Jacques Asklund

par Guy Jiménez

    Jacques Asklund vient de mourir, à l’âge de 65 ans, emporté en quelques mois par une maladie qui ne lui aura laissé aucune chance. Nos pensées vont à ses proches, à leur souffrance, à celle de Jacques dont ils auront été les témoins.

    Au milieu des années 80, Jacques était conseiller municipal à Beaugency (Loiret) au moment où se créait l’un des premiers salons du livre de jeunesse. Il conçut alors l’idée d’un Prix du « livre le plus drôle » doté par la Ville. Je travaillais à la bibliothèque municipale où les livres proposés par les maisons d’édition arrivaient. Cette gestion au quotidien nous a rapprochés. Nous échangions sur les livres reçus, que nous lisions avec autant de passion que les enfants. Ce Prix avait pour caractéristique d’être décerné par les écoliers. Le moment des délibérations dans la belle salle du Conseil avec les délégués de chaque classe était réellement émouvant. Si ma mémoire ne me trahit pas, les premiers ouvrages récompensés ont été l’hilarant Ça coince de Benoît Déchelle, bestiaire où les animaux peinaient à tenir dans le cadre de la page, puis le subtil et sensible Victor Hugo s’est égaré de Philippe Dumas. Cela commençait fort. Vingt-cinq ans plus tard, le Prix créé par Jacques existe toujours, a récompensé bien des auteurs et contribué au rayonnement du Salon du livre et à celui de la Ville Beaugency à laquelle il était très attaché.

    C’est sans doute cette immersion dans la littérature de jeunesse qui a donné à Jacques l’envie de se lancer dans cette forme d’écriture. Il avait jusque-là produit des contributions spécialisées, en tant qu’historien, dans le cadre de la Société archéologique et historique balgentienne, en particulier une délicieuse monographie : Histoire des rues de Beaugency. Très vite, il voit ses premiers romans publiés par Rageot et Flammarion (Le Secret du général X, Un trésor dans l’ordinateur, L’homme qui rajeunit). Suivirent tout au long de ces années une quinzaine d’autres titres qu’il écrivait chaque année au moment de ses congés d’été.

    Ses thématiques pouvaient être historiques (comme le très beau Dernier des Maures) ou tout à fait contemporaines pour des enquêtes policières où le fantastique affleure (Crime d’auteur, Plongée fatale, Le fantôme mène l’enquête). Son écriture fluide, efficace, ses intrigues bien charpentées lui auront acquis de nombreux et fidèles lecteurs et valu des récompenses parmi lesquelles le Prix Tatoulu en 2006 pour Crime d’auteur ou le Lionceau d’or au salon du polar de Neuilly-Plaisance en 2008.

    Jacques est aussi l’auteur d’ouvrages pédagogiques spécialisés, en lien avec son métier d’enseignant d’histoire dont il était retraité depuis trois ans. Il a aussi composé un vibrant hommage à la Loire pour un beau livre de photographies qui connut un réel succès populaire, aux éditions CPE où le directeur lui proposa alors de créer un secteur jeunesse. Jacques se lança avec courage, en 2007, dans cette aventure éditoriale qui, malheureusement tourna un peu court pour des questions de diffusion. J’ai été dirigé par lui le temps d’un roman dans l’une de ses collections, et j’ai pu apprécier son intégrité et son respect de la chose écrite.

    Il nous est arrivé bien des fois de signer l’un à côté de l’autre sur un stand de libraire. Nous ne manquions jamais d’évoquer parmi d’autre le souvenir lointain, mais toujours vivace, d’un auteur qui nous avait menacé en maître chanteur de ne pas honorer son contrat de rencontres scolaires si le Prix du livre le plus drôle ne lui était pas attribué ! Nous rigolions bien.

    Voilà, je voulais évoquer, trop rapidement sans doute, la mémoire de Jacques, avec la tristesse de sa disparition, mais avec la joie, aussi, des bons moments que nous avons partagés.

 

Né à Oran en 1954, Guy Jimenez passe sa petite enfance en Algérie à Rio-Salado, aujourd’hui El-Malah, jusqu’en juillet 1963. Scolarité en région Centre. Bibliothécaire à Beaugency (Loiret) puis à Saint-Jean de Braye (Loiret toujours) où il réside. « Mon statut est, depuis 2001, celui d’auteur indépendant. » Isabelle Jan publie son premier roman, Le Grand réparateur (Nathan,1981) et Jacqueline Cohen ses premiers contes pour le magazine J’aime lire. Ouvrages édités chez Syros, L’école des loisirs, Rageot, Nathan, Oskar jeunesse. Prix du Roman pour la jeunesse du Ministère de la Jeunesse et des Sports en 1992, sur manuscrit, décerné par le jury des adultes, pour La Protestation, publié chez Syros grâce à Germaine Finifter « J’ai aussi écrit ou co-écrit des pièces de théâtre, des adaptations de romans et de contes, des récits documentaires pour la presse et quelques nouvelles noires. » Merci à Guy Jimenez pour nous avoir confié ce texte.