Philippe Dumas dans la Somme

 

 

 

 

 

L’auteur-illustrateur Philippe Dumas est né à Cannes en 1940. Après des études à l’École des Métiers d’Art et à l’École Nationale supérieure des Beaux-Arts, il commence, en 1971, à créer d’abord pour les adultes puis, en 1976, pour les enfants, la plupart de sa belle centaine de livres paraissant à L’École des loisirs. Il y alterne les grands albums élégamment aquarellés et les petits livres griffés de petits dessins à la plume très alertes, au trait empreint d’un humour tendre et ébouriffé ou d’une ironie réjouissante, acérée sans méchanceté. Il se réfère avec admiration à Töpffer, Busch, Samivel et André François. Dans un  temps où les jeunes illustrateurs collent et bricolent et où l’ordinateur tente de détrôner crayon, gomme, plume et pinceau, le dessin expert et savoureux de Philippe Dumas nous est infiniment précieux.

Bon nombre des livres de cet artiste sensible et inspiré prennent leur source avec authenticité dans les événements de sa vie familiale, ainsi Ce changement-là qui raconte la mort de son père, la série des Laura qui évoque ses deux aînés, Émile et Alice, Pêche à pied qui relate la connivence affectueuse d’une escapade en bord de mer avec son fils Jean, Robert et Louis qui narre des anecdotes vécues par ses « petits derniers » en Angleterre ou encore Fils Hermès où ses souvenirs personnels se mêlent avec la description du fonctionnement d’une entreprise parisienne.

Il donne même aux héros des contes le visage de ses proches parents et amis, ainsi de sa mère en Grand-mère du Chaperon Bleu marine, de son compère Boris Moissard qui lui servit de modèle pour de savoureux portraits  dont celui du berger de Une ferme, ou de ses neveux croqués princièrement dans La reine des abeilles des frères Grimm.

Nostalgique des villages et des maisons d’antan (César, le coq du village), il ressuscite des scènes de la vie rurale et bourgeoise avec une distance poétique teintée d’humour. Il partage en bon pédagogue sa connaissance des arts équestres avec ses jeunes lecteurs avec une érudition qui ne pèse jamais (L’équitation et l’école espagnole de Vienne et Nougatine). Même ses leçons de morale ou de savoir-vivre sont distillées avec une drôlerie irrésistible – indispensable Convive comme il faut – et une allégresse désinvolte qui leur ont assuré un durable succès.

Il dessine et peint aussi sur le motif et Dieppe à deux, fruit de sa vieille amitié avec Gérard Barthélémy qu’a édité Elizabeth Brunet, nous dévoile, comme Trajets qui illustre une méditation de Ulrike Blatter, une autre facette, bien séduisante, de son grand talent.

D’une culture éclectique et d’un esprit très ouvert, il excelle dans les illustrations des chansons et comptines du patrimoine (Au clair de la lune, Il pleut bergère et Le temps des cerises) et  revisite les contes traditionnels (Les  fées)  et même la Bible. Il a mis son humour élégant et distancié au service de très nombreux écrivains du passé et d’aujourd’hui, en vrac, Maupassant, Jarry, Hugo, Gautier, Mérimée, Dutourd, Aymé, Rostand, Voltaire, Hauff, Ardizzone, Rudigoz, Dickens, Topelius, Tchékhov, Gripari, Flaubert, Courtine, Carême, Edward Lee Master, Tourgueniev …

L’interpénétration de l’univers familial et de la littérature est particulièrement réussie  dans Victor Hugo s’est égaré, chef d’œuvre de complexité narrative et de virtuosité littéraire et graphique.

Les Portraits-devinettes d’auteurs illustres (École des loisirs, 1994), qui font l’objet de l’exposition de le Bibliothèque Départementale de la Somme, se moquent avec une irrévérence savante de ses gens de lettres préférés. Il y illustre avec brio les pastiches et anagrammes composés avec une aisance légère et néanmoins érudite par Anne Trotereau. Fille d’un peintre, née à Paris en 1944, cette brodeuse de talent qui crée des tableaux d’étoffe sur le thème des Contes de Perrault ou de Marcel Aymé, a écrit pour Philippe Dumas des textes, comptines et chansons visant la première enfance. Discrète, celle que son complice nomme parfois, non sans malice, « Anne Trop-Trop » ou « Âne Trot-Trot » est aussi l’auteur d’un roman nourri de ses souvenirs de petite fille. La teneur de ses pastiches littéraires en dit long sur sa maîtrise de l’écriture et son exceptionnelle connaissance des lettres françaises.

La virtuosité, l’allégresse désinvolte et la maîtrise d’un trait éminemment rapide, l’ouverture de deux esprits curieux, la spontanéité et la complicité amusée de leur double regard, la drôlerie des postures et des situations, une joyeuse irrévérence qui n’exclut pas l’admiration, font de cette cinquantaine de portraits des petits chefs-d’œuvre uniques en leur genre dans le paysage éditorial français.

dumas 

Agrégée de lettres modernes, professeur en collège, lycée, Ecole Normale et IUFM où elle enseigna jusqu’en 2002 la didactique du Français et la littérature de jeunesse, chargée de cours à l’Université de Picardie (Licence des Métiers du livre) depuis septembre 2005, Janine Kotwica écrit, voyage, expose : articles nombreux dans la Revue des Livres pour Enfants, Griffon, Parole, etc ; stages de formation à Abidjan, Tunis, Bucarest, Cotonou, Bamako, etc ; commissaire de nombreuses expositions d’illustrations originales dont Posthume sur mesure en hommage à André François et, dernière en date, les Portraits-devinettes d’auteurs illustres de Philippe Dumas. La prochaine sera consacrée à May Angéli et à Rudyard Kipling.