Didier Lévy à Angers

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Le 24 octobre 2019, dans le cadre des animations initiées par le CRILJ, Didier Lévy a rencontré, à Angers, des enfants fréquentant les accueils de loisirs Le Hutreau et Paul Bert.

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    Depuis de nombreuses années, le service Enfance/Éducation de la ville d’Angers, accompagne des actions Livres et Jeux sur les différents temps de l’enfant : TAP, temps péri et extrascolaire.

    Le 24 octobre 2019, Didier Lévy est venu échanger et travailler avec 24 enfants âgés de 7 à 10 ans accueillis en centre de loisirs. Cette journée s’inscrivait dans un projet ambitieux et longuement mûri monté par le service Enfance/Éducation et avec les animateurs du centre de loisirs et Sylvie Douet, médiatrice culturelle en littérature pour la jeunesse. Le projet, centré sur la pauvreté, selon la proposition du CRILJ, et sur le vivre ensemble, a permis aux enfants de participer à différents ateliers citoyens et culturels pendant cinq jours et de rencontrer Didier Levy. Titre de cette action : Et si on jouait aux… journalistes, artistes, lecteurs, invisibles.

    L’auteur s’est d’abord prêté au jeu des questions avec les enfants pour leur permettre de découvrir son œuvre. Les travaux réalisés par les enfants les jours précédents lui ont ensuite été présentés. L’après-midi, il a animé avec eux un atelier d’écriture et de dessin à partir de son ouvrage Jouer aux fantômes (Sarbacane, 2017).

    Pour garder traces de cette semaine et en valoriser les temps forts, un album collectif a été mis en forme à partir des photographies et traces écrites témoignant des différents ateliers vécus pendant la semaine. Réalisé par les services d’imprimerie de la Ville, cet album a été remis à chacun des enfants lors d’un temps partagé Enfants, Parents  organisé à la bibliothèque de la Roseraie le samedi 16 novembre 2019. L’album, trop lourd pour être mis en ligne sur ce site, peut être demandé à Sylvie Douet. Utiliser cette adresse.

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Didier Lévy est né en 1964. C’est à Paris qu’il exerce son métier d’écrivain pour la jeunesse. Ancien journaliste (pour Biba, Notre Temps, Okapi), il s’est vite tourné vers l’écriture de livres pour enfants, avant de s’y consacrer entièrement. Attentif, avec humour et discrétion, à l’épanouissement de ses jeunes lecteurs, il a publié plus de cent ouvrages dont, chez Sarbacane, Angelman (2003), Le tatouage magique(2015), La véritable histoire du grand méchant Mordicus (2015), L’Arbre lecteur (2016). Chez Albin Michel Jeunesse, il est l’auteur, avec Benjamin Chaud, de Piccolo le pénible (2004) et de la série « La Fée Coquillette ». Didier Lévy aime les livres qui sont des voyages, extérieurs et intérieurs, et il cherche en écrivant à retrouver la spontanéité de sa propre enfance.

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Sylvie Douet, titulaire d’un Diplôme d’État d’infirmière et d’un Master Sciences de l’Éducation et de la Formation, a occupé des fonctions à l’hôpital, en milieu scolaire et dans l’éducation populaire, notamment à la Ligue de l’enseignement. « Dans ces différents contextes, j’ai travaillé avec des professionnels et des bénévoles issus d’horizons variés. De ces rencontres, j’ai beaucoup appris, utilisant dans le cadre de mon activité le livre pour enfants. Aujourd’hui, forte d’une vingtaine d’années de fréquentation de la littérature jeunesse, je suis formatrice indépendante et je conduis de nombreux projets culturels et éducatifs dans les domaines de la formation et de la médiation, toujours en lien avec la littérature de jeunesse. »

Rolande Causse à Paris

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Les mercredi 3 avril, vendredi 12 avril et mercredi 17 avril 2019, Rolande Causse a animé trois ateliers d’écriture au collège Jean de La Fontaine, à Paris, dans le seizième arrondissement.

    L’atelier s’inscrivait dans dans le cadre d’un projet conçu avec la professeure de lettres, Madame Laurence Legrand, pour les élèves d’une classe de 6ème et d’une classe de 3ème.

    La première étape  est consacré à une courte présentation de l’auteure, à une remise en contexte et à la lecture questionnée et commentée d’ouvrages puisés dans les sélections proposées par le CRILJ dans la brochure, La pauvreté dans la littérature pour la jeunesse : fictions et réalités : La petite filles aux allumettes, conte d’Hans-Christian Andersen illustré par Georges Lemoine (Gallimard jeunesse, 1978), Le mendiant de Claude Martingay illustré par Philippe Dumas (La joie de lire, 2003), Les petits bonhommes sur le carreau d’Olivier Douzou et Isabelle Simon (Gallimard jeunesse, 1998), P’tite mère de Dominique Sampiero illustré par Monike Czarnecki (Rue du monde, 2003).

    Dans la seconde étape, les élèves sont invités à « prendre le stylo » pour écrire à partir de l’imaginaire ouvert.par les lectures et les échanges. Le lancement de cette phase d’écriture s’est fait à partir des sensations, des idées, des images suscitées par la proposition d’écrire une lettre à un mendiant ou à un SDF.

    Une cinquantaine d’élèves ont ainsi été accompagnés par les propositions de l’auteure dans une réflexion sur des situations graves ou touchantes Le travail d’écriture engagé en atelier, très encourageant, a été poursuivi par l’enseignante durant le temps de classe.

    Les réponses au questionnaire que des membres du CRILJ ont fait passer à de nombreux enfants ont mis en lumière que, dans les milieux socioculturels les plus favorisés, les élèves tirent rapidement bénéfices des propositions qui leur sont faites car ils sont plus familiers du questionnement et de la mise à distance face à des sujets délicats comme celui de la pauvreté.

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Rolande Causse, écrivaine et formatrice, auteure de poèmes, d’albums et de romans, de livrets d’opéra, a fondé en 1975 La Scribure, association qui se consacre à la pratique des ateliers de lecture-écriture et à la promotion de la littérature pour la jeunesse. Elle est à l’origine du premier Festival Livres–Enfants–Jeunes qui deviendra le Salon du livre et de la presse jeunesse en Seine-Saint-Denis.

Lire le théâtre en famille

 

Compte-rendu un peu ancien, mais les initiatives de l’association Les Scènes appartagées vont pouvoir reprendre.

   « Le théâtre, ça se lit à voix haute, avec d’autres, et devant tout le monde « , conclut Philippe Dorin au terme d’une manifestation unique en son genre : une lecture en famille. Les Rispail, qui nous reçoivent dans cette coquette maison de brique rouge participent à une opération orchestrée par Les Scènes appartagées. Cette  association propose à des familles de lire du théâtre sous la direction d’un auteur devant amis et connaissances invités chez eux pour l’occasion.

  Trois répétitions ont suffi à Philippe Dorin pour mettre au point une demi-heure de lecture : deux courtes visites, puis une dernière séance juste avant la représentation. Entre temps, les membres de la famille ont travaillé le texte ensemble. L’auteur leur a proposé un montage d’extraits tirés de  Sacré Silence, Ils se marièrent et eurent beaucoup, Dans ma maison de papier  j’ai des poèmes sur le feu. Une quarantaine de personnes de tout âge a assisté à cette rencontre conviviale et a pu apprécier cette poésie rieuse avec une langue riche en jeux de mots et clins d’œil, défendue ici avec justesse par la grand-mère, le père, la mère et les trois enfants dont le plus petit, encore en C.P. Plaisir partagé entre lecteurs et public quand le grand frère et la jeune sœur se donnent la réplique : « L’amour c’est pas compliqué. Soit t’es un garçon, soit t’es une fille. Si t’es un garçon, pas de problème. Si t’es une fille, c’est un peu plus difficile. » (rires)

   On a pu ensuite échanger avec l’auteur et les lecteurs, autour d’un verre, en dégustant des pâtisseries apportées par les invités. On mesure alors que la littérature théâtrale est à la portée de tous et se laisse facilement appréhender, à condition d’y avoir accès. Peu de librairies ou de bibliothèques disposent d’un rayon théâtre, dans les grandes villes comme dans les petits bourgs.

    Apporter la littérature dramatique dans les endroits reculés, tel est le pari des Scènes appartagées qui irrigue l’Hexagone de pièces contemporaines : de Marseille à Paris en passant par Cavaillon ou Saran. Une vingtaine d’auteur(e)s participe à l’opération, à commencer par Luc Tartar, initiateur avec Sandrine Grataloup de ce projet qui, depuis sa création, en 2013, au Festival Petits et Grands de Nantes, a pris de l’ampleur pour essaimer jusqu’en Suisse, à l’Île de la Réunion ou encore en Pologne, Norvège et Guinée-Conacry. Il vient de recevoir le Grand Prix de l’Innovation Lecture.

    L’association s’appuie sur des théâtres partenaires. A eux de solliciter les familles et de faire le lien avec les artistes. Le Centre André Malraux, Scène de territoires d’Hazebrouck s’intéresse aux écritures contemporaines et, avec une programmation tout public, s’inscrit assez naturellement dans ce dispositif.  Pour la seizième édition de son festival  Le P’tit monde, il a sollicité Philippe Dorin et l’Anglais Mike Kenny : chacun est intervenu dans deux familles. L’un comme l’autre avouent avoir pris plaisir à cet exercice inédit : « Un rapport direct s’instaure entre notre écriture et ses lecteurs mais, curieusement, j’ai senti les enfants plus à l’aise que leurs parents », confie Mike Kenny dont Le Jardinier été créé lors de ce festival, mise en scène par Agnès Renaud.

    Philippe Dorin, lui, souligne l’appétit des familles pour ce genre de rencontres et a envie de poursuivre l’expérience.

par Mireille Davidovici  (Théâtre du blog, 2019)

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Mireille Davidovici travaille plusieurs années dans l’édition en qualité de traductrice et de directrice littéraire. Elle collabore à Marie-Claire, Politique Hebdo, L’Express, Théâtre Public, puis elle s’oriente vers la scène comme dramaturge, collaborant avec Gilberte Tsaï, Jean Benguigui et les Fédérés. Parmi ses adaptations, On achève bien les chevaux, d’après Horace Mac Coy. Sa pièce La moitié du Ciel traite de l’intégrisme catholique au IVième siècle. Auteure de poésie et de chansons, Mireille Davidovici a dirigé pendant quinze ans l’ANETH, association se consacrant aux nouvelles écritures théâtrales. Elle a publié, en 2006, chez Emile Lansman, Des auteurs en résidence, à lire et à jouer. Elle écrit régulièrement sur le site Théâtre du blog. C’est ici.

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Merci à Mireille Davidovici pour ce partage.

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BONUS

Le Théâtre de la Tête Noire à Saran a invité un auteur cinéaste à suivre le projet Lire et dire le théâtre en famille(s). Thierry Thibaudeau, réalisateur, s’est emparé de cette proposition, afin de créer un objet unique, sensible et singulier. Cette œuvre cinématographique permet la visibilité de ce projet “intimiste”, de garder une trace de l’éphémère et créer un lien entre les familles participantes en les inscrivant dans une dynamique commune. Le film est ici.

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Une maternelle à Paris

 

En janvier et février 2019, dans le cadre des animations impulsés par le CRILJ, des lectures et des débats à l’école maternelle Constantin Pecqueur à Paris.

    Des contacts ont eu lieu entre la directrice de l’école maternelle Constantin Pecqueur et une administratrice du CRILJ. La brochure La pauvreté dans la littérature pour la jeunesse : fictions et réalités a été distribuée aux enseignantes de l’école et sa lecture a convaincu les trois maîtresses de grande section de se lancer dans un projet sur ce thème.

    Les enseignantes et la directrice ont fait le choix de ne pas solliciter d’auteur ou d’illustrateur mais de mettre en place des ateliers de lecture/débat en puisant dans les sélections du CRILJ. Elles ont retenu La Cabane et Musiciens des rues, albums de Gabrielle Vincent de la série « Ernest et Célestine ». Ces ouvrages ont été fournis aux classes par le CRILJ.

    Proche de la représentation que les enfants peuvent spontanément se faire de la pauvreté, cette situation, après plusieurs lectures de l’ouvrage, a donné lieu à des échanges sur ce qu’est que la pauvreté dans le livre, mais aussi dans la vie, sur ce que des familles, des jeunes, des personnes âgées peuvent avoir à affronter au quotidien. A partir de l’exemple d’Ernest et Célestine quels choix font-ils pour tenter résoudre les problèmes qui se posent ?

    Les élèves ont retrouvé avec plaisir les deux héros dans La cabane. Cédant au désir de Célestine, Ernest accepte de lui construire une cabane au fond du jardin. A peine celle-ci terminée, Célestine découvre qu’un intrus y a pris ses quartiers. Il faudra toute la diplomatie et la gentillesse d’Ernest pour lui expliquer ce qu’est un sans-abri et l’empêcher de le chasser. Les élèves se sont immédiatement identifiés à Célestine et se sont retrouvés dans ses revendications pour récupérer « sa » cabane.

    Les arguments d’Ernest ont été repris et débattus, analysés pour que l’émotion change de camp en prenant en compte la situation d’une personne totalement démunie. Les mots et les images ont donné toute leurs dimensions a la générosité et à l’écoute de l’autre.

    Les élèves des trois classes, venant souvent de milieux défavorisés, ont été séduits par Ernest et Célestine qui, au travers de situations simples et souvent familières, parlent très bien des choses graves de la vie. Ils ont souhaité découvrir les autres histoires d’Ernest et Célestine. Les maîtresses leur ont aussi lu d’autres ouvrages, des contes et des albums, sur le thème de la pauvreté…

Réfléchir à Loos en Gohelle

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A partir de novembre 2018 et sur les mois suivants, dans le cadre des animations impulsés par le CRILJ, le Collège René Cassin de Loos en Gohelle (Pas-de-Calais) a proposé des « lectures-réflexion » dans son CDI..

    Isabelle Valdher, professeure-documentaliste au collège René Cassin de Loos en Gohelle, a organisé, au CDI, avec les élèves de niveaux 4ème et 3ème des « lectures-réflexion » sur le thème de la pauvreté. Le CRILJ a financé l’achat des ouvrages.

    Un débat est organisé avec les élèves du « Club des lecteurs » pour lancer le thème « C’est quoi la pauvreté ? » Les élèves abordent des sujet variés, on peut noter : les familles d’accueil – il y a plusieurs élèves concernés -, les réfugiés et les migrants, les SDF que l’on voit dans dans la rue.

   La professeure-documentaliste présente le CRILJ et le questionnaire qu’il a élaboré. Après un lancement collectif pour faire émerger les représentations et préciser les notions, un temps spécifique est laissé aux élèves pour remplir le questionnaire, individuellement  et anonymement.

    Il est prévu, dans la suite de l’année scolaire, d’étendre cette action pour qu’elle touche l’ensemble des 300 élèves du collège : présentation par les élèves du Club des lecteurs aux autres élèves du collège d’un réseau d’ouvrages de littérature pour la jeunesse sur le thème de la pauvreté : présentations orales  d’ouvrages lus, vitrine, mises en avant de coup de cœur, affiches, etc.

    Au sein du Club des lecteurs, un débat sera organisé sur le thème : « Peut-on parler de tout dans un livre pour la jeunesse ? Y a-t-il des sujets tabous ? »

    Isabelle Valdher a apprécié la thématique qu’elle estime inédite et elle a constaté qu’elle a été à l’origine de débats riches et passionnants qui ont permis une ouverture sur un sujet d’actualité qui pourra être abordée dans d’autres disciplines, enseignement moral et civique par exemple..

    Un regret : les ouvrages offerts par le CRILJ ne sont pas arrivés avant le premier débat et avant la passation des questionnaires. Ils ont toutefois  été utilisés dans la seconde partie de l’action et sont venus, en bonne place, enrichir le fonds du CDI du collège.

Mélusine Thiry à Descartes

 

Le jeudi 19 mars 2019, dans le cadre des animations impulsés par le CRILJ, Mélusine Thiry est intervenu auprès des élèves de grande section de l’école maternelle Côte-des-Granges à Descartes.

     Livre Passerelle a décidé de situer cette action dans un territoire rural et peu favorisé du département. C’est l’école maternelle de la commune de Descartes, dans laquelle une animatrice de l’association intervient chaque semaine, qui a été choisie.

    S’appuyant sur une sélection d’albums réunie pour constituer un fonds spécifique à la thématique de la pauvreté, des lectures individuelles se sont déroulées sur une matinée de classe avec un retour au collectif pour dégager l’idée générale. Les enfants n’ont pas fait émerger le mot « pauvre » mais ils ont été sensibles à différents signes : les maisons abimées, les besoins d’argent pour manger, les vêtements abimés. Certains enfants ont pu dire « qu’ils avaient déjà vu, en ville, près du tramway, des personnes assises par terre et qui demandaient de l’argent ou de la nourriture ».

    L’environnement social de la commune de Descartes comporte des familles en grande difficulté, toutes ont cependant un toit et des recours pour manger (restos du cœur, Croix rouge). Aucun enfant participant à cette ne « s’est senti pauvre » ou directement concerné même si leurs familles sont touchées.

    En accord avec l’institutrice, il est proposé aux enfants de travailler sur La petite fille aux allumettes, en se focalisant sur l’épisode où elle craque des allumettes en rêvant de manger et de se réchauffer.

    La rencontre avec Mélusine Thiry a débuté par une présentation de ses œuvres et l’explication de son univers artistique. Puis, à partir de l’album Allumette de Tomi Ungerer, les enfants, accompagnés par l’équipe éducative et par les animatrices de Livre Passerelle ils travaillent ensemble à la réalisation d’une grande fresque. La consigne est la suivante : « Lorsque la petite fille gratte son allumette, se projette sur les murs toutes les ombres de ce qu’elle aimerait pouvoir manger. »

   Les enfants réalisent d’abord de petites silhouettes en papier. Puis, à l’aide d’un vidéoprojecteur, ils agrandissent leurs silhouettes et les dessinent sur des grandes feuilles de papier kraft noir. Les enfants imaginent ensuite toutes les bonnes choses qu’ils aimeraient manger s’ils étaient à la place de la petite fille du conte, ces différents aliments étant, cette fois-ci, dessinés sur des feuilles de papier kraft de couleur, puis découpés et collés sur les murs de l’école autour des noires silhouettes.

    Quelques jours plus tard, l’enseignante et les enfants ont organisé un vernissage auquel les parents ont été invités. Leurs œuvres ont ainsi été dévoilées et les enfants ont parlé à tous de Mélusine Thiry et de La petite fille aux allumettes..

    Cette animation a rencontré un succès total tant auprès des enfants que des adultes et il a laissé une forte trace dans l’école, sur les murs de la cour de récréation, avec ces silhouettes visibles de tous et dans l’esprit des enfants enrichis par cette aventure,

    Le travail de Mélusine Thiry sur les ombres et les reflets a permis d’introduire une autre vision du réel, les jeux de lumière déformant les objets et donnont à voir une nouvelle représentation du monde. Qu’en est-il de l’image de la pauvreté ? Quelles représentations les enfants en ont-ils ? C’est à partir de telles questions que les albums jeunesse furent utilisés comme média culturel.. Comme Livre Passerelle l’expérimente depuis plus de vingt ans sur le territoire, l’album jeunesse par ses qualités littéraires et par la puissance des illustrations donne à voir le monde, permet de s’ouvrir à sa diversité, et aide à construire une pensée.

     Le projet s’est poursuivi par la projection du film Ernest et Célestine et par des lectures de  contes populaires tels que Le Petit Poucet et La petite fille aux allumettes. Le contact a été maintenu avec Mélusine Thiry.

    L’étape ulitime du protocole était une récolte d’informations à l’aide d’un questionnaire conçu par le CRILJ. Elle  n’a pas été mise en œuvre car pas adaptée à des enfants d’école maternelle

Mélusine Thiry, après avoir suivi des études d’histoire de l’art à Poitiers et d’histoire du cinéma à Paris VIII, Saint- Denis, débute son parcours professionnel comme éclairagiste dans le spectacle vivant où elle développe un travail de vidéaste. Attirée depuis longtemps par l’édition jeunesse, elle reçoit les prix du public et celui des adultes médiateurs au concours Figures Futures du Salon du Livre de Montreuil 2006. Les Éditiond HongFei publie son premier album, Marée d’amour dans la nuit, en 2008. Mélusine Thiry applique à l’illustration une technique de silhouettes découpées utilisée dans le théâtre d’ombres, en l’agrémentant de la couleur et de la texture de papiers disposés sur une table lumineuse puis photographiés. Dernier ouvrage : Un labyrinthe dans mon ventre (HongFei, 2015), selon, celle fois, la technique de la linogravure. Mélusine Thiry a effectué, en 2017, une résidence auprès de l’association Livre Passerelle qui a souhaité l’inviter à nouveau pour cette animation.

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Livre Passerelle est une association qui se fixe pour objectif principal de lutter préventivement contre l’illettrisme et l’échec scolaire en proposant d’introduire le plus tôt possible le livre et la lecture dans les pratiques familiales et d’encourager des pratiques personnelles chez les personnes rencontrées. Elle développe projet collectif et partagé qui implique un travail important de réseau sur chacun des territoires.

Des rencontres, des lectures

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Les actions de médiation « pauvreté »

En 2018 et 2019, le CRILJ s’est intéressé à la question des représentations de la pauvreté dans les livres écrits à destination des enfants et des jeunes et à celle des conséquences des situations de misère et de précarité sur ceux-ci et sur leur famille. En plus de l’édition d’une brochure incitative en 2018, de l’organisation d’un colloque pluri-disciplinaire, de la publication d’une bibliographie spécifique et d’un numéro des Cahiers du CRILJ en 2019, des animations (en classe, en CDI, en bibliothèque ou en centre de loisirs) ont permis à un nombre important d’enfants et aux adultes qui les accompagnaient d’amorcer de riches réflexions. À signaler également un atelier d’écriture en direction de jeunes adultes inscrits dans un parcours d’apprentissage de la langue française. Au-delà de simples lectures offertes, plusieurs des propositions ont pris la forme d’accueil d’auteurs et d’illustrateurs. C’était à Angers, Beaugency, Clamart, Descartes, Paris, Loos en Gohelle et Olivet. Grand merci à Sophie Bordet-Pétillon, Rolande Causse, Roman Dutter, Xavier Emmanuelli, Gwen Le Gac, Didier Lévy et Mélusine Thiry.

    Nous mettons en ligne, en page « Textes amis », selon un rythme et un ordre non contraignants, un ensemble de textes, dix vraisemblablement, rendant compte de ces moments. Rappel des textes publiés dans la colonne de gauche de la page d’accueil et ici en page récapitulative.

( 26 avril 2021 )

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La bibliographie est téléchargeable au format livret et au format liste déroulante. C’est .

La brochure et le numéro 10 des « Cahiers » sont en vente en page boutique. C’est ici.

Des flammes pour Ernesto

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    « Un incendie s’est déclaré dans un bâtiment inhabité de Bou, commune située à l’est de l’agglomération orléanaise, peu après 11 heures, ce jeudi 15 octobre. De nombreux gendarmes et pompiers (douze véhicules et trente soldats du feu venus des casernes de la métropole d’Orléans, de Jargeau et de Châteauneuf-sur-Loire) ont été dépêchés sur les lieux, sentier Clos-Saint-Georges, à proximité de l’église de Bou. […] Le bâtiment en question était utilisé par des intermittents du spectacle qui réalisent des costumes et des décors pour des groupes de théâtre en France. » (République du Centre – jeudi 15 octobre 2020)

    « C’est un spectacle de désolation qu’ont découvert, ce vendredi 16 octobre au petit matin, les membres de l’association Les Mécanos de la Générale basée dans la petite commune de Bou dans le Loiret. La veille, aux alentours de midi, un incendie s’est déclaré dans le bâtiment qui abrite, prés de l’église du village depuis plus d’une dizaine d’années, l’association avec son atelier de scénographie et de construction de décor. 600 m2 ont été détruits par les flammes. A l’intérieur, l’atelier de l’association mais aussi de très nombreux décors de plusieurs compagnies de théâtre et de spectacle sont partis en fumée. Seuls quelques outils et machines de l’atelier de l’association ont semble-t-il résistés aux flammes mais le hangar abritait aussi un certain nombre de décors et de matériels appartenant à diverses compagnies de spectacle ou de théâtre amateur du Loiret. Entreposés à Bou par souci d’entraide. Tous sont partis en fumée. C’est le cas des décors du Théâtre de la Tête Noire de Saran, du Théâtre de l’Imprévu rue de Bourgogne à Orléans, du matériel de l’Astrolabe à Orléans mais aussi du Bar de Loire sur les quais d’Orléans. « C’est un véritable crève cœur, témoigne Stéphane Liger, le régisseur général des Mécanos de la Générale. » (France Bleu Orléans – vendredi 16 octobre 2020)

    Dans ce bâtiment étaient entreposés les décors de plusieurs spectacles du Théâtre de la Tête Noire de Saran (Loiret) dont le cabinet de curiosités dans lequel, depuis 2015, se jouait Ah ! Ernesto, d’après Marguerite Duras et Katy Couprie (Thierry Magnier, 2013), production à laquelle le CRILJ avait apporté son soutien. Ne reste que des cendres et des souvenirs.

(octobre 2020)

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« Ernesto est un enfant rebelle qui ne veut pas aller à l’école parce que, à l’école, on lui apprend des choses qu’il ne sait pas. Il rêve d’une liberté absolue qui fera advenir les savoirs par la force des choses. Le lieu scénique est d’une beauté exceptionnelle : un petit musée circulaire, façon cabinet de curiosités ; les deux comédiens évoluent sur le pourtour, dans une proximité qui prend à témoin et implique les spectateurs assis au centre. Patrice Douchet a construit le spectacle en onze séquences qui déclenchent le rire et l’émerveillement. Sidibe Koroutoumou et Arthur Fouache sont d’une précision stupéfiante dans la rythmique et la tonalité des voix. La parodie des témoignages enfantins et les jeux avec les chewing-gums sont proches de la virtuosité. » (Roger Wallez)

http://www.theatre-tete-noire.com/tinymce/source/Cr%C3%A9ation%20:%20Ah%20Ernesto/Dossier%20Ah!%20Ernesto.pdf

TÉMOIGNAGES

« Quelle triste nouvelle ! Comme si la Tête Noire avait besoin de cela en cette période déjà si difficile pour le théâtre. Avec mon soutien et bien cordialement. » (Annie Quenet, présidente de la FOL 18)

« Les temps sont vraiment durs. Quelle horreur ! La  Région Centre-Val de Loire et leurs théâtres avaient, le 15 octobre, échappé au couvre-feu. Quelle ironie ! » (Françoise Lagarde, présidente du CRILJ)

« Triste information. Cette adaptation de Ah ! Ernesto était un travail magnifique et précieux. » (Thierry Magnier, éditeur)

« C’est un feu fou dingue qui nous rappelle l’éphémère de l’art vivant et les traces qu’il laisse de son passage. » (Dominique Bérody, conseiller artistique et littéraire)

« Somme importante pour une commune de 960 âmes, nous avons fait un don de 5000 euros à l’association pour qu’elle puisse racheter des outils et très vite se remettre au travail. La crise sanitaire a mis à mal la culture et là ce sont les troupes de théâtre qui sont touchées. » (Bruno Cœur, maire de Bou)

« Dans La pluie d’été, roman qui amplifie l’histoire d’Ernesto, Marguerite Duras donne au personnage une sœur, Jeanne, qui s’avèrera incendiaire. A Bou, c’est accidentel. » (André Delobel, administrateur du CRILJ)

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EXTRAIT

… Ernesto va à l’école pour la première fois. Il revient. Il va tout droit trouver sa mère et lui déclare :   – Je ne retournerai plus à l’école.  La maman s’arrête d’éplucher une pomme de terre.  Elle le regarde.  –  Pourquoi ? demande-t-elle.  – Parce que ! … dit Ernesto, on m’apprend des choses que je ne sais pas.  –  En voilà une autre ! dit la mère en reprenant sa pomme de terre.

… Lorsque le papa d’Ernesto rentre de son travail, la maman le met au courant de la décision d’Ernesto.  – Tiens ! dit le père, c’est la meilleure ! …

… Le lendemain, le papa et la maman d’Ernesto vont voir le maître d’école pour le mettre au courant de la décision d’Ernesto.  Le maitre ne se souvient pas d’un quelconque Ernesto.   – Un petit brun, décrit la mère, sept ans, des lunettes…   – Non, je ne vois pas d’Ernesto, dit le maître après réflexion.   – Personne le voit, dit le père ; n’a l’air de rien !   – Amenez-le moi, conclut le maître. »

( Marguerite Duras, Ah ! Ernesto, Harlin Quist et François Ruy-Vidal, 1971 )

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ÉLARGISSEMENT

L’instituteur : Le monde est loupé, Monsieur Ernesto.
Ernesto, calme : Oui. Vous le saviez, Monsieur… Oui… Il est loupé. Sourire malin de l’instituteur.
L’instituteur : Ce sera pour le prochain coup… Pour celui-ci…
Ernesto : Pour celui-ci, disons que c’était pas la peine. Sourire d’Ernesto à l’instituteur.
L’instituteur : Donc, si je vous suis bien, d’aller à l’école non plus ce n’est pas la peine… ?
Ernesto : Ce n’est pas la peine de même, Monsieur, c’est ça…
L’instituteur : Et pourquoi Monsieur ?
Ernesto : Parce que c’est pas la peine de souffrir. Silence.
L’instituteur : On apprend comment alors ?
Ernesto : On apprend quand on veut apprendre, Monsieur.
L’instituteur : Et quand on ne veut pas apprendre ?
Ernesto : Quand on ne veut pas apprendre, ce n’est pas la peine d’apprendre. Silence.
L’instituteur : Comment savez-vous, Monsieur Ernesto, l’inexistence de Dieu ?
Ernesto : Je ne sais pas. Je ne sais pas comment on le sait. Temps. Comme vous peut-être, Monsieur. Silence.
L’instituteur : On apprend comment dans votre système si on n’apprend pas ?
Ernesto : En ne pouvant pas faire autrement sans doute, Monsieur… Comment ça se passe, il me semble que j’ai dû le savoir une fois. Et puis j’ai oublié.
L’instituteur : Qu’est-ce que vous entendez par : j’ai dû le savoir ?  Ernesto crie.
Ernesto : Comment voulez-vous que je le sache, Monsieur ? Vous ne le savez pas vous-même… Vous dites n’importe quoi, il me semble…
L’instituteur : Excusez-moi, Monsieur Ernesto.

( Marguerite Duras, La Pluie d’été, POL, 1990 )

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Théâtre et Covid 19

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Le théâtre jeune public résiste.

Depuis plusieurs mois, les compagnies qui créent à destination de la jeunesse sont les seules à pouvoir rencontrer un public autre que professionnel. Cette situation met en avant les grandes évolutions récentes de ce pan de la création théâtrale. Marie Levavasseur de la Compagnie Tourneboulé et Émilie Le Roux de la compagnie Les Veilleurs en soulignent les enjeux.

    Lorsqu’elles créent leurs compagnies Tourneboulé et Les Veilleurs en 2001 et 2002, Marie Levavasseur et Émilie Le Roux commencent par monter des spectacles pour adultes. Leur intérêt pour les écritures contemporaines les mènent toutefois rapidement vers la création jeune public ou plutôt « tout public », expression qu’elles emploient toutes deux pour décrire leur travail. Contre la classification des pièces par tranches d’âges, les deux metteures en scène développent des esthétiques exigeantes accessibles à tous à partir d’un âge qu’elles définissent en fonction des sujets abordés et des formes choisies, aussi bien en matière littéraire que scénographique. Toutes les deux conventionnées, leurs compagnies sont aujourd’hui des références en matière de création prenant en compte la jeunesse. Elles portent chacune un répertoire riche de plus de dix spectacles, dont certains sont faits pour les salles de théâtre, d’autres pour les classes et autres types d’espaces non dédiés au spectacle vivant.

    Cette particularité leur permet de s’adapter mieux que beaucoup d’autres au contexte actuel, et d’aller encore à la rencontre de personnes extérieures au milieu théâtral : des élèves d’écoles primaires, de collèges et lycées, ainsi que les équipes éducatives des établissements scolaires où sont programmées certaines de leurs formes légères. Où elles réalisent également un travail d’action culturelle. Marie Levavasseur et Émilie Le Roux témoignent pour nous de la situation d’un pan de la création théâtrale particulièrement visible aujourd’hui, mais dont la vitalité n’est pas nouvelle. Si les deux artistes apprécient les progrès réalisés ces dernières années en matière de reconnaissance institutionnelle de cette richesse, elles expriment aussi le désir de voir ce mouvement se poursuivre. Jusqu’à ce que création jeune public et généraliste soient vus d’un même œil par les tutelles et les théâtres, et qu’elles soient traitées en conséquence.

Depuis mars dernier, quel a été l’impact de la crise sanitaire sur la vie de vos créations ?

     Émilie Le Roux – La situation est paradoxale. Si de nombreuses dates prévues depuis longtemps ont été annulées et que d’autres continuent de l’être, certaines s’ajoutent au dernier moment. La Morsure de l’âne, pièce pour cinq comédiens et trois musiciens avec de la vidéo, du son et de la lumière, que nous devions créer en novembre dernier, n’a pu se jouer que devant des professionnels. Pour que le texte rencontre tout de même les élèves qui auraient dû venir découvrir le spectacle en salles, nous avons proposé aux théâtres qui nous programment d’organiser des lectures dans les classes. Plusieurs ont accepté. D’autres nous ont contactés pour nous demander de reprendre des pièces plus anciennes, conçues pour se jouer dans tous types de lieux, notamment dans des classes. Le Théâtre Firmin-Gémier/La Piscine (Antony, Châtenay-Malabry), par exemple, a organisé une tournée dans les écoles de notre En attendant le Petit Poucet.

    Marie Levavasseur – Nous aussi, nous nous sommes prêtés à l’exercice en vogue de la représentation professionnelle, avec notre nouvelle création Je brûle (d’être toi) et avec Les Enfants c’est moi. Pour nous adapter au contexte de crise et maintenir le lien avec le public, nous avons aussi transformé depuis octobre l’un de nos spectacles en lecture-spectacle que l’on peut jouer partout. Ce qui a nécessité une véritable réécriture, car les spectacles de la compagnie sont tous assez visuels, avec des scénographies assez riches.

 Comment vous et les membres de vos compagnies vivez-vous ces adaptations ?

    M.L. – Le très bel accueil qu’a reçu cette lecture-spectacle, aussi bien de la part des équipes des théâtres que des élèves, a fait beaucoup de bien à la compagnie. On a pu ressentir à quel point les équipes des lieux avaient envie de faire leur travail, de retrouver un lien avec les habitants de leur territoire. Quant à nous, cela nous a appris à nous adapter, à inventer beaucoup plus rapidement que nous le faisions jusque-là. Bien sûr, il est douloureux, violent, de voir s’annuler tant de dates – plus de 250 à ce jour – et d’assister au bouleversement de toute perspective. Mais il y a aussi de la joie à travailler autrement qu’en suivant les calendriers habituels de création, qui s’étendent sur deux ou trois ans. Nous aurons au moins appris grâce à la Covid-19 à travailler dans l’urgence, dans l’immédiateté.

    E.L.R. – Je considère que nous avons une chance folle d’avoir des spectacles qui peuvent encore rencontrer un public. Je crois que la plupart des artistes qui travaillent pour le jeune public sont aussi sensibles à la rencontre qu’à la création de la forme qui la permet. Pour ne parler que des Veilleurs, je dirais que la situation nous donne une conscience particulièrement aiguë du sens de ce que nous faisons, et de la réception de nos spectateurs. Leur rareté, la difficulté à avoir accès à eux nous fait ressentir avec force l’importance de leur regard pour l’existence d’une création.

Pensez-vous que le fait qu’actuellement, seules vos créations les plus légères puissent rencontrer un véritable public influence dans l’avenir les formats de vos spectacles ?

    M.L. – J’ai toujours défendu avec ma compagnie Tourneboulé des formes plutôt amples, exigeantes sur le plan humain autant que technique. Je reste persuadée que la création jeune ou tout public a besoin de ces grands formats, tout autant que de pièces plus mobiles. J’espère qu’à l’issue de cette crise, les théâtres ne vont pas se contenter de programmer ces pièces qui vont à la rencontre des jeunes dans les écoles, et qu’ils continueront de soutenir des formes plus ambitieuses en matière de format. Il faudra y être vigilants.

    E.L.R. – Il est en effet important que nos compagnies puissent continuer d’entretenir les deux types de lien qu’elles ont en temps plus normaux avec les jeunes spectateurs : en allant à leur rencontre dans les établissements scolaires, et en les invitant dans les théâtres. Ce sont deux relations complémentaires, qui au sein de la compagnie Les Veilleurs nous intéressent autant l’une que l’autre. C’est pourquoi nous avons toujours créé en parallèle des formes très légères et d’autres plus imposantes, et que nous souhaitons continuer de le faire. Les équipes des lieux se montrent en général très solidaires envers nous depuis le début de l’épidémie, aussi je pense qu’elles sauront comprendre ce besoin. Ce n’est pas mon inquiétude principale.

Quelle est-elle, cette inquiétude principale ?

    E.L.R. – Celle que partage l’ensemble de la profession, du côté de la création jeune ou tout public aussi bien que généraliste : l’embouteillage au moment de la réouverture des salles. Comment faire pour que les pièces qui n’ont pu être vues jusque-là le soient comme elles devraient l’être, dans un contexte qui risque d’être très concurrentiel ? L’existence des nouveaux spectacles et de ceux à venir est l’objet de nombreuses discussions entre compagnies et lieux de programmation, ce qui est très bien : nous avons une responsabilité partagée dans la gestion d’une offre qui sera trop importante par rapport à la capacité de programmation des lieux.

    M.L. – La question du répertoire se pose aussi. Les très nombreuses nouvelles pièces qui se font aujourd’hui, dans la mesure où l’on ne peut quasiment plus faire que créer, sont programmées en priorité par les directeurs de lieux pour les saisons à venir. Nous le voyons bien au sein de la compagnie Tourneboulé, dont certains spectacles – Et comment moi je ? par exemple, créé en 2012 – continuent de tourner de nombreuses années après leur naissance. La vie de ces pièces de répertoire est importante pour une compagnie. Elle l’est aussi pour le secteur de la création jeune public, pour sa légitimation.

Justement, pensez-vous que la situation actuelle, où seules les compagnies s’adressant au jeune public peuvent rencontrer un public autre que professionnel, peut faire progresser cette reconnaissance de la création pour la jeunesse ?

     M.L. – Depuis la création de ma compagnie, j’ai pu observer une véritable évolution de la place de la création jeune public dans les institutions. Il y a vingt ans, rares étaient les directeurs de lieux qui s’intéressaient vraiment à ces écritures, et qui affirmaient un désir fort d’aller à la rencontre de la jeunesse. C’est très différent aujourd’hui : nombreux sont ceux qui produisent et coproduisent des créations pour ce public. J’espère que cela va continuer.

    E.L.R. – Je pense que la reconnaissance de la création jeune public se poursuit, que la Covid-19 ne change pas grand-chose à l’évolution décrite par Marie, et que je ressens aussi fortement avec ma compagnie. Depuis La Belle Saison des arts vivants avec l’enfance et la jeunesse, lancée par le Ministère de la Culture en 2014 surtout, la considération du milieu théâtral pour la création à destination du jeune public a beaucoup évolué. On a vu venir vers nous des lieux qui ne s’intéressaient jusque-là pas du tout à ce secteur de la création. Petit à petit, l’image des écritures contemporaines pour la jeunesse et des maisons d’édition qui y sont consacrées changent aussi, ce qui est fondamental pour l’ensemble du secteur. Il reste toutefois du chemin à faire.

Quelles sont les grandes évolutions que vous appelez de vœux ?

    E.L.R. – Les aides à la production pour les créations jeune public sont encore largement moindres que celles qui sont attribuées aux créations généralistes. Le prix des cessions reste aussi très inférieur, pour des productions d’une exigence et d’un coût équivalents à ceux des spectacles pour adultes. Cela commence à bouger, mais il faut que ça continue si l’on veut que la grande vitalité de ce pan de la création théâtrale s’inscrive dans la durée.

    M.L. – Les lieux ont encore tendance à penser la création pour la jeunesse par tranches d’âges. Or les meilleures représentations, pour moi, sont celles qui font se rencontrer plusieurs générations de spectateurs. C’est la pluralité des regards qui fait la richesse d’une œuvre. Cette classification est à mon avis sclérosante. Il faut continuer d’œuvrer au décloisonnement du théâtre jeune public, en allant dans le sens d’une plus grande porosité avec la création pour adultes et en s’affranchissant des cadres habituels de la création jeune public, dont les productions excèdent rarement les 50 minutes, avec des distributions limitées. Des artistes comme Philippe Dorin, ou encore Johanny Bert avec son Épopée à partir de 8 ans qui s’étend sur une journée entière.

Avec vos compagnies respectives, comment comptez-vous contribuer dans un futur proche à cette évolution de la création jeune public ?

    M.L. – Du fait des rencontres que cela peut susciter, créer pour le jeune public fait naître chez moi le besoin de créer avec lui. J’ai déjà mis en place à plusieurs reprises des formes partagées, et j’ai l’envie d’aller plus loin dans ce domaine avec Et demain le ciel avec et pour des adolescents.e.s qui sera créée en avril 2022 à La Scène Nationale de la Garance. Écrite en collaboration avec Mariette Navarro, cette pièce sera le premier volet d’un nouveau cycle de recherche autour de « Croire et mourir » ; le second sera L’affolement des biches, ma première création à l’intention des adultes, prévue pour 2023. Les auteurs et metteurs en scène qui créent pour les adultes sont de plus en plus nombreux à se tourner régulièrement vers la jeunesse. Pourquoi ne pas faire aussi l’inverse ?

    E.L.R. – Je vais pour ma part continuer avec Les Veilleurs d’explorer les nouvelles écritures pour la jeunesse, et toutes les possibilités qu’offre leur adresse particulière, très directe, en matière théâtrale. Celle qui fait qu’en créant pour le jeune public, on ne peut perdre de vue le monde qu’on habite. Chaque auteur choisit sa distance par rapport au réel et à l’imaginaire. En ce moment pour ma part, j’ai plutôt envie d’aller vers des écritures à la dimension symbolique forte. Cela permet de réenclencher l’imaginaire et la pensée, ce dont nous avons tous un besoin fou. Il faut continuer de défendre un théâtre qui soit un endroit de rencontre et de démocratie, si l’on ne veut pas vivre dans une société complètement aseptisée.

( propos recueillis par Anaïs Heluin – mars 2021 )

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Photo du haut  :  Je brûle (d’être toi) de Marie Levavasseur

Photo du bas  :  La morsure de l’âne de Émilie Le Roux

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Nous remercions sceneweb.fr qui nous permet ce partage.

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