Qui sommes nous ?

Le rôle de la fiction dans le développement de l’enfant

L’enfant, la fiction et l’école

Pour l’enfant comme pour l’adulte, la fréquentation du monde des fictions est primordiale, tant pour son équilibre psychique que pour la construction de son identité culturelle. Et les éducateurs que nous sommes sont en droit de se demander si la place que l’école réserve aux histoires et le statut qu’elle leur reconnaît sont à la mesure des enjeux.

Les histoires racontées – ou lues – les contes, les légendes sont présentes dans nos classes, chacun le sait, notamment à l’école maternelle ; mais on n’a pas l’impression que cette présence de la fiction reflète un intérêt profond pour l’imaginaire ; d’ailleurs les enseignants qui organisent des activités de création verbale et de construction de récits sont encore rares.

Tout se passe comme si l’attrait que la fiction exerce sur l’enfant servait uniquement de motivation à la pratique d’autres activités : activités manuelles, graphiques, motrices, ludiques… organisées à l’école maternelle à partir d’un conte ; apprentissage et entraînement à la lecture à l’école primaire dans des pages de romans.

On pourrait multiplier les exemples qui montreraient que notre système éducatif, fidèle en cela à la tradition philosophique occidentale, a eu depuis un siècle une attitude de méfiance, voire d’hostilité à l’égard de l’imaginaire et de la fiction.

Tout le monde s’accorde pour considérer que l’objectif essentiel de l’éducation est l’émergence et la construction de la pensée rationnelle. Mais faut-il pour autant, au nom de la connaissance scientifique et raisonnée, nier l’existence d’une autre connaissance subjective et imagée ?

Sur ce point capital, l’apport de Gaston Bachelard est particulièrement éclairant. Pour lui en effet, les concepts rationnels et les créations imaginaires se développent sur deux axes divergents de notre pensée, mais sont complémentaires et constituent en définitive « l’unité de notre vie psychique ».

Et si « l’esprit scientifique doit sans cesse lutter contre les images, contre les analogies, contre les métaphores » (Bachelard, Formation de l’esprit scientifique), de même l’homme de sciences « doit oublier son savoir, rompre avec toutes ses habitudes de recherches philosophiques, s’il veut étudier les problèmes posés par l’imagination poétique » (Bachelard – Poétique de l’espace).

Mais c’est bien le même homme qui rêve et qui pense alternativement, qui parcourt tour à tour, mais sans jamais les confondre, les deux axes de la vie spirituelle ; rationalité en animus, rêverie en anima, Bachelard reprend et développe l’analyse que fait Jung de la dualité profonde – masculin et féminin – de notre psychisme et en montre la richesse :

« Il faut connaître la bonne conscience du travail alterné des images et des concepts, deux bonnes consciences qui seraient celle du plein jour et celle qui accepte le côté nocturne de l’âme ». (Bachelard – Poétique de la rêverie).

Retenons de la pensée du philosophe que l’imaginaire et le rationnel sont aussi nécessaires l’un que l’autre à notre équilibre psychique.

L’action éducative peut donc – sans craindre de sacrifier à l’infantile – avoir un projet ambitieux dans le domaine de l’imaginaire, notamment par la fréquentation du monde de la fiction (aussi bien par la découverte des œuvres existantes que par la pratique des activités de création).

Ce projet ambitieux de l’école est d’autant plus nécessaire que l’importance de la fiction dans notre vie quotidienne a diminué au cours de ce siècle en particulier, de même que son statut social s’est considérablement dévalorisé ; et cette double évolution qui est particulièrement nette au niveau de l’enfance, se manifeste notamment par la perte d’influence de la pensée mythique, la désacralisation de notre société et le dépérissement de la tradition orale.

Il ne s’agit pas de le regretter ou de s’en féliciter, mais de constater que les moments où nos enfants peuvent rencontrer et apprendre à aimer les héros mythiques sont devenus rares ; et que plus rares encore sont les occasions où ces fictions sont présentées comme des choses sérieuses…

Parallèlement à cette évolution – comme un espace de communication ne reste jamais vide – l’environnement des enfants se voit envahi par une inflation de sous-produits médiatiques qui se caractérisent par une écriture infantilisante, une structure stéréotypée à l’extrême et un simplisme manichéen consternant.

On peut affirmer que sur ce plan notre société a considérablement régressé, et que l’héritage mythologique qu’elle transmet à ses enfants est d’une grande pauvreté par rapport à ce que peut connaître un petit africain, ou ce qu’a pu vivre un petit provençal du début du siècle.

Bettelheim souligne ce danger à propos des versions filmées des contes de fées :

« De nos jours les enfants sont gravement lésés (…). La plupart d’entre eux, en effet, n’abordent les contes que sous une forme embellie et simplifiée qui affaiblit leur signification et les prive de leur portée profonde. Je veux parler des versions présentées par les films et les spectacles télévisés qui font des contes de fées des spectacles dénués de sens ».

Dans ces conditions il est évident que le rôle de l’école pour l’initiation des enfants au monde des récits et des mythes est capital ; car, si l’école n’ouvre pas largement les portes de la fiction, si elle ne favorise pas cette fréquentation, si elle n’aborde pas avec le sérieux et la gravité nécessaires ces histoires, nul ne le fera à sa place, et les « Petit Poucet » qui passent par nos classes ne vivront « qu’une moitié de vie », selon le mot de B. Duborgel.

Fréquenter le monde de la fiction

Fréquenter le monde de la fiction c’est donc un objectif essentiel de l’éducation, dès le plus jeune âge et tout au long de la scolarité (au-delà aussi, bien entendu).

Quelles en sont les voies et les moyens ? On en relèvera trois, qui ne sont pas originales, mais qui prendront dans ce contexte toute leur cohérence.

– La découverte de la fiction par le récit oral d’abord, puis progressivement (et de plus en plus) par la lecture.

– La création d’histoires par l’improvisation orale d’abord puis par la conquête progressive de l’écriture (au sens plein du terme).

– L’immersion dans le monde de l’imaginaire où l’enfant vit pleinement la fiction par la rêverie et le jeu ; de la rêverie secrète et fugitive au jeu libre, puis au jeu organisé et collectif, pour aborder enfin la mise en scène et le jeu dramatique.

Il s’agit de trois manières de pénétrer le monde de la fiction qui trouvent dans le psychisme de l’enfant cohérence et complémentarité ; et qui se nourrissent l’une de l’autre comme elles se nourrissent de l’expérience du monde réel.

Découvrir une fiction, c’est prendre connaissance d’une situation vécue, par la lecture, l’écoute ou le spectacle ; c’est un voyage hors de l’instant présent et une puissante incitation à la rêverie pendant et après le récit.

Et cette rêverie qu’un inconnu nous a transmise, il nous arrive de nous y reconnaître, de la croire nôtre, et parfois de la prolonger :

« Si nous recevons vraiment les images des poètes, elles nous apparaissent comme des documents de rêverie naturelle. A peine reçues, voilà que nous imaginons que nous aurions pu les rêver… Nous lisions et voilà que nous rêvons » (Bachelard – Poétique de la rêverie).

Car vivre une histoire, c’est aussi découvrir le besoin d’inventer, de créer à son tour, de bâtir soi-même un monde. Bachelard, encore, en porte témoignage :

« Personne ne sait qu’en lisant nous revivons nos tentations d’être poète. Tout lecteur un peu passionné de lecture, nourrit et refoule, par la lecture, un désir d’être écrivain. Quand la page lue est trop belle, la modestie refoule ce désir. Mais le désir renaît » (Poétique de l’espace).

Cette interaction entre l’imaginaire d’un autre dont nous savourons la substance, et nos rêveries secrètes qui prennent forme lentement nous entraîne dans des voyages exaltants où se mêlent au plus profond nos élans intimes et la résurgence des personnages fictifs qui sont nos compagnons de rêve.

Empruntons au Sartre des Mots une des plus belles illustrations de cette puissance créatrice et assimilatrice de l’imaginaire. Se retournant vers son passé, l’écrivain montre dans ces pages consacrées à ses rêveries d’enfant, comment l’imagination se développe sur un fond complexe où interfèrent trois facteurs :

– d’abord les préoccupations, les désirs ou les angoisses de l’enfant,

– ensuite le monde des personnages de fiction qui lui sont familiers (et le monde du cinéma muet),

– enfin l’environnement immédiat qui façonne son état d’esprit : ainsi les sentiments de crainte, de morosité ou de gaieté se succèdent au rythme du jeu des sonorités et des lumières.

Sous cette triple influence, l’enfant lance sa rêverie, et avance dans le récit qui se noue, se dénoue, rebondit…

Sartre réussit dans ces pages à nous faire sentir le lien ambigu et mystérieux entre la perception du réel et la création imaginaire ; entre les élans de l’enfant et les échos que lui renvoient ses héros familiers ; entre la volonté qui mène le jeu et l’affectivité qui se laisse entraîner par l’atmosphère…

Tous les enfants vivent cela, et bien des adultes aussi ; tous les enfants connaissent le bonheur de la vie rêvée !

Le rôle de l’école n’est-il pas dans ce domaine de s’efforcer de donner à chaque enfant les aliments de ses rêveries et les occasions de les vivre ?

( texte paru dans le n° 70 – juin 2001 – du bulletin du CRILJ )

 

Inspectrice d’académie et inspectrice pédagogique régionale vie scolaire honoraire, Anne Rabany s’intéresse à la littérature pour la jeunesse depuis son entrée dans l’enseignement. Elle a participé à différentes actions de promotion de la lecture : Plans lecture de la Ville de Paris et de l’académie de Créteil, développement des BCD, formation d’animateurs, tournées culturelles pour les centres de vacances de la CCAS/EDF. Publications dans de nombreux périodiques (Textes et documents pour la classe, Ecole des parents, Monde de l’éducation…). Contributions à plusieurs ouvrages collectifs dont une étude sur “Les enfants terribles dans les albums” dans L’Humour dans la littérature de jeunesse parue chez In Press en 2000. Anne Rabany intervient au niveau des masters 1 et 2 d’édition à Montauban (université Toulouse-II – Le Mirail) ainsi qu’au Pôle Métiers du Livre de Saint-Cloud (université Paris-X). Elle participe, au plan national, à l’activité du CRILJ et a rejoint le comité de rédaction de la revue Griffon.

La littérature n'est pas un luxe

   Essayons d’y voir clair. On nous dit depuis plus d’un an que « Faire accéder tous les élèves à la maîtrise de la langue française est le premier objectif que le socle commun fixe à la scolarité obligatoire » (1) et que pour ce faire, il importe de développer un plan de prévention (précoce) de l’illetrisme. « Le premier rôle de l’école est d »apprendre à bien lire à tous les enfants. Elle doit leur permettre d’exercer cette compétence avc facilité et plaisir. C »est pourquoi dès l’école maternelle, les programmes donnenr la priorité à la maîtrise de la langue française » (2). On nous dit encore qu’un « illetré, c’est un adulte qui a été scolasisé mais qui a désappris faute d’apprentissages solides et de pratique suffisante. » (discours de Luc Châtel le 29 mars 2010 au Salon du livre. (3) Et que constate-t-on dans de très nombreuses classes ? Une réelle désaffection pour le livre … et la littérature.

    Les programmes 2002 avaient développé l’axe de la culture littéraire à tel point qu’un réel élan s’était fait sentir dans les pratiques des enseignants qui ont tenté dans les années qui ont suivi de tenir compte des injonctions. Exemple pour le cycle 3 : « Chaque année, deux ‘classiques’ doivent être lus et au moins huit ouvrages appartenant à la bibliographie de littérature de jeunesse contemporaine. » Cette bibliographie présentait six genres (album, roman, conte, théâtre, bande dessinée, poésie) et les enseignants se disaient que oui, peut-être, ils ne variaient pas suffisamment les lectures (le roman était le genre essentiellement lu) et ils se sont mis à emprunter ou acheter de nombreux livres authentiques pour leur classe et à se former. Les pratiques ont été diverses, certes, mais les pratiques étaient réelles. L’objectif annoncé (« faire de chaque enfant un lecteur assidu » – Bulletin Officiel HS n°1 du 14 février 2002) semblait partagé par bon nombre d’enseignants.

    Cet élan a été brisé : les emprunts ont fortement baissé, les pratiques en littérature sont restreintes, et même à l’école maternelle, certains inspecteurs de l’Éducation nationale constatent que les livres ne font plus partie du « paysage » de la classe ou de l’école. Comment est-ce possible ? Je rappelle, en répétant volontairement les premières lignes de ce texte, qu’un « illettré, c’est un adulte qui a été scolarisé mais qui a désappris faute d’apprentissages solides et de pratique suffisante.«  Où se cache actuellement la « pratique suffisante » ? Luc Châtel déclare qu’il a fallu réaliser « un recentrage salutaire sur les apprentissages fondamentaux. » Quand on compare les programmes pour le cycle 3, on constate que les injonctions en littérature étaient en 2002 développées en 10 374 caractères (sans espaces), plus trois documents d’accompagnement des programmes – Lire et écrire au cycle 3 et Littérature, cycle 3, CDNP, 2002 et 2004, coll. « Documents d’application des programmes » soient 12, 64 et 128 pages –, et le sont en 894 caractères sans espaces en 2008 plus un document d’accompagnement de 10 pages peu diffusé (Une culture littéraire à l’école, littérature à l’école, ressources pour le cycle 3, mars 2008). La littérature détournait-elle les enseignants et donc les élèves de la maîtrise de la langue française ? Non, me dira-t-on, la preuve en est que sa pratique est toujours prescrite : « Chaque année, les élèves lisent intégralement des ouvrages relevant de divers genres et appartenant aux classiques de l’enfance et à la bibliographie de littérature de jeunesse que le ministère de l’Éducation nationale publie régulièrement. » (B.O. HS n°3 du 19 juin 2008). La place réduite de cette annonce, la disparition du critère chiffré et le discours ambiant ont sans doute fait que les enseignants ne l’ont pas lue ou pas retenue. Ils ont retenu un amoindrissement et ils le répercutent ! Même à l’école maternelle où les demandes portent davantage sur la phonologie et le vocabulaire que sur de bons textes à faire découvrir. Au cycle des fameux « apprentissages fondamentaux », dont l’apprentissage de la lecture,  » [l]’appui sur un manuel de qualité est un gage de succès pour cet enseignement délicat.  » Et là aussi, certains discours des personnels d’encadrement donnent à cette phrase une importance prédominante alors qu’elle est immédiatement suivie de celle-ci : « La lecture de textes du patrimoine et d’oeuvres destinées aux jeunes enfants, dont la poésie, permet d’accéder à une première culture littéraire.«  (B.O. HS n°3 du 19 juin 2008). Et comment serait-il possible de viser certains objectifs en s’en tenant au manuel ? Par exemple, cet objectif extrait du programme pour le cycle 2 (Français, 2 – Lecture, écriture) : « les élèves apprennent aussi à prendre appui sur l’organisation de la phrase ou du textequ’ils lisent. Ils acquièrent le vocabulaire et les connaissances nécessaires pour comprendre les textes qu’ils sont amenés à lire. » Mais le manuel a le vent en poupe, il est aux yeux de certains le  » représentant  » du livre ! « À l’école primaire, l’usage de manuelsscolaires conformes aux programmes, dans l’esprit et dans la lettre, permet aux professeurs de disposer d’outils pédagogiques de référence et aux élèves de consolider leurs apprentissages. (…) car l’on n’enseigne pas sans livre, pas plus que l’on n’apprend sans livre, la photocopie nepouvant en tenir lieu. » (B.O. n°18 du 5 mai 2011). On aimerait lire de telles injonctions pour d’autres types de livres, contenant un écrit digne de ce nom.

En outre, j’ai l’impression d’avoir mal lu l’extrait du B.O. pour le cycle 2 : « La lecture de textes du patrimoine et d’oeuvres destinéesaux jeunes enfants, dont la poésie, permet d’accéder à une première culture littéraire. » ? Première culture littéraire ? N’a-t-elle pas débuté avant, à l’école maternelle ? Le même B.O., dans le programme pour l’école maternelle : « Les enfants se familiarisent peu à peu avec le français écrit à travers les textes lus quotidiennement par l’enseignant. Afin qu’ils perçoivent la spécificité de l’écrit, ces textes sont choisis pour la qualité de leur langue (correction syntaxique, vocabulaire précis, varié, et employé à bon escient) et la manière remarquable dont ilsillustrent les genres littéraires auxquels ils appartiennent (contes, légendes, fables, poèmes, récits de littérature enfantine). Ainsi, tout au long de l’école maternelle, les enfants sont mis en situation de rencontrer des oeuvres du patrimoine littéraire et de s’en imprégner. »

    Les convictions ne semblent pas partagées par tous les rédacteurs des programmes, c’est donc bien dès l’école maternelle que la littérature a toute sa place ! Mais pas seulement dans les discours (« lire aux élèves de façon précoce des textes de qualité, lesgrands textes de notre littérature, suscite le plaisir du texte et aide à la concentration de l’attention. » – Discours de Luc Chatel le 29 mars 2010), dans les classes ! Avec le soutien et l’encouragement des inspecteurs de l’Éducation nationale ! Et pas seulement pendant les vacances ! Enfin… une injonction d’un seul livre pour deux mois… (« Je crois encore qu’il est de ma responsabilité de ministre de l’Éducation nationale que la lecture ne s’arrête pas aux portes de l’École. » – Opération « Un livre pour l’été »).

    Il faut dire, et redire, pour terminer, que la faiblesse des injonctions vers « les livres » se mesure également par l’amoindrissement des injonctions à fréquenter les lieux de lecture. En 2002, on lit dans le texte des programmes : « Là encore, il convient de ne pas être pusillanime et de pousser chacun à emprunter fréquemment des livres dans les bibliothèques accessibles (BCD, bibliothèque publique du quartier, bibliobus, etc.). Un livre par mois au moins devrait être considéré comme une base même si l’onsait que, pour certains élèves, les lectures personnelles du cycle 3 passent encore beaucoup par la lecture à haute voix des adultes. » Plus rien à ce sujet dans les programmes 2008 (L’exhortation existe toujours à la dernière page du document d’accompagnement, qui l’a lue ?) (4) Si bien que ce sont très majoritairement les enfants de familles déjà acquises à cette culture si essentielle pour l’écrit qui en bénéficient et pas ceux qui risquent d’être les futurs illettrés par manque de pratique ET familiale ET scolaire.

    La littérature n’est pas un luxe, c’est sa fréquentation qui contribue à rendre les « apprentissages solides », c’est un bien social à partager dès la naissance. Les communes qui continuent à offrir des livres aux bébés, les collectivités qui s’engagent pour ouvrir des médiathèques l’ont compris. L’Éducation nationale l’oublierait-elle au quotidien ?

(1) http://eduscol.education.fr/cid50655/prevention-illettrisme.html

(2) idem

(3) http://www.education.gouv.fr/cid50954/prevention-de-l- illettrisme.html

(4) http://eduscol.education.fr/file/ecole/46/9/culture-litteraire-ecole_121469.html

 

Professeur des écoles, maître formateur, responsable de la médiathèque du Centre Départemental de Documentation Pédagogique des Ardennes, Annie Janicot est vice-présidente de l’Association Française pour la Lecture (www.lecture.org). Merci à elle pour nous avoir confié ce texte initialement paru en éditorial du numéro 115 de septembre 2011 des Actes de Lecture.

Les contes traditionnels comme introduction à la littérature pour enfants d’aujourd’hui

(Texte prononcé à l’occasion du colloque Le conte mémoire des peuples, paroles et littératures des 26 et 27 novembre 1991)

    Ma parole n’est pas « parole d’oiseaux ». Et je parle en dernier ! D’une part, je n’ai plus grand-chose à dire ! D’autre part, je crains au terme de ces deux journées si riches et si pleines de « peser aux écoutants » comme disait Montaigne.

    Ceci dit, je fais confiance à la parole de Marthe Robert écrivant que ‘les histoires à dormir debout sont celles qui tiennent le mieux éveillé ».

    Le colloque qui se termine, il faut le proclamer avant tout, a montré que dans le monde qui est le nôtre, les contes sont plus que jamais nécessaires :

– D’abord parce qu’ils véhiculent l’universalité des valeurs culturelles populaires et savantes, dans leurs diversités. Parce qu’ils affirment nos différences et leur richesse à une époque où la « bête immonde » comme disait Brecht, de l’intolérance et du racisme nous montre à nouveau et de très près son visage de haine.

– Parce qu’ils sont les garants de survie des langues et des langues populaires, vernaculaires, régionales, miroirs de l’imaginaire infini des peuples, dans la variété savoureuse de leurs cultures, au sens anthropologique de ce terme.

– Parce que les mythes fondateurs de l’humanité nous parviennent par la « parole conteuse ». On nous a dit par exemple ici, que les aborigènes d’Australie étaient porteurs de tout ce qui survit en l’homme de l’homme. Et les contes nous révèlent les vérités de nos racines dans cet univers médiatisé où tout devient leurre, où comme le dit Umberto Eco, « l’image du faux » se répand dans tous les domaines.

– Parce que comme ici, au cours de ces deux journées, les contes rassemblent dans une égale ferveur et dans la même lucidité ceux qui content et ceux qui parlent des contes. Des uns et des autres me frappe l’authenticité de leurs dires.

    Je me propose, quant à moi, de montrer rapidement que la parole conteuse et les contes « traditionnels », sont (avec la poésie) une des voies ouvertes à l’imaginaire des enfants d’aujourd’hui, voie qui les conduit du dire au lire, du conte au livre, et naturellement à l’écriture.

    Les contes, dans leur variété infinie, tant sur le plan de la typologie, que des structures narratives, sont par définition des récits relevant le l’oralité. Une oralité qui n’est ni « parole flottante », ni improvisation (même si le conteur « joue » l’improvisation). Une oralité présentant un discours qui se referme sur lui-même avec un commencement et une fin, l’un et l’autre annoncés. Une oralité maîtrisée qui donne l’impression de la liberté la plus dénouée. Cette liberté de parole qui ne dit pas n’importe quoi (même si c’est pour « dormir debout ») et qui précisément se trouve toujours à l’œuvre dans toute littérature digne de ce nom.

    Or tout, dans les contes « traditionnels » ou merveilleux (ceci pour restreindre mon propos), tout en eux, leur archaïsme, les espaces qu’ils évoquent, châteaux, forêts, landes, chaumières, etc., les rôles et personnages qui les peuplent : rois, prince charmant, princesse, fées, enchanteurs, pauvres paysans, ogres et gnomes, etc., les stratifications sociales qu’ils montrent, le Temps hors du Temps qui les soutient, tout en eux paraît les situer dans un tout autre univers que celui qui investit ou qu’investit l’imaginaire des enfants, des adolescents (et bien sûr des adultes) d’aujourd’hui.

Il faut souligner cependant, que les contes, à quelques exceptions près, ne parviennent aux enfants et surtout aux médiateurs, enseignants, bibliothécaires, parents, etc. que par l’intermédiaire de textes écrits.

Nous allons ainsi dans ce salon proche rencontrer des milliers de contes imprimés dans des livres. Et nous avons à nous interroger (il en a été question au cours de ce colloque) sur les « adaptations réductrices » qui détruisent en même temps que la saveur de la « parole conteuse » la spécificité inscrite de l’écriture et de la littérature.

    Il me semble que le conte traditionnel ou le conte moderne qi ne conduisent qu’à eux-mêmes et qui sauvent l’oralité ne sont une voix ouverte à la littérature au sens propre du terme que s’ils gardent entière leur spécificité de conte et d’oralité et de langage parlé.

    On ne saurait par ailleurs négliger l’importance pour mon propos, des contes qui n’ont jamais eu de forme oraculaire, (à la différence des Contes de ma Mère l’Oye, et surtout des contes recueillis par les frères Grimm). Doit-on parler de contes littéraires pour les distinguer des contes transcrits, réécrits (Pourrat). Sans doute et on ne saurait se priver du plaisir de lire cette fois, Hoffman, Nodier, Marcel Aymé, etc.

    Pour revenir aux contes « traditionnels » et à leurs vertus pédagogiques dans l’initiation de l’enfant à ce qu’il faut bien appeler la littérature, les contes ont le mérite :

1) de constituer des discours qui racontent, or raconter, narrer, c’est le propre de toute littérature fonctionnelle.

2) de mettre en situations « actantielles », c’est-à-dire d’actions, des rôles, des personnages dans lesquels les petits enfants se projettent, avec lesquels ils s’identifient ou qu’ils rejettent. Et, il n’a peut-être pas encore été question dans ce colloque, de ce processus de projection de l’individu dans l’imaginaire des êtres qui peuplent les contes et qui deviendront la projection que chacun d’entre nous fait dans les personnages de nos lectures, il est évident que lire c’est réinventer l’écrit, c’est presque faire un conte à partir de l’écrit dans lequel nous nous incarnons dans un personnage, fut-il Julien Sorel ou le dernier personnage de James Joyce.

3) habituer l’enfant à l’intérieur de ces concepts, à ce que l’on appelle quelque part les « allures diégétiques » des contes, c’est-à-dire, les épisodes multiples et variés : les épreuves, les attentes, les suspenses, les allure qui impliquent des variantes sur tous les plans se réinvestissent dans l’acte de lecture. Et il faudrait plus de temps pour montrer comment se perçoivent ces allures dans l’écoute et dans la lecture. Car elles ont un certain nombre de critères communs, et d’autres qui divergent. Ce qui implique pour les « médiateurs » des formations qui leur permettent de bien distinguer ces deux activités liées et différentes que sont « conter » et « lire ».

4) Les contes donnent également à l’enfant, non pas le sens du temps mais des notions essentielles de « temporalité ». Par exemple, les notions de l’avant, et de l’après, de la chronologie, parfois de « retours en arrière » (beaucoup plus fréquents dans les fictions écrites). A ces notions s’associent des concepts plus complexes de causalité (l’enfant prenant conscience des causes, des motivations, des conséquences de tel ou tel comportement). Ce qui est au demeurant un moyen de développer la mémoire à « court terme » dont on sait aujourd’hui qu’elle est déterminante dans la lecture et ses apprentissages.

    Remarquons au passage que les contes traditionnels, à quelques exceptions près racontent beaucoup et décrivent peu. Un des problèmes posés par l’apprentissage de la lecture des fictions, et des « documentaires » et de certains livres et manuels scolaires, est de savoir lire les descriptions sans « les sauter », ce que les lecteurs adultes font souvent lorsqu’ils sont aux prises avec Balzac, Flaubert, le Hugo des Misérables, de nombreux romans modernes dits du « regard ». Et tous les enseignants savent bien ou devraient mieux savoir que rien n’est plus délicat que d’écrire les descriptions. On devrait également réfléchir (mais j’y reviendrai) sur le rôle des images dans ce domaine « descriptif », ce qui entraînerait une information au moins élémentaire sur la sémiologie graphique et iconique.

    Sans insister sur les comportements très souvent analysés des personnages, par Propp, Brémond, Denise Paulme pour les contes africains, etc, je voudrais attirer l’attention sur la fonction très particulière, dans les contes traditionnels, mais également dans les Mille et une nuits du merveilleux et des personnages doués de pouvoirs magiques : fées, enchanteurs, etc.

    Le merveilleux est ce qui relève de l’inexplicable, de l’inexplicable rationnellement. Or, le merveilleux ne pose aucun problème aux enfants d’aujourd’hui pas plus que le merveilleux scientifique et technologique moderne n’étonne. Et les enfants disent souvent que le merveilleux des contes est plus merveilleux et les enchante davantage, car ils savent que le merveilleux scientifique peut, lui, s’expliquer. Il y aurait à ce propos un intéressant parallèle à faire entre les récits de Jules Verne et certains textes ou BD de Science Fiction plus proches des contes que de la science. Alors que chez Jules Verne tout finit par s’expliquer.

    Il y aurait par ailleurs toute une dialectique à étudier entre le merveilleux des contes et le fantastique qui relève plus de la fiction écrite (ou du cinéma). Car le fantastique pourrait-on dire paradoxalement dérange le réel, le subvertit, a besoin de l’écriture (ou de l’image) pour se développer, alors que le merveilleux s’inscrit tout naturellement, rapidement, dans une histoire qu’il fait progresser sans que cela inquiète trop.

    Les contes traditionnels enfin se « parlent » dans une langue en général sobre du point de vue syntaxique, usant de modes et de temps verbaux courants : imparfait, passé simple, présent. Plus complexe est le lexique marqué par des archaïsmes, des expressions populaires, parfois des drues. Ils comportent peu de figures rhétoriques (métaphores, métonymies, etc) ce qui est par contre fréquent dans la langue littéraire écrite.

    Mais la langue parlée des contes, souvent langue régionale, dialecte, etc., reste une langue soutenue et conduit me semble-t-il à tenir la langue écrite, et disons-le sans craindre le ridicule à la respecter.

    Ceci dit (trop rapidement) il s’agit bien dans mon propos d’enfants de 1991. On aurait là encore à nuancer en tenant compte de la diversité des milieux socio-économiques et socio-culturels, familiaux, scolaires, où vivent ces enfants. Sans compter les « différences » individuelles sur tous les plans (sexe, âge, état physique, intellectuel, handicaps moteurs ou mentaux, etc.). En généralisant très grossièrement on peut dire :

– Que tout enfant d’où qu’il vienne est porteur d’une culture (toujours au sens anthropologique de ce terme). Il n’y a pas d’enfants totalement incultes (des enfants démunis certes, des enfants déracinés de leur culture d’origine, des enfants sans enfances, confrontés trop tôt à cet univers impitoyable, etc.).

– Que tout enfant est fortement imprégné de ce qui se passe existentiellement dans ses lieux de vie : famille, quartier, rue, ville, village, école, espaces marginaux, etc.

– Que tout enfant est dès son plus jeune âge saturé d’images : affiches, BD, télévision, cinéma, vidéo, qu’on ne lui apprend jamais à « lire », à regarder, à critiquer. L’exemple de la télévision maintes fois étudié est révélateur. Entre la niaiserie bêtifiante de la majorité des émissions dîtes « pour la jeunesse » et la violence, l’érotisme brutal, des émissions courantes (informations, séries policières, etc.), l’enfant baigne dans les images, sans jamais « prendre ses distances », décrypter ce faux réel, percevoir que les images capables de tant nous enrichir, nous trompent, le trompent, le manipulent. Et les contes, à quelques exceptions près, deviennent ces dessins animés (mal animés) japonais où les héros ressemblent un peu trop à ces guerriers virils et bornés capables de ce que l’on sait et de balancer par la fenêtre d’un wagon « l’étranger » venu d’ailleurs.

– Que l’école fait ce qu’elle peut et peut parfois beaucoup. Je ne suis pas du parti de ceux qui condamnent l’école sans savoir. Je suis du parti de ceux qui défendent l’école publique et déplorent que l’institution scolaire se laisse aller aux modes sans les connaître. Aujourd’hui on apprend à « communiquer », tant mieux. Mais quand on ne sait rien on ne communique rien. Et ce qui m’étonne le plus est que cette institution oublie que la « reine des facultés » comme disait Baudelaire parlant de l’imagination, devrait être constamment « à l’ordre du jour ». Mon maître, Gaston Bachelard, historien des sciences, épistémologue parmi les plus grands de ce temps, disait que tant dans le domaine des sciences, que dans celui de cette indispensable « fonction de l’éveil », l’imagination et sa topique l’imaginaire sont d’indispensables armes pour ceux qui scientifiques, techniciens, « littéraires », etc, affrontent notre monde complexe.

    Or les contes éveillent l’imaginaire, les contes aident l’enfant à chercher dans les pages des livres les mêmes métamorphoses, les mêmes aventures, avec de surcroît des personnages, ceux de fiction écrite, qui s’analysent, procèdent à toutes les introspections, « êtres de papier » comme disait Roland Barthes et qui, nous projetant dans l’univers fictionnel nous enseignent en fait la réalité et son ombre.

    Les contes sont portés par la voix du conteur mais également par ses mains, par ses mimiques, par tout son corps. Et cela devrait être un précieux indicateur. On lit avec les yeux et les oreilles et ces oreilles intérieures qui nous font presque toujours entendre notre lecture, mais on lit également avec tout le corps.

    Et là bien souvent l’école échoue dans la mesure où elle oublie d’insister dans les apprentissages des actes de lecture sur leurs aspects corporels, rythmés et où elle ignore ou néglige le moteur essentiel de toute lecture, et qui motivait ceux qui dans les veillés d’autrefois écoutaient conter : le désir.

    Enfin, on constate que les enfants d’aujourd’hui sont des êtres « dispersés » sollicités de partout, de plus en plus (comme les adultes) incapables de concentration et de fixer leur attention, de meubler le silence.

    Une des fonctions majeures des contes pour les petits enfants est de les contraindre sans autorité extérieure, au retour au calme ; car il faut bien suivre le conteur, comme on devra savoir suivre une lecture. « Tu ne suis pas » disait parfois le maître à l’enfant rêveur que j’étais. Mais je le possédais mon vieil et cher « instit » car je suivais trop embarqué dans le livre et autour de lui.

    Les contes « oraux » entraînent à des processus d’identification, de voyages imaginaires, non à des dérives incontrôlées. Sans compter comme Bettelheim, Marthe Robert et quelques autres l’ont montré, tout ce qui est en jeu par leur canal dans l’inconscient. La littérature fixe tout cela, le fixe en le rendant perpétuellement mobile et changeant. Alors que le conte s’envole dans les nuages, le texte écrit s’inscrit et nous inscrit dans ses traces, dans nos traces. Mais l’un ne pas va sans l’autre.

    Les enfants d’aujourd’hui ne sont certes ni des ethnologues ni des anthropologues. Le charme des contes comme vient de si bien le dire M. Salomon à propos de Rodari, est qu’ils peuvent, qu’ils doivent être pour se parcourir de l’intérieur, démontés, remontés, subvertis, actualisés, transformés, investis par l’imaginaire contemporain. Ainsi conduisent-ils encore plus sûrement à la littérature. C’est-à-dire :

– à un univers non plus seulement de l’écoute mais également du regard. Il s’agira alors de faire « émerger du sens » de ces « petits signes nains » comme Sartre le montre si bien dans Les Mots.

– alors les structures se complexifient, mais les contes ont appris et apprennent à saisir quelque chose de l’ordonnancement des récits.

– alors les personnages deviennent plus que des « rôles ».

– alors les mots « donnent à voir » plus lentement, mais on saisit que les récits, comme tous les écrits, sont capables de faire surgir de chaque lecteur (comme de chaque écoutant) l’univers symbolique (et réel) sur lequel l’écrit peut à son tour comme la parole et plus durablement qu’elle, agir pour le transformer.

– alors les livres ne se contentent plus d’exposer des manichéismes complexes et magiques mais déjà, comme dans les contes, posent des problèmes moraux, psychologiques, sociaux, relationnels, etc.

– alors les livres proposent peu à peu les jeux de langues différents, en fonction de l’écriture des auteurs comme l’étaient sur l’autre registre les variations de la « parole conteuse ».

    Les contes investissent et activent l’imaginaire sans lequel ni l’enfant (ni l’adulte) n’est capable d’inventer sa vie, de redécouvrir le réel, de se désengluer de ce réel. Dans cette optique capitale les contes aident à mettre en place des apprentissages de la lecture qui ne soient pas exclusivement mécaniques. D’autant plus que si l’écoute des contes crée des conteurs, la lecture conduit inexorablement l’imaginaire et la réflexion au désir d’écriture, à l’écriture. Mais c’est une autre question qui nécessiterait d’autres colloques.

    Je voudrais ajouter une note personnelle à ceci : les contes ouvrent l’enfant à l’imaginaire narratif propre à la littérature de fiction et aux documentaires. Certains contes comme il a été magnifiquement rappelé ici à propos des Mille et une nuits, incluent dans leurs tissus des poèmes. C’est qu’il est nécessaire de croiser cet imaginaire narratif avec ce que certains appellent l’imaginaire métaphorique de la poésie. Mais de ceci j’ai parlé et écrit ailleurs et bien souvent, de cet « impératif de l’essentiel » qui me fait vivre.

    Dans notre société, les contes, comme la littérature fictionnelle, documentaire, poétique, avec des approches différentes permettent à l’enfant, à l’adolescent, à l’adulte, de savoir que « l’imaginaire comme disait Sartre est le sens implicite du réel ». Abordant le livre l’enfant, tout en se prêtant à toutes les métamorphoses, sait en même temps quand il maîtrise vraiment sa lecture, qu’il n’est pas dupe.

    Michel Butor le dit mieux que moi : « Par les contes, écrit-il dans La Balance des fées , l’enfant doit savoir qu’il est dans le domaine de la fiction… Ce qu’il y a surtout d’abord c’est le plaisir de savoir que tout cela n’est pas vrai, le plaisir de ne pas être dupe de la fiction, le plaisir de se sentir profondément d’accord avec l’adulte sur ce qui est réel et sur ce qui ne l’est pas. Le conte libère de l’immédiat par la possibilité qu’il apporte de s’en éloigner en toute certitude, c’est grâce à lui que la réalité se présente comme une chose sûre et solide, que l’on distingue bien, que l’on maîtrise et que l’on comprend. » (« La Balance des Fées » in Répertoire I, éditions de Minuit, 1978)

    Ce qui implique en fait que par, les contes et les livres, les « fonctions du réel et de l’irréel » s’équilibrent dans l’enfant, dans l’éducateur d’abord, pour que l’un avec l’autre conquièrent avec la maîtrise du langage, lucidité, onirisme, « raison ardente » et liberté.

    Un mot encore, d’un poète cette fois, qui, saisi d’angoisse devant un univers soudain privé d’imaginaire, écrivait : « Tous les pays qui n’ont plus de légendes seront condamnés à mourir de froid… » (Patrice de la Tour des Pin, la quête de Joie).

    La chaleur de cette assemblée me dit que ce n’est pas pour demain.

( texte paru dans le n° 44 – avril 1992 – du bulletin du CRILJ )

 

Né en 1920 à Besançon, Georges Jean a fait des études de Lettres et de Philosophie. Il fut instituteur, puis professeur d’école normale au Mans, à l’Université du Maine et à l’Ecole Nationale Supérieure des Bibliothèques. Il est membre du mouvement d’éducation permanente Peuple et Culture. Sa pratique de la poésie, ses fonctions et ses convictions font de lui un théoricien avisé du langage et de l’imaginaire. Il publia de nombreuses anthologies pour les enfants et les jeunes dont Il était une fois la poésie (La Farandole, 1974), Le premier livre d’or des poètes (Seghers 1975), Poussières d’images (Larousse, 1986). Parmi ses essais : Pour une pédagogie de l’imaginaire (Casteman, 1976) et Le pouvoir des mots (Casterman, 1981) qui recut le Prix de la Fondation de France. A noter aussi, avec Jacques Charpentreau, un Dictionnaire des poètes et de la poésie (Gallimard, 1983).


Théâtrales Jeunesse a 10 ans

 

En septembre 2001, les éditions Théâtrales lançaient la collection « Théâtrales Jeunesse ». La fête des 10 ans court sur toute la saison 2011-2012 et, a cette occasion, les auteurs de la collection sont mis à l’honneur à travers une série d’entretiens filmés, réalisés par Charlotte Cornic, Sophie Goudjil et Alexandra Lazarescou.

Marine Auriol, Hervé Blutsch, Henri Bornstein, Michel Marc Bouchard, Jean Cagnard, Jean-Pierre Cannet, Bruno Castan, Françoise du Chaxel, Stéphane Jaubertie, Suzanne Lebeau, Yves Lebeau, Sylvain Levey, Dominique Paquet, Françoise Pillet, Dominique Richard, Karin Serres et Roland Shön, nous livrent ici quelques tranches de vie et instantanés de leur univers dramaturgique. C’est ici, sur Viméo.

Vous pouvez aussi cliquer directement pour écouter :

Françoise de Chaxel

Marine Auriol

Hervé Blutsch

Dominique Paquet

. Karin Serres

. Sylvain Levey

. Yves Lebeau

. Roland Shön

et neuf autres entretiens à venir …

D’autres initiatives (des lectures, des rencontres, des happenings) sont d’ores et déjà programmées, au Salon du lvre jeunesse de Montreuil, mais pas que. Et ce jusqu’au marathon de lecture « 10 heures pour les 10 ans de la collection Théâtrales Jeunesse » prévu au Théâtre Hébertot, le 14 mai 2012, de 14 heures à minuit.

(merci à Alexandra Lazarescou pour ces informations)

 

 

 

 

 

Gisèle Teil

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    Nous apprenons avec tristesse le décès de Gisàle Tiel qui, pendant trente-cinq ans, s’est dévoué à la littérature de jeunesse. La bibliothèque Loisirs Jeunes, crée en 1960 et dont elle fut parmi les fondateurs et resta la principale animatrice jusqu’en 1995, offrait un choix devenu de plus en plus important de livres pour enfants et adolescents. Un large public d’enfants, de parents et d’enseignants du Mans et de nombreuses écoles du département de la Sarthe est venu puiser dans ce fonds unique de plus de 25000 ouvrages qu’elle avait su constituer avec patience. Son action contre l’illettrisme la mena à soutenir la création de l’association Lire et Vivre, des 24 heures du livre du Mans et bien d’autres actions bénévoles, qui lui valurent de recevoir la médaille de la Jeunesse et des Sports et le grade de chevalier des Palmes académiques.

( texte paru dans le n° 79 – janvier 2004 – du bulletin du CRILJ )

 

Vieux souvenirs, vieilles amitiés

Hommage à Claire Huchet et à Marguerite Gruny

    Il faut remonter bien loin dans le passé pour évoquer mes premiers souvenirs de Claire Huchet et Marguerite Gruny.

    Je les ai connues en 1924 lorsqu’elles travaillaient au choix des livres que l’Heure Joyeuse – Fondation américaine du Book committee on Children’s Librairies, Présidente Mrs J.L. Griffiths – offrait aux enfants français après la guerre de 1914/1918.

    Nous avions eu, Claire Huchet et moi, un même professeur que nous aimions beaucoup. Notre première rencontre eut lieu rue François Ier, dans une salle pleine de livres.

    Pour être engagée, après un entretien avec Mrs Griffiths, il fallait être acceptée par Claire Huchet et Marguerite Gruny. J’étais plutôt intimidée. Claire, devant sa machine à écrire, me posait des questions ; Marguerite m’observait d’un œil critique… Je fus engagée !

    Marguerite l’avait été, avant moi, par Claire. Eugène Morel, son oncle, bibliothécaire à la Bibliothèque Nationale, pionner souvent incompris de la lecture publique, l’avait proposée à Mrs Griffiths.

    L’Heure Joyeuse fut inaugurée le 12 novembre 1924, dans un ancien préau d’une école désaffectée, 3 rue Boutebrie. La rue Boutebrie était alors une rue misérable aux immeubles vétustes. Dans cette rue peu fréquentée, débouchant sur le boulevard Saint Germain, les enfants du quartier jouaient sans danger sur la chaussée, faisaient des rondes, sautaient à la corde.

    L’inauguration officielle terminée, il y eu dans la journée beaucoup de curieux, des enfants venus « pour voir ».

   Après tant d’années, tant d’événements tragiques ou non et l’évolution des générations il est bien difficile d’évoquer les premières, les premières années de l’Heure Joyeuse.

    Nous étions sur bien des points différentes des bibliothécaires pour la jeunesse d’aujourd’hui. Ne serait-ce que dans la formation, avec les diplômes exigés maintenant. Et que dire de nos manières réservées ! Il fallut attendre plusieurs mois avant de nous appeler par nos prénoms.

    La salle de lecture était pimpante et gaie, mais les bibliothécaires ne disposaient – sauf un petit vestiaire avec un lavabo pour se laver les mains et un affreux petit réchaud à gaz – d’aucune pièce pour travailler : une vraie installation de « pionnières’ ! mais notre enthousiasme suppléait à tout.

    Claire et Marguerite avaient déjà travaillé dans une bibliothèque pour la jeunesse. Claire en Angleterre à Croydon, Marguerite avait fait un stage à l’Heure Joyeuse de Bruxelles. Que serait la bibliothèque française ? Qu’apporterait-elle de nouveau ?

    Certaines activités existent toujours dans les bibliothèques d’aujourd’hui. D’autres prirent naissance à l’Heure Joyeuse : les assemblées générales des lecteurs où, les enfants élisaient chaque mois – un garçon et une fille – chargés de différentes tâches, assemblées complétées par un Conseil mensuel des anciens chefs ; fabrication de « jeux de lecture » pour les petits, les albums du Père Castor n’existaient pas encore, de fêtes, des rondes dans la cour, et l’on chantait de vieilles chansons, etc…

    Mais surtout l’Heure Joyeuse a été la première expérience d’éducation mixte qui choqua les esprits timides ou conservateurs, mais qui donna naissance à une franche camaraderie et à des amitiés pleines de charme.

    C’est dans cette ambiance nouvelle que nous apprîmes à nous connaître et que naquît une profonde amitié. Nous étions heureuses.

    Claire Huchet, douée d’une grande intelligence, ouverte à la compréhension de son prochain, possédait les qualités indispensables pour diriger l’Heure Joyeuse durant les premières années difficiles de son existence. Sans elle, l’Heure Joyeuse n’aurait pu s’imposer, se développer.

    Son autorité, jamais pesante l’amenait à consulter ses collaboratrices, à tenir compte de leurs suggestions ou de leurs critiques.

    Après son mariage avec un pianiste américain, en décembre 1929, Claire partit au Etats-Unis où elle travailla dans une bibliothèque pour la jeunesse, fit des conférences, écrivit des livres pour enfants.

    Mais elle consacra toute sa vie, avec passion, au rapprochement judéo-chrétien.

    Marguerite Gruny, plus jeune de quelques années, la remplaça. Déjà au début de l’Heure Joyeuse, elle aspirait au temps où elle dirigerait « sa » bibliothèque !

    L’Heure Joyeuse continua à se développer avec les mêmes activités, sauf les assemblées générales qui s’arrêtèrent d’elles-mêmes.

    Des générations de lecteurs fidèles se succédèrent, confiants et heureux. Ce que nous aimions beaucoup, c’était la préparation de fêtes en collaboration avec les enfants, grands et petits, sur un sujet précis. Les choix des « acteurs », la confection des costumes, les répétitions, les essayages, les décors, tout cela faisait bourdonner la bibliothèque d’une agitation joyeuse.

    En 1940, la bibliothèque en plein essor fut fermée, à cause de la guerre, pendant de longs mois. Quand l’Heure Joyeuse rouvrit ses portes, Marguerite Gruny, douée d’une grande puissance de travail, y prit une place toujours grandissante et déploya une activité sans borne.

    D’abord vint un public nouveau pour nous : celui des enfants accompagnés par leurs enseignants, public attachant qui découvrait les livres choisis librement, écoutant des histoires. Ce public nous apporta un heureux enrichissement.

    Ce qui passionna Marguerite, c’était la formation des stagiaires venus de France et des pays étrangers. Cette activité nouvelle, créée par elle, suppléait à l’absence d’un enseignement officiel. Elle avait mis au point un programme qui offrait en trois mois un enseignement professionnel sérieux.

    Puis vint l’âge de la retraite. Mais comment Marguerite Gruny pouvait-elle abandonner ce qu’elle considérait comme une mission ? Alors elle continua à travailler et offrit aux nouvelles générations de bibliothécaires pour la jeunesse le fruit de son expérience.

    Claire Huchet et Marguerite Gruny ont été chacune, suivant leur tempérament, des « pionnières ». Grâce à elles, mes bibliothèques pour la jeunesse sont nées et se développent.

    Dans la vieille rue Boutebrie, les enfants ne dansent plus, ne chantent plus, au milieu de la chaussée… mais à quelques pas, à l’ombre de la vieille église Saint Séverin, une nouvelle « Heure Joyeuse » les attend.

( texte paru dans le n° 48-49 – avril 1973 – du bulletin du CRILJ )

 

Proche des mouvements d’éducation nouvelle, Mathilde Leriche sera, dès 1924, avec Marguerite Gruny, l’assistante de Claire Huchet, première directrice de la bibliothèque de L’Heure Joyeuse. Elle participera en 1937 à la création de l’Association pour le Développement de la Lecture Publique et sera, en 1967, la première présidente du CRILJ ancienne manière. Elle écrira pendant de longues années des critiques de livres pour enfants pour la revue des CEMEA Vers l’éducation nouvelle. Auteur, une fois retraite prise, de quelques albums pour enfants, elle avait publié, en 1937, avec Marguerite Gruny, le guide de lecture Beaux livres, belles histoires. Elle fut une conteuse remarquable.

Un ourson et un cochon

 

 

   Connaissez-vous Misiones ? Bejaia ? L’une est la région frontalière qui unit ou sépare l’Argentine du Paraguay. Bejaia est l’ancienne Bougie, à la limite de la Kabylie. J’aurai pu citer d’autres lieux, évoquer d’autres gens ; je me contenterai de ces deux-là.

    Depuis deux ans, j’anime un atelier consacré à l’exploitation de l’album jeunesse en classe de français. Pour ce faire, je bénéficie de l’aide du CRILJ qui me prête, pour une quinzaine de jours, les albums de l’année écoulée. Cet atelier se déroule depuis près de trente ans, dans le cadre du stage BELC de Caen, destiné à des professeurs de français étrangers ou enseignant à l’étranger.

    Il y a deux ans, j’ai donc animé pour la première fois cet atelier, avec toute la confiance et l’ignorance que pouvait me donner une expérience personnelle. Depuis dix ans, je lis des albums jeunesse à mes trois enfants. Je le fais sans souci du contenu, me fiant aux références éditoriales : l’Ecole des loisirs, Gallimard jeunesse, le Rouergue… quelques noms prestigieux, garants de qualité, et surtout, de fantaisie, puisque c’est d’abord ce que je recherche : faire rire est le meilleur moyen de faire réfléchir les enfants. Je lis à la façon d’un Français qui ne connaît plus la censure, prêt à expliquer ce qu’autrefois on préférait cacher ou éviter.

    J’avais donc choisi de lire avec les stagiaires de Caen Les doigts dans le nez d’Alain Mets, désormais re-titré Crottes de nez. Le premier titre avait le mérite de l’image, mais des questions de droit…

    J’ai posé l’album sur la table : quelques personnes m’ont alors dit leur trouble. L’une était une institutrice syrienne, deux autres venaient d’Algérie. Dans un pays musulman, on ne peut faire entrer ce livre, m’ont-elles appris. Le personnage principal est un cochon et le cochon qu’il soit en chair et en os ou en images et en mots n’entre pas en terre d’Islam. Elles aimaient cet album très drôle, acceptaient de l’étudier, d’envisager les exploitations pédagogiques possibles, mais elles savaient qu’elles ne pourraient pas l’étudier en classe.

    Je pensais avoir pris ma première et unique leçon d' »interculturalité » ; je ne savais pas qu’un album de tonalité dramatique provoquerait presque un incident diplomatique dans l’atelier.

    Otto, de Tomi Ungerer, raconte l’histoire d’un ourson en peluche que ses parents offrent au jeune David. On est dans l’Allemagne pré-hitlérienne et l’objet bientôt affublé d’une étoile jaune passe des mains de David à celle d’Oskar, son voisin non juif et compagnon de jeu. La guerre éclate, les bombardements mettent la ville en ruine et un G.I. noir américain ramasse Otto parmi les décombres. Il le pose contre sa poitrine au moment où une balle l’atteint. Sauvé par l’ourson, Charlie survit et rapporte à sa fille Jasmine le précieux jouet. Elle le dorlote, le promène, mais une bande de voyous s’empare d’Otto et l’abîme avant de le jeter dans une poubelle. Il est récupéré par une clocharde, vendu à un brocanteur qui le rafistole et le met en vitrine. Oskar le reconnaît à une tache d’encre, et l’achète. Il retrouve David et les deux vieillards se racontent ce qu’ils ont subi, tandis qu’Otto les écoute et clôt par ce récit son autobiographie.

    Otto est l’un des plus beaux albums de Tomi Ungerer, ou plus exactement l’un des plus riches. Le groupe de stagiaires voyait là de très nombreuses pistes, qu’il s’agisse de l’arrière-plan historique, de la relation entre les divers propriétaires de l’ours en peluche ou du thème du racisme et de l’antisémitisme. Seules deux personnes restaient réservées. L’une, institutrice à Damas, nous dit qu’elle ne pouvait faire entrer dans son pays un album montrant l’étoile de David. Ses collègues algériennes lui expliquèrent que cette étoile-là n’était pas celle qui flotte sur le drapeau israélien, mais le symbole de l’exclusion et de la persécution des Juifs d’Europe. Notre collègue institutrice comprit la différence mais elle n’y pouvait rien : les lois de son pays ne connaissait pas les nuances entre le jaune et le bleu.

    Un autre professeur se montrait plus réservée encore. Elle venait d’Argentine. Elle ne voulait pas entendre parler de la guerre. Il n’y avait jamais eu de guerre en Argentine. Ce passé ne la concernait pas. J’eus le malheur de faire de l’ironie. Sans parler des Malouines, j’évoquai les conflits entre le Chili et l’Argentine. Il n’y avait jamais eu de conflit entre ces deux voisins.

    Quant à parler de l’antisémitisme, fût-il nazi… Non, elle n’était pas venue à Caen pour « faire de la politique ». Toute explication fut vaine et elle était sur le point de quitter cet atelier. Personne ne pouvait la convaincre qu’Otto était un album prônant des valeurs universelles, un humanisme que l’on devrait partager sous les deux hémisphères et sur les cinq continents ; elle n’en démordait pas, n’était nullement disposée à étudier un tel album avec sa classe.

    La quinzaine s’est écoulée. Nous avons lu d’autres albums, étudié divers auteurs. Nous ne sommes pas revenus sur Otto, avons évité ce qui fâche. Le dernier jour, notre collège argentine nous a parlé de sa région, de sa classe. Elle enseignait à la frontière tracée par le Parana. De l’autre côté de la rive se trouvait le Paraguay où vit une importante colonie allemande, dont une large part est arrivée vers 1945. Son établissement était un lycée militaire. Les élèves formeraient l’encadrement de l’armée argentine. Ils s’ennuyaient dans ce lycée de province, loin de toute ville. Ils partageaient deux passions : le football et l’autre sexe, celui qu’ils ne rencontraient que lors de leurs permissions. Notre collègue aurait pu fonder tous ses cours sur ces deux passions. Ils auraient appris un français très singulier, fait de termes de sport et d’un lexique consacré au sexe féminin. Il va de soi que certains sujets étaient tabou, parce qu’ils remettaient en cause la vision que l’armée argentine a d’elle-même. On sait qu’elle n’aime pas trop se pencher sur son passé. Le professeur avait parfaitement intégré le modèle. Aucun album jeunesse envisagé pendant ces quinze jours n’était vraiment conforme, ni ne le serait avant longtemps.

    J’ai ainsi appris que les ouvrages les plus innocents peuvent devenir très subversifs. Pierre Benoît était un auteur à succès dans l’ex Union Soviétique. Il dérangeait moins que Sartre ou Ionesco. Tomi Ungerer gêne certains en Amérique latine. Ailleurs aussi sans doute. Raison de plus pour le lire et le faire connaître.

( texte paru dans le n° 75 – novembre 2002 – du bulletin du CRILJ )

 

Ce texte de Norbert Czarny, né en 1954, professeur de Lettres Modernes, écrivain et poète, collaborateur de La Quinzaine littéraire, témoigne des stages du Centre international d’études pédagogiques (CIEP) de Sèvres et du Bureau d’Études pour les Langues et les Cultures (BELC) de Caen du début des années 2000.

Qu’est-ce que le CRILJ/Loire ?

 

 La section régionale du CRILJ/Loire est, avec celle de l’Orléanais, la plus ancienne. Sur son site, on peut lire la présentation suivante qui, à l’heure où de nombreuses structures de promotion du livre pour la jeunesse peinent à survivre ou à trouver leur second souffle, affirme sans langue de bois ses raisons d’être et ses objectifs.

Le CRILJ-Loire se donne pour objectif fondamental d’œuvrer à la promotion d’une littérature de jeunesse diversifiée, porteuse :

– d’un patrimoine de valeurs humanistes fondé sur l’accès de tous à la culture, le respect des différences rendant la vie collective possible, le développement de l’esprit critique et de l’esprit de libre arbitre.

– d’une esthétique suscitant plaisir, émotion et questionnement.

( article 2 des statuts )

Le CRILJ est une association militante en faveur de la littérature de jeunesse et qui œuvre au développement de la lecture des jeunes.

Le CRILJ est une association communautaire de personnes partageant leur passion, leur savoir-faire.

Le CRILJ est une association de service délivrant formation et information aux adhérents pour une meilleure connaissance de la littérature de jeunesse et du conte.

Le CRILJ est une association d’intervention auprès des jeunes et des adultes pour donner le plaisir de lire, le plaisir de conter, et peut-être l’envie d’écrire.

( site du CRILJ-Loire : http://www.crilj-loire.org )

 

Madeleine Gilard

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    Madeleine Gilard n’est plus. Elle nous a quittés discrètement comme elle a vécu. Seuls ceux qui ont eu la chance de la rencontrer savent à quel point elle a marqué la littérature de jeunesse, ce qui lui valut, en 1983, un Grand Prix de la Littérature de Jeunesse pour l’ensemble de son œuvre.

    Née en Espagne en 1906, elle a aidé à la connaissance de nombreuses œuvres littéraires par ses traductions de l’espagnol, de l’anglais et de l’allemand, contribuant par ses choix à un véritable enrichissement de ce secteur.

    Animatrice littéraire des éditions La Farandole, elle a contribué à donner à l’édition pour la jeunesse ses lettres de noblesse. Sa participation aux nombreux débats des années 60 à 80 nous a permis d’échanger avec elle de nombreux moments d’intérêt et de passion. Jamais nous ne l’avons vu se départir de sa courtoisie. Tout au plus un petit sourire ironique nous montrait-il qu’elle n’était pas dupe de certaines outrances de langage.

    Une grande dame de la littérature n’est plus qui sut passer par tous les genres avec un profond sens de l’humain et du quotidien. Espérons qu’il se trouvera des éditeurs pour rééditer des ouvrages qui devraient trouver un nouveau public.

( texte publié dans le numéro 79 – janvier 2004 – du bulletin du CRILJ )

 

Née en Espagne d’une famille d’origine protestante, passant ses étés en France, Madeleine Gilard apprend à lire avec son grand-père paternel pasteur dans le Sud-Ouest. Ayant fait toutes ses études à la maison, ne possédant aucun diplôme, elle maitrisera parfaitement, outre le français et l’espagnol, l’anglais, l’allemand et le russe. Vie de bureau pendant près de cinquante ans puis aux éditions La Farandole comme secrétaire littéraire. Paulette Michel, secrétaire administrative, la pousse à écrire et, en 1956, est publié un premier album, Le bouton rouge, illustré par Bernadette Desprès. Près de trente ouvrages suivront, pour tous les âges, dans une veine réaliste proche de Colette Vivier. Notons Anne et le mini-club (1968), La jeune fille au manchon (1972), Camille (1984). Madeleine Gilard a reçu en 1983 le Grand Prix de Littérature Enfantine de la Ville de Paris pour l’ensemble de son œuvre.

Colloque 2023

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… NOVEMBRE 2022

Le Centre de recherche et d’information sur la littérature pour la jeunesse organise, le vendredi 13 et le samedi 14 octobre 2023, dans une médiathèque parisienne, un colloque pluridisciplinaire titré De la mémoire dans la littérature pour la jeunesse : racines, souvenirs, transmission.

L’appel à communication est ici.

Le programme du colloque et la fiche d’inscription seront sur cette page dans quelques mois.

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