Astéroïde et les médias

Voilà un peu plus de deux ans, l’association Astéroïde lançait un appel aux médias pour que se créent des rubriques régulières d’information sur la vie culturelle de l’enfant, en général et sur la littérature de jeunesse en particulier.

Cette action (complétée par une campagne en 1983 sur le thème Que deviennent les enfants après Noël ?) a permis, d’une part, de concrétiser une revendication qui avait été évoquée par quelques uns et, d’autre part, de faire de ce sujet un évènement suffisamment fort pour qu’il soit repris lors de manifestations (Colloque CRILJ de Saint-Etienne, Festival du Livre Enfants-Jeunes de Montreuil, Salon de Saibnt-Gaudens, Semaine du Temps Livre) ou dans les discours récents des trois ministres concernés : Edwige Avice, Georgina Dufoix et Jack Lang.

Par ailleurs, des interventions périodiques auprès des responsables des médias ont favorisé quelques tentatives dont on devrait mesurer les conséquences dans les mois à venir.

Signalons, par exemple, que l’association Presse Information Jeunesse (APIJ) dont le champ d’intervention se limitait jusqu’à présent aux problèmes d’éducation et d’enseignement, vient de créer à l’initiatve d’Astéroïde un poste de vice-président délégué à la culture et aux associations.

Cela dit, le travail de fond que mène Astéroïde se poursuit et ses projets, dont nous aurons l’occasion de reparler dans un prochain numéro, nous autorise, malgré la difficulté de la tâche, à être optimiste.

( article paru dans le n° 22 – février 1984 – du bulletin du CRILJ )

 

Directeur de Fil Bleu, réseau de transport public de l’agglomération tourangelle, jusqu’en 2010, Patrice Wolf eut une première vie du côté de l’enfance avec notamment La Lettre d’Astéroîde, bulletin d’informations culturelles, et L’as-tu mon p’tit Loup ? émission de France Inter consacrée aux livres pour les enfants dont il eut l’idée et qu’il anima, avec Denis Cheissoux, pendant 21 ans. Patrice Wolf a récemment donné à la bibliothèque municipale de Tours 25000 ouvrages, large sélection de ceux qu’il recevait en service de presse.

« J’ai animé une émission pour une radio de service public. Je trouvais légitime de redonner au service public ce qu’on m’avait donné. J’ai proposé de donner ce fond à la bibliothèque de la Ville de Tours qui a accepté. Quand j’ai arrêté l’émission, je n’étais pas en manque. Avec la direction de Fil bleu, cela m’était devenu impossible de poursuivre la radio. Aujourd’hui, je continue à m’intéresser à la littérature jeunesse, on ne peut pas tirer un trait quand on est passionné. » (Patrice Wolf)

 

 

 

 

 

 

 

 

Une vieille histoire

    Automne 79. On venait de démonter le tablier de la Passerelle des Arts et j’avais rendez-vous avec Pierre Marchand. Pour un stage. Jean-Marie Bouvaist m’avait dit que c’était impossible d’entrer dans ce lieu déjà bouillonnant mais que je pouvais toujours essayer. Après plusieurs mois de lapins en tout genre – Christine Mayer et Françoise Cabbert furent d’une patience d’ange dont je leur serai éternellement reconnaissante – j’ai enfin pu rencontrer le capitaine bleu marine. Il était d’assez sombre humeur, trouvant incongru que l’on puisse imaginer apprendre l’édition à l’école et n’ayant rien à faire de stagiaires d’où qu’ils viennent. Peut-être mon nom breton ou mon entêtement à vouloir le rencontrer ont-ils eu finalement raison de sa résistance. Bon, mais à la maquette alors, m’a-t-il concédé. Il y avait un bout de table qui venait de se libérer à la gauche d’Elisabeth Cahat et à la droite de Raymond Stoffel. Même cantinière, j’aurais dit oui.

    J’ai, avec autant de conviction que de maladresse, collé des lignes de Letraset et des pavés de compo, assistant avec émerveillement à la naissance de la collection « Folio Benjamin », redoutant comme la foudre les soirs où le capitaine bleu marine descendait dans la soute pour pousser des hurlements de fureur, de charrette bordel et de bougres d’imbéciles, et faire tout refaire deux minutes avant que Raymond reprenne son train pour Luzarches. Il m’a fallu quelques années pour mesurer la valeur de ce que j’apprenais là. Je n’ai jamais triomphé de la problématique des Letraset (mais la PAO a eu leur peau, ce que, pour ma part, je n’ai jamais regretté), mais j’ai su une fois pour toutes que le livre était un tout : un texte, une mise en page, des images, un objet et la conviction de son éditeur pour le défendre.

    Au bout de plusieurs semaines de cutter et de mine bleue, je suis montée à la passerelle pour travailler à l’éditorial. Des prières d’insérer, des quatrièmes de couvertures, la réception des manuscrits, des argumentaires commerciaux… Grâce à la science du désordre cultivée avec talent par Pierre, l’équipe de Gallimard Jeunesse était en perpétuelle désorganisation : un bonheur pour une petite main qui pouvait ainsi glisser son œil partout ou presque. Mon mémoire de fin d’études sur la collection « Enfantimages » fut comme une enquête menée aves délices dans cet atelier brouillon mais chaleureux et inventif.

    A la fin de mes stages, Pierre Marchand m’a engueulée parce que j’avais répondu à une petite annonce de l’école des Loisirs – l’autre lieu de rêve pour un moussaillon en mon genre. « Qu’est-ce que tu veux aller faire là-bas ? » Et il m’a engagée pour travailler sur ce qui allait être « Découvertes ». La préhistoire de cette collection ne fut pas une partie de plaisir. Entre l’ambition de Pierre et les moyens mis à sa disposition, le fossé était large. La bonne fortune des « Livres dont vous êtes le héros » viendra bien plus tard, l’étrécir au point de rendre cette ambitieuse collection possible. Françoise Balibar, Jean-Pierre Maury, Jean-Pierre Verdet, Marc Meunier-Thouret et d’autres essuyèrent les premiers plâtres de ce projet pharaonique qui attendra l’arrivée d’Elisabeth de Farcy et de Paule du Bouchet, en 1981, pour vraiment prendre forme. J »aurai alors déjà rejoint le versant plus littéraire de Gallimard Jeunesse pour prendre en charge « Folio Benjamin » et « Folio Cadet ». Avant de voler de mes propres ailes chez Casteman qui, en 1987, cherchait un éditeur jeunesse pour son bureau parisien. J’aime bien l »idée d’essaimer, disait Pierre Marchand, ne croyant pas si bien dire.

    Septembre 99. Retour de vacances. Ma boite vocale trahissait les efforts inlassables d’un numéro inconnu à me joindre. Stéphanie Séminel ne fut pas fâchée de me joindre enfin et il ne me fallut pas longtemps pour reconnaitre l’impatience de son patron. Pierre Marchand me dit deux ou trois choses : qu’il chassait, qu’il y avait chez Hachette un formidable catalogue de fiction (ça, c’était vrai), qu’il n’y connaissait rien (ça, c’était faux mais il le savait aussi bien que moi) et qu’on lui avait dit que j’étais l’homme de la situation. Rendez-vous le soir même au Café de la Marine, au bord du Canal Saint-Martin. Me dit « que nous avons devant nous un fameux chantier, que nous serons alliés, qu’il me laissait réfléchir jusqu’au lendemain. » Largement suffisant. Je n’ai pas beaucoup hésité. Et pendant deux ans et demi nous avons travaillé ensemble d’arrache-pied, redonnant au catalogue Hachette Jeunesse Roman le lustre qu’il avait perdu.

( article paru dans le n°74 – juin 2002 – du bulletin du CRILJ )

Successivement éditeur chez Gallimard jeunesse, Casterman, Hachette jeunesse et Bayard Jeunesse, Marie Lallouet donne également des cours aux futurs éditeurs du Master de Paris XIII-Villetaneuse. Elle vit à Paris et a trois enfants. Rédactrice en chef de J’aime lire, elle a découvert une nouvelle facette de son métier d’éditeur pour la jeunesse : la nécessité d’aller chercher les lecteurs là où ils sont, de les prendre par la main pour qu’ils puissent s’aventurer sur le chemin de la lecture. Participation à l’ouvrage collectif Aimer lire : guide pour aider les enfants à devenir lecteurs (SCEREN-CNDP et Bayard Jeunesse, 2004) et auteur de Mon enfant n’aime pas lire, que faire ? (Bayard Jeunesse, 2007)

« J’étais invitée à participer à une émission d’après-midi sur Europe 1. Thème : comment faire pour que les enfants aiment lire. Avec Edwige Antier, nous avons fait assaut de merveilleuses idées. Lire à haute voix même quand les enfants savent lire tout seuls, le faire autant pour le benjamin que nous l’avons fait pour l’aîné, ne pas craindre les livres que l’on ne trouve pas très bons, etc. Pourtant, à la réflexion, nous aurions dû dire aussi quelque chose d’important. Aussi précieuse que nous semble la lecture, nous devons pouvoir autoriser nos enfants à ne pas aimer ça. Accepter des enfants qui ne sont pas à notre image, ce qui n’est ni une pose théorique, ni un exercice facile. » (Marie Lallouet)

 

L’enfant et la poésie

 

Le CRILJ (Centre de Recherche et d’Information sur la Littérature pour la Jeunesse) a organisé une colloque L’enfant et la poésie au Centre Georges Pompidou (Paris), du 18 au 20 avril 1986, avec la collaboration de la Bibliothèque Publique d’Information et avec l’aide et le concours de divers organismes officiels : Ministère de la Culture et de la Communication, Ministère de l’Education Nationale, Secrétariat d’Etat auprès du Ministère chargé de la Jeunesse et des Sports, Mission d’Action Culturelle

Le colloque a réuni 150 participants venus de toutes les régions de France et de plusieurs pays étrangers, tous engagés de diverses façons dans la rencontre de l’enfant et de la poésie : enseignants, bibliothécaires et poètes.

Premier colloque national sur ce sujet, cette rencontre a permis de clarifier les problèmes, de confronter les points de vue sur le rôle et la situation de la poésie (notamment contemporaine) à l’école ou vis à vis du public, sur l’enfant auditeur, lecteur, créateur, sur le rôle initiateur de l’école et de la bibliothèque, sur les rapports de l’image et du texte poétique, cherchant toujours à mieux cerner ce que pouvait bien être la poésie, tellement éclatée aujourd’hui que sa réalité même est fuyante.

Grâce à de nombreux compte-rendus d’expériences très diverses quant aux lieux, aux modalités, aux organismes responsables, la voix des enfants et des adolescents a pu se faire entendre. Ces témoignages reflètent l’extraordinaire bouillonnement poétique qui se produit actuellement un peu partout à tous les niveaux, à tous les âges.

Les communications de Jacques Charpentreau, Christiane Clerc, Janine Despinette, Raoul Dubois, Georges Jean, Jean-Luc Moreau, Geneviève Patte, Aline Roméas ont montré les richesses de ce grand mouvement, sans en cacher les dangers pouvant venir d’une absence de sélection assez sévère

Deux soirées poétique ont permis d’entendre quelques poètes et chanteurs interpréter leurs œuvres et répondre aux questions parfois provocantes du public. On s’est même parfois demandé ce qu’était la poésie, ce qu’était un poème, qu’est-ce qui permettait de se dire un poète, etc. On s’est remis en question, on s’est re-situé soi-même par rapport à la poésie – et par rapport à l’enfance

Le colloque s’est terminé par une adresse de Jean Tardieu, alors souffrant, et par le remarquable témoignage d’un jeune poète suisse, Jean-Pierre Valloton.

Le président Jean Auba et Michel Melot, directeur de la BPI, en ouvrant le colloque, avaient souligné l’importance d’une telle rencontre, la première sur se sujet. Les débats ont prouvé que les participants avaient beaucoup à dire, comme le montreront les actes du colloque qui seront publiés. Mais d’autres rencontres, nationales ou régionales, seront sans doute nécessaires sur un thème d’autant plus intéressant qu’il suscite des controverses.

( texte paru dans le n° 28 – mai 1986 – du bulletin du CRILJ )

D’abord instituteur et professeur, puis écrivain, anthologiste, directeur de collections chez plusieurs éditeurs, Jacques Charpentreau fit beaucoup pour la diffusion de la poésie. Parmi ses nombreux recueils pour jeunes lecteurs : Poèmes d’aujourd’hui pour les enfants de maintenant et Poèmes pour les jeunes du temps présent. Il écrivit aussi, pour les enfants, de nombreux romans (Comment devenir champion de football en mangeant du fromage, La Famille Crie-toujours). Auteur, pour des lecteurs adultes, de poésie, de théâtre, de pamphlets, il est président de La Maison de Poésie. Très attaché au CRILJ, il en fut longtemps l’un des vice-présidents.

Quelle identité pour les sections régionales ?

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par André Delobel

     Il est très vite apparu aux personnes qui avaient souhaité le CRILJ et l’avait constitué qu’une activité au strict niveau national ne pouvait répondre à l’ensemble des besoins et qu’il y avait lieu de créer les conditions d’une activité CRILJ à un échelon décentralisé. Le débat qui eut lieu à ce propos lors de l’assemblée générale d’octobre 1975 aboutit à un projet de « structures pour des sections régionales du CRILJ » adopté à l’unanimité des quatre-vingts adhérents présents.

     Les objectifs assignés aux sections régionales étaient :

 – d’une part, de rassembler (dans la région) les représentants de tous les secteurs concernés par le livre pour la jeunesse.

 – d’autre part, de promouvoir et coordonner (dans la région) l’action en faveur de la littérature pour la jeunesse.

     En fait, à la lecture intégrale du texte, on sent qu’il y avait une sorte de balancement entre deux idées :

 – une idée qui consistait à attribuer aux sections régionales une pleine compétence et une pleine responsabilité sur son territoire ; c’est ainsi qu’il était précisé au cours du débat que les sections régionales pouvaient recevoir des subventions pour ses activités propres.

 – une autre idée qui consistait à considérer les sections régionales comme des sous-sections du CRILJ/national ; c’est ainsi qu’il était suggéré aux sections régionales d’organiser des commissions de travail correspondant aux quatre commissions permanentes du CRILJ/national.

     Un an après, le CRILJ avait 400 adhérents et trois sections régionales. Il a aujourd’hui 1300 adhérents et vingt-quatre sections régionales.

     Malgré un texte fondateur unique et jamais revu, aucune section régionale ne ressemble à aucune autre. Il pourrait être intéressant de comparer un peu leur réalité : leur recrutement, leurs fonctionnement, leurs activités et, aussi, l’idée que chaque section se fait du rôle qui est le sien ou qui devrait être le sien.

     A la lumière de deux événements récents, je voudrais formuler un certain nombre d’observations et de questions :

 – premier événement : la semaine « Le livre et les jeunes ». En de nombreux endroits divers « collectifs » ou « comités » ont joué un rôle de « coordinateur d’actions » à l’intérieur d’un département ou d’une région. Quelle devait être la place d’une section régionale dans une telle organisation dès lors que le CRILJ se veut lui-même structure de rassemblement ?

 – deuxième événement ; les « Rencontres nationales du Mans ». Une des commissions de travail de ces rencontres avait à réfléchir sur la structure à mettre en place régionalement pour regrouper l’ensemble des partenaires possibles pour la promotion du livre et de la lecture. J’ai été un tantinet choqué (et je ne suis pas le seul) par une certaine façon de reprendre la réflexion à son point de départ, comme s’il ne s’était rien passé, depuis dix ans, au CRILJ notamment.

     Au moment où s’installe peu à peu la décentralisation administrative, où – c’est certain –  de plus en plus de questions se traiteront au niveau de la région, il est peut-être utile de réfléchir à ce que doit être aujourd’hui l’identité d’une section régionale du CRILJ.

     Je n’avance pas de réponses, mais deux préoccupations :

 – Les sections régionales sont, comme le CRILJ/national, structures de rassemblement. Le sont-elles, de fait, partout ? Et, si non, y a-t-il quelque chose à faire pour améliorer la situation ?

 – Quelles conditions (qu’elles ne réuniraient pas encore) devraient remplir les sections régionales pour être reconnues comme pleinement interlocutrices des instances de la décentralisation ?

 ( texte paru dans le n° 27 – janvier 1986 – du bulletin du CRILJ )

faim de lire

Maître-formateur récemment retraité, André Delobel est, depuis presque trente ans, secrétaire de la section de l’orléanais du CRILJ et responsable de son centre de ressources. Auteur avec Emmanuel Virton de Travailler avec des écrivains publié en 1995 chez Hachette Éducation, il a assuré pendant quatorze ans le suivi de la rubrique hebdomadaire « Lire à belles dents » de la République du Centre. Il est, depuis 2009, secrétaire général du CRILJ au plan national.

A la guerre comme à la guerre

par Raoul Dubois

    Tomi Ungerer publie aux éditions école des Loisirs un ouvrage déjà paru à Strasbourg en 1991 et qu’il sous-titre Dessins et souvenirs d’enfance.

    Tout ceux qui s’intéressent à la littérature de jeunesse et ceux qui la font, c’est-à-dire tous les membres du CRILJ, se doivent de lire et de faire lire ce texte.

    D’abord parce qu’il met en évidence beaucoup des aspects de l’œuvre de Tomi Ungerer dont il serait fastidieux de faire la bibliographie. Tout s’éclaire et les critiques auront l’occasion dans les années à venir de montrer toutes les correspondances entre ces souvenirs et l’œuvre de l’auteur.

    « … Tomi a huit ans quand la Seconde Guerre mondiale éclate. Du jour au lendemain, il doit changer de nom, parler allemand, écrire en gothique, faire un dessin raciste pour son premier devoir nazi. Il obéit, il s’adapte. Il devient caméléon. Français sous son toit, Allemand à l’école, Alsacien avec les copains. Heureux quoiqu’il arrive … »

     On nous permettra d’aller plus loin dans ce texte et d’y voir un extraordinaire résumé des drames de notre temps.

    En premier lieu parce qu’il s’agit d’un enfant placé au centre de ces tourments qui, à travers les âges, mettent en cause, plus que les vies même, le sens de la vie. Tomi est dans la guerre et la guerre est dans Tomi. Peut-être d’ailleurs ne l’a-t-elle jamais quitté. Le fait qu’il appartienne à un milieu cultivé lui a sans doute permis, son talent aidant, de se trouver une issue. Seul l’humour de l’auteur rend certains passages supportables sans que jamais il ne nous entraîne dans la dérision et l’horreur.

    On ne peut s’empêcher de penser aux enfants, victimes d’hier et à ceux d’aujourd’hui. Pour notre génération la liste est longue : les enfants alsaciens, les enfants juifs, les enfants de la Pologne et de la Russie occupée, les enfants Tziganes et ceux Hiroshima qui succédaient aux enfants espagnols que certains oublièrent vite.

    En ce début de siècle, les enfants du Rwanda, du Congo et de tant d’autres pays d’Afrique, nous pensons à ceux de Bosnie, de Serbie, du Kosovo, de Palestine et d’Israël, d’Iran ou d’Afghanistan, d’Irak et d’Algérie (ceux d’hier, ceux d’aujourd’hui), les Tchétchènes ou les Indonésiens … on n’en finirait pas d’aligner les lieux où se perpétuent des crimes dont les victimes n’auront pas toutes la « chance » – excusez-moi, Tomi – de s’en sortir.

    Mais c’est pour cela qu’il faut lire et faire lire ce livre au moment où peut-être se prépare une guerre qui peut, d’une erreur tactique à l’autre, devenir la troisième guerre mondiale.

    Parce que tous les enfants du monde ont droit à la vie et que rien jamais ne justifie celui qui déclenche une guerre.

    N’aurait-il écrit que ce livre, Ungerer aurait sa place dans la littérature enfantine. Il en a écrit et dessiné beaucoup d’autres, une chance que la guerre nous l’ait épargné.

( texte paru dans le n° 75 – novembre 2002 – du bulletin du CRILJ )

 

Né en 1931 à Strasbourg, Tomi Ungerer est fils d’un fabricant d’horloges historien et astronome. Il fréquente en 1953 les Arts Décoratifs de Strasbourg, puis, en 1956, part à New York où il se fait connaître comme dessinateur publicitaire. Son premier livre pour enfants, The Mellops go flying, paraît chez Harper and Row en 1957 et obtient le Spring Book Festival Honor Book. Dans les années 1960 il collabore avec l’éditeur suisse Diogenes Verlag qui édite la majorité de ses livres. Après un passage par le Canada, il s’installe en 1976 en Irlande. Il est l’auteur de près de cent cinquante livres dont plus de quarante disponibles en français. Le premier paru en France, Les trois brigands (Ecole des Loisirs 1968) est un album connu de tous. De retour à Strasbourg, Tomi Ungerer a renoué avec sa terre d’origine, multipliant présences et initiatives. Le Musée Tomi Ungerer-Centre International de l’Illustration, à la Villa Greiner à Strasbourg, regroupe un fonds important de dessins, livres, revues, jouets et documents d’archives donné à sa ville natale par l’illustrateur.

  ungeerer

« Dans la maison de Tomi Ungerer, il y a des meubles qu’il a fabriqués, des jambons qu’il a salés, des mécaniques qu’il a montées. Il n’y a pas de télévision. Dans la penderie de Tomi Ungerer, il y a une veste à quatorze poches pleines de manuels de botanique, de loupes, de couteaux, de dictionnaires de minéraux. Dans les œuvres complètes de Tomi Ungerer, il y a des affiches, des publicités, des sculptures, des machines et des jouets, des livres érotiques, des livres de satire sociale, des livres de reportage et des livres pour enfants. Dans les livres pour enfants de Tomi Ungerer, il y a des animaux : serpent, pieuvre, chauve-souris et vautour, maudits et réhabilités, des ogres convertis, des brigands repentis et des histoires sans queue ni tête. Dans les récompenses obtenues par Tomi Ungerer, il y a le Prix du Plus Mauvais Livre pour enfants décerné dans l’Amérique du « politiquement correct ». Dans la bouche de Tomi Ungerer, il y a des imprécations, des moqueries, des colères, des provocations, des engagements, des jeux de mots, des révoltes, des enthousiasmes et des passions. » (Sophie Cherer)

La Biennale Internationale d’Illustration de Bratislava

     Pour la première fois depuis vingt ans, le Grand Prix de la Biennale Internationale d’Illustration de Bratislava, plus connue dans les milieux de l’édition et des arts graphiques sous le sigle BIB, a été attribué à un artiste français, le peintre Frédéric Clément qui présentait des originaux de Bestiaire fabuleux (Magnard 1983) et de Histoire de Lilas (Ipomée 1984).

     On sait que cette manifestation placée sous lee auspices de l’UNESCO, de l’IBBY et de l’UNICEF est à l’illustration ce que le Festival de Cannes est au cinéma. Elle a des répercussions à très longue portée : l’exposition des œuvres des lauréats est itinérante à travers le monde, les timbres émis pour cette occasion sont très recherchés par les philatélistes et les livres par les collectionneurs adultes autant que par les enfants.

     A cette dixième BIB, jubilatoire, participait 155 illustrateurs parmi les meilleurs de 50 pays des cinq continents, dont 18 français.

     Confrontation passionnante, choix difficiles. A prendre connaissance des noms des vingt finalistes, nos lecteurs s’intéressant à l’image en auront conscience.

     Le jury international de la Biennale d’Illustration de Bratislava a tenu ses séances du 2 au 5 septembre 1985, à Bratislava.

     Ses membres en étaient : Lucia Binder (Autriche), Janine Despinette (France), Ottilie Dinges (RFA) Hisako Aoki (Japon), Marilyn Hollinshead (USA), Horst Kunze (RDA), Regina Yolanda Werneck (Brésil), Olga Siemaszkawa (Pologne), Bigdan Krazok (Yougoslavie), Carla Poesio (Italie), Orest Verejakoj (URSS), Uarian Vesely (Tchécoslovaquie), Ulf Löfgren (Suède), Moroslav Kudrana (Tchécoslovaquie).

     Le Grand Prix de la BIB’85 a été attribué à Frédéric Clément.

     Les illustrateurs français présentés dans l’exposition de la BIB jusqu’à fin octobre 1985 sont les suivants : Frérécic Clément, Dorothée Duntze, Claire Forgeot, Henri Galeron, Kelek, Alain Letort, Agnès Mathieu, Olivier Poncer, Jean-Claude Marol et Eve Tharlet.

     On peut se procurer les catalogue des BIB à ARCURIAL et à la librairie de la Hune et des informations complémentaires sur les « Prix littéraires dans le monde » dans la revue Enfance numéro 3-4 de 1984.

 ( article paru dans le n°26 – novembre 85 – du bulletin du CRILJ )

  frédéric clément

 Critique spécialisée en littérature pour l’enfance et la jeunesse, d’abord à Loisirs Jeunes, puis à l’agence de presse Aigles et dans de très nombreux journaux francophones, Janine Despinette, qui fut également chercheuse, apporta contributions et expertises dans de multiples instances universitaires et associatives. Membre de nombreux jurys littéraires et graphiques internationaux, elle crée, en 1970, le Prix Graphique Loisirs Jeunes et, en 1989, les Prix Octogones. A l’origine du CIELJ (Centre Internationale d’étude en littérature de jeunesse) en 1988, elle fut très longtemps administratrice du CRILJ.  

Une résidence

 

 

 

 

 

 Le plaisir et la nécessité  

     Encore en résidence, m’a demandé un jour Bernard Noël. C’est un choix de vie ?

    Aujourd’hui je peux répondre, oui, en quelque sorte…

    Vit-on de sa plume quand on est écrivain en résidence ? Oui, au moins pour quelques mois (et nous avons par nécessité l’art de faire durer quelques mois de résidence sur une année entière d’écriture)

    C’est donc pour des raisons financières qu’un écrivain accepte, ou sollicite une résidence ? Non, pas seulement. Ou, oui, mais pas seulement.

Une résidence : un projet 

     Car une résidence c’est un projet, c’est une équipe, ce sont des actions, des rencontres, des ateliers, des hommes des femmes et des enfants. C’est un partage sur l’essentiel : l’écriture. Celle qu’on poursuit (et nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles Flaubert). Celle qu’on lit, et celle que l’on invente ensemble, maladroite souvent, hasardeuse volontairement, surprenante ou attendue, émouvante toujours.

    Car l’émotion est la pierre de touche qu’il importe pour moi de faire sentir, quel que soit le projet initial.

    Traduire les poètes étrangers invités avec des poètes français et créer entre tous un lien à l’Abbaye de Royaumont, retrouver l’esprit de Le Corbusier à l’occasion du cinquantenaire de la Maison Radieuse, à Rezé, entraîner des enfants dans cette aventure d’écrire, dans la Somme et apprendre des « usagers » de bibliothèque de prêt ce que c’est que lire, le découvrir avec eux, le mettre en mots…

    Chaque résidence est une nouvelle aventure, un nouveau lieu de vie, et cela aussi a son importance.

    La Loire n’est pas la même à Nantes et à Tours, la baie de Somme est unique, et les ciels sont ici et là sans pareils. J’aime ce nomadisme dans lequel m’ont entraînée les différentes résidences que j’ai « faites », que j’ai occupées, qui m’ont accueillie.

Une résidence : une aventure passionnante 

     J’aime cette appropriation passagère d’une ville, d’une rue, d’un réseau d’amitié et de travail partagés, cette boucherie-charcuterie dépôt de pain et d’oeufs frais de la ferme, qui devient la mienne pour quelques semaines, quelques mois.

    J’aime ces enseignants, documentalistes, bénévoles, animateurs, permanents d’association dont j’accompagne durant quelques heures le travail. Un travail qu’ils mènent à longueur de temps, avec générosité, enthousiasme, découragement parfois.

    Et j’aime ouvrir la malle.

    Cette grande malle inépuisable qui est notre bien commun et qui reste trop souvent inaccessible. Cette malle pleine de mots, de voix, d’histoires, de secrets, de confidences, de connaissances, d’émotions : la littérature mondiale depuis le début de l’humanité ! Y compris la littérature orale, les contes d’hier et d’ailleurs, recueillis au fil des siècles. De l’épopée de Gilgamesh aux jeunes poètes contemporains, tout nous appartient à tous. Chercher pour chacun le chemin qui lui convient, quoi de plus exaltant, sinon ajouter à son tour son humble obole à la malle ?

    Faire écrire, écrire, lire, faire lire… (faire entendre la voix qui est dans le livre). Témoigner.

    Voilà tout l’enjeu d’une résidence !

    Comment ?

    Des stratégies sont à réinventer chaque fois, au cas par cas, avec. Avec les partenaires, avec les « encadrants », avec les participants.

    Il n’y a pas de recettes, mais vous pouvez vous rapporter à mon blog où sont offerts les différents plats concoctés au fil de ma résidence à Tours. A mon site où sont évoquées les différentes résidences où je suis allée depuis 2002, les différents pays aussi.

    Lectures, rencontres, ateliers, groupes de paroles, spectacles, expositions… Tout est possible. Y compris la création d’un festival (comme l’a fait Hubert Haddad à Chaumont).

    Pourvu que l’on n’oublie jamais que le désir est au coeur de l’écriture.

© Marie-Florence Ehret

 

  marie florence ehret

Née à Paris, près de la Goutte d’or. Marie Florence Ehret pratique divers métiers avant et après des études de Lettres et de Philosophie, puis enchaine les voyages en Turquie, en Afrique, en Europe et en Asie. « Ma grand-mère répétait souvent qu’il faut bien vivre. Je n’en étais pas très sûre. Plus convaincante me parut la devise des Argonautes : vivre n’est pas nécessaire, il est nécessaire de naviguer. » Son premier texte, Les Confessions de la Rouée, en 1986, bénéficie d’une préface de Bernard Noël. On lui doit depuis de nombreux ouvrages pour adultes et pour la jeunesse : romans, nouvelles, récits,  proses, poétiques ou non. Elle se déplace toujours beaucoup, animant des ateliers d’écriture, en France et à l’étranger, ou s’instalant pour un temps en résidence. Parmi ces ouvrages pour les jeunes lecteurs : A cloche-cœur (Rageot, 1990), Mortel coup d’oeil (Rageot, 1999), Fille des Crocodiles (Thierry Magnier, 2007), A la croisée des rêves (Bayard 2010). Claire Levassor a réalisé en 1993 Paroles mêlées, court-métrage à propos de la résidence de l’écrivain à Orléans dans le quartier de l’Argonne. Merci à Marie-Florence Ehret pour nous avoir confier ce texte.

 

 

 

Dusan Roll en l’Hôtel de Massa

      Le Président du CRILJ et Michèle Kahn, Permier Vice-Président de la Société des Gens de Lettres, mais aussi Vice-Présidente d’IBBY France, ont reçu, le 19 mai 1987, le nouveau Président de l’IBBY, le Docteur Dusan Roll, venu en France pour une conférence à l’Unesco.

     On sait que le Docteur Dusan Roll est aussi le Sécrétaire Général de la prestigieuse Biennale de Bratislava (BIB) et cette rencontre permettait de fêter plus officiellement le Grand Prix reçu par Frédéric Clément à la BIB 1985.

    Etaient présents, des éditeurs, des libraires, des responsables de revues, des auteurs, des illustrateurs et, bien sûr, des représentants d’IBBY France.

     Dans un échange de discours enjoué et chaleureux, le Président Jean Auba a essayé d’expliquer la spécificité de chacune des grandes organisations françaises et le Docteur Dusan Roll a montré la complémentarité des actions internationales menées lors des Congrès de l’IBBY ou dans le cadre de la Biennale de Bratislava mais aussi dans les différentes expositions itinérantes qui font mieux connaître dans le monde la réalité littéraire et esthétique de la littérature pour la jeunesse.

     Il nous a rappelé à la fois l’importance qu’à joué la Bibliothèque Internationale de Munich dans le développement de cette littérature mais aussi le rôle prépondérant de la France et de ses représentants membres des comités exécutifs des grandes organisations internationales ou membres de jury.

     A cette occasion, il a souligné les liens d’amitié personnels qui le liait à Lise Lebel et le soutien que la section française de l’IBBY, dont elle était la Secrétaire Générale, lui a apporté dans les premières années de la BIB dont la création remonte à 1965.

     Il espère une délégation française nombreuse au prochain Congrès d’Oslo, en septembre 1988, dont le thème, on se souvient, est La littérature de jeunesse et les nouveaux médias, et relance une invitation aux illustrateurs présents de participer à la BIB 1987.

     Le Docteur Dusan Roll a rappelé que Jella Lepmann disait que les livres pour enfants sont comme des ponts lancés par delà les frontières et des rencontrees somme celle-ci, à la fois officielles et informelles, élargissant l’horizon de nos préoccupations, nous font prendre conscience de l’importance d’un travail international par nos organisations.

( texte paru dans le n° 31 – juiller 1987  – du bulletin du CRILJ )

bib

 Né en 1928 en Tchécoslovaquie, Dušan Roll a travaillé à la maison d’édition Mladé leta où il fut responsable des publications pré-scolaires et des livres d’art. Il a, sous pseudonyme, publié des pop-up et des livres-jeux. Il est l’un des fondateurs de la Biennale de l’Illustration de Bratislava dont il sera commissaire général de 1967 à 2005 puis président honoraire. Plusieurs fois vice-président de I’IBBY, il est élu président de l’organisation en 1986 lors de son vingtième congrès à Tokyo. Il présida également le jury pour l’attribution du prix Hans Christian Andersen de 1978 à 1982. Directeur de Slovenská filmová tvorba de 1978 à 1981, Dušan Roll entre  en 1986 au conseil d’administration de la Commission internationale du livre de l’UNESCO dont il sera, un peu après, vice-président.

Pierre Marchand

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Pierre Marchand vient de nous quitter prématurément à 62 ans. J’éprouve beaucoup de chagrin en écrivivant ces lignes qui concernent aussi bien l’ami très cher que l’éditeur incomparable qu’il fut.

     Car cet homme autodidacte, né dans un milieu très modeste, cet homme d’humeur, appartenait à l’espèce des créateurs. Il a en effet, dans le cadre de Gallimard Jeunesse qu’il dirigea de longues années, inventé des livres pour les enfants, des plus petits au plus grands, qui ne ressemblaient à rien de ce qui avait été fait jusque là pour la jeunesse. Il refusait d’infantiliser l’enfance, il la prenait au sérieux et avait compris que tout tenait dans la qualité des textes, dans la qualité des images et, surtout, dans une dialectique entre l’écrit et l’image. Pour lui, l’image n’est pas seulement illustration, elle partage avec le texte toute la sémantique d’un album ou d’un livre. Il avait l’art de conduire les auteurs écrivains et artistes à travailler dans le même sens. J’en ai fait personnellement l’expérience avec plusieurs ouvrages publiés chez Gallimard sous sa direction. Sans intervenir en quoi que ce soit dans notre travail, il savait tirer le meilleur de nous-même et je lui dois d’avoir appris que la clarté, la simplicité ne sont jamais des réductions « pour les enfants » mais le moteur de propositions neuves pour la raison comme pour l’imaginaire.

     Il aimait la poésie et loin de considérer comme un art la « poésie pour enfants », faisait confiance aux poètes, ceux qu’il aimait, ceux que nous aimions, des anciens aux plus modernes. Je lui suis reconnaissant d’avoir su que cet « autre langage » qu’est la poésie, les enfants la saisissait pour peu qu’on leur propose, dans son opacité et son pouvoir, de « tout dire ».

     Et puis il a créé la plus fabuleuse des encyclopédies, Gallimard Jeunesse. J’ai réalisé trois ouvrages pour cette collection, traduite dans une trentaine de langues. Lorsque je lui avais proposé l’ouvrage sur l’histoire des écritures, il me demanda un projet. En bon universitaire, je lui apportai un manuscrit de 400 pages.

     Je me souviens de son rire homérique. Il fallait réduire ce texte complexe en une conquantaine de pages, scientifiquement exactes, clairement exposées et en rapports constants et complémentaires avec l’iconographie. Ce fut un énorme travail dont je remercie Pierre. Il venait de m’apprendre « l’impératif de l’essentiel ».

    Toute son équipe peut en témoigner : il n’était pas tous les jours facile de travailler avec lui ; mais son exigence conduisait aux résultats que l’on connait.

     Enfin, je ne saurais oublier l’ami incomparable : affectueux, tendre et timide, marin expérimenté, il savait que j’aimais la mer en poète et que la navigation n’était pas mon fort ; il se moquait gentiment de ce « piéton du vent » que j’étais à ses yeux. Et surtout notre amitié n’était ni « langagière » ni démonstrative, mais conteuse. Jusqu’à la fin il m’a envoyé de petits messages par téléphone et, il y a peu, un album qu’il venait de produire chez Hachette sur les jardins zen. Image et message de la perfection silencieuse d’un homme qui respectait assez l’enfance et l’amitié pour s’effacer derrière ce qu’il offrait de nouveaux à nos regards d’enfants et d’hommes.

 ( texte paru dans le n° 74 – juin 2002 – du bulletin du CRILJ )

   gallimard

Né le 17 novembre 1939 à Bouin, petit port de la baie de Bourgneuf (Loire-Atlantique), en pays chouan. Pierre Marchand fit de brèves études au collège Amiral Merveilleux du Vignaux, aux Sables-d’Olonne. Sur le chemin de l’établissement, une librairie qui propose les premiers livres de poche et ses exceptionnelles couvertures. Entre comme courantin puis mousse aux chantiers maritimes Dubigeon à Nantes. Devient, à Paris, apprenti-typographe à l’imprimerie Blanchard. Algérie pour 27 mois et 27 jours, entre 1959 et 1961. Vendeur d’aspirateurs, magasinier, puis entrée  aux éditions Fleurus. « J’emballe les livres et les livres m’emballent. » Neuf ans plus tard, Pierre Marchand quitte la maison, quoique désormais à la direction, et crée, avec Jean-Olivier Héron, le mensuel Voiles et Voiliers. Dettes que les deux amis épongent en entrant chez Gallimard avec un projet d’édition d’édition pour la jeunesse accepté aussi par Nathan et Hachette. On connait, entre autres créations, les collections 1000 soleils, Folio Junior, Cadet et Benjamin, Enfantimages, Les Yeux de la découverte, Les premières découvertes, Découvertes Junior. Le catalogue accueillera un temps Christian Bruel et Le Sourire qui mord. Pour les adultes, les innovants Guides (touristiques) Gallimard. « Bien des années plus tard, début 1999, j’entre chez Hachette pour y honorer un contrat proposé par Bernard de Fallois vingt-sept ans auparavant et que je n’avais pas signé. »

Le Grand Prix de Poésie pour la Jeunesse

Grâce à la rencontre du Secrétariat d’Etat à la Jeunesse et aux Sports et de la Maison de Poésie, le premier Grand Prix de Poésie pour la Jeunesse a été décerné en octobre 1989.

    Quatre cent vingt deux poètes ont concouru, quatorze manuscrits ont été sélectionnés et le jury, sous la présidence de Claude Roy, a attribué ce prix de 30 000 francs à un poète belge, Pierre Coran, pour son recueil Jaffabules, tout en soulignant également la grande valeur du manuscrit de Marc Alyn, A la belle étoile. La remise du prix a eu lieu à l’Hôtel de Massa, à Paris, le samedi 21 octobre 1989, pendant la Nuit de la Poésie, retransmis par France-Culture.

    Jaffabules sera prochainement édité dans la nouvelle collection de poésie Hachette-Jeunesse.

    Ce Grand Prix attire l’attention sur la vitalité de cette création poétique par le grand nombre des candidats. Mais la sélection sévère, qui s’est opérée dans le plus stricte anonymat, montre que les deux organismes responsables sont soucieux de promouvoir une politique de qualité et d’exigence dans un genre particulièrement difficile.

    Par-delà cette excellente sélection, ce premier Grand Prix consacre l’importance de la poésie dans la littérature de jeunesse. Grâce au travail des enseignants, des bibliothécaires, des animateurs, des critiques, etc, la rencontre des enfants et des adolescents avec la poésie de leur époque est souvent une réalité quotidienne – et l’on sait qu’elle se prolonge tout naturellement par une création personnelle de chaque enfant.

    Par ailleurs, pour beaucoup de poètes contemparains, cette rencontre est une expérience importante, essentielle même, par la qualité d’accueil de ce jeune public qui, en dehors de tout snobisme, est un vrai public, inaccessible aux modes, mais sensible à la seule qualité du texte qui lui communique son émotion.

    Beaucoup de poètes vont aujourd’hui retrouver les enfants dans des classes ou des bibliothèque, pour se ressourcer.

    En cette fin du XXème siècle, enfance et poésie semblent avoir partie liée – mais on sait aussi que la poésie n’a pas d’âge.

    Ce mouvement qui poursuit son cours influencera forcément la poésie des prochaines années et rélèguera sans doute au second plan un hermétisme désuet, au profit d’une poésie plus vaste, plus généreuse, mieux partagée.

    Le grand succès de ce premier Prix le montre bien, puisque des poètes de tous âges, de pays divers, en des styles différents, des « amateurs » inconnus et des « professionnels » célèbres ont participé à ce concours.

    Voulant poursuivre leur aide à cette rencontre de la jeunesse et de la poésie vivante, le Secrétariat d’Etat et la Maison de Poésie ont donc décidé de lancer dès à présent une deuxième édition, celle de 1990, doté d’un prix de 40 000 francs. Le règlement peut en être demandé au Secrétariat à la Jeunesse et aux Sports, 78 rue Olivier de Serres, 75015 Paris.

    Il reste à résoudre le problème de la diffusion de cette poésie vivante. Beaucoup de manuscrits de valeur (en particulier parmi les quatorze sélectionnés) mériteraient d’être édités. Le poésie ne devrait pas être incompatible avec la grande édition moderne.

    La réussite de ce prix montre en tout cas que la poésie pour l’enfance et la jeunesse est un secteur vigoureux de la création contemporaine.

( texte paru dans le n° 37 – 3/1989 – du bulletin du CRILJ )

   jaffabules

D’abord instituteur et professeur, puis écrivain, anthologiste, directeur de collections chez plusieurs éditeurs, Jacques Charpentreau fit beaucoup pour la diffusion de la poésie. Parmi ses nombreux recueils pour jeunes lecteurs : Poèmes d’aujourd’hui pour les enfants de maintenant et Poèmes pour les jeunes du temps présent. Il écrivit aussi, pour les enfants, de nombreux romans (Comment devenir champion de football en mangeant du fromage, La Famille Crie-toujours). Auteur, pour des lecteurs adultes, de poésie, de théâtre, de pamphlets, il est président de La Maison de Poésie. Très attaché au CRILJ, il en fut longtemps l’un des vice-présidents.