Roger Boquié

par Francis Vernhes

    Enseignant, Roger Boquié a d’abord été délégué des Francs et Franches Camarades (Francas) en Normandie. Déjà dans l’action en direction des enfants il s’intéressait aux activités telles que le livre, le cinéma, le spectacle, la presse, la radio.

    C’est avec l’idée « d’avoir un film à nous, qui parlerait des Francas de leur raison d’être » qu’il décide, en 1954, de réaliser le premier document audio visuel qui présentait les Francs et Franches Camarades. On peut visionner ici, sur le site des Archives départementales du Val-de-Marne. ce film où l’on retrouve Roger Boquié et Monique Bermond

    Roger Boquié est ensuite venu à la Fédération nationale des Francas où il avait en charge la formation et où il animait la commission nationale chants, puis chants et danses pour devenir activités musicales. Dès 1960 des commissions nationales d’activités (jeu et activités physiques, chants et activités musicales, activités manuelles) ont permis à la fois de mutualiser les pratiques de terrain, de les faire évoluer, de les enrichir et de diffuser un répertoire commun vers l’ensemble des régions. Écoutons-le :

    « Nous nous sommes appuyés sur des méthodes pédagogiques nouvelles permettant de pratiquer l’animation musicale à tous les degrés et d’utiliser tout le matériel réalisé ou rassemblé : disques, instruments de musique (percussion et autres), d’exploiter les différentes expériences menées autour de la percussion, de l’évolution, de l’audition motivée… On ne parlait plus technique « chants et danses » mais activités musicales. Nous recherchions toutes les formes d’activités pouvant être proposées à partir de la musique. C’est ainsi que naquit l’évolution, c’est-à-dire une recherche de la visualisation de la musique qui soit suffisamment simple et permette à des guides (animateurs) non techniciens mais aimant la musique de mener à bien des réalisations intéressantes. Puis la musique fut également utilisée comme décor sonore, ce qui permit de lancer l’idée d’auditions musicales motivées prenant la « relève » des anciennes auditions musicales passives. »

    À ce propos Roger Boquié rappelait que les Francas avaient été les premiers à éditer et à commercialiser les disques avec accompagnement musical, à la demande des formateurs et des directeurs de centres qui souhaitaient disposer de ce type d’accompagnement pour les spectacles musicaux mis en place dans les stages, les fêtes de centres de loisuirs et d’écoles….

    Ainsi, avec Jean Naty Boyer, dans leurs créations, dans la mise en place d’outils pédagogiques, dans la production de disques ils ont non seulement révolutionné nos façons de faire mais ils ont permis un développement de ces activités sur l’ensemble des régions et des départements. Il n’y avait pas un patro ou un centre aéré se réclamant des Francas qui ignorait nos « tubes » de cette époque. Et, de Marchons dans le vent, à Feu de bois en passant par Le joli jeu de Jacques à dit, les airs composés par Roger Boquié ont été chantés dans beaucoup de groupes d’enfants.

Pour l’anecdote rappelons la performance réussie au cours du vingtième anniversaire des Francas en 1964, où Roger Boquié a dirigé un chœur de 300 choristes ayant appris les chants par petits groupes de 10 à 20, dans des départements différents, et qui, sans répétition, avec le soutien d’un accompagnement orchestral, ont donné un spectacle remarquable.

    Roger Boquié est devenu ensuite conseiller technique et pédagogique à l’INEP (aujourd’hui INJEP) à Marly-le-Roi où il a su déployer la même activité créatrice et novatrice au service de la littérature de jeunesse.

    Qu’il s’agisse des stages L’enfant, le livre et l’expression, des animations qui ont fait les belles heures du Festival du livre à Nice ou qui ont sillonné la France comme La forêt aux histoires, on retrouve une recherche de qualité permanente et une rigueur pédagogique remarquable. Roger produit des idées, initie de nouvelles pratiques et assure la promotion de la littérature de jeunesse vers les parents, les enseignants, les animateurs mais aussi vers les institutions et les médias. Il a pour cela donné une autre dimension aux actions de formation et fait sortir l’animation de sa routine parfois appauvrissante.

    Après avoir animé, à l’ex ORTF, avec Monique Bermond, l’émission Partons à la découverte, ils ont produit ensemble sur France Culture l’émission Le livre, ouverture sur la vie. Cette perspective d’ouverture sur la vie s’est concrétisée dans de nombreuses actions initiées par Roger Boquié. Il a permis à des acteurs très divers – bibliothécaires, libraires, éditeurs, conseillers techniques, enseignants, animateurs – de se côtoyer, de se connaître, de se comprendre, de s’enrichir mutuellement, de co-construire des actions communes. De nombreux auteurs ou illustrateurs, des éditeurs parfois, ont bénéficié de conseils toujours précieux auprès de Monique Bermond et de Roger Boquié, de leur connaissance de la production et de leurs pratiques pédagogiques originales et novatrices.

    Roger Boquié était un militant du CRILJ. En s’appuyant sur l’expérience de Monique Bermond qui a été pendant plusieurs années critique littéraire à la revue de L’école des parents, dans le cadre du CRILJ des Yvelines, ils ont prolongé leur action en impulsant la base de données Livrjeun, initiative qui, avec l’aide des Francas de Loire Atlantique se poursuit encore aujourd’hui. Le lien est ici.

    La Ville de Nantes a créé dans le cadre de la médiathèque Jacques Demy un centre Bermond/Boquié très actif qui rappelle ce qu’a été l’action des ses deux militants de l’enfance et de la littérature de jeunesse. On peut visiter ici.

    Militant de l’éducation populaire, pédagogue averti, créateur sans relâche, telles sont les caractéristiques de l’action de Roger Boquié.

    L’intervention qu’il a faite dans l’une des tables rondes mises en place à l’occasion du cinquantième anniversaire des Francas en 1995 confirme cette volonté permanente d’une recherche d’activités ou d’actions sans cesse renouvelées et adaptées aux évolutions de notre société. Il disait : « Je pense que les mouvements de jeunesse doivent innover parce que c’est en innovant que l’on avance, que l’on progresse, que l’on apporte son originalité et c’est en prenant des risques que l’on s’enrichit par l’expérimentation. »

    Qu’il s’agisse des activités musicales, de la littérature de jeunesse et, pourrait-on ajouter, qu’il s’agisse de produire une émission de radio, de créer un spectacle de marionnettes, Roger Boquié a toujours su nous étonner et nous surprendre.

    Merci à lui de nous avoir fait chanter, de nous avoir fait rêver, de nous avoir fait grandir et d’avoir su nous faire aimer et partager ses passions.

(avril 2013)

 

Enseignant désormais retraité, Francis Vernhes est mis à disposition de la Fédération nationale des Francas de 1965 à 1995 et en devient, en 1996, vice-président. Nombreuses opérations d’animation, d’information et de formation dans le domaine du livre et de la lecture. Directeur des éditions Jeunes Années de 1985 à 1996, Secrétaire général puis président du Syndicat de la presse des jeunes jusqu’en 1997 et chargé de mission de ce syndicat jusqu’en 2009, Francis Vernhes fut, pendant 15 ans, membre de la Commission de surveillance des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence. Il est coordinateur de l’ouvrage collectif Lire à loisir, loisir de lire (INJEP, 1987) et du fichier d’activités Jeux de lecture et d’écriture (Francas). Merci à lui pour nous avoir confié ce texte.