Lire le théâtre en famille

 

Compte-rendu un peu ancien, mais les initiatives de l’association Les Scènes appartagées vont pouvoir reprendre.

   « Le théâtre, ça se lit à voix haute, avec d’autres, et devant tout le monde « , conclut Philippe Dorin au terme d’une manifestation unique en son genre : une lecture en famille. Les Rispail, qui nous reçoivent dans cette coquette maison de brique rouge participent à une opération orchestrée par Les Scènes appartagées. Cette  association propose à des familles de lire du théâtre sous la direction d’un auteur devant amis et connaissances invités chez eux pour l’occasion.

  Trois répétitions ont suffi à Philippe Dorin pour mettre au point une demi-heure de lecture : deux courtes visites, puis une dernière séance juste avant la représentation. Entre temps, les membres de la famille ont travaillé le texte ensemble. L’auteur leur a proposé un montage d’extraits tirés de  Sacré Silence, Ils se marièrent et eurent beaucoup, Dans ma maison de papier  j’ai des poèmes sur le feu. Une quarantaine de personnes de tout âge a assisté à cette rencontre conviviale et a pu apprécier cette poésie rieuse avec une langue riche en jeux de mots et clins d’œil, défendue ici avec justesse par la grand-mère, le père, la mère et les trois enfants dont le plus petit, encore en C.P. Plaisir partagé entre lecteurs et public quand le grand frère et la jeune sœur se donnent la réplique : « L’amour c’est pas compliqué. Soit t’es un garçon, soit t’es une fille. Si t’es un garçon, pas de problème. Si t’es une fille, c’est un peu plus difficile. » (rires)

   On a pu ensuite échanger avec l’auteur et les lecteurs, autour d’un verre, en dégustant des pâtisseries apportées par les invités. On mesure alors que la littérature théâtrale est à la portée de tous et se laisse facilement appréhender, à condition d’y avoir accès. Peu de librairies ou de bibliothèques disposent d’un rayon théâtre, dans les grandes villes comme dans les petits bourgs.

    Apporter la littérature dramatique dans les endroits reculés, tel est le pari des Scènes appartagées qui irrigue l’Hexagone de pièces contemporaines : de Marseille à Paris en passant par Cavaillon ou Saran. Une vingtaine d’auteur(e)s participe à l’opération, à commencer par Luc Tartar, initiateur avec Sandrine Grataloup de ce projet qui, depuis sa création, en 2013, au Festival Petits et Grands de Nantes, a pris de l’ampleur pour essaimer jusqu’en Suisse, à l’Île de la Réunion ou encore en Pologne, Norvège et Guinée-Conacry. Il vient de recevoir le Grand Prix de l’Innovation Lecture.

    L’association s’appuie sur des théâtres partenaires. A eux de solliciter les familles et de faire le lien avec les artistes. Le Centre André Malraux, Scène de territoires d’Hazebrouck s’intéresse aux écritures contemporaines et, avec une programmation tout public, s’inscrit assez naturellement dans ce dispositif.  Pour la seizième édition de son festival  Le P’tit monde, il a sollicité Philippe Dorin et l’Anglais Mike Kenny : chacun est intervenu dans deux familles. L’un comme l’autre avouent avoir pris plaisir à cet exercice inédit : « Un rapport direct s’instaure entre notre écriture et ses lecteurs mais, curieusement, j’ai senti les enfants plus à l’aise que leurs parents », confie Mike Kenny dont Le Jardinier été créé lors de ce festival, mise en scène par Agnès Renaud.

    Philippe Dorin, lui, souligne l’appétit des familles pour ce genre de rencontres et a envie de poursuivre l’expérience.

par Mireille Davidovici  (Théâtre du blog, 2019)

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Mireille Davidovici travaille plusieurs années dans l’édition en qualité de traductrice et de directrice littéraire. Elle collabore à Marie-Claire, Politique Hebdo, L’Express, Théâtre Public, puis elle s’oriente vers la scène comme dramaturge, collaborant avec Gilberte Tsaï, Jean Benguigui et les Fédérés. Parmi ses adaptations, On achève bien les chevaux, d’après Horace Mac Coy. Sa pièce La moitié du Ciel traite de l’intégrisme catholique au IVième siècle. Auteure de poésie et de chansons, Mireille Davidovici a dirigé pendant quinze ans l’ANETH, association se consacrant aux nouvelles écritures théâtrales. Elle a publié, en 2006, chez Emile Lansman, Des auteurs en résidence, à lire et à jouer. Elle écrit régulièrement sur le site Théâtre du blog. C’est ici.

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Merci à Mireille Davidovici pour ce partage.

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BONUS

Le Théâtre de la Tête Noire à Saran a invité un auteur cinéaste à suivre le projet Lire et dire le théâtre en famille(s). Thierry Thibaudeau, réalisateur, s’est emparé de cette proposition, afin de créer un objet unique, sensible et singulier. Cette œuvre cinématographique permet la visibilité de ce projet “intimiste”, de garder une trace de l’éphémère et créer un lien entre les familles participantes en les inscrivant dans une dynamique commune. Le film est ici.

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