Tout a changé, tout change, y compris le voyage

 

    La maison de famille où cousins, cousines se retrouvaient pendant un long temps de vacances, est transformée en lots. L’indivision, au bout de trois générations, n’est plus supportable et fait des ravages dans les résidences devenues secondaires.

    Les voyages, réservés à l’élite au 19e siècle, se sont démocratisés grâce aux congés payés en 1936 et aux charters en 1970. Puis les documentaires, puis les reportages photos, puis la télévision, puis internet, non seulement démystifient totalement les voyages et leurs destinations mais encore les dépeignent comme des paradis et, ce faisant, gomment la peur de partir.

    Alors est apparu le tourisme de masse : une industrie qui tue son propre objet. Prenez une plage idyllique, n’importe où, dans l’archipel du Kiribati par exemple, mettez y un complexe hôtelier, un aéroport de taille, pour remplir les hôtels, transformez les indigènes en larbins et le tour est joué : c’est l’enfer. Tout le monde ou presque, je parle d’avant la crise, peut « faire » un pays, jusqu’au vieilles veuves qui se lancent sur les routes, et des retraités qui alimentent confortablement les voyages organisés

    Mais la grande nouveauté, la belle nouveauté et malgré tout il y en a une, c’est que maintenant, la peur de partir gommée par les médias, les enfants, du berceau jusqu’à l’âge du chômage, partent loin avec leurs parents et/ou leur grands parents. Avec les grands parents ce sont des voyages de découverte qui peuvent être lointains mais qui sont courts. Avec les parents cela va jusqu’au changement de vie pendant une ou plusieurs années sabbatiques le plus souvent en camping car ou en bateau.

    Les enfants n’ont pas de préjugés.Ils n’ont pas encore appris les différences de classe, le racisme et ils aiment les autres enfants comme une autre image d’eux même. Il n’y a pas de meilleur alibi que les enfants pour communiquer ce qui est le but même du vrai voyage. Il n’y a pas de meilleur outil que le voyage pour la communication familiale, car on s’observe à la loupe. les parents s’aperçoivent de leur propre fragilité les enfants se responsabilisent très vite.

    A voyager en famille les enfants apprennent par eux même à distinguer l’essentiel de l’accessoire et à s’adapter à tout. Le conformisme, l’engrenage des « marques » disparaissent. Ils désapprennent la télévision et goûtent la lecture dans les temps morts de la pérégrination.

    Les guides « voyager avec vos enfants » sont apparus ainsi que les guides destinés aux enfants ce qui prouve que la tendance est là.

    Voyager avec sa famille c’est être à l’école de la vie, en travaux pratiques permanentsn et point n’est besoin d’aller au bout de la terre, on peut découvrir la France par région, à pied ou à dos d’âne, donc le voyage n’est pas mort df vive le voyage !

    Enfants, poussez vos parents à l’aventure !

(novembre 2011)

 

Au terme de dix années de voyages sur tous les continents, Catherine Domain, petite-fille d’un grand-père navigateur au long cours et d’un autre libraire en Périgord, ouvre en 1971 la première librairie au monde spécialisée dans les voyages. Désormais installée au 26 rue Saint Louis en l’Île à Paris, la Librairie Ulysse – dont la marraine est Ella Maillard et le parrain Hugo Pratt – propose plus de 20 000 livres neufs et anciens, des revues et des cartes sur tous les pays et pour tous les voyages. Catherine Domain est membre du Club des explorateurs et du Club international des grands voyageurs. Elle a fondé le Cargo Club pour les passionnés de mer ainsi que le Club Ulysse des petites îles du monde. En 2007, elle fonde le Prix Pierre Loti qui récompense un récit de voyage paru dans l’année, Attention : pour rencontrer Catherine Domain entre juin et septembre, il faudra aller jusqu’à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) où, dans un ancien casino de style mauresque, elle tient librairie d’été. Merci à elle pour nous avoir confié ce texte, en écho à Littérature du grand large : aventures et voyages, numéro 3 juste paru des Cahiers du CRILJ.