2020 s’en est allée

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     2020 s’en est allée, mais ne se fait pas pour autant oublier.

    Cette année inédite nous aura « volé » l’anniversaire des 20 ans de la Librairie-Tartinerie, les événements autour de sa transmission, nombre de manifestations qui constituent le cœur de notre action, ainsi que de multiples moments d’échanges, de partage et d’apprentissage.

    A nombre d’entre nous, elle aura volé une partie de nos envies. Mais, à d’autres, la vie. Pour toutes et tous, elle aura ébranlé notre confiance en l’avenir et émoussé notre capacité à nous projeter sereinement.

    Pour la librairie, il est pour le moment compliqué d’évaluer les conséquences de cette année où nous aurons vécu quasiment un trimestre de fermeture, l’annulation de très nombreux événements sur lesquels nous avons l’habitude d’amener le livre (et d’en vendre), la difficulté à participer aux projets culturels qui nous tiennent à cœur (comme les Estivales de l’illustration ou Tatoulu pour ne citer que ceux-ci). Avec la non réouverture de la Tartinerie cet hiver, nous ne reposons plus sur nos deux pattes et ce n’est pas la chaleur des toasters qui nous manque le plus…

    Actuellement, tous les acteurs et actrices de la culture (dont la majorité sont beaucoup moins bien lotis et aidés que nous) sont en souffrance et nous peinons toutes et tous à porter les projets dont convivialité, échange, apprentissage et quête de sens sont les moteurs.

    Néanmoins, 2020 aura aussi offert de nombreux et forts témoignages de soutien. Qu’on se fréquente quotidiennement, régulièrement, occasionnellement (ou prochainement) à la librairie ou hors les murs, nous vous en remercions de tout cœur.

    2020 aura aussi été la reconstitution d’un collectif de travail et l’occasion de nouer des alliances, de connaître et se reconnaître avec des auteurs, autrices, illustrateurs, illustratrices, éditeurs, éditrices, représentants, libraires, livreurs, bibliothécaires, enseignants, enseignantes, animateurs et animatrices d’associations… La vie ne s’est pas totalement arrêtée.

    2020 aura aussi vu arriver à Sarrant de jeunes et nouveaux artistes que nous sommes heureux d’avoir rencontrés et avec lesquels nous ne pouvons qu’avoir envie de nous projeter.

    Même si nous allons continuer à faire le dos rond en attendant patiemment que les vagues se retirent, nous sommes debout à regarder notre horizon tout en cherchant les nouvelles voies à emprunter. A n’en pas douter, nous nous rencontrerons et progresserons ensemble sur ces chemins de 2021.

    A bientôt.

(Hélène Bustos, Alix Delacote et Claire Lefeuvre – janvier 2021)

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Professionnels du développement économique, social et culturel, Didier Bardy et Catherine Mitjana créent, en 2000, avec l’ambition de faire vivre un lieu de rencontres autour du livre en milieu rural, l’association LIRES. Ils ouvrent à Sarrant, village gersois de 300 habitants, La Librairie-Tartinerie « qui offre un espace convivial avec ses 20 000 titres et son programme d’animations hebdomadaires. » En tant que librairie généraliste, le lieu répond d’évidence à une demande de proximité grâce à un fonds composé de trois grands pôles : littérature française et étrangère, littérature pour la jeunesse et sciences humaines. Aujourd’hui, l’équipe de La Librairie-Tartinerie est composée d’Hélène Bustos, repreneuse, Alix Delacote et Claire Lefeuvre.

Portées par l’association et par la Médiathèque départementale, les annuelles Estivales de l’illustration sont nées de discussions entre Didier Bardy, Catherine Mitjana et François Place, lors du festival Littératures Métisses d’Angoulême 2013. Cet échange fut « l’occasion de partager un réel sentiment sur la méconnaissance du métier d’illustrateur et du peu de connaissance en notre possession pour lire l’image aussi bien que le texte. » Marie Paquet, directrice de la Médiathèque départementale du Gers, s’associe au projet, apportant sa passion et sa connaissance du milieu du livre pour la jeunesse, son envie de mettre en valeur le travail artistique des illustrateurs et celle de diffuser au plus grand nombre la culture de l’illustration.

Les Estivales de l’illustration, nourries par l’enthousiasme de tous, professionnels et bénévoles rassemblés, ont notamment accueilli, entre 2014 et 2019 : Annabelle Guetatra, Isidro Ferrer, François Place, Kitty Crowther, Blexbolex, Albertine, Grégoire Dubuis, Cécile Gambini, Richard Guérineau, Michaela Kukovicova, Régis Lejonc, Christophe Merlin, Henri Meunier, Iris Miranda, Mélanie Rutten, Benoit Jacques, Thierry Dedieu, Gilles Bachelet, Carole Chaix, Benjamin Chaud, Natali Fortier, Claire Franek,  Delphine Perret, Cyrille Pomès, Cécile Roumiguière, Delphine Perret, Frédérique Bertrand, Audrey Calleja, Olivier Douzou, Carlos Grassa Toro, Anne Laval, Lionel Le Néouanic, Violeta Lopiz, Juanjo Milimbo, le graveur Iris Miranda, le sérigraphe Pierre Gréau, l’enlumineur Fransisco Gutiérrez Garcia, le typographe Steve Seiler.

Au programme des six éditions : des rencontres à la librairie et dans les villages, des expositions, des ateliers, des discussions et des échanges, des masters classes, des dédicaces, des projections, des concerts, des apéros. « Les Estivales de l’illustration sont construites pour être vécues par tous les fous de dessins, les amateurs d’images, les amoureux des livres, les artistes (ou pas), et par tous ceux qui ont envie de nous rejoindre dans cette grande aventure collective – et dans ce grand dess(e)in. »

 Les éditions La Librairie des Territoires (créées par l’association) ont publié, parmi d’autres titres, De la nécessité du livre… et des libraires (2010, épuisé) et Culture, tourisme et territoire : des synergies à construire (2011, disponible).

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Grand merci pour ce partage à la Librairie-Tartinerie et à son équipe.

Pour faire un tour à Sarrant, c’est ici.

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Vivons livres !

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La campagne de soutien à la librairie indépendante Vivons livres ! imaginée par l’école des loisirs, c’est en ce mois de septembre 2020. A votre disposition, dans les librairies, d’une part, un joli livre dans lequel soixante auteurs, autrices, illustrateurs et illustratrices de la maison rendent hommage aux libraires en mots et en dessins et dans lequel on ne s’étonnera pas de trouver notamment des contributions de Claude Ponti, Anne Herbauts, Flore Vesco, Anaïs Vaugelade, Kitty Crowther, Grégoire Solorareff, Jean-François Chabas ou Susie Morgenstern, et, d’autre part, une série de six affiches mettant en scène un malicieux écureuil dessiné par Olivier Tallec.

« Dans la période de grandes difficultés sanitaires et d’incertitudes économiques totalement inédite que nous traversons, répondre aux besoins profonds de culture et de lecture est essentiel. Face aux mutations et aux incertitudes de notre société, notre conviction d’éditeur indépendant, mais aussi de libraire, est que notre rôle est d’aider chacun à mieux comprendre, par la lecture, les enjeux actuels, de contribuer à développer l’esprit critique, mais aussi de montrer le beau car le monde du langage reste le meilleur » (Louis Delas, directeur général de l’école des loisirs).

Voici quatre textes extraits du recueil, avec l’autorisation de leurs auteurs et celle de l’éditeur.

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Cinquante ans de voyages

     Ma maison regorge de livres. J’en fais parfois des tas, par taille, des constructions improbables.

    C’est une foule bienveillante et qui, toujours, m’interpelle. Lorsque j’ai déménagé récemment, du Loiret vers la côte belge, le très aimable transporteur a ri en voyant autant de caisses alignées, incrédule, cinquante ans de voyages entre les lignes. Et pourtant, en ce confinement, ce qui me manque le plus, c’est de ne pas pouvoir entrer dans une (vraie) librairie pour en trouver au moins un autre.

    Mes ami·e·s libraires le savent : en principe, je ne sors jamais sans un livre, car sinon j’ai l’impression d’un acte manqué. Je peux explorer longtemps : il y a forcément un recueil ou un roman qui va m’étonner, me faire un clin d’œil ou provoquer un battement de cœur entre deux pages. J’aime ouvrir un livre, en lire seulement un soupçon de mots, quelques bribes, puis, si ça me plaît, l’emporter comme un secret, puis filer au café pour m’en nourrir tout de suite. Sans librairie, je me sentirais souvent lettre morte. C’est mon addiction.

    Dans chaque ville où j’ai vécu, j’ai aussi trouvé la ou le libraire qui finit par si bien connaître vos chemins qu’il vous y précède et, les yeux pétillants, vous sort d’une pile, en un geste de magicienne ou de prestidigitateur, ce petit rectangle inconnu qui va ensemencer dans l’heure votre imaginaire. Ma maison regorge de livres, mais un autre m’attend, bien caché, flamboyant sur une étagère, ou dans la main qui se tend. Comme il se doit, mon déconfinement commencera en tournant une nouvelle page.

(Carl Norac)

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Libraireté chérie

     Je me demande souvent pourquoi j’achète autant de livres. Deux, trois par semaine. Et parfois plus. Bien plus, en tout cas, que je ne peux en lire.

    Il faudrait peut-être que je vois un psy…

    Mais finalement, ce ne sera pas nécessaire. Le 17 mars dernier, à midi tapant, j’ai la réponse à ma question : si j’ai stocké tous ces livres comme un animal engrange des provisions pour l’hiver, c’était bien sûr pour résister au confinement. Pour tenir jusqu’à la fin (en espérant qu’elle arrive un jour). C’était une question de vie ou de mort, car lorsqu’on souffre, comme moi et pas mal d’autres, d’une addiction sévère aux bouquins et aux librairies, comment survivre à six, huit ou dix semaines de manque ?

    Bien sûr, j’ai une liseuse. Mais ce n’est un pseudo-livre sans âme, ni encre, ni papier, de la glaciale électronique, un substitut tout juste bon à se soulager du poids des livres le temps d’un voyage. Mais qui oserait encore parler de voyage en ces temps où nous nous claquemurons ?

    Pendant des mois et des années, j’ai donc fait des réserves de livres sans savoir pourquoi. Rien de plus, au final, qu’un réflexe animal dicté par la peur du manque et la trouille vertigineuse de n’avoir plus rien à lire. C’est l’instinct qui parlait en moi, l’instinct du lecteur ou, plutôt, du liseur.

     Ce n’est pas tout à fait la même chose.

    Le lecteur est assez plan-plan, il aime son confort, revient à ses auteurs et ne fait confiance qu’à sa librairie chérie. Le liseur est d’une trempe plus aventureuse. Où qu’il se trouve, il explore, butine et papillonne. À l’image des marins, le liseur a une librairie dans chaque ville. Disons qu’il est plusieurs fois fidèle aux nombreuses librairies qu’il a croisées au cours de sa vie et qu’il n’hésitera jamais à pousser la porte d’une belle inconnue pour en humer le parfum et lancer un coup d’œil avide en direction de ses tables et rayonnages chargés de livres.

    Ce que le liseur aime plus que tout, c’est fouiner, fureter, fouiller, farfouiller et s’interroger : qu’est-ce que je vais bien dénicher aujourd’hui ?

    Car tout bon liseur a un devoir à respecter : ne pas ressortir les mains vides.

    Question de la libraire :

– Vous souhaitez un renseignement ?

– Non, non… merci. Je flâne.

    Déjà explorateur, un bon liseur se double d’un flâneur. Voilà qu’une couverture attire son attention. Livre inconnu. Titre inconnu. Auteur inconnu. Et l’impression soudaine que ce livre-là a été écrit pour lui. L’attirance est réciproque : manifestement, ce livre n’attend qu’une chose : que le lecteur s’en saisisse. Après tout, les librairies sont là pour ça, non ?… Pour rencontrer des histoires et les mille façons de les raconter.

    Le liseur s’empare du livre, en caresse la couverture, le retourne, le feuillette… Saisit quelques phrases piochées au hasard… Coup d’œil vers la libraire occupée avec un client.  Attente. Nouveau feuilletage… Ah ! La voilà disponible.

– Celui-là, vous pouvez m’en parler ? Vous l’avez lu ?…

    Sourire complice de la libraire.

– Celui-là ? Voilà quinze jours que je le conseille à mes clients et aucun ne me l’a encore jeté à la figure !

    Mais qui est-il donc, « celui-là » ?

    Mille réponses possibles. Bien entendu, votre « celui-là » ne sera pas le mien.

    En ce qui me concerne, ce pourrait être… Tour d’horizon, Kathleen Jamie, par exemple. Un bouquin au physique plutôt ingrat : couverture verdâtre et titre blanchâtre.

    Mais dès les premières phrases, embarquement garanti : cap sur les Hébrides et quelques îlots atlantiques à peu près inaccessibles, peuplés d’oiseaux de mer et semés d’ermitages abandonnés. Coup de foudre. Voilà le liseur transporté, dans tous les sens du terme, par l’écriture savoureuse d’une auteure écossaise dont il ne connaissait pas même l’existence une seconde plus tôt.

    Sans en être tout à fait sûr, je crois bien avoir débusqué ce livre à Montbard, dans l’une de mes librairies bien-aimées : À fleur de mots.

    Dans une vie antérieure, Véronique, la libraire, travaillait à l’ONF. Je fais partie des dinosaures qui ont fait du latin du collège jusqu’au lycée : vous me pardonnerez d’étaler les maigres restes de ces lointaines études. « Livre » et « librairie » viennent tous deux du latin liber qui signifie tout à la fois l’écorce d’un arbre et le livre. En français, le mot « liber » désigne toujours une partie de l’écorce des arbres qui « a longtemps servi de support à l’écriture », m’apprend le vénérable dictionnaire de l’Académie française.

    Et voilà ! Le tour est joué ! « Ma » libraire est tout naturellement passée des arbres aux livres et du liber à la librairie, suivie en cela par son mari, lui aussi ancien garde forestier qui, à peine à la retraite, s’est aussitôt réinventé une nouvelle vie de libraire.

    À fleur de mots n’est pas ma seule bien-aimée. Loin de là… Il y a aussi cette librairie BD de Dijon, nichée au fond d’un passage introuvable et dont le libraire semble avoir tout lu depuis la création du monde, ou encore la minuscule librairie française de Bucarest, qui résiste vaille que vaille à l’invasion des tours de verre, et puis encore celle de Royan… Et celle de La Chaise-Dieu… Et celle de Dole… Et celle de… et tant d’autres !

    À quoi tient donc l’attirance pour telle ou telle librairie ?

    Comme tous les charmes, celui-ci reste inexplicable. C’est affaire de passion, de liseurs et de libraires. Le résultat d’une alchimie secrète entre un lieu, une façon d’accueillir, un goût de lire, un certain ordre, ou un certain désordre, un agencement de l’espace, une façon de mettre les livres en valeur…

    La fusion reste imprévisible et mystérieuse. L’amour ne se décrète pas.

  Pour ma part, j’ai un faible pour les librairies légèrement « bordéliques », voire un peu plus. Si l’on n’y trouve pas le livre que l’on cherche, on finit toujours par dégotter celui qu’on ne cherchait pas, ce qui est encore mieux ! D’ailleurs, c’est bien simple, je ne cherche aucun livre particulier en entrant dans une librairie.

    Je reçois depuis hier quelques mails de librairies annonçant qu’elles ouvrent un service drive. C’est mieux que rien, mais il y manquera le principal : le plaisir de fouiller et d’explorer.

    Alors vivement la fin (du confinement) !

    Et ce jour-là, c’est promis, même masqués, gantés, et ivres de gel hydroalcoolique, nous autres, lectrices, lecteurs, liserons, liseronnes, liseuses et liseurs, nous retrouverons « nos » librairies.

    Et notre libraireté chérie.

(Xavier-Laurent Petit)

Pousser la porte

     J’avais douze ans. Tous les jours, sur le chemin de l’école, je passais devant une librairie. Et tous les jours, je m’attardais quelques minutes devant la vitrine remplie de livres dont les titres m’intriguaient : Alice et le Fantôme, Le grand combat, Mon bel oranger ou Le premier cercle, et d’autres que j’ai oubliés. Je brûlais de l’envie de pousser la porte et de fouiner parmi tous ces livres, mais je n’avais pas un sou vaillant. Alors, je décidai de grappiller la moindre pièce de monnaie qui me restait des commissions… j’accumulai le plus de pièces que je pus, jusqu’à obtenir une somme rondelette à mes yeux. Maintenant, je pouvais pousser la porte de la librairie.

    La libraire était maigre, âgée et avait un air pincé qui m’intimida. Je me glissai entre les rayons, aussi discrètement que possible, pour passer inaperçu. J’étais le seul  » client « . Je tremblais en saisissant les livres. Tous me tentaient, même ceux auxquels je ne comprenais rien. Tous les livres sentaient bon. Je finis par me décider pour un petit livre mince, le moins cher, un petit poche, Le nègre du Narcisse de Joseph Conrad, et j’allai vers la caisse en serrant les fesses.

    Je tendis le petit livre à la libraire. Elle le prit, le retourna, regarda sur une liste qu’elle avait près d’elle et m’annonça une somme. Je sortis la poignée de pièces de monnaie de ma poche et la déposai sur le banc de caisse. Du bout de l’index, elle sépara les différents centimes, fit le total et me dit :  » Il n’y a pas assez, mon garçon. « Je sentis un grand frisson me traverser. J’avais presque envie de pleurer. La libraire repoussa toutes les pièces de monnaie vers moi et marmonna : « Aujourd’hui, je te fais cadeau du livre. Pour cette fois. »  Et elle eut un tout petit sourire malicieux. Serrant mon bien contre la poitrine, je sortis de la librairie en vitesse, craignant que la libraire ne se ravise.

    Je possède encore ce livre, il est au fond d’un carton.

(Francesco Pittau)

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Libre air

     Je connais L’Oiseau lire depuis sa sortie de l’œuf à Évreux, en 1993.

    L’Oiseau lire m’a prise sous son aile, je lui ai donné à picorer mes images et je lui ai piqué quelques plumes pour écrire mes textes.

    J’y ai exposé au long de toutes ces années les originaux de chaque nouvel album en rencontrant un public curieux, fidèle et enthousiaste.

    À L’Oiseau lire, je trouve un libre air, un air de liberté indispensable à mes poumons, une aire libre où s’épanouissent par centaines des livres à dévorer des yeux et du cœur… Tout un éventail de mondes à rencontrer, à connaître, à déguster.

    Dans les trésors choisis par Annie et Gwen, le livre à offrir qui tombe pile, les surprises et les émotions cachées là, au cœur des pages, et que ces passeurs me font découvrir.

    Les vitrines à thèmes avec les changements de couleurs appréciés : on passe du jaune soyeux au bleu rêve, au blanc banquise…

    L’attention portée aux « beaux livres », ceux qui nous font grandir, respirer plus large, espérer, en poésie, en albums, en bandes dessinées, en romans…

    Les auteurs et les illustrateurs rencontrés, et tout ce travail régulièrement entrepris auprès des scolaires, les prix littéraires. Et ce salon du livre annuel qui me fait jubiler !

     L’Oiseau lire ne peut pas disparaître, ma vie à Évreux serait remise en question : je sais bien que, sans le travail des libraires jeunesse, une bonne partie de mes albums passerait inaperçue.

    Je crois que la mue de 2019 est pleine de promesses, L’Oiseau lire se construit un nouveau nid, je rêve aux couleurs ravivées de ce nouveau plumage et j’attends la réouverture prochaine. Bonjour Célia !

(Martine Bourre)

Le Petit Roi

 

Le Petit Roi, c’est aussi une librairie

    Ouverte il y a tout juste dix ans, la librairie Le Petit Roi est « une île aux trésors », située dans un lieu hors du temps, près d’un des plus vieux magasins de jouets de Paris, Pain d’épices. Le passage Jouffroy abrite aussi l’Hôtel Chopin, à l’aspect romantique à souhait, et le célèbre Musée Grévin.

    L’enseigne affiche le personnage créé par Otto Soglow, The Little King, apparu pour la première fois en 1931 sous forme de cartoon dans The New-Yorker, puis objet d’une série de comics jusqu’à la mort de l’auteur en 1975.

    Gallimard éditera Le Petit roi dans la collection NRF en 1938 et les éditions Pierre Horay en 1983 avec une traduction d’Édouard François et une présentation de Pierre Couperie, grand historien de la bande dessinée disparu en 2009.

    Professeur de mathématiques, bouquiniste sur les quais de la Seine, Christian Journé est un libraire passionné et militant. Ses belles étagères conservent sur trois niveaux une prodigieuse diversité de titres dans des éditions variées : ouvrages pour la jeunesse (en diverses langues), albums, romans, bandes dessinées, illustrés, comics, fanzines, affiches…

    Connaisseurs et collectionneurs, comme curieux et amateurs éclairés, petits et grands, sont accueillis tous les jours de 14 heures à 19 heures.

    Le libraire n’a pas de catalogue en ligne ni de site web. Si vous recherchez un titre ou une édition rare ou pas, voici son adresse électronique : Lepetitroi75009@gmail.com

(texte et photographies : Isabelle Valque-Reddé  – octobre 2019)

. Le Petit Roi, bandes dessinées et livres d’enfants, 39 passage Jouffroy, 75009 Paris.

Voir aussi un article ici et un reportage vidéo .

 

Isabelle Valque Reddé, après hypokhâgne, khâgne et licence de lettres modernes, fait carrière dans l’Éducation nationale dans la Sarthe, l’Aube, les Deux-Sèvres, l’Ille et Vilaine (où elle obtient le CAPES de documentation et contribue à la mise en place du DEUST Métiers du Livre de l’université de Rennes 2 où elle est en poste de 1994 à 1998) ; nommée à l’IUFM de Pau à la rentrée 1998, elle terminera son activité professionnelle à l’ESPE d’Aquitaine où elle sera chargée, en 2010, de la valorisation des collections patrimoniales issues des Écoles normales, notamment par la création de la Bibliothèque Félix Pécaut ; à noter, en 1996, un mémoire de maîtrise Relation et représentation de la lecture publique en Ille et Vilaine dans le journal Ouest-France, sous la direction, à Rennes, d’Isabelle Nières Chevrel, et, en 2004, un mémoire de DEA, Médiation et popularisation des savoirs : la littérature de colportage en France du XVIIe  au XIXe  siècle, sous la direction, à Toulouse, de Viviane Couzinet ; article récent co-écrit avec Jocelyne Liger Martin : « L’herbier, un objet patrimonial scientifique et scolaire » dans Éducation et culture matérielle en France et en Europe du XVIe siècle à nos jours (Honoré Champion, 2018) ; membre de la section locale du CRILJ Pau-Béarn dès sa création en 1999, Isabelle Valque Reddé est administratrice du CRILJ.

 

 

 

Philippe Farge

     Philippe Farge nous a quitté. Il n’avait que 58 ans et a occupé une place de premier plan dans ce que nous nous obstinons à appeler l’animation culturelle en faveur de la lecture.

     Libraire issu des milieux syndicaux, il avait une passion, le livre, et une ambition, s’adresser en priorité à la jeunesse. Il travaillait à Rouen où le livre a historiquement tenu beaucoup de place.

     Son action volontaire et obstinée s’appuyait sur les milieux populaires, en particulier sur ce syndicat de dockers de Rouen dont le passé dans l’action d’éducation populaire remonte au début du siècle. C’est de là qu’est partie l’idée du Festival de Livre de Jeunesse de Rouen dont il a pu voir le vingtième anniversaire en décembre dernier.

    Nous avons eu la joie de participer à ses côtés à de nombreuses activités, hors et à l’intérieur du Festival.

    Autour de lui de nombreuses associations avaient mis en place des structures que les écoles et les municipalités avaient, avec les comités d’entreprise et les bibliothèques, poursuivies et amplifiées d’année en année.

    Alors que, sous le poids des contraintes économiques, beaucoup de nos initiarives locales avaient du s’effacer où se transformer en manifestations très largement commerciales, le Festival de Rouen, sous l’impulsion de Philippe et de ses collaborateurs restait centré sur le mouvement culturel associatif et fidèle à ses origines.

    L’édition ne s’y trompait pas, ai moins pour la partie du paysage éditorial qui fait du livre une valeur culturelle et du livre pour la jeunesse une composante du paysage éducatif.

    Les auteurs et illustrateurs répondaient toujours avec empressement aux appels de Philipppe, la plupart étaient devenus ses amis et ne manquaient jamais de le dire.

    Philippe n’est plus mais, grâce à son action, le Fetival de Rouen a vingt ans et va continuer une œuvre qui s’inscrit en droite ligne dans les batailles menées depuis un demi-siècle pour faire du livre de jeunesse autre chose qu’une marchandise, qu’un gadget culturel.

     A sa famille, à ses amis, nous ne pouvons que dire notre peine. Il avait encore tant à nous apporter, à apporter à la littérature de jeunesse.

 ( texte paru dans le n° 76 – mars 2003 – du bulletin du CRILJ )

  renaissance 

Philippe Farge entre dans la vie militante à dix-sept ans et accepte très vite des responsabilités dans le domaine des activités culturelles rouannaises. Il crée, au début des années quatre-vingt, la Librairie Renaissance désormais en plein coeur de Rouen mais à l’incontestable rayonnement régionale. Ouvert, pluraliste, ce qui le fit entrer parfois en conflit avec certaines étroitesses des responsables du réseau Messidor, il crée en 1983, avec son complice et ami Jean-Maurice Robert, secrétaire de l’union locale CGT, le Festival du Livre de Jeunesse pour lequel il sut rassembler les énergies militantes de la région et obtenir la reconnaissance et le concours de toutes les institutions concernées. « De partout on salue l’homme de terrain, l’artisan têtu et effacé. Mais Philippe Farge était rien moins qu’un inconnu en région rouennaise, dont il était devenu une figure de premier plan de la vie culturelle. Dans les bibliothèques, les écoles, les comités d’entreprise, tous les lieux où l’on s’efforce de construire de nouveaux rapports à la lecture, avec en ligne de mire la visée démocratique traquant l’exclusion aux multiples masques. L’itinéraire de Philippe n’a jamais dérivé vers d’autres balises. Ni pour le Festival, ni pour ses tâches diverses, au Centre national du livre, à l’Association des libraires jeunesse. » (Bernard Epin)