par Christiane Abbadie-Clerc
La sagesse orientale, mais aussi l’humour bouddhiste ou taoïste, l’amour de l’art et de la nature, la transmission rituelle de la connaissance entre le maître et le disciple, et le dépaysement d’une culture très visuelle, fascinent les auteurs et illustrateurs pour la jeunesse. L’arrivée des artistes et auteurs asiatiques sur l’espace européen et hexagonal grâce aux co-éditions mises en œuvre dans le cadre international dela Foirede Bologne, a fortement contribué à renouveler l’inspiration et les codes esthétiques des créateurs occidentaux.
L’idée du conte initiatique se transmet, tel un signe calligraphique, très simplement dans une image, un poème graphique, des personnages simples aux caractères forts. Et la référence à l’Asie traditionnelle est en quelque sorte un prétexte pour aborder des thèmes universels : l’art et la nature, la violence et la liberté, la sagesse intérieure face à la tyrannie des puissants, comme en témoigne la démarche d’Yves Heurté et de Claire Forgeot dans Le Livre de la Lézarde, mais aussi, (pour reprendre un classique ancien): Marguerite Yourcenar et Georges Lemoine dans Comment Wang Fô fut sauvé ou encore Claude et Frédéric Clément à travers Le peintre et les cygnes sauvages : la contemplation de la beauté naturelle, est aussi une réponse aux agressions extérieures.
Paradoxalement ce sont les auteurs orientaux qui ont la volonté de sortir des cadres traditionnels, à la recherche d’une modernité qui tient aussi à l’influence des Mangas.
Les albums japonais pour les tout-petits sont des imagiers parfaits, dans leur dépouillement, l’art très « zen » de mettre en valeur les objets et les éléments de l’environnement à travers les formes et couleurs très stylisées.
La Chine, le Vietnam,la Corée, les montagnes du Tibet et l’Inde offrent un répertoire inépuisable de contes éducatifs animaliers, de génies et de dragons dont le « Livre de la jungle » (une référence à ne pas oublier) condense la saveur originelle. La modernité intervient dans les messages contemporains de solidarité et d’humanité.
L’écriture dans l’image, la pensée de la nature qui rejoignent l’art et la poésie, la pédagogie par l’humour, la simplicité et la stylisation du dessins et des textes épurés mais aussi la magie du rêve sont les apports essentiels de cette « littérature en couleurs » de l’Asie, un continent à découvrir dans son actualité complexe, à travers les échanges d’une grande richesse entre les créateurs. Une façon de prendre du recul face à notre culture européenne quelque peu figée dans ses certitudes.
Les coups de cœur présentés ne prétendent pas épuiser une thématique aussi riche ou délivrer un message autre que celui de l’intelligence du cœur pour rassembler autour de ces titres toutes les générations de lecteurs. Des médiations très différentes et complémentaires croisent les points de vue de « médiathécaires », enseignants, libraires ou conteurs, à l’œuvre dans l’équipe du CRILJ Pau-Béarn.
( écrit pour le salon Frissons d’Asie à Borderes – 16/17 octobre 2010 )
Christiane Abbadie-Clerc travailla à la Bibliothèque Publique d’Information du Centre Georges Pompidou dès les années de préfiguration. Elle y créa et y anima la Bibliothèque des Enfants puis la salle d’Actualité Jeunesse et l’Observatoire Hypermedias. A noter l’ouvrage Mythes, traduction et création. La littérature de jeunesse en Europe (Bibliothèque publique d’information/Centre Georges Pompidou 1997), actes d’un colloque qu’elle organisa en hommage à Marc Soriano. Ayant dirigé, de 1999 à 2004, la Bibliothèque Intercommunale Pau-Pyrénées, elle est actuellement chargée de mission pour le Patrimoine Pyrénéen à la DRAC Aquitaine et s’investit à divers titres, notamment en matière de formation (accueil, accessibilité, animation), sur la question des handicaps. Elle est, depuis fort longtemps, administratrice du CRILJ.