Philippe Farge

     Philippe Farge nous a quitté. Il n’avait que 58 ans et a occupé une place de premier plan dans ce que nous nous obstinons à appeler l’animation culturelle en faveur de la lecture.

     Libraire issu des milieux syndicaux, il avait une passion, le livre, et une ambition, s’adresser en priorité à la jeunesse. Il travaillait à Rouen où le livre a historiquement tenu beaucoup de place.

     Son action volontaire et obstinée s’appuyait sur les milieux populaires, en particulier sur ce syndicat de dockers de Rouen dont le passé dans l’action d’éducation populaire remonte au début du siècle. C’est de là qu’est partie l’idée du Festival de Livre de Jeunesse de Rouen dont il a pu voir le vingtième anniversaire en décembre dernier.

    Nous avons eu la joie de participer à ses côtés à de nombreuses activités, hors et à l’intérieur du Festival.

    Autour de lui de nombreuses associations avaient mis en place des structures que les écoles et les municipalités avaient, avec les comités d’entreprise et les bibliothèques, poursuivies et amplifiées d’année en année.

    Alors que, sous le poids des contraintes économiques, beaucoup de nos initiarives locales avaient du s’effacer où se transformer en manifestations très largement commerciales, le Festival de Rouen, sous l’impulsion de Philippe et de ses collaborateurs restait centré sur le mouvement culturel associatif et fidèle à ses origines.

    L’édition ne s’y trompait pas, ai moins pour la partie du paysage éditorial qui fait du livre une valeur culturelle et du livre pour la jeunesse une composante du paysage éducatif.

    Les auteurs et illustrateurs répondaient toujours avec empressement aux appels de Philipppe, la plupart étaient devenus ses amis et ne manquaient jamais de le dire.

    Philippe n’est plus mais, grâce à son action, le Fetival de Rouen a vingt ans et va continuer une œuvre qui s’inscrit en droite ligne dans les batailles menées depuis un demi-siècle pour faire du livre de jeunesse autre chose qu’une marchandise, qu’un gadget culturel.

     A sa famille, à ses amis, nous ne pouvons que dire notre peine. Il avait encore tant à nous apporter, à apporter à la littérature de jeunesse.

 ( texte paru dans le n° 76 – mars 2003 – du bulletin du CRILJ )

  renaissance 

Philippe Farge entre dans la vie militante à dix-sept ans et accepte très vite des responsabilités dans le domaine des activités culturelles rouannaises. Il crée, au début des années quatre-vingt, la Librairie Renaissance désormais en plein coeur de Rouen mais à l’incontestable rayonnement régionale. Ouvert, pluraliste, ce qui le fit entrer parfois en conflit avec certaines étroitesses des responsables du réseau Messidor, il crée en 1983, avec son complice et ami Jean-Maurice Robert, secrétaire de l’union locale CGT, le Festival du Livre de Jeunesse pour lequel il sut rassembler les énergies militantes de la région et obtenir la reconnaissance et le concours de toutes les institutions concernées. « De partout on salue l’homme de terrain, l’artisan têtu et effacé. Mais Philippe Farge était rien moins qu’un inconnu en région rouennaise, dont il était devenu une figure de premier plan de la vie culturelle. Dans les bibliothèques, les écoles, les comités d’entreprise, tous les lieux où l’on s’efforce de construire de nouveaux rapports à la lecture, avec en ligne de mire la visée démocratique traquant l’exclusion aux multiples masques. L’itinéraire de Philippe n’a jamais dérivé vers d’autres balises. Ni pour le Festival, ni pour ses tâches diverses, au Centre national du livre, à l’Association des libraires jeunesse. » (Bernard Epin)