Frissons d’amour et d’amitié à tous les âges

par Bernard Pédeboscq

     A quoi servent les livres pour enfants ? La littérature de jeunesse permet de se confronter aux valeurs importantes de la vie, d’être sensibilisé aux problèmes de société, de s’éveiller aux sentiments les plus nobles… Au-delà du divertissement il s’agit d’éduquer la sensibilité, d’aider une personnalité à se construire. Dans les mythologies inventées par les hommes, dans les récits homériques avec les héros de la guerre de Troie, l’expression, la description, les possibles dérives de ces deux sentiments sont exploités allant parfois jusqu’au paroxysme de la passion. De tous temps ces thèmes alimentent la littérature générale (Tristan et Yseult, Roméo et Juliette, le théâtre classique, le romantisme, Cyrano de Bergerac), donnant des inflexions diverses, explorant des méandres nouveaux. On les retrouve aussi dans les chants traditionnels, les contes où l’amour a souvent une issue heureuse, les comptines, les rondes enfantines. C’est parce que ce sont des thèmes fondamentaux de la vie qu’ils intéressent aussi bien les adultes que les adolescents ou les enfants en formation. Rien d’étonnant donc à ce que les albums, les romans, les poèmes, les BD, les images qui abordent le thème de l’amitié et de l’amour soient aussi nombreux dans la littérature de jeunesse.

     Loin de nous ces romans à l’eau de rose, ces produits de quai de gare qui exploitent les incrédules et figent dans des stéréotypes et des histoires banales, complaisantes et mièvres ces sentiments qui méritent mieux. Non, il s’agit avec délicatesse de montrer l’attachement amical, le coup de foudre, la rencontre, le sentiment amoureux, l’évolution complexe et ambivalente de l’inclinaison, en incluant bien sûr la fin de l’amitié ou de l’amour, la rupture, l’amour non partagé ou contrarié… sachant qu’il n’y a pas qu’une réponse aux grandes questions de la vie comme il n’y a pas qu’une seule façon de penser. A chacun de chercher, de se construire, d’inventer sa réponse en explorant l’amitié, les relations complexes, l’amour des amoureux, la passion rencontrés au cours de ses lectures.

     Car, qu’est ce que l’amitié ? Qu’est-ce qu’aimer ? Quelle différence y a-t-il entre un ami et un copain ? Cent réponses à ces questions sont possibles. Le rapprochement amical n’est jamais sans difficultés à partir d’une rencontre avec les différences liées à la culture, la religion, la couleur de peau ou le statut social. Des auteurs transposent habilement ces relations entre l’enfant et l’animal comme dans Crin blanc ou L’œil du loup. C’est une histoire qui se construit dans l’épreuve en vivant des choses fortes. Les ouvrages que nous préconisons ne se contentent pas de raconter une simple histoire d’amour en vase clos. En abordant d’autres thèmes, ils sont le prétexte à apprendre aux enfants et adolescents les valeurs importantes de la vie, comme la tolérance, l’entraide, le respect, l’écoute, la vie à deux… Ils ouvrent la porte à leurs émotions. C’est bon que les amis, les amies, les amoureux, les amoureuses trouvent leur place dans la littérature de jeunesse. Elle donne les clés d’accès à la maturité, à l’âge adulte. Pour les ados, une identification convaincante voit enfin leur tourment intérieur reconnu et pris en compte. A côté d’amours déjà expérimentés, en famille, entre copains, il est bon de découvrir au-delà des mystères nouveaux. Et comme le dit le Renard au Petit Prince de Saint-Exupéry.

     « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux »

Fondateur en 1999 de la section régionale Pau-Béarn du CRILJ dont il est toujours président, Bernard Pédeboscq aura beaucoup fait pour le livre de jeunesse : comme enseignant avec ses élèves, comme critique avec Raoul Dubois et pour Bateau Livre et Oiseau Livre, comme formateur avec l’inspecteur général Luc et avec les Francas, pour le Prix Jean Macé organisé par la Ligue de l’enseignement. Conférencier et débatteur infatigable, longtemps adjoint à la marie du Pau, Bernard Pédebossq créa, en 1983, le Salon Pau fête le livre. Merci à lui pour nous avoir confié ce texte écrit à l’occasion de la treizième édition de Frissons à  Bordères des 20 et 21 octobre 2012.