Lire la science

 

 

  

 

     Il était question de livres pour enfants, ce troisième week-end de janvier, au Centre Georges Pompidou, de livres scientifiques. C’est en effet les 17 et 18 janvier 1981 que s’est tenu le colloque organisé par le CRILJ sur le thème Où se situe en 1981 la demande des enfants en matière de livres scientifiques ?

      Cette demande, les enfants eux-mêmes l’ont formulée. Plus de cent-cinquante personnes – chercheurs, éditeurs, libraires, auteurs, critiques, bibliothécaires – ont, pendant deux jours, abordé la question du livre scientifique. Et, le samedi, quarante enfants, venus de toute la France, ont pris part au débat, à égalité avec les adultes.

      Je n’ai sans doute pas été la seule à remarquer la pertinence et le sérieux de leurs réflexions. Beaucoup de spontanéité, de bon sens, chez ces enfants d’aujourd’hui, attentifs et éveillés.

      La science fait partie de leur vie. Ils expliquent devant la salle médusée comment, pour aborder l’histoire, il faut savoir utiliser les autres sciences. Et, en filigrane, dans les interventions de ces jeunes, la revendication d’être considérés comme des lecteurs à part entière, avec tout le respect qui leur ait dû de la part des auteurs, éditeurs et adultes auprès desquels ils formulent leurs demandes.

      Les chercheurs scientifiques consentent-ils assez à écrire pour les enfants ? A mettre à leur portée, en termes simples, des recherches souvent longues et complexes ?

      Les auteurs ont expliqué comment leurs projets sont parfois trahis par les contraintes de l’édition : pagination, nature et place des illustrations, format, etc.

      Les éditeurs, quant à eux, se retranchent derrière les contingences économiques et le refus que manifestent les adultes de donner aux enfants des livres de sciences dont ils ne maîtrisent pas eux-mêmes le contenu, refus de devoir mettre ainsi en évidence leur « savoir en négatif ».

      N’est-ce pas aller trop vite en besogne et escamoter la responsabilité des éditeurs dans les co-éditions, « rewriting » et autres traductions qui rendent médiocres ou, plus grave, érronés beaucoup de livres pour enfants ?

      De plus, traiter le problème de ce type de livres en fonction du nombre d’exemplaires vendus par domaine – histoire, animaux, sciences exactes – et non de la demande réelle fausse, d’entrée de jeu, le débat. Surtout quand on sait combien il y a d’embûches sur le chemin qui mène l’enfant au livre.

      De fait, les médiateurs, eux, se trouvent placés en position difficile. Perents, enseignants, bilbiothécaires, libraires évoquent l’insuffisance des crédits, du personnel, le manque de formation, le manque de temps, l’éloignement par rapport aux grands centres. Ils regrettent aussi la carence grave des médias français dans la promotion du livre pour les jeunes. Ils constatent, chez les enfants, une mutation de l’accès au savoir, livresque encore mais de plus en plus en prise directe avec l’objet, le vécu au travers de la télévison ou du musée.

      Si leur demande reste en grande partie scolaire, elle tient aussi à leur curiosité naturelle, à leur ouverture sur le monde comtemporain. Et là, force est de constater que, pour diverses raisons socio-économiques, l’accès au savoir restait encore difficile pour beaucoup d’entre eux.

      Madame Gratiot-Alphandéry concluait d’ailleurs la rencontre sur la réalité alarmante de la « sous-alimentation intellectuelle » des jeunes dans notre société.

      Poser en terme de sous-alimentation le problème du non-accès à la culture – au sens large – séduit. Cela souligne combien aujourd’hui, dans un foisonnement d’idées, d »informations, de techniques, faire de nos enfants des hommes au sens plein du terme, c’est leur donner à tous dès le plus jeune âge le sens critique et les moyens de connaître et de s’approprier le monde. Cette réflexionstimule les esprits et le chemin à parcourir reste grand.

      Temps de la réflexion, de l’échange, ce colloque aura permis à des gens d’horizon et de formation divers de se rencontrer et de confronter leurs points de vue.

      Signalons un léger handicap créé dans ce débat : sciences humaines, sciences exactes, techniques étaient abordées ensemble, dans le même temps, et chacun s’est accordé à penser que des discussions séparées seraient nécessaires pour plus de clarté. Cela constituera un projet pour l’avenir.

      Livres scientifiques pour enfants ? Des ébauches de réponses ont été données. La parole est maitenant à tous les passionnés de scinces et de livre. Et pas seulement de livres pour enfants …

( article  paru dans le n° 14 – 15 février 1981 – du bulletin du CRILJ )

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Après des études de Lettres, le CAFB et l’Ecole du Louvre, Maryvonne Zanaglia devient professeur-documentaliste, d’abord en collège puis en lycée, dans la région parisienne. Elle participe très tôt aux activités du CRILJ et, depuis le début des années 80 et jusqu’à aujourd’hui, apporte une contribution régulière au « Cahier des Livres » de Inter-Cdi, revue des centres de documentation et d’information de l’enseignement secondaire public, privé et agricole en France. En poste actuellement dans un collège de Bretagne, elle quittera dans quelque mois, un métier qui, dit-elle volontiers, lui a procuré de grandes satisfactions. Maryvonne Zanaglia fut, sa carrière durant, très active dans les domaines de la promotion de la lecture et de la défense de la profession de documentaliste, notamment au sein de la FADBEN (Fédération des enseignants documentalistes de l’Education nationale).