Devenir lecteur

   

 

 

    L’Institut National de Recherche Pédagogique a présenté en mars-avril, dans la galerie du 1ier étage, rue d’Ulm, l’exposition Devenir lecteur réalisée dans le cadre des travaux effectués dans les écoles normales par les équipes de recherche pédagogique.

      J’ai eu à concevoir cette exposition, à rassembler des documents concernant la lecture que je pensais intéressants et que je savais exister non seulement dans les classes pré-élémentaires et élémentaires où je travaille souvent à Saint-Etienne et dans sa région, mais aussi dans des classes géographiquement isolées et pédagogiquement proches. Aussi bien, cette exposition n’a-t-elle été possible que grâce à un solide réseau d’amitiés, grâces à des échanges constants de conceptions, d’idées, de travaux. Elle n’aurait pu exister sans le concours de Paulette Lassalas, directrice de l’Ecole Normale de Poitiers et des maîtres de l’équipe qu’elle anime, sans Jacqueline et Claude Held dont la présence avait suscité des travaux dans des classes de Saint Jean de la Ruelle ou de Cazères sur Garonne, sans les témoignages de Paulette Delfaud, militante de la Ligue de l’Enseignement, sans l’aide précieuse d’Hélène Romian, responsable de l’Equipe de Recherche Français 1ier degré, à l’INRP.

      Dans la mesure où cette exposition a intéressé des enseignants, des animateurs, des bibliothécaires, tous préoccupés de l’accès de l’enfant à la lecture, et dans la mesure où elle sera disponible, semble-t-il, l’an prochain, sur demande, pour « itinérer » à travers la France, il a paru utile au CRILJ de rappeler les objectifs qu’elle se donne et les moyens qu’elle utilise.

      Si lire, ce devrait être chercher à satisfaire le besoin de découvrir, de connaître, de s’informer, de s’enchanter pour soi-même ou de communiquer telle ou telle information à autrui » (Plan de rénovation de l’enseignement du français à l’école élémentaire), nous essayons de montrer comment l’école peut s’attacher à faire naître, à développer le goût de la lecture, à faire de la lecture un besoin de culture vital, à travers des documents provenant de classes pratiquant une pédagogie conforme aux principes du Plan de rénovation de l’enseignement du français à l’école primaire.

      Certes, il est difficile de fixer, dans le cadre d’une exposition, ce que l’acte de lire représente de plus individuel, de plus profond, de plus important parfois. L’effet d’une lecture se retrouvera peut-être dans une conversation entre enfants, hors de la classe, dans des questions posées aux parents le soir, dans l’intérêt différent pris à regarder une émission de télévision. Tous ces signes échapent souvent à la prise directe, à l’observation pédagogique.

      Mais parce que la lecture n’est pas pour nous une discipline scolaire inscrite dans le cadre étroit d’un emploi du temps et pratiquée dans une classe somnolente, parce qu’elle est toujours recherche de signification qui aide l’enfant à se situer par rapport au monde, recherche de communication dans des situations où l’écrit seul peut l’établir, occasion de s’exprimer, enfin, sous les formes les plus variées, les plus personnelles, elle laisse des traces, elle emprunte des chemins, elle ouvre des voies que nous allons essayer de présenter.

      Nous voulons préciser que, pour nous, l’acte de lire ne se limite nullement aux ouvrages scolaires, ni même aux œuvres de la « littérature enfantine ». Une lettre de camarade, un journal pour enfants, une bande dessinée, un message publicitaire, un poème, sont autant de supports possibles de lecture. Créer, chez l’enfant, face à la diversité des messages où l’écrit voisine avec l’image, parfois avec le son, une attitude active et critique, c’est l’aider à acquérir progressivement une autonomie de lecture.

      Enfin, devenir lecteur, c’est vouloir et pouvoir lire non seulement à l’école mais partout. Si l’enseignant peut aider à trouver les chemins de l’écrit dans la classe mais aussi dans son école, sa famille, son quartier, sa ville, il l’aide à devenir un adulte lecteur.

      Je voudrais dire le plaisir que j’ai éprouvé, à travers bien des difficultés, en réalisant cette exposition. Peut-être venait-il surtout de l’atmosphère des classes dans lesquelles j’allais chercher des documents, de la qualité des rapports que les enseignants avaient su établir souvent avec l’aide des bibliothécaires, des parents, entre l’enfant et la lecture. Je souhaite que le visiteur de l’exposition ressente cette joie née de tant de patience et de travail chez les enfants et les maîtres, et que, dans ses propres recherches, sa propre action en faveur de la lecture, il en soit aidé.

( article  paru dans le n° 9 – 15 juin 1979 – du bulletin du CRILJ )

 

Aline Roméas, propagandiste infatigable du livre et de la lecture, fut professeur à l’Ecole Normale de Saint-Etienne. Elle participa, à ce titre, aux travaux de l’Equipe de Recherche Français 1ier degré de l’Institut National de la Recherche Pédagogique. Elle fit aussi partie, pour reprendre la jolie phrase de Jean Delas, de cette « sorte d’armée des ombres qui menait son combat avec des réunions, le soir, sous des préaux d’écoles. » Aline Roméas fut, en 1979, à l’origine de la très active section de la Loire du CRILJ.

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