Des bébés, vraiment, des bébés ?

      Marie Bonnafé vient de publier Les livres c’est bon pour les bébés aux éditions Calmann-Lévy. Celà fait déjà  quelques années que ce type de conviction se tépand parmi les médiateurs du livre. Mais, à Promolej, on ne se contente pas de discours, on vérifie. Nous avons donc mis en chantier une expérimentarion, et nous en livrons ici les résultats.

     Précisons d’abord que les deux filles observées – nous avons chosi des filles car elles ont la réputation de lire davantage et plus tôt que les garçons – ne constituent pas un échantillon représentatif. Mais le fait qu’elles aient été choisies dans deux départements différents nous parait suffisant pour affirmer qie les constats de cette observation sont généralisables.

     La première photo représente un bébé-fille qui, depuis quelques mois déjà, est exposée aux images réitérées de livres destinés à la jeunesse. Comme chacun peut le constater, le bonheur ne semble pas à l’ordre du jour de cette petite lectrice.

     La seconde photo représente une fillette qui, nous l’avons pu vérifier, est soumise au feu roulant des livres depuis sa prime enfance. Apparemment cela ne s’arrange pas.

     Pourtant ces deux enfants sont issues d’un milieu socio-professionnel honnête où les parents lisent, elles sont nourries convenablement, elles regardent modérément la télévision et ne présente pas de tares apparentes.

     Soumises à un questionnaire de contrôle commençant par « Aimez-vous lire ? », elles se sont contentées de regarder l’enquêteur d’un air de profonde incompréhension.

     Suite à cette expérience, nous nous posons donc les questions suivantes :

 – A partir de quel âge, en réalité, peut-on parler de lecture-plaisir ?

 – Un contact trop précoce avec le livre embrume-t-il l’esprit de l’enfant ?

 – Dans la mesure où les fillettes n’ont pas répondu au questionnaire, peut-on penser que lire trop tôt rend sourd ?

  – Doit-on plutôt incriminer la nature des livres lus ? Comme on peut le constater sur les photos, aucun n’est un classique.

 – Où s’agit-il de surcharge cognitive ?

     Cette expérience sera prochainement généralisée à un troisième enfant.

( texte  paru dans le n° 51 – juin 1994 – du bulletin du CRILJ )

bébé

Né en 1944 à Paris, habitant le département de la la Sarthe depuis 1959, Christian Poslaniec est écrivain (romans, albums, poèmes, nouvelles, documentaires, polars et pièces de théâtre), spécialiste « tout terrain » de la littérature jeunesse : enseignant, formateur et organisateur de formation, chercheur, conférencier, directeur de collection (Zanzibar aux éditions Milan). Auteur de L’évolution de la littérature de jeunesse, de 1850 à nos jours, au travers de l’instance narrative (thèse publiée en 1999 aux Presses Universitaires du Septentrion), nommé en 2003 président de la commission de choix des livres pour la jeunesse du ministère de l’Éducation nationale, il vient de publier dans la collection Découvertes (Gallimard) Des livres d’enfants à la littérature de jeunesse. Christian Poslaniec est avec Christine Houyel à l’origine de Promolej, regroupement pour la « Promotion de la lecture et de l’écriture des jeunes ».