Rencontre avec Géraldine Alibeu

 

 

    Le 21 octobre 2010, à Muret, dans le cadre de la manifestation régionale Chemin Faisantet dans la salle Agora Peyramont prêtée par la municipalité, le CRILJ Midi Pyrénées a reçu Géraldine Alibeu.

    Après un historique rapide de l’association, de sa création en 1963 à Paris à son déménagement en 2009 à Orléans, après une présentation de ses objectifs tant au plan national que régionale, la soirée se poursuit par la projection d’un petit film d’animation, auto-interview réalisée par Géraldine Alibeu en septembre 2009.

    C’est Martine Tatger, libraire à Cazères, qui anime la rencontre.

Votre entrée en littérature, en plaisir de lire, s’est-elle faite par le texte ou par l’image ?

    Vraiment par le dessin. J’étais mauvaise lectrice. J’ai décidé de faire l’Ecole des Arts Décoratifs à Strasbourg. On y expérimente beaucoup les deux premières années. Et je me suis rendu compte que ce que j’aimais, correspondait à l’illustration. La peinture à l’huile et le dessin, c’est ma technique principale. A cause de Suzanne Janssen. Je l’ai copiée ! Le livre et les choses concrètes du métier me restaient peu connus Le côté narratif m’intéressait. A l’école, je me suis mise à lire, à m’intéresser aux livres. Mon premier livre est La Mariguita. Etre illustratrice est très confortable. On réagit à quelque chose qui existe déjà. On peut aussi lire mes albums sans le texte.

Vous avez écrit trois albums. Mais comment faites-vous le choix d’illustrer le texte d’un auteur ?

    Pour Quelle est ma couleur ? c’est un illustrateur qui m’a proposée car il n’avait pas envie lui de l’illustrer. Il y avait peu de contraintes, juste un petit garçon et tout le reste était dans l’imaginaire. Ça met en valeur notre travail quand on nous fait confiance pour raconter quelque chose. On peut aussi feuilleter un album sans le lire.

Comment avez-vous reçu le texte de On n’aime pas les chats ? Il est très fort ! C’est comme un engagement ?

    Quand j’accepte un texte, c’est d’abord parce qu’il est bien écrit. Surtout que, dans ce cas, c’est un sujet un peu casse-gueule. L’éditrice m’avait laissé du temps, ce qui me convenait bien. Le sujet homme-animal me plaisait. C’est typiquement un travail d’illustrateur de trouver une forme pour les personnages. Cela s’apprend à l’école. Le dessin est parfois comme une forme d’hypnose, on dessine, on dessine et, peu à peu, quelque chose apparaît. On n’aime pas les chats est un livre où il fallait créer de l’action. L’image de tous dans l’avion a été faite avant la mode des charters.

Vous avez choisi de greffer votre histoire dans l’histoire ?

    Chacun peut y voir des choses bizarres, mais on ne peut pas dire les nationalités ni les âges. J’ai mis des petits clins d’œil…

Cet album là, vous l’avez pris avec ce titre ?

    Oui. J’ai décidé pour les oiseaux, mais pas pour les chats.

Le chat est un personnage qui vous touche, que vous placez souvent dans vos histoires… Quand vous illustrez un album, vous vous adressez à un public jeunesse ?

    Au début, je n’y connaissais rien. Je côtoie peu les enfants. Maintenant davantage car je vais dans les classes. Les héros de mes histoires sont rarement des enfants. Quand je dessine ou quand j’écris, je pense à quelqu’un en particulier, un peu comme quand on écrit une lettre. J’ai mis ma technique en place sur La Mariguita. L’idée est née d’un livre que j’étais en train de lire, de Richard Brautigan, La vengeance de la pelouse. Je vous en en lit un passage… J’ai commencé à dessiner puis m’est venue l’idée de ces deux personnages. Il y a, avec ce livre, des choses qui m’interpellent. Construire, coudre, les histoires d’amour, j’aime bien.

Tout à l’heure, vous avez dit : J’ai mis au point ma technique avec La Mariguita…

    Oui, je travaille en papiers découpés et je peins à l’huile. Je copie Susan Janssen ! Je pose les papiers coupés et quand ça va, j’appelle ma secrétaire pour coller ! Non, ce n’est pas vrai ! En fait, je mets beaucoup de temps pour le premier dessin et les autres viennent en fonction.

Comment mettez-vous en place ?

    Il y a une ou deux étapes de crayonnage, mais c’est juste pour savoir. Jz vous montre, en projection, des crayonnés de Jardins suspendus. Le premirt dessin est important, et quand je trouve que l’expression est bonne, j’arrête là.

Etes-vous en contact avec les auteurs des albums ?

    Je ne cherche pas trop à parler avec les auteurs, cela pourrait faire naître des idées faisant interférence avec les miennes. Sauf pour Les trois fileuses car l’éditrice a souhaité qu’on parle ensemble, l’auteur et moi. On a explicité le sens de certains termes. J’aime beaucoup cet auteur, Corinne Bille, qui a écrit La balade en traîneau, mais je ne l’ai jamais rencontrée. Les saisonniers est une livre qui existait déjà aux USA, écrit par une vieille dame, Eve Bunting.

Dans Le Petit Chaperon Rouge a des soucis, les arbres sont rouges. Pourquoi ?

    L’illustration est en sérigraphie. Avec le guide des couleurs, j’ai trouvé que ça allait bien avec l’hiver.

Comment vous est venue l’idée de L’un d’entre eux ?

    Ça faisait un moment que ce livre était dans ma tête. J’avais envie d’un livre avec des personnages sans relations particulières, envie de dessiner certaines scènes. Par exemple, à la piscine, il y a plein de gens, on ne sait pas qui connaît qui, on s’aborde parfois… J’ai alors l’idée d’un livre sur la piscine. Je commence à écrire plein de phrases qui concernent ces personnages, sans beaucoup de contraintes. Il y a une espèce de manif, des personnages un peu monomaniaques comme la dame qui a une épine dans le pied. Je cherche à faire des dessins qui donnent raison à l’histoire.

J’ai l’impression que vous avez dessiné avec une caméra…

    C’est plus facile de dessiner des personnages en maillot de bain, leur corps, leurs expressions. Aujiourd’hui, j’ai envie de dessiner mes livres avec des images qui parlent de moi. Quand je fais un livre toute seule, je prends beaucoup de temps. C’est un luxe, et j’adore ! Je suis bien dedans. La plage, je l’ai dessinée en hiver. Y a un truc physique du dessin, ça évoque les vacances ! Et je n’en prends pas souvent.

Et les chevaliers dans les dunes ?

    En fait, vous avez l’explication dans la scène du café. Cela vient d’une expérience précise. J’ai fait une résidence d’auteur en Auvergne et dans les villages alentour avaient lieu des fêtes médiévales. En fin de journée, les acteurs, à demi déguisés, déambulaient. Et graphiquement, le chevalier est un personnage qui me plaît bien.

Avez-vous d’autres projets ?

    J’ai envie de reprendre ces personnages de chevaliers, d’élaborer une histoire entre un chevalier et une femme esquimaude. J’ai un projet de livre en couture. On m’a offert une machine à coudre et ça me plaît bien. Une galerie m’a proposé de faire une exposition.

     Les questions étant épuisées, Géraldine nous lit des poèmes de Richard Brautigan en nous montrant les illustrations qu’ils lui ont inspirées. Elle a, dot-elle, un ou deux livres en projet avec ces personnages-là. La soirée se termine, entre bavardages et dédicaces, jusqu’à épuisement de l’illustratrice.

( compte rendu de Martine Cortès – jeudi 21 octobre 2010 )

 

Institutrice à la retraite, passionnée de littérature depuis toujours et de littérature de jeunesse en particulier, à titre professionnel et à titre personnel, Martine Cortes est secrétaire de la section régionale du CRILJ Midi-Pyrénées depuis 2009. A ce titre, elle ne manque jamais, quand elle n’est pas partie embrasser sa famille en Sologne, d’assurer le compte-rendu des rencontres organisées par le CRILJ Midi Pyrénées et ses partenaires. Merci à elle pour nous avoir confié ce texte.