Bertrand Solet (1933-2017)

 

 

Au revoir Bertrand Solet

par André Delobel

    Bertrand Solet vient de décéder. Il venait chaque année nous saluer à Montreuil et, cette année, il n’était pas venu. De son vrai nom Bertrand Soletchnik, il était né en 1933, à Paris, dans une famille d’émigrés russes. Durant  la Seconde Guerre mondiale, en zone libre avec ses parents, il attrapa – quel mot ! – une maladie que l’on connaissait mal et que l’on soignait difficilement à l’époque, la poliomyélite. C’est durant cette période de maladie qu’il attrapa aussi le virus de la lecture.

    Après la guerre, orphelin, élevé et soigné par une tante, il prépare l’IDHEC. L’arrivée massive du cinéma américain qui faillit couler le cinéma français l’incite à changer d’orientation. Il suit les cours du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Un temps journalisme, il entre dans une entreprise de commerce international et devient responsable du service de documentation économique, travail qui le fait beaucoup voyager.

    Il écrit pour la jeunesse, à compter des années 1970, des romans le plus souvent historiques (Il était un capitaine, Robert Laffont, 1971, Prix Jean Macé, Les révoltés de la Saint-Domingue, 1980, En Égypte avec Bonaparte, 1988, Compagnons de Mandrin, 1990) ou traitant de sujets liés à l’actualité ou peu souvent traités comme le racisme, l’immigration, la vie des Tsiganes (La flûte tsigane, Flammarion, 1982). Il écrit également des recueils de contes (Contes traditionnels d’Auvergne, Milan, 1994, Contes traditionnels de Russie, Milan, 2002). Ouvrage récent : Le Chambon-sur-Lignon : le silence de la montagne (Oskar jeunesse, 2016).

   Ecrivain « pédagogue », auteur de plus de 120 ouvrages à l’écriture efficace, Bertrand Solet aura fait connaitre aux jeunes lecteurs des pans entiers de l’Histoire et, assez souvent, d’une Histoire pas enseignée à l’école. Il les aura aussi, offrant de solides fictions, fait réfléchir à quelques unes des questions qui empoisonnent le monde.

    Membre de la Société des Gens de Lettres, de la Maison des Écrivains et fidèle de la Charte des auteurs et illustrateurs pour la jeunesse qu’il a contribué à mettre sur pied, la première réunion de réflexion s’étant tenu, en 1976, à son initiative et à celle de la conseillère municipale à la culture, à la bibliothèque de Montreuil.

    Il avait en 2003, publié au Sorbier un bel essai : Le roman historique : invention ou vérité ?

    En 2005, un numéro de la revue Griffon lui est consacré.

    « Bertrand Solet désigne quelque injustice à combattre, une nouvelle cause à défendre, des chaînes d’esclaves qu’il faut aller briser. Sa fameuse canne balaie l’horizon : là bas, il y a une terre où les hommes vivent libres et égaux. » (Marcelino Truong).

 André Delobel est secrétaire de la section de l’Orléanais du CRILJ depuis plus de trente-cinq ans et secrétaire général au plan national depuis 2009 ; co-auteur avec Emmanuel Virton de Travailler avec des écrivains (Hachette, 1995), au comité de rédaction de la revue Griffon jusqu’à ce que la publication disparaisse fin 2013, il assura, pendant quatorze ans, la continuité de la rubrique hebdomadaire « Lire à belles dents » publiée dans le quotidien La République du Centre ; articles récents : « Promouvoir la littérature de jeunesse : les petits cailloux blancs du bénévolat » dans le numéro 36 des Cahiers Robinson (2014) et « Les cheminements d’Ernesto » dans le numéro 6 des Cahiers du CRILJ consacré au théâtre jeune public (2014) ; contribution au catalogue Dans les coulisses de l’album : 50 ans d’illustration pour la jeunesse, 1965-2015 (CRILJ, 2015).

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Il fait froid

par Rolande Causse

   Ce froid mois de février 2017, Bertrand Solet nous a quitté.

   Non. Pour ceux qui l’ont connu demeure sa voix chaleureuse et grave. Ses mots coulaient comme une rivière serpentant à travers un paysage lumineux.

   Bertrand Solet est associé aux commencements de la littérature de jeunesse et à la Charte où il vint assez rapidement.

   Suffocant d’enfances de tous pays, il représente une vie d’observations, de recherches, d’imagination, de compréhension et d’émotions.

   L’ont accompagnées des montagnes de mots et de métaphores dans ses livres éblouis de soleils lointains, d’oiseaux des mers, de songes, et de poésie.

   Historien et géographe, derrière ses mots, il y avait l’accent des voyages, un regard révolté mais bienveillant, une douceur profonde et une générosité qu’il semait à tous les vents.

.    Ami des jeunes, il leur parlait de rebellions, de résistances, des conflits du monde et du triomphe des plus humbles.

   En ethnologue, il savait prendre son temps, tout en ayant une créativité  extrême.

   N’a-t-il pas écrit cent-vingt livres ?

   Pour les siens, pour la mémoire de Bertrand, pour toutes les générations, il faudrait rassembler ses meilleurs romans et créer un Bouquin ou un Quarto (comme les collections du même nom chez Laffont et Gallimard) où figureraient ses titres les plus forts : Les révoltés de Saint Domingue, Il était un capitaine

   Ainsi il demeurerait parmi nous.

   Mais je ne peux oublier  Monique, son épouse, à qui j’adresse mes pensées les plus affectueuses.

Rolande Causse, écrivaine et formatrice, auteur de poèmes, d’albums, de romans, de livrets d’opéra ; fondatrice en 1975 de La Scribure, association qui se consacre à la pratique des ateliers de lecture-écriture et à la promotion de la littérature pour la jeunesse ; c’est Rolande Causse qui, en 1984, organisa le (premier) Festival Livres Enfants-Jeunes de Montreuil ; parmi ses ouvrages pour les enfants et les jeunes : Mère absente fille tourmente (Gallimard, 1983), Rouge Braise (Gallimard, 1985), Les enfants d’Izieu (Le Seuil, 1989), Le Petit Marcel Proust (Gallimard, 2005), 20 ans pour devenir… Martin Luther King et 20 ans pour devenir… Nelson Mandela (Oskar, 2016) ; pour les médiateurs : La Scribure (Buchet-Chastel, 1983), Le guide des meilleurs livres pour enfants (Calmann-Lévy, 1986), Qui a lu petit, lira grand (Plon, 2000), Qui lit petit lit toute sa vie (Albin Michel, 2005).

Les ouvrages pour la jeunesse de Pierre Pelot

 par Raymond Perrin

    Dans Pierre Pelot, l’écrivain raconteur d’histoires, essai publié en mars 2016 aux éditions L’Harmattan, je fais le pari audacieux d’envisager toute l’oeuvre romanesque de Pierre Pelot publiée au cours de 50 années d’écriture. Il s’agit de rendre possible la juste appréciation de l’essentiel de ses livres et de l’originalité d’un parcours d’écrivain, en un sens, exemplaire.

    En 50 ans, l’auteur vosgien a écrit près de 200 romans touchant au western, au fantastique et aux paraboles de la science-fiction, au polar et au roman noir. Il a aussi bien fourni des romans « vosgien » du terroir que des récits préhistoriques. Il a étendu le champ de ses créations tant à la littérature générale qu’aux novélisations, aux scénarios de BD, au théâtre et à la nouvelle.

    C’est l’occasion de rappeler que cet « ogre » protéiforme de la littérature, sur près de 200 romans publiés en 2016, a publié, parfois à son corps défendant, un tiers de ses récits (plus de 60), dans les collections pour la jeunesse (des récits souvent réédités dans des collections de poche).

    Il y eut d’abord la période initiale des récits d’apprentissage et des romans-westerns dont le premier, La Piste du Dakota, est paru en 1966. Ce sont les éditions belges André Gérard de Verviers, créateurs de la collection « Marabout Junior » qui offrent à Pierre Pelot la chance de trouver un éditeur unique pour trois années (de 1966 à 1969) au cours desquelles sont publiés 21 romans sous des couvertures de Pierre Joubert et un recueil de nouvelles.

    Sept récits paraissent en 1966-67, dont le livre Black Panache, réédité, illustré par Paul Gillon, sous le titre Black Panache, le hors-la-loi et dont l’action se passe en 1880, dans le Wyoming. Le sixième récit, Les Croix de feu réédité en « Castor Poche », sous le titre Les Croix en feu, évoque la naissance du Ku-Klux-Klan.

    Il y eut ensuite, dans la collection « Pocket Marabout », quatorze épisodes et deux nouvelles de la série « Dylan Stark », personnage inséré dans un cadre géographique et historique plausible qui subit d’autant plus les séquelles d’une telle période qu’il est un métis né de mère française et de père cherokee. L’épisode La Couleur de Dieu obtient le Prix des 13 en 1967 et Le Tombeau de Satan est préfacé par le père de Tintin, Hergé. De 1980 à 1983, la série est partiellement rééditée dans la collection « L’Ami de poche » chez Casterman (10 volumes avec des illustrations de Michel Blanc-Dumont), puis chez Claude Lefrancq, dans deux gros volumes dont le deuxième présentait une introduction et un inédit, Plus loin que les docks. Deux épisodes inédits étaient parus dans Le journal de Tintin, la « Bibliothèque de l’Amitié » avait publié un Dylan Stark inédit, Le Vent de la colère, en 1973, et il faut attendre 1982 pour que paraisse aux éditions de l’Amitié, superbement illustré par Claude Auclair, Pour un cheval qui savait rire, l’étalon Grand-Blanc.

    A partir de 2006, les nouvelles éditions Le Navire en pleine ville, dirigées par Hélène Ramdani, rééditent quelques volumes de la série : Sierra brûlante (l’une des ultimes errances de Dylan Stark), La Couleur de Dieu et Quatre hommes pour l’enfer. Depuis 2014, les éditions Bragelonne ont entrepris la publication numérique de la série « Dylan Stark » dans la collection « Bragelonne Classic Western ».

    Pierre Pelot, abondamment nourri de culture américaine, publie encore quelques romans « américains » dans les collections « jeunesse » : La Drave évoquant les bûcherons du Québec embarqués sur une rivière indomptée (Coll. Olympic, Ed. G.P.), L’Unique rebelle (Bibliothèque de l’amitié) et La légitime révolte d’un Indien qui veut sauver ses chevaux, réédité par les Éditions Larousse en 2011 dans la collection « Les Contemporains, classiques de demain », La Révolte du Sonora (Olympic) et Les Épaules du diable (Olympic),

    Trois bandes dessinées inédites deviennent chez G.P., dans la collection « Spirale », une aventure historique, La Guerre du castor, et deux westerns burlesques et parodiques, Le Train ne sifflera pas trois fois et La Poussière de la piste.

    Contraint de changer d’éditeur, Pierre Pelot s’oriente à la fois vers le roman psychologique pour adolescents, ancré dans le terroir vosgien (des romans « sociaux », en phase avec les problèmes sociétaux de l’époque), la science-fiction, scrutant des thèmes parfois prémonitoires et le fantastique, en général plus apaisé.

    La « Bibliothèque de l’Amitié » accueille, (en plus de trois épisodes de Dylan Stark, Le Vent de la colère, Le Hibou sur la porte, Quand gronde la rivière), le premier récit ancré dans les Vosges et la Haute-Saône, Les Étoiles ensevelies contant la rencontre et l’errance d’un émigré sans papier et d’un enfant fugueur qui reçoit de nombreuses distinctions.

    Pierre Pelot va participer à la première collection en poche, « Jeunesse Poche », créée en 1972 par les éditions Hatier. Il y publie deux récits de science-fiction illustrés par Claude Auclair : Une Autre Terre (et ses mondes parallèles et antithétiques) et L’Ile aux enragés (suite des aventures d’Arian Dhaye dans une île menaçante). En 1973, deux autres récits de science-fiction sont édités dans les collections « Olympic », Les Légendes de Terre (où se rencontrent astronavigateurs et chasseurs primitifs), et « Spirale », Le Pays des rivières sans nom (où le vieux Manoudh marginal et traqué sauve la jeune Deva), bien avant L’Expédition perdue (Collection « Pleine lune » chez Nathan en 1994).

    Seul roman fantastique « jeunesse », La Fille de la Hache-Croix, paraît chez Magnard en 1998.

    Au cours des années 70, la naissance des premières collections pour adolescents sont l’occasion, pour les éditeurs de Pierre Pelot, d’éditer des récits originaux. Ainsi « Plein vent » (Laffont) accueille Sierra brûlante. La collection « Grand angle » (G.P.) semble convenir pour Le Pain perdu en 1974 (adapté en téléfilm par Pierre Cardinal en 1975), Je suis la mauvaise herbe (1975) qui reçoit plusieurs prix, Les Neiges du coucou (au pays des bûcherons et des débardeurs), et Les Canards boiteux.

    La collection « Les Chemins de l’Amitié » accueille six récits qui évoquent la vieillesse, la solitude, la marginalité et l’exclusion, le handicap et la différence : Le Cœur sous la cendre, Le Ciel fracassé, Le Renard dans la maison, Le Mauvais coton, Le Pantin immobile et Fou comme l’oiseau, les deux derniers étant adaptés pour la télévision en 1983.

    En 1999, dans la collection « Tribal », chez Flammarion paraît La Passante, un récit émouvant pour grands adolescents.

    Ce n’est qu’au cours des années 90 que Pierre Pelot écrit pour la collection « Souris noire », chez Syros, deux récits policiers juvéniles, Le Père Noël s’appelle Basile (1993) et Cimetière aux étoiles (1999). Pour Messidor, il publie encore Le Seizième round en 1990.

    C’est pour son fils Dylan (né en 1969, subitement disparu en janvier 2013) qu’il écrit en 1977 Les Aventures de Victor Piquelune, illustrées par Arnaud Laval, pour la collection « Ma première amitié » qui accueille aussi en 1981, Un Bus capricieux, illustré par Claire Nadaud.

    C’est aussi avec son fils Dylan Pelot devenu auteur et illustrateur qu’il écrit, de 1995 à 2003, la série humoristique « Vincent, le chien terriblement jaune », constituée de cinq épisodes publiés chez Pocket dans la collection « Kid Pocket » (Vincent, le chien terriblement jaune, Vincent en hiver, Vincent et le canard à trois pattes, Vincent et les évadés du Zoo et Vincent au cirque).

    L’auteur de la saga préhistorique « Sous le vent du monde », sous le regard d’Yves Coppens, se devait d’écrire pour les jeunes les deux textes documentaires Au temps de la préhistoire (Le Sorbier, 2002 et La Martinière, 2005) et La Préhistoire racontée aux enfants (La Martinière Jeunesse, 2015).

    Souvent par le jeu des rééditions, Pierre Pelot sera présent dans les collections de poche pour la jeunesse, en général illustrées par des artistes réputés. Outre les collections déjà citées, « Marabout Junior », « Pocket Marabout », « Bibliothèque de l’amitié », « L’Ami de poche Casterman », « Tribal », « Souris noire », il faut nommer « Le Livre de poche jeunesse »,  « Folio Junior », « Castor Poche Flammarion », « Les Maîtres de l’Aventure Rageot », « Zanzibar Milan », « Cascade Rageot », « Travelling Duculot », « Pocket Junior »…

(mai 2016)

 REFERENCES

Raymond Perrin, « Dylan Stark, le justicier métis » in Dylan Stark, Intégrale 2, Bruxelles, Lefrancq, 1998.

Raymond Perrin, « Bibliographie commentée des romans de Pierre Pelot » in le recueil de nouvelles L’Assassin de Dieu, dir. Claude Ecken, Encrage, 1998.

Bernard Epin, « Pierre Pelot » in Dictionnaire du livre de jeunesse : la littérature d’enfance et de jeunesse en France, dir. Isabelle Nières-Chevrel et Jean Perrot (Cercle de la Librairie, 2013).

Claude Ecken, « Cinquante ans d’écriture : Pierre Pelot » et interview, in revue Bifrost, numéro 81, éditions du Bélial, 2016.

Raymond Perrin, Pierre Pelot, l’écrivain raconteur d’histoires, L’Harmattan, 2016.

pierre pelot

Né à La Bresse (Vosges) en 1940, Raymond Perrin fait son Ecole Normale à  Mirecourt entre 1957 à 1961. Après un passage à la Faculté des lettres de Nancy (1964-1966), il  devient professeur de collège (français, histoire-géographie et arts plastiques) de 1964 à 1998 puis documentaliste au cours des années 1990. Collaborateur du supplément littéraire du quotidien vosgien La Liberté de l’Est, essayiste et chercheur, Raymond Perrin a publié une demi-douzaine d’ouvrages. Ceux consacrés à la littérature pour la jeunesse constituent une étourdissante mine d’informations : Un siècle de fictions pour les 8 à 15 ans (1901-2000) à travers les romans, les contes, les albums et les publications pour la jeunesse (L’Harmattan, 2001), Littérature de jeunesse et presse des jeunes au début du XXIe siècle (L’Harmattan, 2007), Fictions et journaux pour la jeunesse au XXe siècle (L’Harmattan, 2009), Histoire du polar jeunesse : romans et bandes dessinées (L’Harmattan, 2011). Contributeur du Dictionnaire du roman populaire francophone, dir. Daniel Compère (nouveau monde éditions, 2007) et du Dictionnaire du livre de jeunesse : la littérature d’enfance et de jeunesse en France, dir. Isabelle Nières-Chevrel et Jean Perrot (Cercle de la Librairie, 2013).

 

L’Abécédaire illustré de la littérature jeunesse : retour sur une course d’obstacles

par Jean-Paul Gourévitch

     Quand vous avez décidé de vous lancer dans une telle aventure, il y a toujours de bonnes âmes et de vrais amis pour vous décourager : « Tu en as pour 10 ans. », « Aucun éditeur ne te le prendra. », « Et le prix de vente ? Et le coût des droits de reproduction ? Tu les as estimés ? »,  « Tu vas te mettre à dos tous les spécialistes. », « Plus tous ceux qui ne figureront pas dans l’ouvrage. » Et le pire, c’est qu’ils ont eu (presque) raison.

 . 10 ans ça suffit …

     Résumons. Parution en 1998 de La littérature jeunesse dans tous ses écrits 1529-1970 (Argos-CRDP de Créteil avec la collaboration du CRILJ), deux ans de ruminations, d’esquisses et de rencontres pour tester la pertinence d’un projet sur la littérature de jeunesse à toutes les époques et dans tous les pays. Première tentative synthétique, en 2000, via la création de mon site Internet acrostiche www.le plaisir.net avec un menu LE comme Littérature Enfantine. Mais, aussitôt, afflux de problèmes de gestion du temps, d’actualisation théorique, thématique et technique d’un site qui ne pouvait évidemment pas être exhaustif.

     Changement de cap donc et recentrage vers l’édition d’un livre qui serait à la fois encyclopédique et apéritif. Deux ans de préparation du dit ouvrage pour calibrer un projet fiable avec des pages prérédigées pour donner l’idée du document final. Trois ans de contacts décevants avec plusieurs éditeurs de la place toujours prêts à adhérer à l’idée mais pas à prendre la charge de la réalisation. Et, au final, un éditeur courageux, une équipe de contributeurs-relecteurs actifs, un iconographe-maquettiste inventif, plus trois ans d’aller-retours jours et nuits – je n’exagère pas – pour aboutir à la sortie de l’ouvrage en septembre 2013.

 . Non, rien de rien, non, je ne regrette rien …

     Imaginer de regrouper en un volume de moins de 400 pages toute la littérature jeunesse du XVIe siècle à aujourd’hui en France et dans les principaux pays étrangers avec l’ensemble des auteurs, illustrateurs, bédéistes, thèmes, héros, techniques, journaux, personnes ressources, etc, était un beau pari. Les lecteurs diront s’il est réussi. Il y aura inévitablement des oublis, des impropriétés, des inexactitudes, des coquilles. Plus des crispations sur certains des choix. Sauf qu’ils ont été, le plus souvent, le fait de plusieurs. Ceci dit : j’assume.

     On m’a déjà fait savoir :

 . qu’il n’y avait pas de table des matières : normal, l’Abécédaire fonctionnant selon l’ordre alphabétique.

 . que j’aurais pu séparer les auteurs et les illustrateurs : curieux et où fallait-il donc mettre les auteurs-illustrateurs ?

 . que j’aurais dû l’appeler « Dictionnaire » : mais un autre ouvrage usant de ce mot sortait à la même époque, dans un format et pour un public différent. Et puis, « Abécédaire », c’est un petit clin d’œil à la littérature jeunesse.

 . qu’on dit littérature de jeunesse ou pour la jeunesse et non littérature jeunesse : beau débat de spécialistes ; je me suis rangé à l’avis de la majorité.

 . qu’il y a trop d’images et pas assez de textes. Voir donc, comme un complément, le Dictionnaire du livre de jeunesse paru au Cercle de la Librairie fin août 2013, gros volume de 992 pages que je ne considère pas concurrent du mien et que je cite dans ma bibliographie.

 . que la BD occupe trop de place et les contemporains pas assez : mais l’Abécédaire couvre cinq siècles et les contemporains à peine 50 ans.

 . Petit acte de contrition à l’attention des lecteurs …

     J’admets néanmoins que je me suis un peu /beaucoup attaché au passé de cette littérature. Elle est moins connue des générations actuelles comme le montrent les interventions de formation que nous faisons les uns et les autres sur l’histoire de la littérature jeunesse. Dommage de passer à côté de tant de richesses et d’inventivité.

     J’admets encore qu’à vouloir survoler le vaste champ de la littérature de jeunesse à l’étranger, on peut donner le tournis ou perdre le cap.

     J’admets enfin que j’ai donné une place privilégiée à Hetzel aux dépens d’Hachette et des autres éditeurs du XIXe siècle. Question de conviction républicaine ? Pas seulement. Qui d’autre a orienté les auteurs et illustrateurs confirmés (Balzac, Sand, Dumas, Nodier, Grandville, Bertall) vers la littérature jeunesse, les a fait retravailler leurs textes et leurs images, a développé le marketing éditorial, a mis l’image dans le texte mais aussi le texte dans l’image, a inventé la couverture illustrée brochée et popularisé les cartonnages, lutté contre la contrefaçon, légitimé les droits d’auteur et a été, avec Jean Macé, le promoteur de la laïcité avant même que le terme connaisse l’audience que l’on sait ?

     La repentance n’ira pas plus loin. Pour le reste, c’estçuiquil’ditquil’est.

     Bonne dégustation.

 (novembre 2013)

 

Abécédaire illustré de la Littérature Jeunesse, Jean-Paul Gourévitch, L’atelier du poisson soluble, septembre 2013, 336 pages, 35,00 euros

Né en 1941, Jean-Paul Gourévitch est écrivain, formateur et consultant international. Il est l’auteur de près de cinquante ouvrages de nature et de forme très différentes : études, essais sur des problèmes de société, anthologies, romans pour adultes et pour jeunes lecteurs, biographies dont celle d’Hetzel, en 2005, au Serpent à plumes. La littérature pour la jeunesse est l’un de ses centres d’intérêt les plus constants et il a, en toute indépendance, plusieurs fois documenté le sujet. Notons, outre son site et  les anthologies réalisées avec le concours du CRILJ, Images d’enfance, quatre siècles d’illustration du livre pour enfants, chez Alternatives en 1994. Son roman Le gang du métro (Hachette jeunesse, 2000) est interdit de vente, dans ses locaux, par la RATP. A paraitre en mars 2014, Les petits enfants dans la grande guerre aux éditions De Borée.

Qui sont les écrivains pour les jeunes ? (2)

par Michèle Kahn

Communication prononcée lors du colloque L’écrivain pour la jeunesse… un écrivain à part entière organisé par le CRILJ et par l’Institut National de l’Education Populaire – Journées Mondiales de l’Ecrivain de Nice – octobre 1983.

DEUXIEME PARTIE

    Deux questions devant donner lieu à des développements :

1. Quel est votre souhait personnel ?

2. Quels sont vos espoirs et revendications pour les auteurs de livres pour l’enfance et la jeunesse ?

En posant la première question : « Quel est votre souhait personnel », j’avais deux idées comme on dit, derrière la tête. Premièrement, dégager le sentiment, peut-être le ressentiment, des écrivains quant à leur second métier, qu’il faut souvent, pour des raisons financières, appeler le premier. Sont-ils satisfaits de ce partage nécessaire ?

Voici la réponse :

    Si 9 écrivains souhaitent modestement pouvoir écrire plus et davantage, « mieux », ajoutent certains, il s’en trouve 11 pour dire nettement qu’ils souhaiteraient pouvoir vivre de ce métier. « J’aimerais, bien sûr, pouvoir me consacrer entièrement à l’écriture », répond Christian Léourier. Cette réponse n’est pas, j’imagine, très originale. Et Yves Pinguilly d’ajouter : « en recevant commande des media ou des maisons d’édition ».

    Ici, une précision : dans la mesure où il était demandé aux écrivais de donner des renseignements sur le montant de leurs droits, une pudeur – qui ferait hausser les épaules américaines – m’a incité à proposer un questionnaire anonyme. Les écrivains ont cependant étaient très nombreux à révéler spontanément leur identité et, dans ce dernier cas, je me permettrai de les citer.

    Toujours à l’ordre du souhait personnel, ma deuxième « idée derrière la tête » résultait d’une question, dont nous ne mesurons pas ici le degré de perfidie, que nombre d’auteurs écrivant exclusivement pour les jeunes ont entendu tinter à leurs oreilles : « Ah vous écrivez pour les petits ? Pourquoi ? Ca ne marche pas pour les adultes ? » Et au dernier colloque du CRILJ à Saint-Etienne, dont le thème était « La création en France aujourd’hui », n’avait-il pas été fait allusion au fait que la littérature pour la jeunesse pourrait être « le refuge de certains ringards déçus par leur insuccès auprès des adultes » ? Si cette hypothèse était fondée, les réponses ne devraient pas manquer de faire jaillir une certaine amertume à ce sujet. Or, il s’est trouvé un seul auteur qui ait exprimé, pour souhait personnel, l’envie « d’écrire des romans grand public pour adultes ». 1 sur 41, vous avouerez que c’est peu. Cette fois, j’ai manifestement fait chou blanc et suis heureuse de pouvoir le proclamer.

    Il s’agit donc là d’une vingtaine de réponses. Pour les autres, on note quelques souhaits que j’appellerai « disparates », dans la mesure où ils n’apparaissent qu’une fois, tels que le désir d’arriver à faire publier l’ouvrage qu’on porte en soi, ou bien une demande de clarification du rôle de l’AGESSA (Association pour la gestion de Sécurité Sociale des auteurs), ou encore des vœux tels que :

. « un monde plus juste, moins cupide et moins pollué »

. « que le regard des enfants s’ouvre davantage sur les autres enfants du monde »

. « voir… et entendre autour de moi un peu moins d’adultocentrisme pour tout ce qui concerne la littérature pour la jeunesse ».

    Quelques souhaits disparates, donc, mais une majorité de réponses recoupant celles qui ont été données pour la question suivante : « quels sont vos espoirs et vos revendications pour les auteurs de livres pour l’enfance et la jeunesse ? » et dont, pour cette raison, je rendrai compte en même temps.

    Les revendications concernent globalement quatre secteurs : l’édition, les pouvoirs publics, l’école et les medias, alors que les espoirs portent sur un meilleur statut de l’auteur et une reconnaissance de la littérature pour les jeunes.

L’édition :

    De nombreux écrivains critiques les conditions de travail faîtes aux auteurs par les éditeurs. Ils souhaiteraient percevoir un à-valoir correspondant mieux au temps au temps passé, signer le contrat dès l’acceptation des synopsis par l’éditeur, n’être plus assujettis au droit de référence et surtout avoir un moyen de contrôle des ventes effectives. « Que les écrivains, ajoute Claude Cénac, soient tenus au courant de toutes les publications faîtes à partir de leurs œuvres (par exemple, extraits dans les livres scolaires dont nous ignorons tout et sur lesquels nous ne percevons aucun droit) ».

    Béatrice Tanaka résume : « ne pas avoir à marchander à chaque contrat, ni être obligés de réclamer ses comptes et ses droits d’auteur comme si on demandait l’aumône. Enfin, un contrat-type honnête et un code des usages respectés. Un droit de regard sur la fabrication. Une information préalable en cas de réédition, d’épuisement ou de soldes ». D’autres écrivains déplorent la mauvaise qualité des rapports humains auteur-éditeur placés plus souvent, comme l’observe Monique Bermond, sous le signe de l’argent que celui de la création commune. « J’aimerais bien que les éditeurs, écrit un auteur exerçant par ailleurs la profession de bibliothécaire, m’aident à me perfectionner, me fassent refaire, parfaire les textes, aient un rôle de formateur par leurs critiques. Au lieu de quoi, ils se contentent de dire « je prends » ou « je refuse ».

    A relever également : des plaintes sur les conditions matérielles, la basse rentabilité des ouvrages, le faible pourcentage des droits d’auteur, l’un des écrivains précisant qu’il ne touche que 5% sur un livre à 20 000 exemplaires, alors qu’un autre ne perçoit que de 1 000 à 3 000 francs de droits par an pour 25 romans publiés. « J’aimerai bénéficier de droits d’auteur au moins égaux au salaire d’une femme de ménage », déclare amèrement René Antona.

    Un écrivain s’étonne que les droits confondus de l’auteur et de l’illustrateur n’atteignent pas systématiquement les 10% en rigueur en littérature générale. On se souvient que l’analyse comparative des droits d’auteur pour les écrivains tous publics et les écrivains jeunesse, faite plus haut, a clairement montré que les droits d’auteur sont inférieurs dans le secteur jeunesse. Cela nous est confirmé par Michel Jeury, un écrivain professionnel tous publics dont voici le souhait : « que les contrats proposés aux auteurs jeunesse s’alignent sur les autres secteurs avec un plancher de conditions sous lesquelles les éditeurs ne pourront pas descendre.

    Est ensuite critiqué le choix éditorial, dans sa forme (où sont les beaux livres reliés ?), mais surtout dans son contenu. C’est ici que les théories s’affrontent.

    Si Michel Tournier espère « voir changer l’idéologie victorienne qui terrorise l’édition destinée aux jeunes », si un journaliste et un professeur s’accordent pour souhaiter que les éditeurs s’intéressent davantage à leurs lecteurs qu’aux profs, aux grands-parents, aux psychologues, aux psychiatres et aux responsables d’associations familiales, Marie-Claude Monchaux, Suzanne Puligami et Jacqueline Verly dénoncent la permissivité, la place faites au vol, à la drogue, à l’homosexualité, à la contestation, aux thèmes angoissants. « Qu’on publie moins de conneries », tranche Hilaire Cuny. On réclame aussi plus d’audace, on demande aux éditeurs de ne pas enfermer, autant par facilité que par souci de rentabilité, les auteurs dans la routine de leurs collections.

    On souhaite également, de la part des professionnels, un effort pour découvrir et publier les auteurs français de préférence aux étrangers. Jacques Cassabois dénonce, « directement issue des grandes foires internationales, la surabondance de productions étrangères, qui ressemble plus à une prise de pouvoir de l’impérialisme de l’argent qu’à un véritable échange interculturel. Cette prise de pouvoir, poursuit-il, permet à des œuvres médiocres d’exister dans un marché où les particularismes culturels sont écartés parce qu’ils deviennent des freins à la vente ».

    Autre sujet de mécontentement : la part minime faite aux auteurs contemporains. « L’édition fait actuellement une place de plus en plus réduite aux créations, nous dit encore Jacques Cassabois, au profit de la réédition d’auteurs classiques ou néo-classiques, ce qui continue d’accréditer cette idée conservatrice d’une culture éloignée du public, puisque produite par des hommes et des femmes morts depuis longtemps.

    Sont également critiqués : le lancement publicitaire, la distribution et le manque d’agressivité des éditeurs sur le marché étranger. Si les bons livres pour enfants bénéficiaient du même lancement que les bons livres pour adultes, observe Jean-Côme Noguès, « les parents apprendraient à choisir les livres qu’ils donnent à leurs enfants. » Pour ce qui concerne la distribution, il est reproché au système actuel de favoriser les grandes maisons d’édition, de les laisser « inonder le marché ». Cependant, certains écrivains observent que, même publiés par ces grandes maisons, ils ne bénéficient pas toujours pour autant de l’artillerie lourde préposée à la mise en place, dans les librairies, des livres de série qui sont, le plus souvent, de qualité médiocre. Quant au marché étranger, Christian Poslaniec pense qu’il serait nécessaire, pour le conquérir, afin de pallier la carence des éditeurs, de créer un organisme « connaissant parfaitement la production française, capable de favoriser l’adaptation de nos œuvres en langues étrangères ».

    Vous voyez que nos auteurs ne sont pas uniquement négatifs. Ils font encore d’autres suggestions qui, notons-le au passage, traduisent leur isolement. Ils souhaitent pouvoir discuter de leurs problèmes avec d’autres auteurs, avoir leur mot à dire sur le choix de l’illustrateur par l’éditeur, avoir la possibilité de rencontrer les illustrateurs de leurs ouvrages avant la mise en chantier de l’illustration, bref que la production d’un livre soit l’aboutissement d’un véritable travail d’équipe.

    En amont, ne sachant souvent à quelle porte frapper lorsqu’ils ont écrit un ouvrage qui n’a pas sa place dans les collections de leur éditeur habituer, ils aimeraient pouvoir être orientés, mieux informés sur les possibilités éditoriales des diverses maisons d’édition.

    Si Christian Poslaniec imagine la création d’un organisme capable de recevoir les manuscrits et de les proposer aux éditeurs concernés (en observant que ceux-ci ne seraient plus alors submergés de manuscrits non aboutis), Christian Léourier suggère l’édition d’un « annuaire récapitulant les collections existante avec leurs orientations et les noms des responsables ».

    Voici pour l’édition, dont il convient de rappeler quelques chiffres non négligeables, obtenus auprès du Syndicat National de l’édition. En 1981, les livres et albums pour la jeunesse constituaient 6% du chiffre d’affaire global de l’édition française, sur une production de livres représentant 13,15% du tirage global de l’édition en France, le pourcentage étant porté à 17,8% si l’on inclut les livres de bande dessinée.

Les pouvoirs publics :

    Coup d’envoi de Jacques Cassabois, soutenu par quelques confrères, qui déplore une « réticence à faire participer les créateurs aux instances institutionnelles les concernant, comme la récente « Commission Jeunesse » du Centre national des Lettres dont ils sont quasiment écartés, alors que les écrivains sont largement représentés dans toutes les autres commissions du même organisme. Faut-il, s’interroge Jacques Cassabois, lorsqu’il s’agit de l’enfance, détourner les créateurs des décisions pour les confier à des personnes plus patentées ? »

    Sont réclamées :

. en premier, une aide matérielle, sous forme de concours, bourse ou prix, pour aider les jeunes auteurs à se faire publier ou qui permettrait à des écrivains chevronnés de se consacrer entièrement à l’écriture.

. deuxièmement une réflexion sur le livre pour les jeunes et des manifestations nationales pour sa promotion, celles-ci pouvant se ramifier en actions régionales, départementales, municipales, etc.…

. troisièmement, comme le résume Michel Cosem : « une véritable politique de la lecture en direction des jeunes (écoles collèges, bibliothèques municipales) largement débattue par toutes les personnes concernées. « Jacques Cassabois réapparaît ici en soulignant qu’ainsi une littérature active pourrait s’intégrer dans les établissements scolaires, sans être pour autant tributaire du bénévolat obligé et de la recherche d’expédients financiers.

L’école :

    « On veut honnêtement espérer, écrit Georges Fonvilliers, que l’effort déjà entrepris dans les écoles et collèges, pour éveiller l’enfant au goût de la lecture et du livre, porte un jour ses fruits en accroissant le nombre des lecteurs, tout en élargissant et améliorant leu choix ».

    Mais, tous ne partagent pas son optimisme. Ici ou là, on critique les méthodes d’apprentissage de la lecture, l’insuffisance des moyens mis en œuvre par les enseignants pour développer le goût du livre et de la lecture chez les enfants, et même, on milite pour le renouveau de l’enseignement de l’histoire, « car tout roman fondé sur une trame historique, précise ce dernier écrivain, risque de tomber dans le désert avec une jeunesse dont on aura pas cultivé et formé la mémoire ».

    Il faudrait « que les écrivains soient mieux connus en milieu scolaire où un travail considérable reste à faire » déclare Michel Lamart, lui-même professeur. De nombreux écrivains, heureux d’avoir pu participer à des animations dans les écoles, souhaitent que ces expériences se renouvellent le plus souvent possible, mais peut-être dans des conditions matérielles plus favorables. Que la tâche des auteurs disponibles à un public d’enfants, avec ce que cela suppose de déplacements et de temps passé en correspondance avec les enfants, soit reconnue, demande Anne Pierjean. Même son de cloche chez Claude Cénac qui revendique dans ce cas, sinon une rémunération, tout au moins un défraiement. Et Pef d’observer que la « rétribution de ces prestations permettrait aux auteurs de trouver dans ce métier un revenu suffisant sans avoir à s’éparpiller ».

Les media :

    Sujet qui provoque de nombreuses doléances. « Je souhaite, écrit Jean Joubert, une plus grande attention de la presse, de la radio et de la télévision qui, dans l’ensemble, sont peu attentives à cet aspect de la littérature que je juge capital, puisqu’il est le lieu d’initiation de l’enfant à la lecture ».

Sont donc véhémentement réclamés :

. l’intégration, à part entière, de la littérature pour les jeunes dans le réseau actuel des informations culturelles nationales à travers la presse écrite (quotidiens et magazines) et audiovisuelle (radio et télévision). Avec cette précision : à tout moment de l’année, ce qui signifie en clair autrement qu’à la veille de Noël ou des vacances. Et cela, souligne Jacques Cassabois, afin d’apporter « au public les éléments de choix de plus en plus indispensables devant l’abondance inflationniste de la production ».

. « des émissions de radio et de télévision spécialisées plus fréquentes et plus intelligentes ».

. Le passage des auteurs de livres pour les jeunes dans de grandes émissions culturelles type Apostrophes. « J’aimerais être l’invité d’une émission à une heure de grande écoute » soupire Huguette Pérol, tandis que Jean Cazalbou grogne : on aimerait « voir les auteurs et les illustrateurs de livres « jeunes » reçus à Apostrophes tout comme Spaggiari, le gangster bien connu. En attendant la création d’émissions de qualité sur la littérature pour la jeunesse ».

    Et enfin, un autre vœu concernant les media, ainsi formulé par Christian Poslaniec : « que les réalisateurs audio-visuels de produits destinés aux jeunes mettent un peu leur nez dans le vaste champ des publications françaises destinées à la jeunesse. Quand on voit ce qui se passe dans d’autres pays, la situation française constitue un véritable scandale ».

    Rien de nouveau donc. Il y a des années que nous déplorons le manque d’intérêt le manque d’intérêt des média. Il serait cependant intéressant, dans le cadre des travaux que nous devons mener à la suite de ce colloque, de voir avec nos confrères de l’audiovisuel comment, de leur point de vue, se présente la situation. Et aussi d’étudier effectivement, avec exemples précis à l’appui, ce qui se passe dans les autres pays que la France.

    Enfin, le dernier point de ces espoirs et revendications, mais non le moindre : Le statut des auteurs et de la littérature pour les jeunes

     Jacqueline Held résume parfaitement la situation lorsqu’elle espère :

. « Voir la littérature de jeunesse reconnue comme une littérature tout simplement (elle l’est dans beaucoup d’autres pays)

. « Que la littérature soit un métier, c’est-à-dire une activité qui permette de gagner sa vie ».

    Reviennent comme un leitmotiv sur une trentaine de fiche ces quelques mots : davantage de considération, davantage d’estime, littérature à part entière, sortir du ghetto, pas de frontière littéraire.

    Laissons parler ces écrivains dont, note un auteur tous publics, « les libraires cachent les livres au fond de leur magasin », comme autrefois les livres pornographiques. « Que soit enfin reconnu que nous ne faisons pas de la sous-littérature, dit Robert Bigot, sous prétexte que nous ne mettons dans nos écrits ni violence, ni corruption, ni sexe pour le sexe, mais plus souvent ce qui reste d’amour entre les hommes ».

    « Ne plus être traités en éternels mineurs, revendique Béatrice Tanaka : un livre pour jeunes est un livre pour tous ». Et Jean François Laguionie : « ne pas être considérés comme des auteurs de livre pour l’enfance ou la jeunesse mais des auteurs tout simplement ». Madeleine Gilard ajoute : « un livre authentique est une chose précieuse, qui que ce soit qui le lise ».

    L’humeur n’est pas toujours à l’optimisme. « Que peut-on espérer, s’interroge Michèle Albraud, dans un pays qui n’aime pas les enfants et se méfie de la jeunesse ? » A en croire Michel-Aimé Baudouy, il y aurait peut-être une solution. Il faudrait que « l’action entreprise par certains enseignants, bibliothécaires et quelques critiques soit amplifiée. Que cette action, soutenue par les media, aboutisse – enfin – à la distinction entre les fabricants de séries (tant auteurs qu’éditeurs), responsable du discrédit qui pèse sur la littérature pour la jeunesse, et les véritables créateurs d’œuvres de qualité (justement parce qu’elles sont destinées aux jeunes), d’œuvres tout court ».

    Ici ou là, les auteurs suggèrent que les critiques et les prix reconnaissent, à l’instar du Grand Prix Jeunesse de la Société des Gens de Lettres, la qualité littéraire des ouvrages.

    Afin que la littérature pour la jeunesse ne soit plus coupée de la littérature pour adultes, propose Nadine Garrel, « que la même exigence existe pour l’une et l’autre, la même audience et qu’on en finisse avec cette séparation ».

    Autre observation d’un écrivain tous publics : « Il faut que l’on admette que les bons romans juvéniles sont des œuvres littéraires majeures, avec ce que cela implique moralement et matériellement ».

    Matériellement, venons-y ! Il ne s’agit pas de faire fortune, mais tout simplement de pouvoir vivre. « Que le métier d’écrivain pour jeunes, souhaite Luce Fillol, soit désormais un métier […] capable de nourrir celui qui l’exerce avec honnêteté et courage ».

    « Que les auteurs ne soient pas obligés de « produire » vite, commente Madeleine Gilard, parce que c’est indispensable pour nourrir la famille. Qu’ils puissent consacrer le plus de temps et de soins possibles à leur œuvre ». Et certains d’observer que revaloriser le statut de cette catégorie d’auteurs pourrait favoriser le développement d’une création véritable.

    Citons également le point de vue de trois auteurs professionnels tous publics : Jean Joubert, Michel Jeury et Michel Peyramaure, qui trouvent important pour eux d’écrire des livres pour les jeunes, « dans ce domaine, précise Jean Joubert, trop souvent réservé à des spécialistes ». Quant à Michel Peyramaure, il souhaite « avoir le temps d’écrire d’autres livres pour la jeunesse » sans s’épancher sur ce qui pourrait l’en empêcher.

    On comprend en effet que certains hésitent à tout donner d’eux-mêmes pour un livre qui ne leur attirera ni droits d’auteur substantiels, ni même la considération du public, et l’on en vient parfois à se demander si le fait de commencer par écrire pour les jeunes ne jette pas, irréversiblement, un discrédit sur l’écrivain. Ecoutez cette plainte d’Huguette Pérol : « beaucoup d’auteurs « pour adultes » écrivent des livres pour enfants, c’est un fait admis. L’inverse est une tare, un handicap. Pourquoi ? »

    Que peuvent espérer, en conclusion, les auteurs de livres pour les jeunes ? « Du talent, encore du talent et des lecteurs, toujours des lecteurs… » résume Paul Fournel, cependant que de nombreux écrivains s’attristent d’un constat plutôt raide : talent et lecteurs ne vont pas forcément de pair.

    Toutefois, cette enquête a mis en évidence certains éléments positifs qui méritent d’être signalés, et tout particulièrement le nombre d’écrivains qui se sont manifestés, n’hésitant pas à remplir des pages entières d’observations.

    Il faudrait pousser plus l’étude, l’étendre aux illustrateurs, inclure la BD. Mais il faudrait surtout que les auteurs continuent à se mobiliser. Il y a une action à conduire avec le CRILJ, avec la Société des Gens de Lettres qui, au sein du CPE (Conseil permanent des écrivains) a suscité l’ouverture de négociations avec le groupe Jeunesse du Syndicat national de l’édition, ces négociations devant logiquement aboutir à la signature d’un avenant spécifique au Code des usages déjà signé pour la littérature générale.

( texte paru dans le n° 23 – juin 1984 – du bulletin du CRILJ )

Née en 1940 à Nice, un temps strasbourgeoise, Michèle Kahn vit désormais à Paris. Plus de cent titres en littérature pour la jeunesse dont Mes rêves de tous les jours (La Farandole 1945), Moi et les autres (Bordas, 1978), David et Salomon (Magnard, 1985), Justice pour le capitaine Dreyfus (Oskar 2006). A noter également, chez Hachette, une série de récits attribuant à Boucles d’Or des aventures supplémentaires. Nombreux titres également en littérature générale. Diplômée de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), elle a été vice-présidente de la Société des gens de lettres ainsi que de la Société civile des auteurs multimédia (SCAM). Cofondatrice du Prix Littéraire du Rotary, fondatrice, à la SCAM, du Prix Joseph Kessel et du Prix François Billetdoux, vice-présidente du jury du Prix des Romancières et jurée dans de nombreux autres. Journaliste au Magazine littéraire de 1987 à 2006. Ses multiples activités lui laisse toutefois un peu de temps pour fréquenter le Club des croqueurs de chocolat. Michèle Kahn fut au conseil d’administration du CRILJ.

Qui sont les écrivains pour les jeunes ? (1)

par Michèle Kahn

Communication prononcée lors du colloque L’écrivain pour la jeunesse… un écrivain à part entière organisé par le CRILJ et par l’Institut National de l’Education Populaire – Journées Mondiales de l’Ecrivain de Nice – octobre 1983.

PREMIERE PARTIE

    Qui sont les écrivains pour les jeunes ? Ou, plutôt, qui sont les écrivains qui, volontairement ou non, écrivent pour ce secteur de l’édition classé sous l’étiquette générale : littérature pour l’enfance et la jeunesse ?

    Il est apparu, au cours d’un entretien entre spécialistes réunis pour mettre au point notre colloque des Journées mondiales de l’écrivain, que si des écrivains avaient déjà été interrogés sur les motifs pour lesquels ils s’adressent au jeune public et sur leur conception de cet exercice, il n’y avait jamais eu véritablement – sauf erreur – de consultation systématique et spécifique des écrivains pour l’enfance et la jeunesse. Il n’est pas certain que j’étais qualifiée pour ce genre de travail. Peut-être aurait-il mieux valu s’adresser à un théoricien ou à un statisticien, à un économiste ou à un démographe, toutes choses que je ne suis pas. Mais nous nous trouvions dans un Paris estival presque vide. Aussi ai-je accepté bien volontiers, en tant que Secrétaire Général de la Société des Gens de Lettres et membre du CRILJ, de tenter une première approche.

    Ayant fait le compte à rebours des opérations, je me suis vue dans l’obligation de rédiger un questionnaire rapide en vingt-quatre heures, ce que j’ai pu réaliser en m’inspirant de celui qu’avait établi Michèle Vessillier-Ressi pour son ouvrage, le premier du genre en France, intitulé Le Métier d’Auteur. Ce questionnaire a ensuite été adressé aux 161 écrivains d’une liste communiquée par le CRILJ, et 84 d’entre eux ont répondu, ce qui constitue un pourcentage remarquable, tout le monde me le dit. Nous avons donc reçu plus de 50% de réponses, alors que d’habitude on en escompte environ 10%.

    A partir de ces premiers résultats, il se dégage un curieux portrait-robot de l’écrivain pour les jeunes.

    Imaginez un monsieur de 50 ans. Voici une quinzaine d’années, non seulement qu’il écrit, mais qu’il est publié. Il avait en effet 35 ans à la parution de son premier livre, dans une collection destinée aux jeunes. Marié, il a deux enfants. Né en province, il y est resté. Son père était fonctionnaire. Lui-même, à la suite d’études supérieures, travaille au service de l’Education Nationale. Tout son temps libre, il le passe à écrire, écrire, écrire, et parfois il rêve de ne plus faire que cela. Mais ses livres, bien que nombreux, ne lui rapportent que 3 000 à 10 000 francs par an. Aussi attend-il la retraite pour satisfaire son rêve.

    Voici donc notre écrivain. Qu’en pensent mes confrères ? Pour ma part, j’ai beaucoup de peine à me reconnaître dans le miroir que je me suis tendu, mais il est vrai que le portrait-robot permet rarement de trouver l’assassin.

    Sans rejeter ce portrait, qui correspond à une vérité partielle, dans la mesure où il a été obtenu par la juxtaposition des dominantes, il convient d’analyser l’ensemble des réponses données par les écrivains à chaque élément du questionnaire.

1. Le sexe.

    Combien de Comtesse de Ségur, combien de Jules Verne ?

    Nous obtenons le résultat de 38 femmes pour 46 hommes, soit 45,2% de femmes. Ce qui représente le double de l’effectif féminin qui se consacre habituellement à des carrières créatrices (dans son livre Le Métier d’Auteur, Michèle Vessilluer-Ressi annonce 23% de femmes en 1979), mais, en dépit de cette forte participation féminine, le sexe masculin reste prédominant.

2. L’âge (à noter qu’il s’agit ici, pour une fois, de l’âge de l’écrivain et non de celui du lecteur)

    Aucun écrivain ayant répondu n’a moins de trente ans. La majorité, 41 d’entre eux, soit 48,8%, se situe entre 30 et 50 ans, 32, soit 38,1%, entre 50 et 70 ans, tandis que 11 écrivains, soit 13,1%, ont fêté leurs 70 ans. La plus nombreuse catégorie occupe donc la tranche de 30 à 50 ans, mais on obtient une moyenne d’âge de 52 ans.

3. Quel âge avaient ces auteurs à la parution de leur premier livre ?

. moins de 30 ans pour 25 d’entre eux, soit 29,7%,

. de 30 à 50 ans pour 52 écrivains, soit 61,9%,

. de 50 à 70 ans pour 6 d’entre eux, soit 7,2%.

Aucun écrivain n’a eu son premier livre après 70 ans. Et la moyenne d’âge, pour cet important événement, donne 35 ans.

4. Sont-ils célibataires, mariés ou divorcés ?

Ils ont confiance dans les valeurs traditionnelles puisque 64 écrivains, soit 78,6%, déclarent être mariés (les veufs ont été classés dans cette catégorie) alors que 10 d’entre eux, soit 11,9%, sont restés célibataires et que 8 écrivains, soit 9,5%, sont divorcés.

5. Aiment-ils les enfants au point d’en avoir ? Si oui, combien ?

    Deux écrivains ont partie liée avec les dix célibataires cités plus haut, ce qui en fait 12 en tout, pour porter à 14,3% le nombre d’écrivains pour les enfants… des autres.

. 18 d’entre eux, soit 21,4%, ont un enfant,

. 30, soit 35,7%, ont deux enfants,

. 16, soit 19%, en ont trois,

. 5, soit 6%, sont parents de quatre enfants,

. 1 écrivain, soit 1,2%, a cinq enfants,

. 2 autres, soit 2,4%, ont plus de cinq enfants.

6. Lieu de naissance

56 écrivains, soit 66,6% sont nés en province, alors que 22, soit 26,2%, sont nés à Paris ou dans la région parisienne et 6 autres, soit 7,2%, dans les pays étrangers.

7. Adresse actuelle

    La région parisienne présente un irrésistible attrait puisque 39 écrivains, soit 46,5%, y résident actuellement (c’est-à-dire presque le double de la quantité des natifs de cette région), mais le plus grand nombre, 45 écrivains, soit 53,5%, habite la province.

8. Profession des parents

    Cette question, qui devrait servir à déterminer le milieu socio-culturel d’origine des écrivains, a été quelquefois mal-comprises. « Décédés » a-t-on répondu, ou « à la retraite ».

Sur les 67 réponses exploitables, nous obtenons le tableau suivant (en ayant utilisé les catégories adoptés par l’INSEE) :

. agriculteurs, exploitants (2 = 3%),

. salariés agricoles (1 = 1,5%),

. patrons de l’industrie et du commerce (9 = 13,4%),

. professions libérales, cadres sup. (15 = 22,4),

. cadres moyens (24 = 35,8%),

. employés (14 = 20,9%),

. ouvriers (1 = 1,5%),

. personnel de service (0 = 0%),

. autres catégories (1 = 1,5%).

    Nos écrivains sont donc, en majorité, des enfants de cadres moyens, avec 35,8% (parmi lesquels on trouve principalement des fonctionnaires) et une assez forte proportion, 22,4%, de professions libérales ou de cadres supérieurs, ainsi que d’employés, 20,9%.

9. Niveau d’études

    Sur 82 réponses à ce sujet, 50 écrivains, soit une écrasante majorité de 61% ont fait des études supérieures alors que, note Michèle Versillier-Ressi, cela reste un privilège pour 3,8% de la population active en 1982, 14 écrivains, soit 17%, ont le baccalauréat pour seul diplôme, tandis que 12, soit 14,6%, se sont arrêtés avant le baccalauréat, que 4 écrivains, soit 4,8%, ont fréquenté une école spécialisée après le baccalauréat et que 2 d’entre eux, soit 2,3%, ont obtenu le diplôme d’une école technique.

    Ces résultats nous conduisent à une autre question fondamentale :

10. Avez-vous un autre métier que celui d’écrivain ?

    Oui, ont répondu 75 personnes, le fait de bénéficier d’une retraite constituent à nos yeux le second métier. 9 écrivains sur 84, soit 10,7%, ont donc l’écriture pour seul métier. Ces réponses ont également permis de mettre en valeur le fait que sur 74 personnes, 29 d’entre elles, soit 39,2%, travaillent au service de l’Education nationale.

    La répartition de ce second métier, toujours selon les catégories adoptées par l’INSEE, se fait ainsi :

. agriculteurs, exploitants (0),

. salariés agricoles (0),

. patrons de l’industrie et du commerce (2 = 2,6%),

. professions libérales, cadres sup. (12 = 26%),

. cadres moyens (42 = 56%),

. employés (3 = 4%),

. ouvriers (0),

. personnel de service (0),

. autres catégories (16 = 21,4%).

    Une grande majorité donc de cadres moyens, avec 56%, parmi lesquels deux tiers d’enseignants et quelques journalistes. Aucun écrivain n’exerce de métier agricole, et l’on ne note pas plus d’ouvriers ou de personnel de service. La proportion de profession artistiques, 21,4%, est considérable, comparée aux 0,3% de la population.

11. Ces écrivains écrivent-ils uniquement pour la jeunesse ou pour tous les publics ?

    Le résultat obtenu est bien sûr relativement significatif mais – étonnante coïncidence – il y a 42 écrivains dans chaque camp, soit très exactement 50% d’écrivains spécialisés dans la littérature pour les jeunes.

12. Que publient d’autre les 50% d’écrivains tous publics ?

    25 d’entre eux se livrent à des genres divers, alors que 17 écrivains se consacrent exclusivement à un seul genre. Nous avons ainsi 6 auteurs de romans, 4 poètes, 3 auteurs de science-fiction, 1 de nouvelles, 1 d’ouvrages scientifiques et 1 de livres de voyages.

13. Combien de droits d’auteur touchent-ils, dans une fourchette allant de moins de 1000 F à plus de 100 000 F ?

    Il faut signaler que les écrivains s’adressant à divers publics ont répondu pour l’ensemble de leurs droits.

    Pour résumer :

. 41% des écrivains spécialisés pour la jeunesse touchent de 3000 à 10 000 francs par an.

. 23% perçoivent de 1000 à 3 000 francs.

. 23 autres % de 10 000 à 50 000 francs, somme dépassée par un seul écrivain.

. 10% se contentent de moins de 1 000 francs par an.

( encore s’agit-il, pour comprendre ces chiffres, de savoir à quelle masse de travail ils correspondent : l’un des écrivains touchant de 1 000 à 3 000 francs par an précise qu’il a publié 25 romans )

( texte paru dans le n° 23 – juin 1984 – du bulletin du CRILJ )

Née en 1940 à Nice, un temps strasbourgeoise, Michèle Kahn vit désormais à Paris. Plus de cent titres en littérature pour la jeunesse dont Mes rêves de tous les jours (La Farandole 1945), Moi et les autres (Bordas, 1978), David et Salomon (Magnard, 1985), Justice pour le capitaine Dreyfus (Oskar 2006). A noter également, chez Hachette, une série de récits attribuant à Boucles d’Or des aventures supplémentaires. Nombreux titres également en littérature générale. Diplômée de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), elle a été vice-présidente de la Société des gens de lettres ainsi que de la Société civile des auteurs multimédia (SCAM). Cofondatrice du Prix Littéraire du Rotary, fondatrice, à la SCAM, du Prix Joseph Kessel et du Prix François Billetdoux, vice-présidente du jury du Prix des Romancières et jurée dans de nombreux autres. Journaliste au Magazine littéraire de 1987 à 2006. Ses multiples activités lui laisse toutefois un peu de temps pour fréquenter le Club des croqueurs de chocolat. Michèle Kahn fut au conseil d’administration du CRILJ.