions certains livres, certains auteurs. Plus récemment, elle parlait avec tendresse et orgueil de sa famille multiculturelle et de ses petits enfants. Elle adorait les jeunes et son intérêt pour eux, à  quelque pays qu’ils appartiennent, de quelque race qu’ils soient. Elle put le manifester chez Syros à la fin des années 80 et en militant, le mot n’est pas trop fort, pour la compréhension entre les cultures. Qu’il s’agisse de la collection « Les copains de la classe » qui, par des témoignages de jeunes de différents pays fait connaître à nos enfants qui sont leurs ‘copains’, qu’il s’agisse de la collection « Les uns et les autres » qui, à travers des romans marqués par un caractère littéraire certain, font vivre aux jeunes lecteurs des moments durs de l’histoire, leur font prendre conscience de problèmes graves qui agitent les sociétés d’aujourd’hui, leur communiquent les valeurs de tolérance, de compréhension et de respect mutuels, la littérature de jeunesse de ces années 80 et 90 restera marquée par l’engagement de Germaine.

     Elle était ici, dans le village que j’habite, pour le colloque « Aux livres, jeunes citoyens ! » où sa communication « Les livres de jeunesse peuvent-ils être facteurs de changements ? » fut forte, communiquant ses convictions à l’auditoire et animant les débats avec l’énergie têtue et vibrante que nous lui connaissions. Elle avait promis d’y revenir, n’ayant pas eu le temps d’aller sur un lieu douloureux de sa vie, le camp de Gurs, où son mari avait été interné dans les années 40. Germaine ne viendra pas. Que ces modestes mots soient un témoignage de notre sympathie affectueuse.

 ( texte paru dans le n° 57 –  novembre 1996 – du bulletin du CRILJ )

 finifter

Née à Varsovie en 1923, après des études secondaires interrompues par la guerre, après des universités d’été et des séminaires pendant lesquels elle fréquente Georges Jean et Marc Soriano, Germaine Finifter rencontre Natha Caputo en 1954. Elle lui doit ses premiers travaux critiques dans Heures Claires. Elle fonde en 1960 la revue Livres Services Jeunesse en collaboration avec les enseignants et les parents de l’école Decroly de Saint-Mandé. Intervenante passionnée dans de nombreux stages ou colloques, directrice de collection chez  Nathan et chez Syros, elle écrira plusieurs ouvrages à caractère documentaire. Très active au sein du CRILJ, elle participera également, avec Christian Grenier, Béatrice Tanaka, Rolande Causse, Robert Bigot et quelques autres, à la rédaction du manifeste fondateur de la Charte des Auteurs et Illustrateurs pour la Jeunesse.

Des bébés, vraiment, des bébés ?

      Marie Bonnafé vient de publier Les livres c’est bon pour les bébés aux éditions Calmann-Lévy. Celà fait déjà  quelques années que ce type de conviction se tépand parmi les médiateurs du livre. Mais, à Promolej, on ne se contente pas de discours, on vérifie. Nous avons donc mis en chantier une expérimentarion, et nous en livrons ici les résultats.

     Précisons d’abord que les deux filles observées – nous avons chosi des filles car elles ont la réputation de lire davantage et plus tôt que les garçons – ne constituent pas un échantillon représentatif. Mais le fait qu’elles aient été choisies dans deux départements différents nous parait suffisant pour affirmer qie les constats de cette observation sont généralisables.

     La première photo représente un bébé-fille qui, depuis quelques mois déjà, est exposée aux images réitérées de livres destinés à la jeunesse. Comme chacun peut le constater, le bonheur ne semble pas à l’ordre du jour de cette petite lectrice.

     La seconde photo représente une fillette qui, nous l’avons pu vérifier, est soumise au feu roulant des livres depuis sa prime enfance. Apparemment cela ne s’arrange pas.

     Pourtant ces deux enfants sont issues d’un milieu socio-professionnel honnête où les parents lisent, elles sont nourries convenablement, elles regardent modérément la télévision et ne présente pas de tares apparentes.

     Soumises à un questionnaire de contrôle commençant par « Aimez-vous lire ? », elles se sont contentées de regarder l’enquêteur d’un air de profonde incompréhension.

     Suite à cette expérience, nous nous posons donc les questions suivantes :

 – A partir de quel âge, en réalité, peut-on parler de lecture-plaisir ?

 – Un contact trop précoce avec le livre embrume-t-il l’esprit de l’enfant ?

 – Dans la mesure où les fillettes n’ont pas répondu au questionnaire, peut-on penser que lire trop tôt rend sourd ?

  – Doit-on plutôt incriminer la nature des livres lus ? Comme on peut le constater sur les photos, aucun n’est un classique.

 – Où s’agit-il de surcharge cognitive ?

     Cette expérience sera prochainement généralisée à un troisième enfant.

( texte  paru dans le n° 51 – juin 1994 – du bulletin du CRILJ )

bébé

Né en 1944 à Paris, habitant le département de la la Sarthe depuis 1959, Christian Poslaniec est écrivain (romans, albums, poèmes, nouvelles, documentaires, polars et pièces de théâtre), spécialiste « tout terrain » de la littérature jeunesse : enseignant, formateur et organisateur de formation, chercheur, conférencier, directeur de collection (Zanzibar aux éditions Milan). Auteur de L’évolution de la littérature de jeunesse, de 1850 à nos jours, au travers de l’instance narrative (thèse publiée en 1999 aux Presses Universitaires du Septentrion), nommé en 2003 président de la commission de choix des livres pour la jeunesse du ministère de l’Éducation nationale, il vient de publier dans la collection Découvertes (Gallimard) Des livres d’enfants à la littérature de jeunesse. Christian Poslaniec est avec Christine Houyel à l’origine de Promolej, regroupement pour la « Promotion de la lecture et de l’écriture des jeunes ».

Quand les enfants font des livres

Le samedi 16 janvier 2010 a eu lieu à la bibliothèque l’Heure Joyeuse, rue des Prêtres-St-Séverin à Paris, sous l’intitulé Petites empreintes et livres d’art : si les enfants se mettent à faire leurs livres, une passionnante journée d’étude.

     En ouverture, Jean-Claude Utard, adjoint au chef du bureau des bibliothèques et de la lecture à la ville de Paris, explique que cette journée répond aux principes historiques de l’Heure joyeuse, l’accent étant mis sur l’enfant acteur, l’enfant créateur. Elle participe de cette volonté d’assurer une continuité entre praxis et théorie et s’inscrit dans la politique des bibliothèques de la ville. Jean-Claude Utard précise qu’en 2009 des ouvertures de nouvelles bibliothèques ont été réalisées (Chaptal et Quartier de la Réunion) et que le budget pour les acquisitions a été maintenu. Cette rencontre, ajoute-t-il, a longuement muri. C’est le résultat de contacts pris lors du Mai du livre d’art, d’un travail avec Catherine Binon, artiste plasticienne, une suite à l’exposition et aux ateliers de 2009 autour des empreintes, de la gravure et de la fabrication de livres par les enfants.

    Les participants ont ensuite été conviés à entrer dans un moment d’art et de pensée en écoutant, lues par le comédien Greg Germain, les réponses d’Edouard Glissant à des questions comme : comment imaginez-vous une éducation de la différence ? Comment rendre compte de la créolisation ? Pensez-vous qu’un nouvel imaginaire passe par les enfants ? Nous retiendrons qu’il n’y a pas de règle pour cette éducation. La seule orientation est d’inviter à imaginer, à renouveler nos perceptions. Des éléments sont porteurs et déclencheurs d’imaginaire : les cartes, les déserts, les sommets de montagnes, les fleuves navigables ou non. Partons des florilèges sur ces espaces. D’autre part, enseignons les convergences plutôt que les différences. Les enfants sont plus ouverts que les adultes, confondent moins racines et enfermement. Leur imaginaire est inattendu, rebelle. Mais il n’y a pas de révolte incontrôlable, donc sans fruit. Facilitons la relation, l’art de la relation au « tout monde ».

    Emmanuel Pernoud, historien de l’art, parle des mouvements d’avant-garde, de leur production, de leurs apports dans le rapport adulte/enfant. L’art enfantin a nourri l’art moderne et l’enfance devient la substance même de l’art. Pour lui, les représentations de l’enfant dans les arts et dans l’illustration permettent d’établir des parallèles. Livres pour enfants et œuvres d’art se répondent. Le jeu, dans ces deux supports peut être pédagogique mais aussi pure gratuité, associé à la création et même à la transgression. On peut trouver dans les illustrations un idéal d’enfance avec aussi des contre exemples qui s’adressent à l’enfant lecteur. En littérature, le  personnage de Cosinus est à l’image de l’enfant, résistant. L’intervenant s’appuie sur les créations de Maurice Boutet de Monvel, illustrateur de livres pour enfants, sur des œuvres de Bonnard, Promenade des nourrices, de Picasso, de Félix Vallotton. Il rappelle la fantaisie des compositions de Claude Debussy et de Maurice Ravel où l’écart à la règle est dissonance mais aussi jeu.

    Le jeu est source première des artistes. Pablo Picasso peint des jeux avec règles mais utilise aussi des assemblages hybrides, combine des matériaux. L’artiste d’avant-garde est entre le jeu et la création, explore les deux. Le jeu est visible chez Henri Matisse, Kasimir Malevitch, Max Ernst, Otto Dix, Alexander Calder, Philippe Garcia. L’enfance est tenue comme génie brut. Les réalisations de Jean Dubuffet ou du mouvement Cobra ont été comparées à celles des enfants mais ici les représentations des artistes sont feintes. Le dessin d’enfant a intéressé les artistes. Paul Klee avait conservé certains de ses propres dessins d’enfant – dont plusieurs sont intégrés, signés, dans le catalogue de son œuvre – puis ceux de son fils Félix. Matisse, Picasso, Miro, se penchèrent non moins, avec une attention admirative, sur les dessins de leurs enfants ; mais aussi, plus tard, les membres du groupe Cobra (en particulier Karel Appel) et Jean Dubuffet (en 1939/1940 déjà), constituèrent leurs propres collections. Selon Picasso, il ne faut pas imiter l’enfant mais faire comme lui : « Il m’a fallu, dit-il, toute une vie pour apprendre à dessiner comme un enfant. » Un livre : L’invention du dessin d’enfant en France, à l’aube des avant-gardes d’Emmanuel Pernoud chez Hazan (2003).

    François Ruy Vidal revient sur sa carrière d’enseignant, d’auteur, d’éditeur. Il avait constaté combien l’illustration était descriptive, narrative et, pour lui, il fallait revenir à Gustave Doré, Granville, William Black, Jérôme Bosch, Breughel. Il plaide toujours  pour que l’enfant puisse ne pas être conditionné et privé de prise de conscience. « L’enfant rappelle à l’homme ce qu’il a été ». En tant qu’éditeur, il a aidé les artistes à s’exprimer à l’intention des enfants sans s’expurger. Il va raconter ses ouvrages comme La courte Echelle et Les métamorphoses d’Alala. Il rappelle ses souvenirs et revient sur ses 20 ans, en 1951, sur ses trois fées marraines et marâtres. Françoise Dolto, Christiane Faure, Mathilde Leriche ont, toutes les trois, eu une influence sur son travail – Françoise Dolto ayant aussi « assassiné » son travail.  

    Claude Ponti, auteur-illustrateur, présente le projet Muz et invite à visiter le site (lemuz.org). C’est un musée virtuel qui a reçu l’aide de la région Ile de France, d’éditeurs comme L’Ecole des Loisirs, Gallimard, et qui a de nombreux parrains. On y circule par thème, technique, âge, sexe, origine des artistes, etc. Il se compose d’une collection principale et de collections particulières (pédagogie Freinet, Constellation, collection Germaine Tortel). On y trouve des travaux conduits par l’association La Source. On peut y exposer temporairement des projets. Les enfants du monde ont ainsi l’occasion de communiquer. Ce site est bien dans l’esprit de pédagogues comme Célestin Freinet, Arno Stern, Maria Montessori, qui envisagent l’enfant créateur et non artiste, et dans la volonté d’échanger en utilisant les moyens de communication de son époque.

     Emmanuel Morin, plasticien, nous présente l’abbaye de Fontevraud et les projets artistiques conduits dans ce site prestigieux. Ils ont pour but de faire venir et de faire participer la population locale. Les artistes résidents ou invités montrent à leur manière les lieux. Les œuvres des enfants sont incorporées dans les expositions, conservées parfois dans différents espaces dont les écoles. Un projet a été  conduit autour des écrits de Jacques Le Goff sur le Moyen Age. La série des « cahiers » commencée avec Paul Cox puis continuée avec François Place peuvent être acquis.

     Beaucoup d’humour dans la communication de Roger Dadoun, philosophe et psychanalyste, qui emploie deux expressions qui vont de soi, et pourtant ! Enfant créateur, enfant héritier. L’enfance, la féminité sont liés, elles nous échappent. Comment le peuvent-elles,  alors qu’elles sont si concrètes ? Il y a un refoulement originel. C’est l’homme qui fait ce travail de refoulement en sectorisant, en découpant,  pour surmonter ce refoulement. Mais subsiste une volonté de connaître ce monde de l’enfance qui semble résister. L’enfant est à saisir comme ébauche et comme débauche. Ebauche est une image qui court dans tous les esprits. Lorsqu’il crée sa production est jugée incomplète par rapport à un modèle adulte parachevé. L’enfant pourrait être toutefois perçu comme l’ontogénèse récapitulant, reprenant le développement de l’espèce elle-même comme l’expose la loi de Haeckel. Ce serait une manière d’approcher l’enfant comme autocréateur et de voir dans  ses productions une compétence originaire, une capacité à travers des signes. Pourquoi y-a-t-il refoulement ? L’espèce humaine est une espèce qui ne se supporte pas. L’être humain est « dénaturé » car il ne dispose pas des atouts des autres espèces, en plus il le sait. C’est un « pervers polymorphe ». Il y a eu castration, une schize, une coupure. L’homme ne se supportant pas lui-même projette sur la femme et l’enfant. L’enfant lui est « insupportable » alors qu’il peut être charmant, parce qu’il interroge. C’est une interrogation de l’espèce donc c’est insupportable. L’enfant avenir est porteur d’une contradiction. L’enfant héritier, totalement héritier, n’est plus lui-même, mais il ne peut pas ne pas résister. Alors l’adulte est dérouté. L’enfant vit une étape difficile. Il faut se projeter d’une façon anthropologique et se dire qu’il est notre, semblable. Le mot d’enfant que l’adulte relève c’est la permanence de l’enfance qu’il écoute. Savoir porter l’enfance en soi toute sa vie, c’est porter l’ancien de l’espèce humaine.

     L’après-midi, la création et ses moyens d’expression sont abordés par plusieurs  intervenants, enseignants, plasticiens, illustrateurs. Un lien est fait entre la capacité de dessiner et la capacité d’écrire. Plusieurs définitions de l’enfant artiste se superposent. L’accompagnement est catalyseur de l’expression. Le maître est là pour aider à choisir le langage le mieux adapté à une envie de dire, de communiquer. Chaque personne peut  alors exprimer sa singularité. L’atelier artistique est un lieu de communication, un lieu d’expérimentation pour un travail sur soi et avec les autres.

     Les interventions de cette journée ont témoigné d’une valeur accordée à l’enfance se traduisant particulièrement dans la considération dévolue par les adultes aux productions et expressions des enfants. Elles sont une invitation à poursuivre le voyage en se rendant sur différents sites comme celui de l’abbaye de Fontevraud ou de Muz, en allant voir les livres-maison de la maison d’édition Homecooking, en regardant autour de nous les productions des nombreux lieux associatifs ou institutionnels de pratique(s) artistique(s).

    L’éducation nouvelle a souvent servi de référence, pour montrer comment ses préceptes sont repris. Les interventions nous renvoient aux travaux de Lévy Strauss et à ses propos : « Reste à savoir si c’est l’école qui a tort, ou une société qui perd chaque jour davantage le sens de sa fonction. En posant le problème de l’enfant créateur, nous nous trompons de sujet : car c’est nous-mêmes, devenus consommateurs effrénés, qui nous montrons de moins en moins capables de création. Angoissés par notre carence, nous guettons la venue de l’homme créateur. Et comme nous ne l’apercevons nulle part, nous nous tournons, en désespoir de cause, vers nos enfants. » (in Le regard éloigné, Plon, 1983 ; première publication dans La nouvelle revue des deux mondes en 1975).  art enfantin

Inspectrice d’académie et inspectrice pédagogique régionale vie scolaire honoraire,  Anne Rabany s’intéresse à la littérature pour la jeunesse depuis son entrée dans l’enseignement.  Elle a participé à différentes actions de promotion de la lecture : plans lecture de la ville de Paris et de l’académie de Créteil, développement des BCD, formation d’animateurs, tournées culturelles pour les centres de vacances de la CCAS/EDF, etc. Publications dans de nombreux périodiques (Textes et documents pour la classe, Ecole des parents, Monde de l’éducation …) Contributions à plusieurs ouvrages collectifs dont une étude sur « Les enfants terribles dans les albums » dans L’humour dans la littérature de jeunesse paru chez In Press en 2000. Anne Rabany intervient au niveau des masters 1 et 2 d’édition à Montauban (Université Toulouse II Le Mirail) ainsi qu’au Pôle Métiers du Livre de Saint Cloud (Université Paris X). Elle participe, au plan national, à l’activité quotidienne du CRILJ. Elle a rejoint le comité de rédaction de la revue Griffon.

 

 

 

 

Paul Berna

Jean Sabran, l’homme aux pseudonymes – Bernard Deleuze chez Denoël, Paul Gerrard aux Presses de le Cité, Paul Berna chez Rouge et Or – vient de disparaitre.

    Né en 1908 dans le Var, marié à Jany Saint-Marcoux, elle-même auteur pour la jeunesse, il exerce différents métiers – comptable, rédacteur, agent d’assurance – avant de se consacrer à la littérature.

    Après des débuts en littérature générale en 1947, il commence à écrire en 1953 pour les jeunes et, en 1955, remporte le Grand Prix du Salon de l’Enfance avec Le Cheval sans tête publié aux Editions Rouge et Or. Ce roman, depuis quarante ans constamment réédité, a été traduit en une quinzaine de langues dont les langues scandinaves, les langues slaves, le japonais, l’hébreu. Il a été porté à l’écran par les productions Walt Disney.

    D’autres prix ont été décerné à Paul Berna : en 1956, le Grand Prix des Parents d’Elèves pour Le Champion et, en 1950, l’Edgar Poë Award du meilleur roman policier pour L’Epave de la « Bérénice ». Il est le seul auteur français a avoir reçu cette distinction.

 ( texte paru dans le n° 50 – mars 1994 – du bulletin du CRILJ )

     berna

 Les enfants de la bande à Gaby ne sont pas riches. Pourtant, ils possèdent un trésor inestimable : un vieux cheval à roulettes qui leur permet de dévaler la rue dans de grands éclats de rire. Les chutes ne sont jamais graves, même si l’on y perd une ou deux dents de lait. Mais un trésor attire forcément les voleurs et, un jour, les enfants sont entrainés dans une aventure plutôt cocasse. La gare de triage et le hangar abandonné cachent des mystères que le commissaire Sinet ne découvrira pas tout seul …

« Et Marion sifflait toujours dans la nuit noire du Clos Pecqueux. Son appel affaibli parvint jusqu’aux maisonnettes du Petit-Louvigny et du Faubourg-Bacchus, déchaîna comme une épidémie de rage parmi les bouffeurs de lion du quartier, chiens de chiffonniers, bâtards de bâtards, voyous, bagarreurs, qui n’avaient peur de rien et vivaient comme des hors-la-loi en marge des belles rues à magasins. Toute affaire cessante, cette racaille surgit en trombe des terrains vagues et des baraques en planches, déferla en pleine ville, traversa la Grand-Rue et la rue Piot, tourna par la rue des Alliés, s’engouffra dans la rue des Petits-Pauvres en bloquant toute la largeur de la chaussée. Pipi, le fox jaune et blanc de Juan-l’Espagnol, menait la charge avec Arthur, le chien du vieux Chable, un corniaud bas sur pattes, avec une tête de chacal, un dos rugueux comme un tapis-brosse, un oeil noir et l’autre bleu. »  (Le Cheval sans tête)